Édouard Pignon : Femmes en Méditerranée : Catalanes à Collioure, étés 1945-1946

Affiche_1À l’occasion du vingtième anniversaire de la mort d’Édouard Pignon, le musée d’art moderne de Collioure présente jusqu’au 13 octobre 2013 une sélection de 25 tableaux et 18 dessins réalisés lors de ses séjours d’été en 1945 et 1946. Une dizaine de céramiques un peu plus tardives complètent cet ensemble.

Joséphine Matamoros assure le commissariat d’exposition en compagnie de Philippe Bouchet, historien de l’art. Pendant les nombreuses années de sa direction du musée d’art moderne de Céret,  Joséphine Matamoros s’est efforcée de montrer, à travers 130 expositions, que l’on ne pouvait réduire la place de la Catalogne dans l’histoire de la modernité aux séjours de Matisse et Derain à Collioure et à ceux de Picasso et Braque à Céret.  L’an dernier, elle évoquait  par une remarquable exposition les séjours de Léopold Survage à Collioure entre 1925 et 1932.

Poursuivant ces recherches menées depuis de nombreuses années pour démontrer l’importance du passage des artistes dans la région comprise entre Collioure, Céret et Cadaqués, l’exposition Édouard Pignon : Femmes en Méditerranée : Catalanes à Collioure, étés 1945-1946 présente, sur le lieu de leur création, une grande partie du travail que  Pignon réalisa au cours des étés 1945 et 1946.

Lorsqu’il arrive à Collioure, Édouard Pignon a 40 ans. Il peint depuis dix ans a participé à plusieurs expositions. Comme pour  Matisse, Derain ou Survage, Collioure agît comme révélateur. Mais, comme le souligne Joséphine Matamoros dans le catalogue «[…] à la différence des Fauves : Matisse, Derain, Marquet, Pignon, lui, ne s’intéresse nullement aux paysages somptueux, empreints des parfums capiteux de la végétation locale, bien qu’il en parle avec nostalgie dans sa correspondance avec Mucha. Il peint, et surtout dessine, les toutes dernières vieilles Catalanes, celles qui n’avaient pas encore abandonné la tradition méditerranéenne. Car nous étions bien dans une époque charnière, où les traditions locales et les modes de vies ancestraux allaient être balayés par un changement radical dû à l’ouverture de nos côtes maritimes au tourisme, puis au tourisme de masse ».
Le monde des femmes à la peine autour du port et des usines d’anchois est proche de celui que Pignon avait connu à la mine et à l’usine. Il peint ici ce monde de travail et de la peine qui est en phase avec son engagement politique et social.   Ses Catalanes, ses Remmailleuses de filets, ses Femmes qui pleurent apparaissent comme des figures hiératiques.

La démarche qu’il entreprend est totalement différente de celle qu’il avait suivie jusqu’alors. Pour Joséphine Matamoros,  il explore une « abstraction-figuration » qui l’éloigne peu à peu de l’influence de Picasso et des gothiques.  Lorsqu’il approche un thème nouveau, il  multiplie dessins et aquarelles d’après nature, puis exécute les toiles plus tard à l’atelier. La commissaire de l’exposition rapporte que dans le carnet de juillet 1946, il commente : « Après-midi. Travail sur le port. Croquis rapides. Le ciel est gris en fin d’après-midi. Rechercher dans la nature des formes qui conviennent bien à l’esprit des futures toiles. La peinture peut être abstraite et figurative.»
Il entame un travail par série. Dans celle des Catalanes, il réalise des sous-séries comme les pleureuses, les Catalanes assises, les pêcheurs, les remailleuses de filets

En mai 1946, la Galerie de France présente une exposition entièrement dédiée aux Catalanes qui fut accueillie très favorablement par la critique.
Pignon poursuit ce travail en série à Ostende  autour des activités du port et des pêcheurs  (1947-1949), puis dans le Nord avec la série des Mineurs (1948-1952). Il réalise ensuite les séries des Oliviers (1958-1964), des Combats de coqs (1959-1968), des Battages et des Pousseurs de blé (1961-1962), des Batailles (1963-1964), des plongeurs (1962-1966) ou encore des Têtes de guerriers (1964-1967), L’Homme à l’enfant endormi (1970-71)  et Nus blancs puis Nus rouges (1973-1976)…

Parmi les toiles exposées, on remarque Les remailleuses de Collioure, 1945 du musée Antoine Vivenel de Compiègne,  La Catalane, 1945 d’une collection particulière, Catalane sur fond bleu (La grande catalane), 1946 du Centre Pompidou, en dépôt au musée d’art moderne de Céret, Les remailleuses de filets, 1946 du musée d’art moderne de Céret ou encore Catalanes au filet, 1946 du musée des Beaux-arts de La Chaux-de-Fonds en Suisse.

Les œuvres graphiques ont été prêtées par le musée d’art moderne de Céret et  divers collections publiques ou privées. Le musée possède un fonds de 32 dessins de grands et moyens formats des années 1945 et 1946 acquis en 2001, et 9 dessins donnés par Nicolas Pignon des mêmes années. Une vingtaine de ces feuilles sont présentées dans une salle attenante à l’exposition.

Proche de Picasso, avec lequel il partage ses engagements politiques, Pignon séjourne plusieurs fois à Vallauris, pour partager « une vie de peintre ». Il y découvre la céramique. Avec cette nouvelle technique, il reprend plusieurs sujets de ses séries. En 1953 et en 1954, il réalise des vases en terre cuite aux  figures de Catalane, utilisant pour le décor la peinture à l’engobe et les incisions.

À l’exception de deux pièces issues des collections du musée d’art moderne de Céret, les céramiques exposées proviennent de collections particulières.

Le catalogue est édité par Somogy. Au sommaire, des articles de Joséphine Matamoros, conservatrice honoraire du patrimoine et co-commissaire de l’exposition, Philippe Bouchet, historien de l’art et co-commissaire de l’exposition, Natalie Adamson,  historienne de l’art, maître de conférences en histoire de l’art moderne et contemporain à l’université de St Andrews et le témoignage de Michel Ragon, critique, historien de l’art et de l’architecture, écrivain.

En savoir plus :
Sur le site du musée d’art moderne de Collioure

Édouard Pignon (à droite), avec Pablo Picasso et André Verdet en 1962

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