Le projet de décors pour la mairie d’Asnières-sur-Seine de Paul Signac présenté au Musée Fabre de Montpellier

Cet été, le musée Fabre présente Signac, les couleurs de l’eau à l’occasion du 150ème anniversaire de la naissance du peintre, un des fondateur et théoricien du mouvement néo-impressionniste.

Parmi les 35 œuvres inédites qui  viennent enrichir l’exposition présentée au printemps par le musée des Impressionnismes à Giverny, le musée Fabre expose un exceptionnel projet de décors réalisé par Signac pour la mairie d’Asnières-sur-Seine, en 1900.

P. Signac, Le projet de décors pour la salle des fêtes de la mairie d'Asnières-sur-Seine, panneau central n°3, 1900, huile sur toileCollection particulière Copyright Tous droits réservés / cliché J. Hyde
P. Signac, Le projet de décors pour la salle des fêtes de la mairie d’Asnières-sur-Seine, panneau central n°3, 1900, huile sur toile
Collection particulière Copyright Tous droits réservés / cliché J. Hyde

Ce travail, peu connu, a été très rarement présenté au public. Deux des quatre panneaux ont été exposés pour la dernière fois au musée du Louvre, il y a 50 ans, en 1963.

Le musée poursuit ainsi son action pour faire découvrir au grand public les interventions, souvent oubliées, d’artistes dans le domaine du décor. On se souvient, entre autres, de la superbe mise en scène de décors peints par Mucha pour le pavillon de la Bosnie-Herzégovine à l’Exposition universelle de Paris en 1900, présenté en 2009, ou encore de la  reconstitution du décor de la salle à manger du château de Domecy, en Bourgogne par Odilon Redon qui a marqué l’exposition de 2011.

Conservés dans une collection privée, trois des quatre tableaux du projet de Signac ont été endommagés par un grave dégât des eaux. Une importante opération de restauration a été engagée pour permettre leur présentation.

Le travail de restauration effectué est particulièrement mis en valeur dans l’exposition. L’équipe du musée s’attache à montrer au public qu’une exposition ne se limite pas à l’accrochage d’œuvres exceptionnelles sur des cimaises. En effet, elle se doit d’être l’aboutissement d’un important travail de recherche scientifique qui conduit parfois à d’indispensables restaurations afin d’assurer la conservation des œuvres et de permettre leur présentation au public. La restitution du travail scientifique est malheureusement souvent réduite aux articles d’onéreux catalogues

On ne peut que saluer le musée Fabre pour la rigueur scientifique de ce travail et pour la volonté de le faire partager au plus grand nombre.

Nicole Bigas, Vice-présidente de Montpellier Agglomération déléguée à la Culture et aux Enseignements artistiques, Michel Hilaire, Directeur du musée Fabre de Montpellier Agglomération et Marie Lozon de Cantelmi, commisaire de l'exposition et responsable du département XIXe et art contemporain au musée Fabre de Montpellier Agglomération, ont présenté cet après-midi le projet de décor pour la salle des fêtes de la mairie d'Asnières-sur-Seine dans les salles de l'exposition Signac, les couleurs de l'eau, aux côtés de la restauratrice Anne Baxter. Crédit photo Montpellier Agglomération
Nicole Bigas, Vice-présidente de Montpellier Agglomération déléguée à la Culture et aux Enseignements artistiques, Michel Hilaire, Directeur du musée Fabre de Montpellier Agglomération et Marie Lozon de Cantelmi, commisaire de l’exposition et responsable du département XIXe et art contemporain au musée Fabre de Montpellier Agglomération, aux côtés de la restauratrice Anne Baxter.
Crédit photo Montpellier Agglomération

Le projet de décors de Signac pour la salle des fêtes de la mairie d’Asnières-sur-Seine

En 1900, un an après l’achèvement des travaux du nouvel hôtel de ville, le département de la Seine lance un concours « pour la décoration artistique de la salle des fêtes de la mairie d’Asnières ».
114 candidats déposent un projet. Parmi eux, Paul Signac, mais aussi Raoul Dufy, Othon Friesz et le Douanier Rousseau.
Signac présente des esquisses au 1/10ème pour cette salle de 22 mètres en longueur et 11 mètres en largeur. C’est le seul concours auquel il ait participé. Sa proposition n’est pas retenue, le peintre marseillais Henri Bouvet remporte le concours.

Signac a un lien particulier avec Asnières. Ses parents y étaient commerçants. Il y vit jusqu’en 1880 avant de s’installer à Paris et sa mère y a réside jusqu’en 1889.
Asnières est aussi un lieu important choisi par les peintres à la fin du XIXème :  Van Gogh, Émile Bernard, Georges Seurat y peignent . Paul Signac réalise plusieurs paysages et vues de la Seine à Asnières.

Pour le projet de décors, Signac représente, sur quatre panneaux, les deux rives de la Seine. Côté Asnières sont représentées les activités de loisirs et en particulier le nautisme, et côté Clichy, les activités industrielles. Le pont de chemin de fer relie les deux rives du fleuve.

Ces quatre panneaux guère connus. L’œuvre n’est représentée que par de petits clichés, peu évocateurs  dans le catalogue raisonné du peintre. Le musée Fabre a la chance de connaître la propriétaire de ces esquisses. Les commissaires de l’étape montpelliéraine réussissent à la convaincre de prêter ces quatre tableaux pour l’exposition.

Une restauration indispensable.

Avant d’être exposé, une restauration est nécessaire. La propriétaire avec le soutien de la Fondation Typhaine accepte son financement. Les conservateurs du musée Fabre choisissent de travailler avec Anne Baxter, une restauratrice de Montpellier.

Un constat d’état est réalisé en juillet 2012. Le panneau « des trois voûtes » a déjà fait l’objet d’une campagne de restauration. Les trois autres panneaux ont été endommagés par un grave dégât des eaux. Les soulèvements de la couche picturale sont importants. Un encrassement a fait perdre aux couleurs leur éclat. Des lacunes importantes font apparaître la toile.

Michel Hilaire, directeur du musée Fabre, Marie Lozon de Cantelmi, commissaire de  l’exposition et responsable du département XIXe et art contemporain au musée Fabre, Anne Baxter la restauratrice et la propriétaire s’accordent rapidement pour laisser les lacunes apparentes et éviter toute restauration illusionniste. Ce choix est un choix à la fois éthique et technique.
En effet, il a été convenu  de ne pas cacher les dégâts que l’œuvre a subis au cours de son histoire et donc de respecter cette dernière. Techniquement, l’importance des pertes de matières dans les zones lacunaires, les informations disponibles et la pratique néo impressionniste dans laquelle la peinture est posée touche par touche ne permettent pas une restauration qui puisse réinterpréter la touche de l’artiste et qui corresponde à l’image d’origine.

Le traitement de conservation a commencé par un renforcement des faiblesses des toiles. Les nombreux soulèvements de la couche picturale ont été refixés. Pour cette consolidation, les tableaux ont été mis à plat sur une table aspirante. Les écailles ont été refixées une à unes à la colle d’esturgeon. Ce travail minutieux a demandé le travail de trois personnes pendant plusieurs semaines (Florence Adam et Nathalie Paulhe ont soutenu Anne Baxter dans cette tâche).
Dans une deuxième phase, la restauratrice a entrepris un nettoyage des panneaux pour éliminer la couche de crasse qui s’était accumulée au fil du temps. Rapidement une question s’est imposée : Pourquoi les parties blanches semblaient-elles plus sales que les zones colorées ? Un examen attentif et des analyses scientifiques ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une illusion. Le plomb contenu dans le pigment blanc utilisé par Signac est remonté en surface où son oxydation a favorisé l’encrassement par  le soufre et  les poussières contenus dans  l’air. Cette étude a permis l’utilisation de solvants adaptés pour dissocier la couche de crasse du pigment. Ce nettoyage a redonné aux zones peintes tout leur éclat.

(Cliquez sur une photo pour lancer un diaporama)

Pour le traitement des lacunes, le choix a été légèrement différent selon les panneaux :
Sur le panneau « aux cinq fenêtres », probablement stocké en position verticale, les dégâts concernaient surtout les parties en grisaille au niveau des fenêtres. Les paysages étaient relativement épargnés, en particulier ceux des deux extrémités. Dans la partie supérieure des fenêtres, la couche picturale avait disparu et la toile était apparente. La compréhension du tableau était très perturbée par ces manques. En conséquence, l’équipe a choisi de reconstituer les zones de grisaille qui avait disparues. En effet, ces dernières ont peu d’importance dans l’œuvre du peintre. Couverte d’une fine couche blanche unie, elles ne font que représenter des parties qui ne sont pas concernées par le décor.
Les panneaux des petits côtés (« à une voûte » et « à la cheminée ») ont certainement été stockés l’un contre l’autre. Leurs deux parties droites ont été fortement abîmées lors du dégât des eaux. Les lacunes très importantes font apparaître la toile. Le choix des conservateurs et de la restauratrice a été de ne pas reconstituer les parties manquantes. Dans ces zones, les quelques éléments picturaux encore présents ont été fixés. Ils permettent ettent de conserver le geste de Signac.hnique néo impressioniste, er a reconstituer les usages ont été relativement épargnde conserver une trace du geste de Signac.

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À voir, dans l’exposition Signac, les couleurs de l’eau au Musée Fabre du 13 juillet au 27 octobre 2013.

Lire l’article sur l’exposition

En savoir plus :
Sur le site du musée Fabre

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