Vladimir Skoda, Constellations à Campredon, Isle sur la Sorgue

AfficheDu 1er mars au 14 juin 2014, le centre d’art Campredon à l’Isle sur la Sorgue présente Constellations, une exposition qui rassemble des œuvres récentes du sculpteur Vladimir Skoda.

On se souvient, avec émotion, de l’invitation que le musée Reattu, à Arles, avait faite au sculpteur d’origine tchèque, à l’été 2011, dans le cadre de l’accrochage « Sur mesures », peu après « Trou blanc », au Carré Saint Anne à Montpellier  . On garde aussi le souvenir de son installation, « Danaé »,  dans la cour du musée Fleury  à Lodève, l’été dernier ou  encore des miroirs vibrants présentés à la galerie AL/MA de Montpellier pour « Miroirs du temps », dans le cadre de l’événement «Casanova forever» en 2010.

À l’Isle sur la Sorgue, Evelyne Artaud, commissaire de l’exposition, nous promet une présentation des œuvres qui  donnera aux visiteurs « des équivalents visuels d’un scénario cosmique que nous commençons à peine à mieux connaître grâce aux découvertes scientifiques, tout en l’ayant éprouvé autour et en nous au cours de toute notre existence ».

L’exposition a été présentée sous une forme légèrement différente au centre d’art André Malraux de Colmar, à l’automne 2013. Après l’Isle sur la Sorgue, elle devrait ensuite être accueillie au musée Muséum départemental de Gap et à l’Arsenal Musée de Soissons.

C’est donc avec attention que l’on rendra compte de ce projet après une prochaine visite.
L’exposition est accompagnée d’un ouvrage publié par les éditions La Pionnière, De l’intérieur.

Carton

Vernissage le 28 février 2014 à 18 h, en présence de Vladimir Skoda
Du mardi au samedi  10 h-12h30 / 14h-17h30

En savoir plus :
Sur le site du centre d’art Campredon
Sur la page Facebook du centre d’art Campredon
Sur Pérégrines, site d’Evelyne Artaud, commissaire d’exposition indépendant.

Présentation de l’exposition par Evelyne Artaud, commissaire de l’exposition (dossier de presse)

L’exposition Vladimir Skoda présentera un choix d’œuvres majeures du sculpteur réalisées au cours de ces dix dernières années, par lesquelles il donne aux visiteurs, des équivalents visuels d’un scénario cosmique que nous commençons à peine à mieux connaître grâce aux découvertes scientifiques, tout en l’ayant éprouvé autour et en nous au cours de toute notre existence. De l’intérieur, sera le titre du livre qui accompagnera cette exposition de l’œuvre de Vladimir Skoda, dont la force et l’originalité viennent de l’intensité même de cet échange entre la pensée de l’artiste et les recherches et hypothèses les plus avancées de l’astrophysique contemporaine. Cependant, cette pensée-artiste n’en est jamais une représentation, ni même la transcription de ces recherches actuelles, mais elle jaillit en un acte d’intelligence qui se saisit de la matière brute pour en constater à la forger, que la forme d’une sphère est conditionnée non seulement par le désir esthétique du sculpteur, mais aussi par sa masse, donc par sa présence en ce monde, assujettie aux lois de la pesanteur et de la gravitation.

Une œuvre puissante se développe alors, née de cette première évidence, qui se saisit elle-même prise dans l’incertitude de cette première image de pensée provoquée par l’acte artistique lui-même. Elle serait ainsi l’image de cette pensée intuitive qui se nourrit des doutes que génère l’avancée dans l’inconnu du non-savoir, l’image d’une trouée née de l’hésitation devant l’énigme de notre présence au monde.

La suite des dessins et gravures qui rythment la présentation de ce parcours , vient ainsi confirmer le tremblement propre à ce jaillissement que produit la réalisation de cette oeuvre sculptée, réalisation qui, contrairement au lieu commun qui la qualifierait d’expression, s’affirme ici plutôt comme un instrument de connaissance.

Vladimir Skoda

Vladimir Skoda, né à Prague le 22 novembre 1942, est un sculpteur français d’origine tchèque qui vit et travaille à Paris et à La Monnerie-le-Montel en Auvergne. Vladimir Skoda grandit en ayant un intérêt particulier pour les mathématiques et la physique. S’intéressant au travail manuel, il entame une formation de tourneur-fraiseur puis suit des cours du soir de dessin et de peinture en parallèle de l’usine.

En 1968 il quitte Prague pour venir s’installer en France. Il étudie alors à la faculté des lettres à Grenoble, suit des études à Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Georges Jeanclos et de César. Il délaisse progressivement la peinture et engage un travail de sculpture sur le métal.

Entre 1973-1975 il séjourne à Villa Medicis à Rome et élabore une série des sculptures en fil de fer et dès 1975 il amorce ses premiers travaux à la forge qui se concrétisent à la fin des années 70 par la réalisation de sculptures monumentales.

Après ses premières expositions personnelles à la galerie Primo Piano à Rome (1975) et à la galerie Ilanne à Paris (1977), Vladimir Skoda construit en 1979 un oeuvre monumentale pour le symposium « Situation 1 » à Regensburg et commence à exposer en Europe. La même année, il est nommé professeur à l’Ecole des Beaux-Arts du Havre.

Après son exposition personnelle au Musée d’Art Moderne de Paris en 1987, où il présente une série de boules forgées intitulée « d’intérieur », dans son travail la sphère parfaite a apparu en 1988, après une pratique de la forge. Il réalise ses premières sculptures sphériques à surface réfléchissante en 1991, présentées en 1992 lors de son exposition personnelle aux Moulins Albigeois à Albi. En 1994 il s’inspire du mouvement permanent du pendule pour obtenir une image déformée de l’espace environnant et une vision de l’infini en mouvement.

En tant que sculpteur et graveur, il a participé à de nombreuses expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger notamment au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, au Musée des Beaux Arts André Malraux du Havre, au Centre d’Art Contemporain de Vassivière, au Centre Georges Pompidou, au Musée des Beaux-Arts de Montréal, au 10neuf à Montbéliard, à la Fondation Maeght, … Les oeuvres de Vladimir Skoda sont acquises par plusieurs collections publiques en Allemagne, en République tchèque et en France.

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Vladimir SKODA Les miroirs du temps. Du 24 juin au 25 septembre 2010. Galerie AL/MA, Montpellier

Extrait du catalogue de l’intérieur éditions La Pionnière, Paris, 2013. Texte de Pierre Wat.

« Vladimir Skoda est-il un artiste savant ? Qu’il soit artiste ne fait pas de doute et qu’il soit savant, tout semble le prouver, y compris au spectateur le plus incompétent dans ce domaine, à commencer par les titres qu’il emploie – Éclipses, Trous noirs, Cinq corps de Platon, Galileo-Galilei, Entropie… – qui sont comme autant de façons d’indiquer quel savoir informe sa pratique de sculpteur. Mais la question, formulée autrement, pourrait être : Skoda produit-il un art savant ? Je veux dire un art indexé sur son rapport compétent à la science (en l’occurrence à la physique, avec une prédilection manifeste pour cette branche de l’astrophysique qu’est la cosmologie), qui nécessite un spectateur informé, comme lui, des théories sur la structure, l’origine et l’évolution de l’univers ? Manifestement, il n’en est rien, car l’œuvre de Skoda, et c’est là sa force, s’offre à nous – c’est-à-dire à des regardeurs qui, pour la plupart, ignorent tout ou presque des beautés complexes de la physique – sous l’apparence de l’évidence. Quoi de plus « simple », en effet, quoi de plus « primordial » que cette forme ronde et parfaite, la sphère, qui est aujourd’hui l’unité syntaxique de son travail ? On a, du moins dans un premier temps – car la durée est la condition nécessaire d’un rapport véritable avec cet art qui excède largement la production et la présentation d’objets – la sensation que quelque chose se livre là, dans une forme d’immédiateté qui, même si elle n’est pas aisément nommable, semble toucher à l’essentiel.

Quelque chose comme la présentation, par le sculpteur, de formes archétypales – ces Urformen originelles dont parlait Goethe – qui seraient peut-être celles dont la combinaison, à l’infini, aurait engendré l’univers dans toute sa complexité. Sensation double, donc, à la fois d’une forme d’évidence, mais aussi, intuitivement, du fait que celle-ci est le voile sous lequel l’artiste a su manifester l’infiniment complexe. Tout l’art de Skoda, de fait, réside dans cette double lecture. Car s’il ne se veut pas artiste savant, produisant des objets de science pour un public d’initiés, il est, profondément, et artiste et savant, cherchant par l’art à instaurer une forme sensible de rapport au savoir scientifique.

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Espace Malraux de Colmar, Miroir du temps, du 8 novembre 2013 au 12 janvier 2014

Ce que j’appelle forme sensible peut, me semble-t-il, s’appréhender en se plaçant du point de vue du regardeur. A se tenir devant une œuvre de Skoda, on éprouve physiquement quelque chose, même si, ce que l’on éprouve, on ne le comprend pas nécessairement. Il en va de la sculpture de Skoda comme des lois de la pesanteur : nous sentons tous que notre corps pèse et que ce poids tend vers la terre plutôt que le ciel, mais savons-nous réellement pourquoi ? Ce que la physique explique, nous le vivons chaque jour, même sans le comprendre, ce qui ne nous empêche ni de le vivre ni de l’éprouver. Ainsi en va-t-il de la sculpture de Skoda, qui prend son point d’appui sur un savoir scientifique rigoureux – qui fonctionne ici comme un socle – mais n’exige nulle communauté de connaissance pour être éprouvée par qui s’y confronte.

Chez Vladimir Skoda, la recherche de l’explication égare, là où l’expérience de l’oeuvre perturbe. Il y a là, sans doute, une malice de l’artiste qui nous indique des voies (sinon pourquoi ces titres ?) qui sont autant de chausse-trappes conduisant, in fine, celui qui veut bien prendre ce risque à accepter de renoncer à comprendre pour éprouver d’autant mieux. L’expérience contre la rationalisation. L’épreuve muette contre le discours distancié. Telle est l’ouverture, le chemin que propose l’art de Skoda : celui d’un renoncement, par l’égarement, à la connaissance rationnelle, pour lui substituer une autre modalité du savoir, expérimentale. Ainsi, Vladimir Skoda ne cherche pas à expliquer, mais à faire éprouver. Et c’est dans cette différence que se tient son rapport à la science. S’il lui est nécessaire de comprendre la pensée de Galilée, de maîtriser la démonstration de Foucault, ça n’est pas pour nous les expliquer, façon pédagogue usant de l’art comme un outil de vulgarisation, mais pour nous faire éprouver expérimentalement les lois de la physique que ces hommes-là ont mis au jour. Ce qui implique une double acception du terme expérience, que ne rend pas le mot français, mais qui s’entend en allemand par l’usage de deux termes : Erfahrung et Erlebnis. Le premier désigne l’expérience acquise dans un domaine par la pratique, et renvoie, de ce point de vue, à la pratique concrète de la sculpture qui, chez Skoda, se veut apprentissage en actes des lois de la physique. Le second, Erlebnis, qui désigne une aventure que l’on vit et qui nous modifie, permettant de nommer cela même qu’éprouve un regardeur, dans la durée, face à une oeuvre de Skoda. Ainsi, la trajectoire du travail de l’artiste va-t-elle d’un apprentissage à un désapprentissage : autrement dit, d’une appropriation des savoirs scientifiques par un artiste à une épreuve du non-savoir chez le spectateur. Car ce que le sculpteur expérimente sur nous et qui, de fait, nous modifie, et, pour commencer nous déstabilise physiquement, c’est bien la mise en péril de tout ce qui fait, ou faisait, notre rapport stable au monde :

Capacité à se reconnaître dans un miroir, différenciation sans ambiguïté entre le haut et le bas, la droite et la gauche, vérification par le corps des lois de la pesanteur… toutes choses qui, nous permettant de nous tenir debout, de nous déplacer, et de ne pas confondre le même et l’autre, sont ici avec rigueur et délice mises à mal implacablement ».

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