Anne Jallais, Turbulences, paysages extensibles à l’espace Bagouet, Montpellier

Anne Jallais est une artiste montpelliéraine qui a exposé régulièrement ces dernières années dans les galeries et les lieux d’art contemporain de la région. L’espace Bagouet, lieu d’art et de patrimoine lui a offert, comme cela avait été fait pour André Cervera, la possibilité de concevoir une exposition spécifique pour le lieu.

Ni monographie, ni rétrospective, (l’espace Bagouet ne le permet pas), Turbulences, paysages extensibles est conçue comme un regard sur le travail actuel de l’artiste. Les toiles ont toutes été réalisées ces derniers mois. Pour la très grande majorité des œuvres, Anne Jallais a fait le choix de peindre pour cette exposition, répondant, de fait, quasiment à une commande.

Anne Jallais, Turbulences, paysages extensibles à l’espace Bagouet
Anne Jallais, Turbulences, paysages extensibles à l’espace Bagouet – de gauche à droite : Les Combats5, 2014 ; Les Echappées 15, 2014 ; Les Echappées 20, 2014.

Les œuvres qu’elle nous propose évoquent  les colères, les remous, les débordements liés à des phénomènes sociétaux ou naturels… « Et ce n’est pas les événements qui ont manqué, ces dernières années, pour nous bousculer »,  confie-t-elle. « Ce travail a commencé pendant une période d’enfermement dans l’atelier, branchée en permanence sur les informations… Révoltes dans les pays du sud… mais aussi phénomènes naturels comme les tsunamis ».

Les Tumultes

Les toiles les plus anciennes appartiennent à la série « Les Tumultes ». Ce sont des tableaux « assez étroits dans lesquels on est happé et immergé » selon l’expression d’Anne Jallais. Sur un fond blanc qui aspire le regard, les traces de brosses suggèrent remous et tourbillons. Les deux premiers tableaux de la série (Les Tumultes 1 et Les Tumultes 2, 2013) semblent faire une paire. Ils s’opposent par leurs couleurs contrastées.

Sous-titrés « ce qui arrive », Anne Jallais écrit à leur propos sur son site :

La forme turbulente, imprévisible, infiniment extensible, qui pourrait définir la plasticité du chaos, menace d’engloutir toute réalité.
L’expérience extrême des eaux déchaînées offre des temps de confrontation rapprochée, étourdissante.
À l’image des mouvances de l’océan, les gestes peignent les retournements et les forces limites qui se succèdent avec douceur et violence, cherchant à dégager une vision lucide, du « haut de la vague ».

Dans toiles suivantes (Les Tumultes 4 et les Tumultes 6, 2014) les traces peintes semblent se concentrer, se densifier, s’agglutiner, et peu à peu prendre masse pour préparer l’affrontement.

Anne Jallais, Les Tumultes 6, 2014
Anne Jallais, Les Tumultes 6, 2014. Acrylique sur toile.

Les Combats

Dans la série suivante « Les Combats », le format rectangulaire reste sensiblement le même. Mais le fond peint d’un couleur unie bloque le regard sur le plan de la toile. Les formes peintes sont devenu plus denses, plus épaisses. La matière s’épaissit et les transparences disparaissent. Le contraste entre le fond et les formes est violent (bleu/jaune, rouge/vert, vert/rose, blanc/noir). S’il reste encore trois formes dans Les Combats 1, elles ne sont plus que deux dans Les Combats 2, Les Combats 3 et les Combats 5. On perçoit le choc imminent.  Dans Les Combats 2 et Les Combats 3, on imagine des formes animales et humanoïdes. Les Combats 5 fait plus songer à l’affrontement de blocs de glace qui se disloquent.

Les Échappées

La troisième série, « Les Échappées », de format carré, représentent selon l’artiste une ouverture, une liberté, une respiration qui succède aux « Tumultes » et aux « Combats ». Le fond peint évite toujours au regard de « partir » loin en arrière, mais la teinte apparaît plus lumineuse, plus légère. Les formes perdent leur densité, elles semblent s’éloigner. Le contraste ave le fond s’apaise. Travaillées à plat, par gestes successifs alternant brosses et éponges, on sent dans la matière un retour à la légèreté et à la transparence chère à Anne Jallais et qui est une permanence dans son travail. Cependant, il reste des zones plus denses, des coulures un peu plus épaisses, des lignes presque « tranchantes » qui semblent traduire une tension toujours présente, qu’il suffit de peu pour que la colère et le combat reviennent.

À propos de ce travail, Anne Jallais écrit pour le texte de salle :

À l’image des mouvances de l’océan, les gestes peignent les retournements et les forces limites qui se succèdent avec douceur et violence, cherchant à dégager une vision lucide, du «  haut de la vague  ». Mes peintures s’architecturent comme des territoires soumis aux rebonds, aux débords et aux collisions. Aux colères minérales ou métalliques vont succéder des échappées plus légères, des voiles se soulèvent, la respiration se libère.

Pour Numa Hambursin, commissaire de l’exposition, les toiles présentées à Bagouet  montrent une évolution importante, voire même une certaine rupture dans le travail d’Anne Jallais. Il voit apparaître dans certaines de ces toiles « quelques leçons du Surréalisme », dans un esprit proche de celui de Max Ernst ou de Miro, au moment où le Surréalisme s’est approché de l’Abstraction. L’artiste reconnaît volontiers que des artistes comme Ernst et Picabia ont été importants quand elle était étudiante, au même titre que l’abstraction américaine.

Parmi les 25 œuvres sélectionnées à l’origine, seules  16 ont été retenues pour l’accrochage final qui est le résultat d’une étroite collaboration entre l’artiste et le commissaire. Ils ont choisi de ne pas tenir compte de la chronologie des séries. Les formats allongés des « Tumultes » et  des « Combats » alternent avec les toiles carrées de la série des « Échappées». L’accrochage offre ainsi une rythmique régulière au parcours de visite, agréable à l’œil,  mais qui peut troubler la perception de l’enchaînement qu’il y a dans ce travail.

Jusqu’au  18 mai 2014. 

En savoir plus :
Sur la page de l’Espace Bagouet sur le site de la Ville de Montpellier
Sur la page Facebook de l’Espace Bagouet
Sur le site d’Anne Jallais

Repères biographiques extraits du communiqué de presse :

Anne Jallais est née à Nantes en 1958. Après des études en Histoire de l’Art à Paris et Montpellier, elle intègre l’ESBAMA (l’école supérieure des beaux-arts de Montpellier) où elle est marquée par l’enseignement de Patrick Saytour et Daniel Dezeuze. Elle obtient le Diplôme National Supérieur d’études plastiques en 1992 et entame une série d’expositions  dans des lieux emblématiques de notre région, tels que la Villa Saint-Clair à Sète ou le Lieu d’Art Contemporain à Sigean. Le travail d’Anne Jallais est inscrit dans le paysage plastique montpelliérain et fréquemment présenté par différentes galeries.

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