Donation Jacques Clauzel au musée Paul Valéry, Sète

Jusqu’au 25 janvier 2015, le Musée Paul Valéry présente les 47 œuvres de la donation Jacques Clauzel. Elles viennent enrichir le fonds d’arts graphiques du musée.
L’exposition propose un regard sur la production de l’artiste entre 1990 et 2014. Les tableaux illustrent les expériences du peintre dans les relations entre un support, le papier Kraft et la peinture blanche et noire. Une occasion de découvrir ou d’explorer une œuvre acétique et exigeante.

Une sélection de 20 peintures grand format, l’aboutissement de 50 années de peinture

Le parcours commence par un ensemble de 20 peintures grand format, exécutées entre 2012 et 2014. Elles mettent en lumière les recherches les plus récentes de l’artiste.

Cette série prend son origine à l’occasion de l’exposition Jacques Clauzel-Jean Degottex « deux peintres du peu » au MAMAC de Liège, en 2012. Les volumes du lieu ont conduit Clauzel à réaliser de grands formats, au-delà de ceux qu’il utilisait ordinairement. Ces œuvres de grandes dimensions le conduisent vers une autre approche de son travail. Il choisit de privilégier un format de 220 x 158 cm, qui correspond à la largeur d’un lé de papier Kraft. Cette série de 80 à 90 tableaux apparaissent pour Jacques Clauzel comme une certaine synthèse de ses recherches. Il a donc souhaité offrir à un musée une sélection de ces pièces qu’il ressent comme un moment fort dans son itinéraire, comme l’aboutissement de 50 années de peinture. L’exposition Salah Stétié  et les peintres organisée par le Musée Paul Valéry, en 2013 sera l’occasion de concrétiser ce souhait d’une donation.

 « Le moment où la peinture prend la main… »

Depuis près de 30 ans, Jacques Clauzel n’utilise plus que deux pots de peinture, un de noir et un de blanc … jamais, il ne les mélange.  Les nuances de gris se fabriquent sur le papier par superposition des couleurs plus ou moins fluides, minces et légères. Parfois d’autres couleurs apparaissent, des bleus, des ocres, des roses nacrés… C’est le produit de l’étrange alchimie du noir, du blanc, de la lumière et de la résorption des couleurs. Le brillant et le mat procèdent de la composition des couleurs fabriquées par le peintre. Avec conviction, Clauzel affirme « ce qui me fascine c’est  la possibilité qu’a la peinture de m’étonner ».

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Depuis 30 ans, Jacques Clauzel utilise le Kraft comme seul support. Après de nombreuses expériences de froissages, déchirures, lacérations, scarifications, usures, ponçages et pliages du papier, Clauzel a choisi de plier le support en bandes horizontales et verticales. Pour cette série, il  crée ainsi une grille de surfaces homothétiques à celle du tableau. Un réseau qui offrent  diverses possibilités d’accrochage à la couleur.

L’effacement est un acte essentiel dans le travail de Jacques Clauzel.  Le tableau commence souvent par une trace qu’il tente vainement de faire disparaître. « Toujours,  une mémoire persiste… », écrit-il.

Pour ces œuvres, Clauzel ne se limite plus à poser plus la peinture, mais il la projette de plus en plus à mesure que son travail avance…

La logique d’un parcours…

L’accrochage de ces  grands formats est complété par une sélection de 27 œuvres de taille plus réduite. Elle montre l’évolution du travail de Clauzel, les étapes d’une recherche qui explore les interactions entre le support et la surface peinte.

Les œuvres les plus anciennes ont été réalisées vers 1990. Sur du Kraft lacéré et parfois usé, la peinture, posée sur les deux faces, traverse le support.

Jacques Clauzel, Donation au Musée Paul Valéry, Sète, 2014
Jacques Clauzel, Donation au Musée Paul Valéry, Sète, 2014

Suivent quatre peintures d’une série présentées à la galerie Le Comptoir à Sète, datée de septembre 1996. La couche de peinture acrylique noire est posée sur du papier Kraft et du carton. L’ensemble est ensuite poncé, usé et marouflé sur des panneaux d’aggloméré.

Jacques Clauzel, Donation au Musée Paul Valéry, Sète, 2014
Jacques Clauzel, Donation au Musée Paul Valéry, Sète, 2014

Un peu plus loin, cinq tableaux réalisés probablement de 1998. Ici, Clauzel appliquait une peinture fluide et légère sur son support parfois usé et toujours plié en bandes horizontales.

Jacques Clauzel, Circa 1998, acrylique sur papier kraft plié et usé, 32 x 19 cm
Jacques Clauzel, Circa 1998, acrylique sur papier kraft plié et usé, 32 x 19 cm

La dernière salle rassemble plusieurs œuvres issues de séries réalisées entre 1999/2000 et février 2011. Pour les plus anciennes, le pliage du papier est parfois horizontal, parfois vertical et le nombre de plis est réduit  (de 2 à huit). À partir du milieu des années 2000, le pliage horizontal et vertical se systématise. Il  fait apparaître une trame de plus en plus resserrée. La fluidité de la matière multiplie l’apparition de nuances par superposition et résorption des couleurs. L’accrochage parfois difficile de la peinture sur les plis orthogonaux  du Kraft laisse une place au bistre du papier.

Quelques remarques sur l’accrochage et la médiation…

L’accrochage des deux sections suit l’organisation chronologique du catalogue.

La première partie de l’exposition, en multipliant des formats et une technique identique, donne une impression de répétition. Le regard a un peu de mal à se poser. Malgré leurs dimensions importantes, le  visiteur peut ne pas être immédiatement happé par les œuvres de Jacques Clauzel.  L’engagement que sa peinture impose au regardeur peut émousser son attention, à mesure qu’il progresse dans les salles. Il y a peu de respirations dans cette première partie.. La contemplation des 20 peintures de la série en une seule visite semble difficile.

La seconde partie est clairement plus pédagogique. L’enchaînement des expérimentations menées par l’artiste offre un accès plus facile à l’œuvre et à sa compréhension.
On peut s’interroger sur la pertinence d’avoir séquencé ainsi la présentation de cette donation.

Les quelques lignes d’introduction auraient certainement mérité d’être accompagnées par quelques textes de salle additionnels. Des extraits du  « Bilan d’atelier » que  Clauzel propose dans le catalogue pouvaient aisément donner au visiteur quelques éléments éclairants pour apprécier sa démarche.

L’ouvrage publié par les Éditions Midi-Pyrénées, accompagne le texte particulièrement  intéressant de JC du catalogue complet des œuvres de la donation. Les reproductions sont d’excellente qualité. Jalons biographiques, liste des expositions et bibliographie complètent  cet ensemble.

Soulignons la générosité de Jacques Clauzel qui a récemment donné  800 gravures et de quatre dessins au Musée du dessin et de l’estampe originale à Gravelines. On se souvient également des 180 gravures qu’il avait offertes au musée Réattu à Arles, en 2010.

Nos quelques remarques sur  l’organisation du parcours ne doivent pas décourager les lecteurs de cette chronique d’aller (re)découvrir  le travail de Jacques Clauzel, au Musée Paul Valéry .

La présentation de la donation est accompagnée par une très intéressante exposition des acquisitions récentes du musée et par le ré-accrochage d’un ensemble de peintures du XIXe siècle, restaurées au cours de ces deux dernières années. Le Musée Paul Valéry  rappelle ainsi que l’action du musée ne se limite pas l’organisation d’expositions temporaires. Il montre que sa mission est avant tout d’assurer la transmission du patrimoine, en assurant la pérennité de ses collections, et de constituer le patrimoine de demain, en les complétant ( lire notre chronique ici ).

En savoir plus :
Sur le site du Musée Paul Valéry
Sur la page Facebook du Musée Paul Valéry
Sur le site de Jacques Clauzel

Repères biographiques (extraits du dossier de presse) :

Né le 4 Mai 1941 à Nîmes.

Étudie la peinture dans les écoles des Beaux Arts de Tourcoing, Montpellier et Paris (atelier Chastel). Grand logiste au Prix de Rome en 1964. Diplôme National de peinture.

De 1965 à 1973, d’abord décorateur à la télévision ivoirienne, puis enseignant de Peinture à l’École Nationale Supérieure des Beaux Arts d’Abidjan (Côte D’ivoire). Nombreux reportages photographiques sur l’Afrique (Mali, Burkina-Faso, Niger, Ghana, Togo, Dahomey).
De 1965 à 1968 périodes des papiers, peints, découpés et recomposés. A partir de 1968 se consacre à la photographie de reportage. Collectionne l’art africain qui lui apportera une ouverture décisive sur la peinture.

 En 1973, retour en France. Crée un atelier de photographie industrielle. Est recruté par l’École des Beaux Arts de Montpellier, en 1975 pour y fonder l’atelier de photographie.

En 1976, retour à la peinture par le biais de dessins automatiques. Période de recherches (papiers froissés, puis déchirés et collés, grands papiers marouflés…). Il choisit de travailler sur papier kraft.

À partir de 1985 les thèmes essentiels qui déterminent son oeuvre sont identifiés et présents dans l’ensemble du travail. En même temps que la peinture Jacques Clauzel pratique d’autres techniques (gravure, lithographie, sérigraphie, et photographie), édite des livres d’artiste aux éditions «A travers» et collabore avec de nombreuses autres maisons d’éditions.

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