Retour sur Drawing Room 015

Après le festival Tropisme et les Boutographies, voici donc Drawing Room 015, le salon du dessin contemporain de Montpellier installé à La Panacée. On ne reviendra pas ici sur ces « accueils » et sur la réduction de la programmation de La Panacée qu’ils ont entraînée.

À l’évidence, les organisateurs de Drawing Room 015 ne semblent pas regretter le Carré Sainte-Anne. Les conditions d’accueil à La Panacée sont excellentes. Le salon bénéficie d’une partie des cimaises installées  pour la dernière exposition et la grande salle, sur la droite du patio, a été opportunément cloisonnée de manière à offrir des espaces confortables aux galeries présentes. À de très rares exceptions, l’éclairage est d’excellente qualité.

Toutefois, l’occupation de l’espace par cette 6° édition de Drawing Room reste très sage et un peu routinière. Dans les volumes de La Panacée, on retrouve peu ou prou la logique des stands parallélépipédiques communs aux foires d’art contemporain. Pas de perspectives audacieuses, ni de présentations innovantes, comme on a pu en voir à Art-O-Rama.

Pour cette édition, l’organisation du salon avait annoncé une sélection des galeries sur la base de « projets curatoriaux »… Il faut bien constater qu’il ne s’agissait là que d’un jargon dans l’air du temps, fréquent chez les organisateurs de foires… À la question « Qu’est-ce qui relie ces diverses propositions artistiques ? » on retiendra cette réponse spontanée et frappée du coin du bon sens du galeriste Bernard Jordan «  Et bien, c’est moi ! » N’est-ce pas suffisant ?
Naturellement, on évitera de confronter « projet curatorial » annoncé dans le dossier de presse et la présentation sur le salon, dans compte rendu de visite ci-dessous, …

Si l’ensemble offre quelques belles surprises, on retrouve souvent des œuvres récemment vues dans la région. Il faut souligner la qualité des accrochages. Cependant, il manque à Drawing Room des participations nationales ou internationales plus marquantes pour être plus qu’une manifestation locale ou régionale et atteindre un niveau plus attractif pour les amateurs comme pour les collectionneurs…  En deux éditions, Paréidolie le salon international du dessin contemporain de Marseille est devenu un événement majeur qui marque la rentrée dans le sud de la France avec Art‑O-Rama, la Nuit des galeries et les multiples vernissages qui les accompagnent… Une inévitable concurrence que Drawing Room ne peut ignorer…
On suivra donc avec intérêt la réflexion sur la construction d’un réseau, annoncé par Christian Laune, lors de l’ouverture du salon, un peu sur le modèle de Marseille-Expos ou de Botox(s) à Nice… On en reparlera prochainement.

Les informations pratiques sont sur la page Facebook et sur le site de Drawing Room.
Les expositions qui accompagnent Drawing Room feront l’objet d’autres billets.

Dans les allées du salon…

Bernard Jordan

Cinq artistes pour un ensemble très hétérogène dans la présentation de cette galerie parisienne.
Les très sobres peintures sur papier de  Sébastien Dartout voisinent avec les scènes urbaines colorées, denses, géométriques et sans verdure de Mamadou Cissé. En face, les captivants dessins d’Alexandre Léger où se succèdent assemblage de boites de médicaments et des compositions qui mêlent mots croisés et poèmes sur des feuilles d’écolier… La cimaise est partagée avec d’étranges et inquiétants dessins d’Odile Maarek où elle recouvre d’anciennes illustrations avec du feutre… À sa sélection initiale, le galeriste à ajouté deux oeuvres de l’américaine Sharka Hyland qui redessine au crayon des extraits de romans…

Aperto

La galerie/atelier de Montpellier propose une sélection hétéroclite de huit artistes autour de  l’architecture. On y trouve le travail de jeunes artistes, récemment diplômés, comme Florian Vanderdonckt et Floriana Marty et celles d’artistes plus confirmés comme David Bioulès, José Sales Albella ou Pierre Neyrand… Si l’accrochage est plutôt réussi, on peut toutefois s’interroger sur la place de plusieurs de ces œuvres dans un salon de dessin…

Snap Projects

Interloquée par son invitation à Drawing Room, la galerie lyonnaise a choisi, de répondre avec une certaine ironie, dans un projet titré L’autre dessin. En effet, il est peu question de dessin dans les pièces exposées mais plutôt de traces sur des supports inattendus et avec des outils surprenants… Moto et asphalte pour une photographie chez Jean-Baptiste Sauvage. Chiffres et hasard dans la traduction en RVB des mouvements d’une sonde météorologique, puis d’un générateur numérique aléatoire dans un exemplaire d’une série de bichromes chez Ludovic Lignon. La présence du verre ou son absence qui renvoie ou pas une image chez Sebastian Wickeroth. Plaque de dibon peinte sur les deux faces et le poids de son corps chez Cédric Teisseire. Potentialité d’une image déstructurée par un vert « chroma Key » légèrement résiné dans une pièce de Gwendoline Samidoust

AL/MA

Solo show d’Arnaud Vasseux à la Galerie AL/MA, avec une très belle sélection extraite de deux séries Spray et Empreintes. La galerie a souvent montré son intérêt pour les rapports entre dessin et sculpture. S’il est avant tout sculpteur, Arnaud Vasseux a aussi une pratique du dessin particulièrement inventive dans laquelle il grade toujours la main à distance du support. Comme le soulignait Fabien Faure, dans un texte de 2012, « les questions du contact, de l’adhérence, de l’écart et de la distance, ainsi que les suggestions tactiles qui en découlent sont omniprésentes » dans son travail. Si les dispositifs qu’il met en place sont définis avec précision, il donne souvent une place essentielle à l’expérience. Ce sont ces dispositifs qui font advenir des formes.

La série des « encres flottantes» a été commencée il a plus d’une vingtaine d’années. Bien entendu, elle s’appuie sur la technique japonaise du Suminagashi, dont l’origine remonte au 12° siècle, et qui capte sur une feuille de papier la dispersion d’encres posées à la surface d’un bac d’eau.

Dans les empreintes présentées ici, réalisées en 2014, Arnaud Vasseux a utilisé comme médium du goudron associé à des encres acryliques et à l’huile. Le goudron est un matériau photosensible et la durée de son contact avec la feuille de papier est déterminante dans le résultat final. Certaines de ces œuvres évoquent étrangement des minéraux…

Drawing Room 015 - Galerie ALMA - Arnaud Vassieux , ans titre (encre flottante) 2015, goudron sur papier, 100 x 75 cm
Drawing Room 015 – Galerie ALMA – Arnaud Vassieux , Sans titre (encre flottante) 2015, goudron sur papier, 100 x 75 cm

La série des « Sprays » commencée en 2009, est réalisée par un dispositif qui projette de la peinture horizontalement, à quelques centimètres de la surface du papier. Aucune intervention n’a lieu pendant le temps de la projection. Des objets simples (briques, pierres, sable, gravier, grillage) déposés sur le papier perturbent le flux de peinture. Les traces qui en résultent manifestent en creux la forme et le volume des obstacles rencontrés par la peinture.
Cette série est en partie inspirée par les machines à fumée d’Etienne-Jules Marey, l’inventeur de la chronophotographie, qui consacra les trois dernières années de sa vie à photographier les mouvements de l’air.

Si on doit avouer un intérêt particulier pour le travail d’Arnaud Vasseux, la présentation de ces deux séries par la Galerie AL/MA nous semble être une des propositions des plus abouties du salon…

Iconoscope

La galerie du Faubourg du Courreau occupe une des plus vaste salle de La Panacée. Il lui fallait bien cet espace pour montrer le travail de dix artistes, autour de l’idée d’une évolution de l’image du paysage et de celle des différentes techniques de représentations…
Dans un accrochage élégant et rythmé, on découvre une belle sélection avec des œuvres de Toma Dutter, Hippolyte Hentgen, Alexandre Giroux, Marc Etienne, Lina Jabbour, Stéphanie Majoral, Guillaume Pinard, Benoît Pype, Sigurdur Arni Sigurdsson et Didier Trenet.

Philippe Munda, fondateur du Salon du Salon, est invité par Iconoscope. Il a répondu à la carte blanche qui lui était offerte « avec 4 projets matérialisant les principes fondateurs du Salon du Salon : réunir les conditions nécessaire à l’apparition d’une impression, laisser les hypothèses ouvertes, se tenir prêt pour l’existence de l’œuvre à venir ». Quatre artistes sont donc présents sur une des cimaises : Fouad Bouchoucha, Cindy Coutant, Diane Guyot de St Michel, et Claude Horstmann.

Drawing Room 015 - Iconoscope - Diane Guyot de Saint Michel, Florida Parc, 2015 - Le Salon du Salon
Drawing Room 015 – Iconoscope – Diane Guyot de Saint Michel, Florida Parc, 2015 – Le Salon du Salon

Si l’on a particulièrement apprécié les interventions du public sur les vues aériennes du Florida Parc que propose Diane Guyot de St Michel, cette sélection vient un peu bruiter celle déjà dense et très diverse de la galerie…

Chantiers BoiteNoire

La galerie de Christian Laune occupe la salle dédiée à l’installation The Perfect Sound de Katarina Zdjelar  lors de His Master’s Voice, dernière exposition de La Panacée. De ce fait, elle bénéficie d’une moquette qui donne un côté « cosy » à la présentation, ce qui ne lui va pas si mal…
Regroupées sous le titre un peu fourre-tout de La quatrième dimension, on peut y voir le travail très différent de trois femmes. On retrouve des photogrammes de Nina Roussière que l’on a récemment vus à la galerie ainsi que des autoportraits parfois ambigus et l’univers très particulier de Mïrka Lugosi que le CRAC avait présentés à Sète dans une Projet Room, au printemps dernier. Quelques tirages de grand format réalisés pour le salon accompagnent cette sélection… Enfin, on découvre une série récente de dessins de Valérie du Chéné. On se souvient de sa participation à l’exposition l’Archipel au CRAC l’an dernier. On retrouve ses énigmatiques personnages en morceaux ou décapités qui interrogent fatalement le regardeur.

Le Lieu Commun

Troisième participation à Drawing Room pour ce lieu géré par des artistes. Dans la sélection présentée cette année, on a du mal à trouver des œuvres très saillantes sauf peut être le travail de Pablo Garcia avec ses cartographies de lieux à histoire…

Le 22

La galerie niçoise hérite malheureusement de la situation la plus difficile au niveau de l’éclairage. La lumière naturelle qui vient du patio produit, dans l’après-midi, des reflets qui se sont toujours avéré très gênants pour les œuvres protégées par du verre et exposé à cet endroit…

Drawing Room 015 - le 22 - Claudie Dadu
Drawing Room 015 – le 22 – Claudie Dadu

La série de Claudie Dadu, « Pas vu ce que nous voyons », est probablement placée là où elle n’aurait pas du être installée… Les multiples reflets nuisent fortement à sa contemplation !
Au délicat tracé du corps avec des cheveux de Dadu, s’oppose la pierre noire des dessins sombres et touffus de Quentin Spohn. Inspiré par le dessin de certains comics américain tel que Crumb, mais aussi des mouvements picturaux telles que la Nouvelle Objectivité et l’Ashcan School, le jeune artiste revendique l’influence d’Otto Dix ou de Dado. Il montre ici un imposant et inquiétant dessin sur toile grand format, réalisé pour le salon. La confrontation de ces deux artistes fait presque oublier les dessins plus sages d’Alexandra Guillot.

Gourvennec Ogor

La galerie marseillaise revient à Montpellier avec une intéressante sélection d’œuvres graphiques d’artistes qu’elle représente.

Drawing Room 015 - Gourvennec Ogor. Crédit photo : Agnès Fornells
Drawing Room 015 – Gourvennec Ogor. Crédit photo : Agnès Fornells

On retrouve toujours avec beaucoup d’intérêt le travail de Martine Feipel & Jean Bechameil qui présentent ici deux papiers découpés de la série Dernier souffle, représentations d’immeubles qui s’écroulent doucement… Suit Mate de peau, un ensemble délicat d’empreinte de baisers posés sur le papier par Sabrina Belouaar, une jeune artiste récemment diplômé de l’École supérieure d’art et de design de Marseille.
En face, les superbes dessins minimalistes de Mara Fortunatovic sont, sans aucun doute, notre coup de cœur du salon et qui nous fait regretter de ne pas avoir vu son exposition, Plénitude du vide
et autres paradoxes
, à la galerie au printemps dernier.

Entre ces deux cimaises presque immaculées, aux délicats dessins dont les traits sont à peine perceptibles, vient exploser une sélection extraite de la série Par le feu de Timothée Talard, un des artistes phare de la galerie. Si le contraste est saisissant, on garde le souvenir d’œuvres sur papier plus marquantes de cet artiste. On regrette presque les dessins noirs de Nøne Futbol Club qui étaient annoncés.

Vasistas

A l’occasion de deux mille quinze, exposition consacrée à Michael Viala, Jean-Paul Guarino avait montré une certaine attirance pour les angles entre deux cimaises… Exposant trois artistes, dans un espace à trois coins, il a choisi logiquement d’accrocher leurs œuvres… dans les coins. On retrouve avec plaisir des dessins de Michael Viala vus lors de deux mille quinze. On découvre une série de portraits sur papier incisé de Sylvain Fraysse et avec curiosité trois pièces de Laurent Goumarre, collectionneur, ami du galeriste et photographe plusieurs fois exposées par Vasistas mais aussi par la  Galerie Alain Gutharc.

Olivier Robert

Peut-être le stand le plus surprenant du salon… Son costume, son gilet, sa cravate et ses chaussettes jaunes offre un contraste saisissant et cocasse avec la vêture commune des exposants… Olivier Robert est le seul à qualifier spontanément Drawing Room de foire !

Drawing Room 015 - Olivier Robert. Crédit photo : Agnès Fornells
Drawing Room 015 – Olivier Robert. Crédit photo : Agnès Fornells

À touche-touche, il présente une série de collages Les hallucinations domestiques d’Adeline Parrot, jeune artiste issue de la Villa Arson, invitée par la galerie, qu’Olivier Robert avait envie de confronter à la rudesse des pièces de Joey Haley, artiste de la Colombie britannique auquel Olivier Robert attribue une « faiblesse psychologique assez forte » et qui lui envoie régulièrement des dessins et des toiles. L’accrochage qualifié par le galeriste « d’assez nonchalant » utilise ici un carton comme support à un dessin de Haley, et fait se chevaucher deux  dessins ailleurs, avec une volonté de donner a l’ensemble un aspect « un peu chaotique et flottant »… Dennis Rudolph est le troisième artiste sélectionné par Olivier Robert. Quelques-uns de ses dessins, jamais montrés, esquisses pour son projet The Portal,  complètent l’accrochage.

L’Isba

Pour cette quatrième participation à Drawing Room, l’Isba a choisi de présenter une exposition personnelle et rétrospective de l’oeuvre dessinée de Jean-Claude Ruggirello, surtout connu pour son travail de sculpteur et de vidéaste. Les séries proposées montrent un travail souvent à la limite du dessin et de la sculpture. Le propos est malheureusement desservi par un accrochage un confus qui aligne les séries sans continuité chronologique et sans rapprochements éclairants…

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