Jusqu’au 24 avril 2016, la Fondation Vincent Van Gogh Arles présente Très traits, une exposition collective captivante avec des œuvres de : Silvia Bächli, Isabelle Cornaro, Adrian Ghenie, Andreas Gursky, Eugène Leroy, Roy Lichtenstein et Christopher Wool.
Une nouvelle fois, la directrice artistique de la Fondation a construit un projet cohérent qui rassemble des propositions artistiques différentes qu’elle réussit à rapprocher autour de Vincent Van Gogh, sans clichés ou analogies faciles et sans jamais ignorer l’aspect expressif et subjectif de leurs pratiques artistiques.
L’accrochage et la mise en lumière sont comme toujours impeccables et procurent un confort rare au visiteur. Le parcours est évident. Il sait ménager les espaces et offre le temps nécessaire pour apprécier chaque proposition artistique. D’habiles perspectives conduisent naturellement le visiteur de salle en salle.
Une photographie d’Andreas Gursky, vue très rapprochée de La Moisson de Vincent van Gogh et l’écho de l’exposition Les dessins de Van Gogh : influences et innovations, montrée l’été dernier, ont conduit Bice Curiger à concevoir cette exposition qui propose au visiteur de porter un regard attentif à la structure du travail d’un groupe d’artistes contemporains.
Andreas Gursky et Roy Lichtenstein
À côté de la photographie d’Andreas Gursky (Untitled XI (Van Gogh),1999) qui accueille le visiteur, la commissaire a choisi d’accrocher Le Semeur, 1985 de Roy Lichtenstein, inspiré du Semeur, soleil couchant, peint par Vincent en 1888.
Dans cette œuvre, réalisée en hommage à van Gogh, Lichtenstein associe lithographie et sérigraphie…
Deux regards sur l’œuvre de Vincent. Deux techniques de reproduction. La première montre l’importance du trait dans la peinture de Van Gogh, la seconde rappelle l’influence de la gravure et de l’estampe dans l’évolution artistique du peintre…
Eugène Leroy et Adrian Ghenie
Une première salle confronte deux œuvres d’Eugène Leroy, artiste trop méconnu avec des toiles d’Adrian Ghenie, peintre roumain, remarqué lors de la 56e Biennale de Venise et coqueluche actuelle du marché.
Bice Curiger qualifie la peinture d’Eugène Leroy de « moléculaire », osant même cette formule : « on dirait du Jackson Pollock atomisé ». Elle souligne aussi l’importance de la figuration dans son œuvre, même si cela n’est pas évident au premier regard… et met l’accent sur « la richesse de son travail de recherche sur la perception, sur l’acte de peindre et la matérialité de la peinture, sur la figure qui lentement se dévoile ».
Lors de l’exposition du centenaire au MUba Eugène Leroy I Tourcoing, Jan Hoet et Denys Zacharopoulos décrivaient ainsi le travail d’Eugène Leroy :
« La capture de la lumière, son mystère intense – entre clarté et obscurité – et ses variations subtiles, cristallisée dans la sédimentation de la matière picturale est le prétexte essentiel de ses tableaux et s’inscrit dans sa manière de les travailler. Ceux-ci sont le résultat de reprises continuelles, successions interminables de retouches et de grattages, où les motifs figuratifs finissent par se dissoudre dans l’amas de la matière fragmentée et épaissie. Il ne subsiste plus que la lumière elle-même, provenant du fond de la toile, qui confère une extraordinaire présence physique et sensuelle au sujet et dont la perception, entre disparition et révélation, réclame une attention certaine ».
La figure est aussi très présente dans les toiles d’Adrian Ghenie. S’il admet volontiers l’importance des modèles classiques, l’artiste revendique aussi les influences de Francis Bacon, Jung ou David Lynch…
Techniquement sa peinture gestuelle se singularise par l’utilisation du couteau à palette, des pochoirs et les multiples effets de matière et de mouvement…
Récemment montrées par la galerie Taddaeus Ropac, les œuvres présentées ont pour sujet majeur la figure de l’artiste.
Trois autoportraits inquiétants dont un, Lidless Eye, 2015, est clairement inspiré par une toile de van Gogh. Ils font face à The Picnic, 2015, un grand format où la trace d’une chaise en plastique contraste avec une inquiétante vision apocalyptique, annonce d’un probable cataclysme autour du barbecue que l’artiste est en train de préparer…
Isabelle Cornaro
Entre les images oppressantes d’Adrian Ghenie, on aperçoit, dans la salle suivante, un nuage de points aux nuances apaisantes qui attire discrètement le regard…
Reproductions( #9 , rose), 2015 est une œuvre d’Isabelle Cornaro, produite in situ, directement sur le mur de la salle, à partir d’une image extraite de son film Floues et colorées, réalisé en 2010.
D’une durée de trois minutes, ce film un enchaînement d’images fixes de 20 cm x 40 cm réalisées rapidement à l’atelier, avec de la peinture en spray. Monochromes, abstractions géométriques et paysages inspirés des Meules de foin de Claude Monet ont été filmés et montés sans effets.
À partir de ce matériel, Isabelle Cornaro a produit une série de peintures, Reproductions (2010-2015), construites comme des agrandissements de photogrammes de son film. D’un format cinématographique ( 3 x 4 m) chaque image est réalisée en projetant les pigments à même le mur des lieux d’exposition. Ses Reproductions ont été présentées à Fondation Ricard, au Magasin à Grenoble, à la Fondation Hermes à Bruxelles, au Palais de Tokyo à Paris et dans plusieurs galeries.
Pour Isabelle Cornaro qui est aussi historienne de l’art, ces copies sont « des tableaux qui ressemblent à des tableaux, mais qui ne sont pas de vrais tableaux… Ce que l’on voit n’est pas exactement ce que l’on pense voir, selon ce qu’il est convenu de qualifier d’œuvre d’art originale»…
Eugène Leroy et Christopher Wool
Dans la salle suivante, on retrouve deux toiles d’ Eugène Leroy qui dialoguent cette fois-ci avec cinq oeuvres monochromes de Christopher Wool. Prêtées par la galerie Luhring Augustine de New York et par le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, ces peintures, encres et sérigraphies utilisent différentes techniques. Elles montrent quelques moments dans l’évolution du travail de l’artiste américain :
Utilisation de peinture alkyde appliquée au rouleau sur de l’aluminium (Sans titre,1987), et peinture émaillée sur toile (Miles Runs The Voodoo Down, 1999) dans les années 1980 et 1990. Ces deux œuvres reflètent la période où les motifs décoratifs composaient des peintures all-over où l’expression était réduite. Elles montrent aussi le début d’un basculement vers une plus grande liberté.
Peinture émaillée sur toile et larges coups d’éponge pour le grand format prêté par le MAM (Sans titre, 2007). Ce tableau montré dans l’importante exposition que le musée parisien avait consacrée à Christopher Wool en 2012, illustre la métamorphose de son travail.
Les deux dernières toiles sont des œuvres plus récentes qui associent l’adaptation d’images photographiques, les techniques sérigraphiques et la peinture à la main (Sans titre, 2011 et Sans titre, 2015). La plus récente est construite à partir de la reproduction numérique d’un portrait des années 70…
Entre improvisation et composition, elles montrent l’évolution de l’artiste vers des œuvres de plus en plus libres et expressives…
Silvia Bächli
Le parcours se termine avec une salle consacrée aux dessins de Silvia Bächli. Une dizaine d’œuvres sur papier illustrent l’évolution de son travail depuis 2008.
Le trait est toujours très présent. Souvent abstraites, les images laissent parfois la place à des formes figuratives, mais ils sont toujours étroitement liés au corps et le geste reste essentiel. Les couleurs émergent dans les feuilles les plus récentes…
Silvia Bächli accorde un soin particulier à l’accrochage de ses œuvres. La sérénité et la poésie de son travail laissent au regardeur la liberté de suivre ses lignes, de passer d’un dessin à l’autre, de construire son histoire…
Cette proposition est accompagnée d’une exposition personnelle consacrée à l’artiste italien Giorgio Griffa et de a présentation d’un film de Saskia Olde Wolbers sur la maison londonienne où séjourna Van Gogh en 1873.
À lire ci-dessous une brève présentation du projet par Bice Curiger, commissaire et directrice artistique de la Fondation et quelques repères biographiques sur les artistes, extraits du dossier de presse.
En savoir plus :
Sur le site de la Fondation Vincent Van Gogh Arles
Sur la page Facebook de la Fondation Vincent Van Gogh Arles
Brève présentation de Très traits par Bice Curiger
« À partir d’une photographie d’Andreas Gursky, qui se livre à une lecture volontairement myope de la peinture de Vincent van Gogh La Moisson pour ne cerner qu’un détail de l’iconique champ de blé, l’exposition « Très Traits » présente un ensemble d’œuvres d’artistes reconnus : Silvia Bächli, Isabelle Cornaro, Adrian Ghenie, Andreas Gursky, Eugène Leroy, Roy Lichtenstein et Christopher Wool. En prenant le trait comme élément de base de leurs œuvres, ces artistes se libèrent de certains raccourcis et clichés rhétoriques associés à la peinture des XXe et XXIe siècles ».
Bice Curiger, directrice artistique de la Fondation
Silvia Bächli
Silvia Bächli (née en 1956 à Baden, en Suisse, vit à Bâle) explore toutes les formes du dessin. En prenant pour point de départ sa propre vie, elle observe le monde dans ses moindres détails et tente de comprendre le fonctionnement de toute chose. Elle établit, dans cette recherche, un certain ordre. Sa pratique du dessin, quasi rituelle — inchangée depuis ses débuts voilà plus de vingt-cinq ans — s’élabore en plusieurs temps : à une création spontanée — presque automatique — d’images aux formes simples, tantôt abstraites, tantôt aux accents figuratifs, succède une construction attentive et réfléchie.
Précédentes expositions (sélection)
- Peter Freeman Inc., New York, 2015
- Frac Franche-Comté, Besançon, 2015
- 53e Biennale de Venise, pavillon suisse, 2009
- Centre Georges Pompidou, Paris, 2007
Isabelle Cornaro
Isabelle Cornaro vit et travaille à Paris et Genève. Plusieurs expositions personnelles lui ont été consacrées dans diverses institutions internationales.
Précédentes expositions (sélection)
- South London Gallery, Londres, 2015
- M-Museum, Louvain, 2014; La><art, Los Angeles, 2014
- Kunsthalle, Bern, 2013
- CNAC-Le Magasin, Grenoble, 2012
- Kunstverein, Düsseldorf, 2009
Adrian Ghenie
Né à Baia Mare, en Roumanie, en 1977, Adrian Ghenie, basé à Berlin, parle de « peindre le grain de l’histoire ». Son œuvre baroque, aux forts effets de matière et de mouvement, s’est nourrie des moments sombres de l’Europe d’après-guerre. Ainsi, des personnages historiques hantent la surface de ses peintures à l’huile, mais aussi des figures majeures de l’histoire artistique et culturelle. Le personnage de l’artiste sert également de motif à ces compositions hybrides où le visage semble se désintégrer dans les plis de l’histoire.
Précédentes expositions (sélection)
- Biennale de Venise, 2015 ; Thaddaeus Ropac, Paris, 2015
- CAC Málaga, Centre d’art contemporain de Malaga, 2014
- Pace Gallery, New York, 2013
Andreas Gursky
Né en 1955, Andreas Gursky suit tour à tour l’enseignement dispensé à la Folkwangschule d’Essen, prônant une photographie subjective, et celui, à l’opposé, de la Staatliche Kunstakademie de Düsseldorf avec Bernd Becher, dont l’approche objective, mise au service de l’inventaire de bâtiments industriels, a influencé toute une génération d’artistes allemands. De cette double formation, Gursky retire un vocabulaire personnel qui connaîtra en quelques années un succès fulgurant.
Précédentes expositions (sélection)
- The National Museum of Art, Osaka, 2014
- Stiftung Museum Kunstpalast, Düsseldorf, 2012
- Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 2008
- Centro de Arte Reina Sofia, Madrid,2001
Eugène Leroy
Eugène Leroy est né à Tourcoing en 1910 et est décédé en 2000 à Wasquehal. Malgré ses participations remarquées à la Biennale de Sao Paolo en 1991 et à la Documenta IX de Kassel en 1992, son œuvre a longtemps été méconnue en raison de sa singularité. Elle fait l’objet depuis plus d’une quinzaine d’années d’une véritable relecture de la part des institutions et du marché de l’art. Ses oeuvres figurent dans de nombreuses collections privées et publiques prestigieuses dont celles de la Fondation Maeght (Saint-Paul-de-Vence), du Centre Georges Pompidou (Paris), du Musée d’art moderne de la Ville de Paris (Paris) ou encore du Ludwig Museum (Cologne).
Précédentes expositions (sélection)
- Galerie Nathalie Obadia, Paris, 2015
- Baselitz-Leroy, MUba, Tourcoing, 2013
- Eugène Leroy, MUba, Tourcoing, 2010
Roy Lichtenstein
Aujourd’hui, Roy Lichtenstein (1923-1997) est considéré comme l’une des « stars » du mouvement pop autant que comme un grand maître de la peinture américaine. Après s’être posté pendant quelques années à l’avant-garde du pop art, Lichtenstein est allé bien au-delà. Il fut très vite perçu comme un artiste postmoderne dès lors qu’il citait dans ses oeuvres les artistes et les styles de l’histoire de l’art… Puis, au cours des dernières années de sa vie, revenant aux genres du nu et du paysage, il devint presque un peintre de tradition. Si bien que Roy Lichtenstein est aujourd’hui un « classique ». Mais ce qui fait la force de son art, c’est aussi une distance amusée, critique sans jamais devenir cynique, qu’il a exercée à la fois sur lui-même et sur l’art, de ses débuts jusqu’à la fin de sa vie, et dont il faut reconnaître l’importance.
Principales expositions (sélection)
- Centre Georges Pompidou, 2013
- Roy Lichtenstein: A Retrospective, Tate Modern Londres, Angleterre, 2013
- Penthouse Exhibition: Selections from the ALS, MOMA New York, 1964
- The Popular Image, Institute of Contemporary Arts, Londres, Royaume-Uni, 1963
Christopher Wool
Né en 1955, Christopher Wool vit et travaille à New York et à Marfa (Texas). Il est l’une des figures majeures de la scène artistique internationale et l’un des plus grands artistes américains vivants. Depuis plus de trente ans, il explore les territoires de la peinture abstraite par une continuelle interrogation du procédé pictural : recours à la répétition, application de méthodes de l’art conceptuel et minimal, adaptation d’images photographiques et travail avec différentes techniques comme le spray, l’encre pour sérigraphie et la reproduction numérique.
Précédentes expositions (sélection)
- Luhring Augustine, New York, 2015
- Musée Solomon R. Guggenheim, New York, 2013
Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Paris, 2012