Les Possédés – chapitre 2 à la Fiche la Belle de Mai, Marseille

Les Possédés - Chapitre 2 - Regard sur collections privées du Sud de la France
Les Possédés - Chapitre 2 - Regard sur collections privées du Sud de la France

Regard sur collections privées du Sud de la France

Après un premier volet au Château Borely, Sextant et plus et  ART-O-RAMA  proposent  le deuxième chapitre de leur projet Les Possédés, à la Friche la Belle de Mai, jusqu’au 31 juillet 2016.

Les Possédés - Chapitre 2 - Friche Belle de Mai - Panorama
Les Possédés – Chapitre 2 – Friche Belle de Mai – Panorama

Jouant sur le double sens du terme : «  Qui est possédé ? L’artiste ou le collectionneur ? » Véronique Collard Bovy et Jérôme Pantalacci, co-commissaires, affirmaient l’ambition que « l’exposition révèle les relations esthétiques et sensibles que des collections privées cultivent entre elles et propose une mise en lumière des conversations singulières que chacune entretient avec les artistes. L’exposition, qui rassemble plus d’une centaine d’œuvres contemporaines empruntées à de nombreuses collections privées du sud de la France, chronique ainsi ces histoires de rencontres et de passions en même temps qu’elle dessine une forme de condensé de l’art contemporain des années 1960 à nos jours ».

Les deux commissaires ont fait le choix de construire leur proposition autour des artistes et des points communs qui existent entre les collections, plutôt que de montrer les caractères originaux de ces dernières et de mettre en avant les personnalités singulières des collectionneurs.

Les Possédés - Chapitre 2 - Jimmie Durham : Arc de triomph for personal use, 2005, bois et métal peint, 215 x 115 x 69 cm. Collection Josée et Marc Gensollen.
Les Possédés – Chapitre 2 – Etage 4 – Jimmie Durham : Arc de triomph for personal use, 2005, bois et métal peint, 215 x 115 x 69 cm. Collection Josée et Marc Gensollen.

Avec trois scénographies différentes, presque trois projets curatoriaux, c’est l’ébauche d’une chronique de l’art contemporain à Marseille et dans son « territoire » qui nous est proposée,  convoquant pour cela une centaine d’œuvres de Saâdane Afif, Ivan Argote, Neïl Beloufa, Pierre Bismuth, Koenraad Dedobbeleer, Sam Durant, Jimmie Durham, Jean-Pascal Flavien, Mara Fortunatovic, Kendell Geers, Pierre Huyghe, Renaud Jerez, Louise Lawler, Claude Lévêque, Benoît Maire, Mathieu Mercier, Matt Mullican, Roman Ondák, Gabriel Orozco, Anri Sala, Fabrice Samyn, Gérard Traquandi, Oscar Tuazon, Raphaël Zarka et Heimo Zobernig

Les propositions montrées dans le Panorama et au quatrième étage de la tour ont particulièrement retenu notre attention. Par contre, la scénographie et l’accrochage proposés sur le troisième plateau nous ont semblé moins aboutis, plus monotones, plus congestionnés et fortement desservis par une lumière souvent peu maîtrisable.

Dans ces trois propositions, les figures des collectionneurs restent globalement assez floues. On a du mal à percevoir la singularité et la richesse de leurs personnalités, les relations qu’ils ont bâties avec les artistes et celles qu’ils entretiennent avec leurs collections…  On ne doute pas que la publication annoncée pour la mi-juillet apporte les éclairages (portraits, histoire des collections, etc.) qui manquent ici à ceux qui ne sont « intimes » avec la passion de ces femmes et de ces hommes et qui n’ont pas vécu l’histoire de leurs collections …

Les Possédés - Chapitre 2 - Jean-Pascal Flavien
Les Possédés – Chapitre 2 – Etage 3 – Jean-Pascal Flavien

Les outils d’aide à la visite sont assez sommaires. Le choix de ne pas utiliser de cartels, renvoie le visiteur à l’utilisation parfois laborieuse (en particulier au troisième étage) de plans de salle avec des renvois numériques pour identifier les œuvres exposées, leurs auteurs et les collections auxquelles elles appartiennent.  Les textes d’introduction à l’entrée de chaque plateau sont très (trop ?) lapidaires et parfois abscons… Sans les avoir testées, on suppose que les visites guidées proposées le samedi et le dimanche apportent l’éclairage nécessaire aux visiteurs moins avertis.

L’ensemble laisse une étrange impression. On a du mal à percevoir le propos de l’exposition… Parfois, on semble confronté à une logique proche de celle du salon ou de la foire d’art contemporain, mais sans l’accueil des exposants… Ailleurs, on a le sentiment d’être entre la galerie  et le centre d’art contemporain, mais sans réellement comprendre l’histoire qui nous est racontée…

Les Possédés - Chapitre 2 - Jimmie Durham : Sans titre, 1993, techniques mixtes, 143 x 45 x 13 cm. Collection Pailhas.
Les Possédés – Chapitre 2 – Jimmie Durham : Sans titre, 1993, techniques mixtes, 143 x 45 x 13 cm. Collection Pailhas.

Une proposition troublante, qui ne nous a pas apporté la même satisfaction que les précédentes expositions organisées par Sextant et plus (Serial Painter, Fomo, Trankat, Barnum, In Camera, Barock ou The Butcher…) Peut-être en attendait-on un peu trop ?

Pour appréhender le projet des commissaires, pour apprécier l’abondance et les richesses de ces collections privées du Sud de la France, on conseille de préparer soigneusement sa visite, et de ne pas hésiter à la fragmenter. Si cela est possible, on suggère de multiplier les passages à La Friche.

Compte rendu de visite ci-dessous

En savoir plus :
Sur le site de la Friche la Belle de Mai
Sur le site de Sextant &+
Sur la page Facebook de la Friche la Belle de Mai
Sur la page Facebook de Sextant &+

Les Possédés – chapitre 2 : Panorama

La présentation proposée dans le Panorama est sans conteste la plus réussie.

Les Possédés - Chapitre 2 - Friche Belle de Mai - Panorama
Les Possédés – Chapitre 2 – Friche Belle de Mai – Panorama

Le Sol à expansion infini  (2005 – Collection Josée et Marc Gensollen) de Pierre Bismuth occupe pratiquement tout le centre du plateau, créant à la fois une circulation et un espace qui attire irrésistiblement les pas du visiteur vers les sculptures monumentales d’Oscar Tuazon (Orphan, Collection Ferraud – Fonds M-Arcco et Family diing table, Collection GR) et de Konrad Dedobbeleer (Hoping that the Principles of te Revolution would survive of the Crimes, Collection Josée et Marc Gensollen). Le dialogue entre ces trois pièces et leurs échos avec les structures du bâtiment sont particulièrement réussis.

Le « tapis » multicolore de Pierre Bismuth accueille également une pièce de Saâdane Afif, Plus de bruit (Collection Élisabeth et André Duclos). La peau crevée de la caisse claire où pousse une plante verte fait une étrange résonance avec Le Bar des héros  du même Saâdane Afif (Collection Josée et Marc Gensollen). Si sa playlist et ses lumières rappellent son passage par Marseille, l’installation évoque aussi le dance floor qui anime le toit terrasse de la Friche tous les étés .
Toujours de Saâdane Afif et de la Collection Josée et Marc Gensollen, un ensemble de 52 affiches produites entre 2000 et 2016 construisent sur les mur du Panorama une certaine chronologie de son travail…

Les Possédés - Chapitre 2 - Pierre Bismuth, Sol à expansion infinie, 2005 - © JC Lett. Panneaux MDF 16 mm peints. Collection Josée et Marc Gensollen.
Les Possédés – Chapitre 2 – Pierre Bismuth, Sol à expansion infinie, 2005 – © JC Lett. Panneaux MDF 16 mm peints. Collection Josée et Marc Gensollen.

La cohérence de cet ensemble doit certainement beaucoup au nombre réduit d’œuvres (7) et d’artistes (4) présentés ainsi qu’à la surreprésentation de la collection Josée et Marc Gensollen.
La mise en espace laisse toute la place au regardeur pour apprécier les œuvres, les conversations qu’elles peuvent établir, leurs dialogues avec le lieu unique du Panorama dont les rideaux sont pour une fois tirée pour éviter tout reflets sur l’œuvre au sol de Pierre Bismuth.

Les Possédés – chapitre 2 : Étage 4

Au quatrième plateau de la tour, on retrouve la scénographie classique des centres d’art contemporain.

Les Possédés - Chapitre 2 - Jimmie Durham : Sans titre, 1993, techniques mixtes, 143 x 45 x 13 cm. Collection Pailhas.
Les Possédés – Chapitre 2 – Jimmie Durham : Sans titre, 1993, techniques mixtes, 143 x 45 x 13 cm. Collection Pailhas.

L’installation de cimaises délimite des espaces  pour chaque artiste et organise le parcours du visiteur. On connaît les difficultés à maîtriser la lumière dans ces espaces. Le positionnement des cimaises et l’accrochage offrent des conditions acceptables aux pièces présentées ici, à l’exception de certaines œuvres de Pierre Bismuth protégées par du verre et avec lesquelles débute le parcours.

Le texte d’introduction offre quelques indications sur les intentions des commissaires :

« Ce deuxième espace se veut un parcours fait de dialogues et de confrontations entre les œuvres. Si le geste artistique se présente à nouveau c’est ici par le biais d’un questionnement sur l’importance de sa singularité, il y est intellectualisé voir conceptualisé, l’oeuvre pouvant d’ailleurs se faire par délégation. Le nom, la signature, la vanité s’y manifestent par une certaine fascination pour les figures de l’art, prenant aussi bien la forme d’un hommage que d’un positionnement. Les étoiles peuplant l’imaginaire collectif s’illuminent comme autant d’apparitions fantomatiques. Sont évoqués également le traitement pragmatique et l’effet d’immédiateté et de simultanéité des multiples représentations médiatiques. Anticipation, archéologie de l’exposition et recyclage font leur travail de mémoire. Le visiteur est invité à naviguer entre spiritualité et chamanisme, tissant un lien entre l’humain et l’univers, et déployant ainsi une cosmogonie en allitération visuelle ».

L’accrochage très cohérent répond globalement à ce discours des commissaires, même si celui-ci nous a semblé un peu sophistiqué et trop lapidaire. Quelques outils complémentaires d’accompagnement pour le visiteur néophyte n’auraient certainement pas été superflus…

La présentation des 34 sérigraphies de 88 Maps de Matt Mullican (Collection Pourcel), l’ensemble des pièces de Jimmie Durham (Collection Josée et Marc Gensollen, Collection Pailhas) et la très belle série photographique Les affects de Pierre Huyghe (Collection Pailhas) ont particulièrement retenu notre attention.

La mise en valeur des pièces de Neil Beloufa ( Collection Sébastien Payet, Collection GR et Collection particulière) et de Renaud Jerez (Collection Sébastien Payet, Collection Chayia) sont de réelles réussites.

Les Possédés – chapitre 2 : Étage 3

C’est clairement une réelle déception. Et pourtant, il y a parmi les 78 œuvres présentées des pièces remarquables. Malheureusement, elles sont desservies par une scénographie, un accrochage, une lumière et un propos approximatif.

Les Possédés - Chapitre 2 - Jean-Pascal Flavien
Les Possédés – Chapitre 2 – Jean-Pascal Flavien

Le texte d’introduction est assez révélateur du côté un peu nébuleux et « fourre-tout » du projet :

« L’étage se présente comme une partition plaçant les œuvres sur une portée, sans hiérarchie. L’accrochage témoigne de la générosité des collections traversées, offrant un panoramique sur la diversité des esthétiques et des pratiques. Au fil d’une déambulation recto-verso, les oeuvres, référentielles, fictionnelles, traitent d’une réflexion sur l’architecture, sur la violence de l’espace social ou psychique, dans une confrontation avec la matière qui interroge également le geste de l’artiste. De ce traitement à mi-chemin entre public et privé, le visiteur bascule vers l’intime, la mémoire, le sacré, le profane, autant de liens à l’introspection attachée à la nature humaine ».

Le plateau est traversé dans sa longueur par une longue cimaise éclairée d’un côté par cinq fenêtres ouvrant sur les voies de chemin de fer et latéralement par les six ouvertures sur la rue Jobin.
À ce flot de lumière naturelle, s’ajoute l’éclairage d’ambiance des néons qui multiplient les reflets insupportables sur les œuvres protégées par du verre. Certaine ne sont visibles qu’au prix de réelles contorsions du visiteur. Les équipes de la Friche sont conscientes des difficultés de l’équipement à montrer correctement dessins, gravure, photographies, etc. Un investissement dans une gestion plus adéquate de la lumière s’impose.

Les Possédés - Chapitre 2 - Sam Durant : L’ennui est Contre-Révolutionnaire, 2005, graphite et peinture émaillée, dessin, 55 x 76 cm. Collection Josée et Marc Gensollen - There is no 19th century without the plumber, 2004, mine de plomb sur papier, 76 x 56 cm. Collection Josée et Marc Gensollen
Les Possédés – Chapitre 2 – Sam Durant : L’ennui est Contre-Révolutionnaire, 2005, graphite et peinture émaillée, dessin, 55 x 76 cm. Collection Josée et Marc Gensollen – There is no 19th century without the plumber, 2004, mine de plomb sur papier, 76 x 56 cm. Collection Josée et Marc Gensollen

S’il est évident que le choix du dispositif scénographique choisi ne simplifie pas cet important problème technique, il n’offre pas non plus une présentation « éclairante » au propos parfois « obscur » du commissariat.

Le long de cette cimaise, l’accrochage fait se succéder les propositions artistiques autour de regroupements « thématiques » pas toujours patents. Le dispositif s’avère assez monotone. Les œuvres planes d’un artiste sont accrochée sur la cimaise, ses œuvres en volume sont placées devant, vers l’extérieur de la salle…

Rapidement le regard papillonne et s’égare parmi ces 78 œuvres. Inévitablement, l’attention se disperse et la lassitude s’installe.

C’est dommage pour les pièces souvent très intéressantes de Claude Lévêque, Gérard Traquandi, Jean-Pascal Flavien, Raphaël Zarka, Mathieu Mercier, Mara Fortunatovic, Sam Durant, Louise Lawler, Saâdane Afif, Anri Sala, Roman Ondák, Benoît Maire, Fabrice Samyn, Gabriel Orozco et Kendell Geers

Nous avons commencé la visite par le Panorama. Peut-être convient-il de faire l’inverse…

Si ce propos est par moments assez critique, la diversité et la qualité des œuvres exposées méritent bien entendu un passage par la Friche !

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