Dans le cadre de l’événement « La ville au loin » organisée par le FRAC Centre-Val de Loire, Le FRAC Languedoc-Roussillon présente Superstudio à Montpellier du 26 mai au 3 septembre 2016.
Cette exposition évoque le parcours d’un groupe d’architectes italiesn parmi les plus influent de sa génération.
Abdelkader Damani , directeur du FRAC Centre-Val de Loire et commissaire de l’exposition précise dans sa présentation du projet « Superstudio a profondément renouvelé –entre 1966 et 1978 – le langage et l’imaginaire de l’architecture, ouvrant la discipline à des pratiques conceptuelles et anticipant par le photomontage l’avènement d’un urbanisme du réseau et de la communication totale. […] À l’occasion du 50e anniversaire de la fondation du groupe, cette exposition réunit une sélection exceptionnelle de projets devenus des icônes de la culture architecturale du XXe siècle. Photomontages, objets, vidéos, éditions, offrent ainsi de précieux jalons sur la voie d’une création expérimentale, située à mi-chemin entre le langage visionnaire des architectes et l’onirisme des productions artistiques ».
L’exposition rappellera quelques souvenirs à ceux qui ont participé à l’effervescence du début des années 1970. Elle montre aussi combien le regard critique de Superstudio reste très actuel.
Cette exposition fait un écho inattendu et intéressant à la thématique que le Festival des Architectures Vives (FAV) a retenue pour son édition 2016 : l’innovation.
On suggère aux visiteurs du FAV à Montpellier d’ajouter une étape à leur déambulation dans les cours des hôtels particuliers du centre historique et de faire un détour par le FRAC Languedoc-Roussillon !
Le propos est exigeant. Il impose une attention particulière du visiteur et la lecture des textes d’accompagnement s’impose pour en apprécier la richesse. Ces « notices » sont dans leur grande majorité issues du site du FRAC Centre-Val de Loire et rédigées par Aurélien Vernant, historien d’art et d’architecture, chargé de la recherche et des éditions.
À noter : Le MAXII à Rome consacre également une exposition à Superstudio, jusqu’au 4 septembre 2016.
À lire, ci-dessous notre compte rendu de visite.
En savoir plus :
Sur le site du FRAC Languedoc-Roussillon
Sur la page Facebook du FRAC Languedoc-Roussillon
Superstudio sur le site du FRAC Centre-Val de Loire
Superstudio sur le site du MAXII à Rome (en italien)
Cerimonia et les films de Superstudio sur le site Architecture Player
Superstudio sur le site italien l’Arengario. Plusieurs documents bio-bibliographiques en italiens sont téléchargeables : Superstudio – A l’Architettura d’Avanguardia 1962-1982, Architettura Radicale – Adolfo Natalini e il Superstudio et Adolfo Natalini – Dal Superstudio all’architettura di resistenza
Superstudio : compte rendu de visite au FRAC Languedoc-Roussillon
Le parcours de l’exposition s’articule en deux séquences :
Superstudio : Archives documentaires
L’espace d’accueil ouvert sur la rue Rambaud présente une sélection d’affiches d’exposition et édition qui retrace brièvement l’histoire du groupe Superstudio.
Une affiche « Adolfo Natalini presents Superstudio -The last supper à l’Architectural design, 1971 » et un bref texte rappellent que : « Le groupe Superstudio est fondé à Florence en 1966 par les deux jeunes architectes Adolfo Natalini (1941) et Cristiano Toraldo di Francia (1941), bientôt rejoints par Gian Piero Frassinelli (1939), Roberto Magris (1935-2003), Alessandro Magris (1941-2010) et Alessandro Poli (1941).
Dans ces années de contestation, Superstudio revendique une pratique conceptuelle et iconoclaste de l’architecture. À travers photomontages, prototypes de mobilier, films ou textes aux accents provocateurs, le groupe développe une critique virulente de la culture architecturale de leur époque et définit de nouvelles voies pour penser la vie sociale et urbaine ».
Plusieurs documents évoquent l’importante de l’affiche et du livre qui « s’affirment ainsi comme des outils privilégiés de cette « architecture de papier ». Objets manifestes, édités en nombre souvent limité comme des œuvres en soi, ils incarnent l’idée même d’expérimentation ».
Parmi les archives exposées, on note la présence de l’affiche de l’exposition Superarchitettura de Pistoia en 1966, conçue avec le groupe Archizoom et souvent considérée comme un des actes fondateurs du mouvement radical où s’est développé une critique idéologique des valeurs de la société de consommation et des loisirs.
À noter également la présentation d’un exemplaire de l’ouvrage S-Space, produit avec le groupe 9999, en 1971. Catalogue-manifeste d’une architecture conceptuelle, imaginaire, utopique (ou ditopique) dont l’étonnante couverture de coton « renvoie à cette dimension sensitive et atmosphérique qui intéresse les radicaux (l’espace est un flux aussi impalpable qu’un nuage) ».
Dans un texte de 1971, Adolfo Natalini écrivait :
« …si le design est plutôt une incitation à consommer, alors nous devons rejeter le design ; si l’architecture sert plutôt à codifier le modèle bourgeois de société et de propriété, alors nous devons rejeter l’architecture ; si l’architecture et l’urbanisme sont plutôt la formalisation des divisions sociales injustes actuelles, alors nous devons rejeter l’urbanisation et ses villes… jusqu’à ce que tout acte de design ait pour but de rencontrer les besoins primordiaux. D’ici là, le design doit disparaître. Nous pouvons vivre sans architecture ».
Superstudio : Les projets
La grande salle d’exposition présente plusieurs projets majeurs de Superstudio.
L’accrochage est organisé autour de Istogrammi di architettura (1969-2000), une installation qui occupe le centre de l’espace et qui peut être considéré comme une clé de lecture de ces projets.
L’exposition ne suggère aucun trajet particulier et laisse le visiteur libre de sa déambulation. Cependant, l’accrochage semble construit à partir d’une présentation chronologique des projets. On suggère donc de commencer par la droite.
Istogrammi di architettura
Également intitulés « Tombes des architectes », ces « Histogrammes d’architecture » constituent, comme le précise le cartel développé « un catalogue de trente diagrammes tridimensionnels, à la surface homogène, devant servir à la conception d’objets, meubles, environnements ou architectures, à travers une grille transposable à toutes les échelles. […]Conséquence d’un processus réductif général, les Histogrammes sont un processus mental, affranchi des modèles ou des imitations, adaptable à toutes les échelles, dans une “ mise à plat absolue des typologies du classicisme ” ».
Monumento Continuo
Deux photomontages Un Lago di nuvole tra eterne montagne, 1969 et Manifesto New New York (in nero e azzuro), 1969 (ce est présenté en wallpaper sur la cimaise face à la rue) illustrent ce projet manifeste, présenté lors de l’exposition Trigon à Graz en 1969. Aurélien Vernant écrit à propos de Monumento Continuo : « Conçue comme un modèle d’urbanisation globale, cette grille tridimensionnelle parcourt la surface de la Terre en franchissant mégapoles, montagnes et océans. Développé par Superstudio jusqu’en 1971 à travers des dizaines de dessins, photomontages et story-boards offrant des visions spectaculaires (aqueduc romain traversant le Colorado, ceinture enserrant l’Acropole d’Athènes ou la ville de New York, etc.), le projet opère des mises en situation de ce que les « histogrammes » avaient défini au plan théorique : l’architecture réduite à l’état de neutralité absolue ».
Dodici Città Ideale
Une lithographie et 12 dessins illustrent ce projet conceptuel des « Douze villes idéales ». L’ensemble est accompagné par un texte « Douze contes prémonitoires pour une renaissance mystique de l’urbanisme », présenté sur un lutrin et également disponible à l’accueil.
Il faut prendre le temps de lire ces 12 contes depuis « Ville 2000 tonnes » jusqu’à « La ville du livre ». Pour Aurélien Vernant, « L’horreur des visions qui en résulte doit éveiller chacun à la conscience de l’aliénation et de l’absurdité du monde. Ainsi, la première ville (dénommée « Ville 2000 tonnes » parce qu’un lourd plafond s’abat sur les rebelles du système) consiste en un découpage du territoire en vastes carrés de nature par d’étroits murs-lames contenant les cellules individuelles de 2,25 m de côtés ».
Série Misura
Un peu plus loin, le parcours revient sur les Istogrammi di architettura avec deux affiches, une avec les dessins axonométriques des Istogrammi, l’autre avec la série Misura, 1969-1972.
Dans une vitrine, neuf dessins à l’encre et au crayon sur calques montrent des déclinaisons d’objets qui ont conduit à la réalisation de la série de meubles Misura (1969) en laminé plastique sérigraphié, puis la série Quaderna produite par Zanotta en 1971.
Gli Atti Fondamentali
En face, une large place est consacrée aux « actes fondamentaux ». Un ensemble de cinq lithographies, collages photographiques sur une trame carrée qui semble s’étendre à l’infini. Cinq actes sont représentés : Vie,Éducation, Cérémonie, Amour et Mort.
Cerimonia
Troisième de la série des cinq « Actes fondamentaux », Cerimonia a fait l’objet d’un film expérimental de 13 minutes, réalisé en 1973. Une copie est projeté sur le mur au fond de salle d’exposition. Une traduction en français du texte est disponible à l’accueil.
D’une dalle mégalithe, émergent des humains qui renoncent à la « vie souterraine » pour fonder un habitat immatériel… « Ils commencent lentement à accomplir les gestes nécessaires à la vie quotidienne […]. Les habitant de la maison invisible disent : “ Ce que nous sommes en train de faire est de l’architecture, parce qu’elle occupe l’espace et le temps, ainsi que les relations entre nous et les autres ” ».
On retrouve la trame des Histogrammes, trace d’une maison invisible et indéterminée…
Salvataggi dei Centri Storici – Italia Vostra
Le parcours s’achève avec une lithographie qui illustre les projets de Superstudio aux discours alarmistes et conservateurs sur la préservation des villes italiennes. Au moment où l’Italie connaît une série de cataclysmes (Épidémie de Choléra à Naples, inondations à Florence et Venise en 1966), Superstudio propose avec ce « Sauvetage des Centres historiques – Votre Italie » un « ensevelissement radical » des dogmes du passé, une extinction de l’histoire et l’avènement d’un environnement post-historique construit sur les ruines de la ville…