« Narration(s) » à la N°5 Galerie – Montpellier

Jusqu’au 15 avril 2017, N° 5 Galerie accueille à Montpellier le premier chapitre de « Narration(s) » une exposition conçue comme un récit en trois temps, dans trois lieux ( N° 5 Galerie et lieu multiple montpellier et à Latelier à Sète), mais avec les mêmes « artistes narrateurs » : Alexandre Bena, Gilles Bingisser, Regina Blaim, Anne Breguiboul, Laurence Briat, Amélie Joos, Sylvie Lagnier, Katie Montanier et Gérald Panighi.

Régina Blaim, Les suppos et Amélie Joos, Let me be your Princess - Narration(s) à la N°5 Galerie
Régina Blaim, Les suppos et Amélie Joos, Let me be your Princess – Narration(s) à la N°5 Galerie

N° 5 Galerie est un lieu singulier de l’écusson à Montpellier. Une boutique ouvre dans la rue Sainte-Anne. Au fond, une petite salle carrée, voûtée d’ogive, est utilisée comme galerie et propose régulièrement des expositions qui portent un regard particulier sur la création contemporaine. Si le lieu a du charme, il présente aussi de fortes contraintes dont la direction artistique sait tirer parti avec à-propos.

Le projet curatorial conçu par Dominique Dalbin (le lieu multiple montpellier), Ludovic Allabert (N°5 GALERIE) et Gilles Bingisser (LATELIER) est assez ambitieux.

Le développement du premier chapitre de ces « Narration(s) » à la N° 5 Galerie pouvait paraître assez audacieux. Faire cohabiter huit propositions artistiques qui suggèrent des histoires et des dispositifs fictionnels hétérogènes dans un espace réduit, sans qu’aucune écrase les autres et en assurant une lisibilité de l’ensemble, était un vrai challenge.

L’accrochage est très réussi. Il exploite, avec efficacité, les limites et les particularités de l’espace.

Régina Blaim, Les suppos
Régina Blaim, Les suppos

« Les suppos » de Régina Blaim trouvent logiquement leur place au centre de la salle, suspendus à la clef de voûte. Ils prennent ici le statut d’objets précieux, presque sacrés… Ouverture vers tous les récits possibles, ils laissent le soin au visiteur d’échafauder ses propres histoires… et d’y revenir au cours de sa déambulation dans la salle.

Alexandre Bena ADN (Arbre De Noël)
Alexandre Bena ADN (Arbre De Noël)

En face de l’entrée, le grand et sombre dessin « Capture » de Katie Montanier accompagne une étrange série d’Alexandre Bena « ADN (Arbre De Noël) » qui présente sous la forme de diptyque photo/texte les histoires tourmentées de sapins abandonnés dont on avait pu voir quelques images au lieu multiple l’an dernier sous le titre « Ça sente le tapin »…

Amélie Joos, Let me be your Princess » - Narration(s) à la N°5 Galerie
Amélie Joos, Let me be your Princess » – Narration(s) à la N°5 Galerie

À gauche, la série de dessins d’Amélie Joos, « Let me be your Princess », rassemble les illustrations d’un conte esquissé où l’artiste nous confier pour partie états d’âme, blessures, angoisses ou désirs…

Posée sur deux étagères et en utilisant habilement les portes d’un placard mural, Gilles Bingisser propose un ensemble d’objets disparates, fragments d’histoires potentielles rassemblés sous le titre « If you’re like me, you’re doin nothin », citation de Richard Brautigan, poète de la Beat Generation…

Sur la droite, le regard est attiré par la collection de boîtes d’allumettes entrouvertes de Laurence Briat. Énigmatiques, elles apparaissent à la fois comme coffrets à bijoux, étuis à mémoire, présences cachées d’où s’échappent songes, rêves ou amorces de récits imaginaires…
Les deux collages qui surmontent la vitrine « aux boîtes d’allumettes » réunissentd’une autre manière des éléments disparates où superpositions et ruptures agissent comme préludes à histoires.
Leur cohabitation avec les vignettes de Gérald Panighi nous a semblé être un peu moins réussie. On regrette aussi l’espace étroit laissé aux cartes postales « Mirage Laissac » d’Anne Bréguiboul et Marina Renouf.

Anne Bréguiboul et Marina Renouf., Mirage Laissac - Narration(s) à la N°5 Galerie
Anne Bréguiboul et Marina Renouf., Mirage Laissac – Narration(s) à la N°5 Galerie

Chaque proposition artistique peut être perçue comme amorce(s) de narration(s)… Reste au visiteur à construire sa part de ces récit(s) potentiels.
Comme on l’a déjà souligné, l’accrochage construi une cohabitation réussie entre les différents projets qui sont tous introduits par un texte d’une dizaine de lignes. Cependant, les dialogues entre les œuvres sont assez discrets. En dehors du texte de présentation que signe Sylvie Lagnier, historienne de l’art, il manque un discours global qui donne cohérence à cet ensemble un peu éclectique. Les parenthèses autour du S de « Narration(s) » se justifient-elles ?

« Narration(s) » à la N°5 Galerie est accompagné par un deuxième chapitre au lieu multiple montpellier du 2 au 18 mars, et d’un troisième volet à Latelier à Sète du 9 au 18 mars 2017

En savoir plus :
Sur le site de N°5 Galerie
Sur la page Facebook de N°5 Galerie

« Narration(s) » par Sylvie Lagnier

Des œuvres, de plus en plus nombreuses, n’hésitent pas à se montrer « volubiles », voire « bavardes », développant sur les cimaises une atmosphère de récit autour et à l’intérieur d’elles, créant des narrations plastiques. La tentation littéraire de l’art n’est pas nouvelle, Dada et les Surréalistes au cours des années 1920 ont multiplié les pratiques hybrides. Depuis les années 1960, les enjeux se sont transformés et ont renouvelé les interactions entre les éléments textuels et visuels. Comment les pratiques artistiques actuelles travaillent-elles les formes littéraires, les régimes de fiction, de fabulation et d’histoires ?

La narration est souvent remémoration. Augé, dans Les formes de l’oubli, écrit que c’est ce retour qui permet de retrouver un passé perdu en oubliant le présent et le passé immédiat avec lequel il tend à se confondre. L’identité narrative n’est ni figée, ni immuable, car c’est elle qui inscrit l’individu dans une continuité d’existence. La constitution de la narrativité en élément plastique la complexifie encore. Cela pose en effet, une distinction majeure entre l’iconique et le linguistique. La langue contraint l’écrivain à effectuer des choix narratifs que nous repérons. Mais comment l’image raconte-t-elle ? Qui parle ?

L’exposition Narration(s) est conçue comme un récit : trois lieux, trois temps, mais avec les mêmes « artistes narrateurs ». Ainsi, construire son histoire entre Montpellier et Sète, de la N°5 GALERIE à LATELIER et au lieu multiple montpellier. Les artistes présentés (Alexandre Bena, Gilles Bingisser, Regina Blaim, Anne Breguiboul, Laurence Briat, Amélie Joos, Sylvie Lagnier, Katie Montanier, Gérald Panighi) proposent plusieurs niveaux de narrations selon des modes variés, des dispositifs fictionnels, des agencements d’éléments hétérogènes inventant une réelle poétique de la fiction entre discordances et concordances.

Les parcours au cœur de Narration(s), nous conduisent sur une frontière entre raconter et voir et en la franchissant, peut-être découvrir que voir s’identifie à savoir.

Sylvie Lagnier

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