Annie Leibovitz Archive Project #1 : The Early Years à la Fondation LUMA Arles

Mise à jour le 19 août 2017

Jusqu’au 24 septembre 2017, la Fondation LUMA Arles présente « Annie Leibovitz Archive Project #1 : The Early Years » dans la La Grande Halle du Parc des Ateliers à Arles. Premier volet d’un projet consacré à l’étude et à la réinterprétation des archives vivantes de l’artiste.

Annie Leibovitz, The early years, 1970-1983, Archive Project 1 - Luma Arles 26 mai 2017. Photo Luma Arles.
Annie Leibovitz, The early years, 1970-1983, Archive Project 1 – Luma Arles 26 mai 2017. Photo Luma Arles.

L’exposition est organisée par Matthieu Humery, Directeur du Programme d’Archives Vivantes à la Fondation LUMA, en étroite collaboration avec Annie Leibovitz.
« Annie Leibovitz Archive Project #1: The Early Years » est la première d’une série d’initiatives interdisciplinaires expérimentales menées actuellement par la fondation en lien avec l’idée d’« archive vivante », qui rassemblera, à Arles, les œuvres de plusieurs artistes majeurs et de professionnels de la culture venant de domaines différents.

L’exposition fait suite à l’acquisition, par la Fondation LUMA, des archives d’Annie Leibovitz.
Elle a l’ambition « de porter un regard neuf sur les images de cette photographe de renom à travers le prisme d’une structure d’exposition sans précédent offrant aux visiteurs l’occasion d’observer son travail dans son ensemble tout en les laissant libres de se concentrer sur les images prises isolément. S’inspirant de la disposition de l’atelier de Leibovitz à New York, l’exposition est conçue comme une mise en espace dense et une étude chronologique des débuts de carrière de l’artiste ».

Installation view ‘Annie Leibovitz The Early Years, 1970 – 1983. Archive Project #1’. LUMA Arles, 2017. Courtesy the artist and LUMA Foundation. Photo Hervé Hôte
Installation view ‘Annie Leibovitz The Early Years, 1970 – 1983. Archive Project #1’. LUMA Arles, 2017. Courtesy the artist and LUMA Foundation. Photo Hervé Hôte

Si par bien des aspects ce projet est très séduisant, il produit également des impressions assez contradictoires. Pour ne rien cacher, j’ai personnellement beaucoup apprécié cette exposition. Cependant, plusieurs visites au cours de l’été, en compagnie de personnes plus jeunes ou dont la jeunesse n’a pas été marquée par la même relation aux États-Unis, ont mis en évidence certaines limites dans l’accrochage et la scénographie d’« Annie Leibovitz Archive Project #1 : The Early Years ».

Les visiteurs qui ont vécu ces années 1970-1983, en particulier ceux qui ont suivi l’actualité culturelle et politique américaine en lisant le magazine « Rolling Stone », parcourent certainement cette immense archive photographique avec une inévitable nostalgie.
Ceux-là retrouvent avec surprise et probablement avec plaisir les images qui ont marqué l’Histoire de cette période, mais aussi leurs histoires personnelles. Chacun y découvre ses « madeleines ».

Pour les autres, j’en ai fait plusieurs fois l’expérience, il n’est pas certain que cette immense collection d’images fasse toujours sens…
Bien entendu, on croise de nombreux visiteurs (qui ont généralement passé la cinquantaine) en arrêt devant un groupe de photographies, le sourire aux lèvres, des étincelles dans les yeux, prompts à entamer une conversation animée et chaleureuse avec leurs amis ou avec des inconnus.

Mais on voit aussi des personnes qui passent devant ces cimaises surchargées, sans montrer beaucoup d’intérêt aux images qui s’enchaînent sous leurs yeux. Certains attentifs aux textes qui introduisent chaque section, à la recherche des photos légendées, finissent pas se lasser et terminent le parcours d’exposition avec une attention qui devient de plus en plus flottante. J’ai ainsi eu droit plusieurs fois à un : « C’est bon, on t’attend à la fin… »

Le dispositif scénographique est à priori très séduisant. Au premier abord, l’idée de reconstituer le studio new-yorkais de la photographe en accrochant les tirages avec de simples punaises sur des panneaux de liège semble habile.

Annie Leibovitz Archive Project. Photo Luma Arles
Annie Leibovitz Archive Project. Photo Luma Arles

Mais très vite, l’ensemble pléthorique (8000 photos, 10 salles sur plus de 1 000 m² d’exposition) donne le vertige. Rapidement, l’œil s’égare. On comprend qu’il faudra avoir le regard sélectif… Ce qui est assez facile pour ceux qui ont vécu cette période, qui ont aimé tel ou tel musicien, groupe de rock ou star de cinéma, qui ont été marqués par les années qui ont suivi le Summer of Love, qui ont été captivés par les expériences de la Factory, qui ont été révoltés par les éventements politiques ou sociaux…
Pour les autres, il est difficile de ne pas se perdre dans cette accumulation sans réelle hiérarchie et au fil conducteur assez ténu.

Dans un entretien avec Anne-Cécile Sanchez pour l’Express, Annie Leibovitz assume ce choix de présentation surchargée:

« Je me suis plongée dans mes milliers de planches contacts et j’ai réalisé qu’elles ne représentent pas des “moments décisifs”, comme celles d’Henri Cartier-Bresson, que j’admire. Mon travail est plus diffus. Je n’ai donc pas cherché à isoler les meilleures prises de vues, mais à les présenter comme un film, un making-of ».

Le parcours est chronologique, chaque séquence est introduite par un bref texte. Toutefois, ces textes sérigraphiés en blanc sur les vitres de protection ne sont pas d’une très grande lisibilité, surtout lorsque quelques désagréables reflets viennent s’en mêler. Il est alors très compliqué de les lire à plusieurs. Faire le lien entre ces textes et les images est parfois compliquée par la dimension des cimaises et l’accumulation des photos qui y sont accrochées. De plus, certaines séries sont sans rapport direct avec le propos introductif.
Heureusement, l’enchaînement des tirages est parfois interrompu par quelques commentaires complémetaires.

Le parcours s’agrémente d’un « who’s who » où l’on peut associer des listes de personnalités avec des photos repérées par de petites punaises rouges numérotées… Mais le « jeu » s’avère assez vite lassant. La typo trop petite des caractères blancs réduit singulièrement la lecture de ces noms. Quant aux minuscules punaises numérotées, réparties parfois sur toute la longueur de la cimaise, elles s’avèrent assez souvent introuvables.
Quelques scènes familiales et amicales (Leibovitz family and friends) ainsi que des images plus anecdotiques (Mustang Ranch…) émaillent le parcours…

 

Doit-on rajouter que certaines images sont épinglées à une hauteur telle qu’elles sont invisibles ? Sont-elles là pour meubler et équilibrer la cimaise ?
Enfin, les épais verres de protection multiplient les reflets désagréables… Sont-ils vraiment indispensables pour une exposition qui ne présente que des retirages numériques récents ? Les risques de pillage ou de dégradation par les visiteurs sont-ils si importants ?

Toutefois, ces remarques critiques sur le dispositif scénographique n’enlèvent rien au regard aigu et à l’étonnant travail d’Annie Leibovitz, ni au plaisir que de nombreux visiteurs partagent dans le labyrinthe de ces archives et dans le dédale de leurs souvenirs.

Au-delà de ces images « Annie Leibovitz Archive Project #1 : The Early Years », interroge aussi l’archive vivante, la manière de l’organiser, de la documenter et de l’exposer.
Cette exposition s’inscrit dans le prolongement d’un travail de réflexion que la Fondation Luma et Luma Arles ont engagé depuis plusieurs années et qui s’est traduit par plusieurs projets artistiques tels que Systematically Open? Nouvelles formes de production de l’image contemporaine en 2016, Impondérable : Les Archives de Tony Oursler en 2015 ou encore Frank Gehry : les Chroniques de Solaris en 2014. Il faut saluer la réelle cohérence de ces projets, mais aussi les évidentes prises de risques dans la manière d’aborder leur présentation au public.

Avec des problématiques certes différentes, les deux œuvres de sa collection que Maja Hoffman montre en même temps dans la Grande Halle des Ateliers, contribuent à alimenter cette réflexion. Elles font de ces propositions de Luma Arles pour l’été 2017 un ensemble très cohérent. Voir la chronique à propos de  l’installation de Peter Fischli et David Weiss, Visible World et à la vidéo d’Arthur Jafa, Love is the Message, The Message is Death.

Scénographie de Jasmin Oezcebi – Design de l’exposition de Jeff Streeper

La page Facebook de la Fondation LUMA Arles a très largement communiqué sur la visite et la conférence de presse du 26 mai avec plusieurs « Live ». Les anglophones peuvent consulter ci-dessous une visite commentée de son exposition par Annie Leibovitz.

Facebook live Luma Arles

Le catalogue, publié par Taschen, avec ses 122 photographies, un essai critique de Luc Sante, et une frise chronologique apparaît comme un peu décalé par rapport à l’exposition pléthorique qu’il est supposé accompagner et compléter.
Cet ouvrage n’est-il pas le synopsis de l’exposition qui aurait dû être montrée ? L’exposition n’est-elle pas le chemin de fer de son éventuel catalogue ?
Ce livre n’est disponible que sur les lieux de l’exposition et en ligne sur le site internet de Luma Arles au prix de 28 euros.

En savoir plus :
Sur le site de la Fondation LUMA
Sur la page Facebook de la Fondation LUMA
Sur la page Facebook Annie Leibovitz

Annie Leibovitz Archive Project #1: The Early Years

Présentation extraite du communiqué de presse de la Fondation LUMA  :

« Premier projet dédié exclusivement au début de sa carrière, « Annie Leibovitz Archive Project #1: The Early Years » aborde les travaux de jeunesse de Leibovitz comme un moyen de contextualiser plus en détail sa pratique mondialement reconnue. L’exposition débute avec les premières photographies d’Annie Leibovitz, prises en 1968. Étudiante au San Francisco Art Institute, elle passe rapidement de la peinture au légendaire département de Photographie de l’école, et publie ses premières photos l’année suivante – une série d’images-reportages consacrées aux manifestations contre la guerre du Vietnam – dans le tout jeune magazine Rolling Stone. Influencée par Henri Cartier-Bresson et Robert Frank, son approche instinctive du photojournalisme et du portrait se fait sentir dans les premiers clichés qu’elle prend de John Lennon et des Rolling Stones, tout comme dans sa couverture de la campagne présidentielle de 1972 réalisée en collaboration avec Hunter S. Thompson, ou encore le lancement d’Apollo 17 avec Tom Wolfe.

Annie Leibovitz, Nixon quitte la Maison Blanche en 1972 © Annie Leibovitz
Annie Leibovitz, Nixon quitte la Maison Blanche en 1972 © Annie Leibovitz

Nommée photographe en chef du Rolling Stone en 1973, Leibovitz réalise certaines des images les plus mémorables de la décennie – paraissant souvent en une de ce bimensuel de plus en plus influent – tout en couvrant la démission du président Richard Nixon en 1974, et en se plongeant dans la tournée prolongée des Rolling Stones en 1975. Caractérisées par son sens inné de l’àpropos et de la perspective, ses images se distinguent également par la proximité psychologique qu’elle instaure avec ses différents sujets – un degré d’intimité visible dans le portrait qu’elle fait de John Lennon et Yoko Ono, quelques heures à peine avant que Lennon ne soit assassiné à New York.

 » Annie Leibovitz Archive Project #1 : The Early Years  » s’achève en 1983, une année charnière. En l’espace de quelques mois, l’artiste quitte le magazine Rolling Stone, publie une monographie de ses premières photographies, et commence à travailler en tant que photographe associée pour Vanity Fair, qui connaît alors un nouvel essor ».

On attend avec curiosité cette exposition qui s’annonce comme un événement majeur de la saison estivale à Arles.

Un catalogue est annoncé aux éditions Taschen, en collaboration avec la Fondation LUMA.
Une soirée au Théâtre Antique d’Arles sera consacrée à Annie Leibovitz, le 6 juillet, pendant la semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles.

En savoir plus :
Sur le site de la Fondation LUMA
Sur la page Facebook de la Fondation LUMA
Sur la page Facebook Annie Leibovitz

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