Jean-Michel Othoniel, Géométries Amoureuses au Carré Sainte-Anne à Montpellier

Jusqu’au 24 septembre 2017, le Carré Sainte-Anne présente avec « Se collectionner soi-même (le Verre 1992 – 2016) » une extraordinaire installation de Jean-Michel Othoniel. C’est probablement la proposition la plus magique et féerique de toutes celles montrées récemment dans ce lieu, depuis « After the Dream » que nous avait offert Chiharu Shiota, en 2013.

Jean Michel Othoniel au Carrée Sainte Anne - Montpellier
Jean Michel Othoniel au Carrée Sainte Anne – Montpellier

L’idée de « se collectionner soi-même » peut surprendre… celle d’en faire une exposition avait de quoi intriguer. Si l’on ne peut évacuer un regard rétrospectif ou celui d’une forme d’autoportrait sur cette exposition, l’installation de Jean-Michel Othoniel est un réel enchantement qui fait se croiser de multiples imaginaires où s’entremêlent érotisme, sacré, et spiritualité…

Accrochées avec soin et imagination, les œuvres en verre s’animent avec féerie et splendeur grâce aux mouvements changeants de la lumière qui tombe des vitraux de Sainte-Anne. La scénographie est magistrale. Chaque détail est traité avec soin. Ainsi les cimaises peintes d’un rouge pompéien sont surmontée par une délicate moulure qui reprend la couleur ocre jaune du gorgerin des colonnes.

Admirablement organisée autour d’un lit de briques bleues qui occupe le centre de la nef, l’installation imaginée par Jean-Michel Othoniel multiplie les objets précieux où la lumière se répercute, se diffracte, engendrant des reflets sans fin. L’image du visiteur s’y duplique à l’infini en se confondant à celle des œuvres.

Décrire « Se collectionner soi-même » a peu de sens. C’est avant tout une expérience à vivre. Plutôt que de paraphraser le propos de Jean-Michel Othoniel, on reproduit ici une séquence vidéo enregistrée lors de la visite de presse et ces quelques lignes extraites du dossier de presse :

« Tel un jardin clos, un monde onirique, une carte personnelle du tendre, l’installation fait rayonner pudiquement les oeuvres comme de précieux talismans sacrés.
J’ai gardé au sein de la collection personnelle de mes propres oeuvres toutes ces pièces clefs afin de pouvoir y revenir et m’y ressourcer ».

Jean-Michel Othoniel

« (…) La grande installation colorée dissimule de nombreuses œuvres qui ressemblent à des bijoux érotiques et torturés. Suspendues au centre de la nef, flottant au-dessus d’un lit de briques bleues réalisées avec les verriers indiens de Firozabad, se côtoient une vingtaine d’œuvres de périodes différentes. Toutes ces œuvres, je les ai gardées précieusement tout au long de ces quinze dernières années car elles témoignent de moments clefs et importants dans mon parcours : Le Collier Cicatrice en verre rouge de Murano, les fruits défendus du jardin de Peggy Guggenheim à Venise, les Bannières qui ont ponctué le parcours enchanté de mon exposition à la fondation Cartier, les larmes de verre prises entre deux eaux réalisées au Mexique, Le Collier Seins soufflé sur l’île de Hawaï dans les mêmes couleurs que les colliers de fleurs de bienvenue, La Mandorle d’or inspirée par le savoir-faire des verriers Japonais d’Hokkaido, la Géométrie Amoureuse de la salle Mésopotamienne du musée du Louvre, Black is beautiful, hommage que j’ai voulu rendre au peuple noir de Louisiane martyrisé, sous la forme d’un grand collier aux perles noires portant nombre de cicatrices, La Vierge du jardinier, petite pièce de verre soufflée à Brooklyn et destinée à servir d’abreuvoir aux oiseaux du cloître des Augustins à Toulouse, Le Collier Alessandrita dont la couleur vient d’un minerai aujourd’hui disparu, les Amants suspendus aux perles baroques dissimulant de nombreux orifices sensuels… Autant de souvenirs de voyages, de rencontres et d’étapes émerveillées dans la construction de mon univers. Tel un jardin clos, un monde onirique, une carte personnelle du tendre, l’installation fait rayonner pudiquement les oeuvres comme de précieux talismans sacrés. J’ai soigneusement gardé au sein de la collection personnelle de mes propres œuvres toutes ces pièces clefs afin de pouvoir y revenir et m’y ressourcer. »

Jean-Michel Othoniel, extrait de son entretien avec
Noëlle Tissier, directrice du CRAC et commissaire de l’exposition à Sète.

Inutile de préciser qu’un passage par le Carré Sainte-Anne s’impose avant le 24 septembre prochain. Sans aucun doute, cette installation mérite plusieurs visites. Chacune prodiguera à coup sûr des visions et des sensations singulières.

Le commissariat est assuré par Nicole Kerangueven et Edouard Aujaleu de l’association Les Amis du Musée Fabre. La direction artistique est assurée par Numa Hambursin.

Un catalogue est en préparation aux éditions Lienart. Il devrait être disponible à la fin du mois de juin. Il sera organisé en deux livrets. Dans le second, Jean-Michel Othoniel décrit chaque œuvre exposée comme une histoire personnelle. On ne résiste par à partager ici celle du Contrept (1992) :

« Le Contrepet a été réalisé en 1992, juste après mon exposition à la documenta IX. Organisée par Jan Hoet, celle-ci avait pour thème l’importance du corps dans l’art à la fin des années 1980. Cette œuvre, la première que j’ai réalisée en obsidienne, se réfère directement à la série d’orifices en soufre que j’avais exposée quelques mois avant à Kassel.

Cet autoportrait est né d’un long parcours : deux ans auparavant, à Naples, avait eu lieu ma première exposition personnelle; de là sont nés mon goût de voyager pour exposer et aussi celui de l’histoire ancienne. Mon obsession d’alors était la présence symbolique du soufre dans les champs Phlégréens. Ce sujet brûlant me porta jusque sur l’île Éolienne de Vulcano, à la recherche du soufre natif. J’avais rendez-vous avec Mademoiselle Cavalier, une vulcanologue qui, paradoxalement, me fit découvrir un autre matériau de l’île, qui n’existait plus que sous forme résiduelle : l’obsidienne, verre noir des volcans, opaque et tranchant. Jusqu’au haut Moyen Âge, l’île de Lipari était connue pour ses mines d’obsidienne. C’est alors qu’une éruption du volcan les ensevelit sous une énorme coulée de pierre ponce. Cette vulcanologue m’expliqua que la pierre ponce blanche et l’obsidienne noire n’étaient qu’un même et unique basalte. Cependant, l’un s’expanse et l’autre se vitrifie au moment de l’éruption volcanique. En quittant l’île, elle me confia un sac et me lança ce défi : celui qui pourra refondre la pierre ponce en tirera l’obsidienne.

De retour en France, j’ai contacté le Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (CIRVA) à Marseille et leur ai proposé le projet de métamorphoser la pierre ponce en obsidienne et de faire ainsi renaître ce verre disparu. J’ai côtoyé les verriers de ce centre et, après deux années de recherches et de mises au point, j’ai pu donner forme à trois petites sculptures d’obsidienne. Elles ont la forme d’un volcan posé sur l’eau, d’un morceau de corps perforé, d’un œil dans la nuit. Leurs revers ont été polis jusqu’à devenir miroir. Les miroirs d’obsidienne sont supposés refléter l’âme de leur regardeur ».

En savoir plus :
Sur la page du Carré Sainte-Anne du site de la Ville de Montpellier.
Sur la page Facebook du Carré Sainte-Anne
Sur le site de Jean-Michel Othoniel
Suivre Jean-Michel Othoniel sur Facebook et Instagram
À lire la chronique de l’exposition au CRAC à Sète

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