Jean Dubuffet – L’outil photographique aux Rencontres Arles 2017

Les Rencontres d’Arles présentent, au premier étage de l’atelier des Forges, « Jean Dubuffet – L’outil photographique », une captivante exposition coproduite par la Fondation Dubuffet, le Musée de l’Élysée et les Rencontres d’Arles, avec la participation de la Collection de l’Art Brut de Lausanne.

Construite à partir du fonds photographique conservé à la Fondation Dubuffet, l’exposition met en regard la production artistique de Dubuffet avec ses divers usages de la photographie.

Les trois commissaires Anne Lacoste, Sam Stourdzé et Sophie Webel présentent un projet très lisible et facilement accessible qui intéressera aussi bien les amateurs de l’œuvre de Dubuffet que ceux qui en ignorent l’essentiel.

Le parcours s’articule dans une logique chronologique depuis les années 1940 jusqu’à la l’exposition organisée par Fiat à Turin, en 1978.
Un choix pertinent d’œuvres rappelle les grandes périodes qui ont marqué le travail de Dubuffet. Elles se conjuguent avec une très riche sélection de phototypes (négatifs, tirages, albums). L’ensemble met en lumière les relations de l’artiste à la photographie et la place qu’il lui donna comme outil dans la conception et la réalisation de certaines pièces exposées.

La scénographie sobre et efficace sert avant tout le propos des commissaires. Toutefois, elle sait aussi créer des ruptures et offrir des perspectives qui rendent ce discours fluide, cohérent et à la portée de tous. A de rares exceptions (reflets sur les vitrines), l’éclairage est parfait. A noter également la qualité des encadrements réalisés par l’Atelier David Gallardo à Paris.

Un texte de salle (en français et anglais) d’une vingtaine de lignes introduit chaque section. Rédigés avec simplicité, ils donnent au visiteur les éléments essentiels pour regarder avec profit les œuvres et les objets exposés et suivre sans difficulté le discours des commissaires.

Une exposition à ne pas manquer !

À lire, ci-dessous, un compte rendu de visite qui décrit le parcours de l’exposition et le texte de présentation d’Anne Lacoste, une des trois commissaires.

Publications : L’Outil photographique, Photosynthèses, 2017 ; Les Albums photographiques de Jean Dubuffet, 5 Continents Éditions/Collection de l’Art Brut, 2017.

En savoir plus :
Sur le site de Rencontres Arles 2017
Sur le site de la Fondation Jean Dubuffet
Écouter l’interview de Anne Lacoste et Sophie Webel, commissaires de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer sur le site de FranceFineArt.
A voir dans la région plusieurs pièces de Dubuffet dans l’exposition « Passion de l’art, galerie Jeanne Bucher Jaeger depuis 1925 » au musée Granet d’Aix-en-Provence et dans le fonds Jean Planque que le musée Granet montre dans la chapelle des Pénitents blancs.
Une série d’affiches de Dubuffet est également exposée dans « Honey, I rearranged the collection », Posters de la collection Lempert au MRAC à Sérignan.

Jean Dubuffet – L’outil photographique :
Parcours de l’exposition

Un système de référencement photographique des œuvres…

Le parcours commence avec le « Petit Sergent-Major », une huile sur toile de février 1943, montrée dans une exposition qui fit scandale à la galerie René Drouin, en 1945.

Jean Dubuffet, Petit Sergent-Major, février 1943 - Jean Dubuffet - L'outil photographique Rencontres Arles 2017
Jean Dubuffet, Petit Sergent-Major, février 1943 – Jean Dubuffet – L’outil photographique Rencontres Arles 2017

En s’appuyant sur l’exemple de cette toile, les commissaires montrent comment, dès les années 1940, Dubuffet utilise la photographie pour mettre en place un outil documentaire qui lui permet d’inventorier ses œuvres.

Dans une première vitrine, plusieurs documents illustrent l’évolution de cette entreprise. En 1942-43, un premier classeur rassemble autour d’un cliché référencé (n° 119) des notes manuscrites à propos des reproductions, expositions et propriétaires du « Petit Sergent-Major ». Vers 1960, le « Grand fichier » normalise ce premier système de référencement photographique des œuvres. La vitrine expose la fiche du « Petit Sergent-Major ». En 1964, le premier fascicule du « Catalogue des travaux de Jean Dubuffet (catalogue raisonné) » est édité. On y retrouve le cliché n° 119 du « Petit Sergent-Major ».

Face à cette vitrine, deux cimaises montrent une intéressante sélection de fiches d’œuvres et des vues d’expositions extraites du « Grand fichier ».

Certains ont reproché à Dubuffet la création, de son vivant, de son propre catalogue raisonné… Cependant, ce système de référencement photographique, toujours utilisé et mis à jour, a été un outil indispensable et efficace pour suivre ses œuvres et répondre à l’organisation d’expositions.

Dubuffet, son image et la presse…

Alexander Liberman et Kay Bell-Reynal, portraits de Dubuffet - L'outil photographique Rencontres Arles 2017
Alexander Liberman et Kay Bell-Reynal, portraits de Dubuffet – L’outil photographique Rencontres Arles 2017

S’il conserve, dans le « Grand fichier », les articles à son propos, Dubuffet se méfie de la presse. L’exposition montre les portraits réalisés par Robert Doisneau pour Vogue, en 1951 et les quelques séries prises aux États-Unis, par Alexander Liberman ou Kay Bell-Reynal, au début des années 50.

Par la suite, l’artiste contrôle son image et met rapidement un terme à ces portraits, comme le souligne cette citation extraite d’un texte de salle :

« […] Je n’ai pas à décevoir ni désobliger personne ; j’aime certes à seconder chacun dans ses entreprises quelles qu’elles soient mais vraiment à quoi bon ces photographies ? J’ai déjà été photographié sous toutes les coutures, notamment en Amérique où ils ont la manie de cela. Cela relève du fétichisme ! Du temps perdu, mon cher ami ! De la pellicule perdue ! Je n’aspire, de toutes mes forces, qu’à l’ombre et l’anonymat. Un objectif braqué sur moi à l’instant même je déteste cela ! Cela balaye en moi à l’instant même toute tranquillité, toute joyeuse humeur. »

Torrents, vaches, herbes et Vérascope…

Au début de l’année 1953, Dubuffet découvre un nouvel usage du Vérascope, l’appareil de prises de vues stéréoscopiques qu’il possède depuis plusieurs années.
En complément de ses dessins, il décide de l’utiliser comme « aide-mémoire » dans la perspective de peindre plus tard un torrent d’eaux vives qu’il photographie lors d’un séjour dans les Hautes-Alpes. L’été suivant, il renouvelle l’expérience en Auvergne avec une série de Vaches et d’Herbes.

L’exposition consacre un espace à l’utilisation de cet outil photographique par Dubuffet.
Au centre de celui-ci, une vitrine présente le Vérascope F40, ainsi que des copies de quelques diapos de vaches, herbes et torrents. Des visionneuses « 3D » à la disposition des visiteurs permettent de regarder ces images en « relief »…
Autour de cette vitrine, plusieurs œuvres de Dubuffet sur ces thématiques sont mises en regard. Quatre études accompagnent une grande huile sur toile intitulée « Le Torrent », d’août 1953. « L’herbe », un tableau de 1954 et trois dessins de vaches au stylo bleu témoignent de ses expériences lors d’un séjour en Auvergne, en 1954.

Louis Barnier, La Vache au pré noir de Jean Dubuffet - L'outil photographique Rencontres Arles 2017
Louis Barnier, La Vache au pré noir de Jean Dubuffet – L’outil photographique Rencontres Arles 2017

De manière plus anecdotique, l’exposition propose les 24 planches en couleurs de la « Vache au pré noir » de Dubuffet que réalisa l’imprimeur Louis Barnier à la suite d’une impression en quadrichromie ratée pour un catalogue…

Vence : Texturologies, Matériologie et la série des Phénomènes…

L'outil photographique Rencontres Arles 2017 - Vue de l'exposition - Vence
L’outil photographique Rencontres Arles 2017 – Vue de l’exposition – Vence

Précédé par trois lithographies réalisées en 1945 pour l’album Les Murs, l’espace suivant s’attarde sur la période où Dubuffet s’installe à Vence en 1955. C’est l’époque où il multiplie les expériences passant des Tableaux d’assemblage, aux Texturologies et aux Matériologies

Jean Dubuffet, Texte aux pustules (Matériologie), décembre 1960 - L'outil photographique Rencontres Arles 2017
Jean Dubuffet, Texte aux pustules (Matériologie), décembre 1960 – L’outil photographique Rencontres Arles 2017

En témoignent, sur les cimaises, « Texte aux pustules (Matériologie), une pâte plastique de décembre 1960 et une superbe sélection de lithographies issues de divers albums de sa série « Les Phénomènes » (1958-59).

Jean Dubuffet, Phénomènes, 1958-59 - L'outil photographique Rencontres Arles 2017
Jean Dubuffet, Phénomènes, 1958-59 – L’outil photographique Rencontres Arles 2017

Ces œuvres sont accompagnées de quatre portraits de Dubuffet à Vence par Arnold Neuman, en septembre 1956 ainsi qu’un grand Wallpaper reproduisant une planche contact de clichés pris à l’atelier.

On remarque également 16 tirages de John Craven. Cette série intitulée « Jean Dubuffet, images en sol majeur » montre l’artiste dans des sites autour de Vence et un ensemble de gros plans de textures naturelles… Dubuffet refusera l’idée d’une exposition associant la série photographique de Craven avec ses peintures… Le texte de salle rapporte ces mots de Dubuffet :

« Aussi voit-on des photographes s’en mêler et nous proposer, au même titre que ces peintures dites informelles, des images dues à l’objectif à partir d’agrandissements de petits fragments de racines, d’écorces, de pierres ou de murailles. J’ai le sentiment d’être un peu responsable du glissement de l’art vers cette voie. »

Si l’on perçoit bien l’intérêt que ces travaux de Dubuffet suscitèrent chez les photographes, rien n’indique l’usage que l’artiste fit de l’outil photographique pour la réalisation de ses œuvres…

Art brut

L'outil photographique Rencontres Arles 2017 - Vue de l'exposition - Art Brut
L’outil photographique Rencontres Arles 2017 – Vue de l’exposition – Art Brut

Cette section trop brève est probablement le point faible de l’exposition. Un portrait de Dubuffet par John Craven devant un mur de graffitis, une lettre à Gallimard et quelques planches extraites des albums photographiques constitués pour ses recherches sur l’Art Brut peuvent paraître comme un survol de ce qui fut un travail important et peut être fondateur pour Dubuffet… Ceux qui voudraient en savoir plus pourront se reporter à l’ouvrage « Les Albums photographiques de Jean Dubuffet », sous la direction de Sarah Lombardi.

Édifices et photomontages…

L'outil photographique Rencontres Arles 2017 - Vue de l'exposition - Edifices
L’outil photographique Rencontres Arles 2017 – Vue de l’exposition – Edifices

Cette section revient sur Édifices, une importante exposition de Dubuffet en 1968, au musée des Arts décoratifs. En plein cycle de L’Hourloupe, il présente des « architectures imaginaires » avec des sculptures en polystyrène expansé qui sont accompagnées par un ensemble de photomontages, qu’il appelle des « photographies truquées ».

Autour de deux maquettes de la « Tour aux Figures » et d’une du « Pavillon aux deux étages », l’exposition rassemble plusieurs de ces photomontages réalisés avec la collaboration des photographes Augustin Dumage et Wolf Slawny. On découvre donc ses « simulacres d’architectures » place Victor Hugo, place des Victoires, sur l’esplanade du Trocadéro, depuis le pont de la Tournelle, entre deux immeubles parisiens ou encore à proximité d’une tour HLM…

Groupe des Quatre Arbres, le Polaroid…

Après avoir vu l’exposition Édifices, Gordon Bunshaft, architecte du siège de la Chase Manhattan Bank à New York, sollicite Dubuffet pour installer une de ses sculptures monumentales sur l’esplanade située devant l’immeuble dont il est l’auteur. Il conçoit plusieurs propositions en utilisant un nouvel outil photographique, le Polaroid. Le choix de la Chase Manhattan Bank et de son président David Rockefeller se porte sur le « Groupe de Quatre Arbres ».

Jean Dubuffet, Groupe des Quatre Arbres, maquette d'aout 1970 - L'outil photographique Rencontres Arles 2017
Jean Dubuffet, Groupe des Quatre Arbres, maquette d’aout 1970 – L’outil photographique Rencontres Arles 2017

Autour d’une maquette du « Groupe de Quatre Arbres », l’exposition présente dans une vitrine plusieurs documents relatifs à ce projet majeur qui se rattache au cycle de l’Hourloupe : Albums de Jean Dubuffet montrant son travail à partir d’épreuves Polaroid, reportage de Kurt Wyss sur la visite de David Rockefeller dans les ateliers de Périgny-sur-Yerres, articles de presse et album photo d’Arthur Lavine à propos de l’inauguration du « Groupe de quatre arbres », en octobre 1972.

En face, une autre vitrine expose deux grands leporellos de Kurt Wyss qui documentent d’importants projets de sculptures monumentales : le « Jardin d’émail » (1974) au Koller-Müller Museum d’Otterlo et la « Closerie Falbala » (1970-1973) à la fondation Dubuffet, Périgny-sur-Yerres. Rencontré en 1970, Kurt Wyss devient alors le photographe attitré de Dubuffet.

Cette section se termine par deux autres usages de l’outil photographique par l’artiste que l’on retrouve dans la suite de l’exposition. Le premier rassemble trois photomontages sur des projets de monuments, réalisés à partir de photographies couleur découpées et collées sur du papier Kraft. Le second présente deux dessins réalisés au marker et vinyle où Dubuffet teste un système d’agrandissement par projection…

Coucou Bazar

L'outil photographique Rencontres Arles 2017 - Vue de l'exposition - Coucou Bazar
L’outil photographique Rencontres Arles 2017 – Vue de l’exposition – Coucou Bazar

L’exposition consacre ensuite une large place à « Coucou Bazar », une des créations les plus originales de Dubuffet qui était aussi sous-titré « Bal de L’Hourloupe ou Bal des Leurres ».
Le site de la Fondation Jean Dubuffet apporte de nombreuses informations à propos de ce spectacle souvent considéré comme le sommet du cycle de L’Hourloupe.

L’exposition présente plusieurs éléments essentiels de « Coucou Bazar » conservés par la Fondation : une maquette de scène, un costume et un praticable.
La documentation qui accompagne ces objets est particulièrement intéressante et permet de comprendre la manière de travailler de Dubuffet sur ce projet et en particulier ses pratiques relevant de la photographie. Les extraits du film « Les praticables de Jean Dubuffet » de Daniel Cordier et Jacques Scandelari sont passionnants.

On retrouve l’utilisation de Polaroids découpés et collés pour concevoir costumes et décors. Plusieurs documents montrent un nouvel usage de l’outil photographique : l’agrandissement par projection. Les diapositives de ses dessins et de ses assemblages sont projetées sur de grands panneaux. Ses assistants reportent ainsi les tracés à l’échelle désirée pour réaliser praticables et costumes…

Kurt Wyss, Jean Dubuffet à l'atelier de la Cartoucherie de Vincennes, 1972 - L'outil photographique Rencontres Arles 2017
Kurt Wyss, Jean Dubuffet à l’atelier de la Cartoucherie de Vincennes, 1972 – L’outil photographique Rencontres Arles 2017

Dubuffet documente abondamment son travail en cours, faisant parfois appel à Kurt Wyss.

L'outil photographique Rencontres Arles 2017 - Vue de l'exposition - Coucou Bazar
L’outil photographique Rencontres Arles 2017 – Vue de l’exposition – Coucou Bazar

La scénographie est particulièrement réussie. Les cimaises peintes en noir, un éclairage soigné et quelques wallpapers construisent d’intéressantes perspectives. L’ensemble reste toutefois sobre. Sans « tapage », il laisse au visiteur tout l’espace pour apprécier les documents exposés.

Peintures projetées

L'outil photographique Rencontres Arles 2017 - Vue de l'exposition - Peintures projetées
L’outil photographique Rencontres Arles 2017 – Vue de l’exposition – Peintures projetées

En 1974, Dubuffet revient à la peinture qu’il ne pratique plus depuis 1967. Parmi les outils qu’il emploie, l’artiste reprend l’agrandissement par projection, utilisé pour « Coucou Bazar ». Mais cette fois-ci, il ne s’agit plus seulement d’un procédé technique, mais d’un « geste » affirmé qui revendique l’exécution des toiles par un assistant au moyen du projecteur. En réponse à ceux qui contestent cette manière, Dubuffet déclare : « Ce n’est pas en fonction des techniques employées qu’on doit juger d’une œuvre ; c’est en fonction de ce qu’elle est en fin de compte ; tout le reste relève de l’anecdote et d’un fétichisme de spécialistes qui n’a rien à faire avec la vertu propre d’une œuvre ».

L'outil photographique Rencontres Arles 2017 - Vue de l'exposition - Peintures projetées
L’outil photographique Rencontres Arles 2017 – Vue de l’exposition – Peintures projetées

L’exposition organisée en 1978 à Turin par FIAT est l’occasion d’illustrer ces expérimentations alors novatrices de l’outil photographique par Dubuffet.
Le parcours se termine par une réactivation partielle du dispositif qui était constitué de douze projecteurs de diapositives et d’un projecteur cinématographique, présentant sur six écrans une succession d’images consacrées à la Closerie Falbala.

L’ensemble est accompagné de divers documents, dont un texte de salle qui reproduit le propos de Jean Dubuffet, paru dans le catalogue de l’exposition au Palazzo della Promotrice Valentino, en 1978 :

« L’apparition dans la nuit de la projection lumineuse dote l’image d’une force énorme. Ce n’est pas qu’elle transforme l’image mais c’est qu’elle transforme la perception qu’a d’elle celui à qui l’image est présentée. Surgissant seule dans la nuit, tout le contexte quotidien aboli, elle acquiert un pouvoir considérable. C’est proprement le but de l’art d’arracher l’esprit aux automatismes de la vie quotidienne, au rétrécissement du champ de la pensée, à l’assoupissement de celle-ci qui en résulte. La pensée s’endort dans l’automatisme quotidien, elle ne fonctionne presque plus. Elle ne ressent plus rien de ce qui lui est offert. La projection lumineuse, en occultant tout le tissu du contexte pour ne plus présenter que la seule image, précipite l’esprit en soudain réveil. Alors peut-on bien dire qu’elle présente une peinture avec plus de vérité que ne le fait l’oeuvre originale elle-même. Car l’œuvre a été créée dans le plein éveil de l’esprit ; elle veut être abordée dans un transport de l’esprit en un lieu tout autre que celui du contexte quotidien ; c’est la condition capitale de son action, c’est la pleine vérité de son être et c’est ce qu’il importe le plus de sauvegarder. On peut donc affirmer, quoique ce puisse apparaître à première vue paradoxal, qu’une présentation de peintures dans la forme de leurs projections lumineuses les révèle plus complètement et plus véridiquement que ne le feraient les originaux ».

Prospectus et tous écrits suivants, III, p. 502-503: Jean Dubuffet : « Présentation à Turin d’une exposition de peintures dans la forme de projections lumineuses » texte rédigé pour le catalogue de l’exposition.

Jean Dubuffet – L’outil photographique :
Une présentation par Anne Lacoste, co-commissaire de l’exposition

Cette exposition présente la première étude du fonds photographique conservé à la fondation Dubuffet, en regard de la production artistique de l’artiste (peintures, maquettes d’architecture ou éléments du spectacle Coucou Bazar). Dès le début de son activité artistique dans les années 1940, Jean Dubuffet (1901-1985) invente un système de référencement photographique et, à partir de 1959, entreprend d’organiser un secrétariat chargé entre autres de documenter tous ses travaux éparpillés par le monde. Cet ensemble de plusieurs milliers de phototypes (négatifs, tirages, albums) s’inscrit dans l’ambition de l’artiste de constituer un fonds documentaire exhaustif de l’ensemble de son œuvre, à la fois au service de son travail en cours (« work in progress ») et de sa diffusion maîtrisée. La photographie compte aussi parmi les nombreux outils employés par l’artiste pour la réalisation de ses œuvres. Source iconographique pour certaines séries, son caractère multiple permet d’autre part la reproduction de mêmes éléments et leur utilisation dans différents travaux. Pour son exposition Édifices en 1968, il présente des photomontages intégrant ses créations architecturales dans l’espace public. La projection photographique intervient à partir des années 1970 comme procédé d’agrandissement pour la réalisation d’éléments tels que les praticables de son spectacle Coucou Bazar. Enfin, l’exposition rétrospective organisée par Fiat à Turin en 1978 innove, avec une mise en scène spectaculaire associant œuvres originales et projections lumineuses d’autres peintures, complétée par une multi-projection consacrée à son œuvre majeure, la Closerie Falbala.

Anne Lacoste

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