Rentrée 2017 à La Panacée avec Saâdane Afif, Jacques Charlier et Plurivers

Du 14 octobre 2017 au 14 janvier 2018, La Panacée propose, pour la rentrée 2017,  un troisième cycle d’expositions. On retrouve l’articulation mise en place depuis janvier. Trois projets sans rapport les uns avec les autres sont présentés simultanément :

Saâdane Afif, « Là-bas. »

De Saâdane Afif, on a pu apprécier récemment dans la région les pièces de la collection Gensollen exposées dans « Les Possédés – chapitre 2 » à la Friche la Belle de Mai, en 2016. On se souvient également de « The Fountain Archives » présenté lors d’Art-O-Rama 2015 et de la conversation avec Michel Gauthier qui l’accompagnait.

Pour cette exposition à La Panacée, il réactive « Là-bas. », une installation présentée au Düren Museum, pendant la 8° Biennale de Berlin, en 2014. Cette pièce est accompagnée des quinze textes commandés par Saâdane Afif à des artistes ou à des proches…

Saâdane Afif, Là-bas., 2014 Vue d’exposition, Museum Dahlem, Berlin Installation, réplique du poteau de la gare de Düren avec annonces du trafic des trains. Crédit : Katharina Kritzler
Saâdane Afif, Là-bas., 2014 Vue d’exposition, Museum Dahlem, Berlin Installation, réplique du poteau de la gare de Düren avec annonces du trafic des trains. Crédit : Katharina Kritzler

On connaît l’intérêt de l’artiste pour l’univers de la musique pop. Pour cette exposition montpelliéraine, il a demandé à Pierre Peres, diplômé des Beaux-Arts de Montpellier, et à Anas Maghrabi de composer plusieurs morceaux à partir des textes qu’il leur a fournis. Deux concerts sont annoncés l’un à Montpellier, au Black Sheep et l’autre en Allemagne. Un disque devrait suivre sur le label Lyrics Records, créé par Saâdane Afif.

Avec « Heritages », on découvre une installation conçue pour la 11° biennale de Sharjah.
« Donner la Réplique ou Ubu Roi disséminé » apparaît comme une performance dans l’espace public à Montpellier qui sera activée deux fois par semaine.

On trouvera, ci-dessous, dans le texte de présentation de ces projets la genèse du premier et le protocole qu’entend suivre le second.

Jacques Charlier, « une rétrospective »

Certains gardent peut-être le souvenir des affiches de la série « 100 Sexes d’artistes » de Charlier. Refusées par la Biennale de Venise 2009, elles avaient été montrées à Nîmes par la Galerie 4, Barbier dans le cadre de Casanova forever, proposé par Emmanuel Latreille en 2010 dans la région Languedoc Roussillon.

Ceux-là savent que cet artiste belge inclassable sait se montrer iconoclaste. Ils attendent probablement avec une certaine impatience de découvrir cette première rétrospective en France à La Panacée.
Les séries Paysages professionnels (1963-1970), Zone absolue (1969-1970), Photographies de vernissages (1974-1976) et Photo sketches (1974-1977) font partie de cette rétrospective…

Pendant l’exposition, Aperto montre « Peintures non identifiées », une sélection parmi les dernières séries de Jacques Charlier, réalisées entre 2012 et 2017.


On ne peut que se réjouir de cette collaboration entre La Panacée et Aperto et le collectif qui l’anime.

Un catalogue « Jacques Charlier, un art sans identité », coédité par La Panacée et la galerie Lara Vincy  accompagne cette rétrospective.

« Plurivers. Quatre études d’ethnologie imaginaire »

Cette exposition collective est sans doute la proposition la plus intrigante de cette rentrée 2017 à La Panacée.
Ce mot de Plurivers tout d’abord… Plus connu avec son synonyme de multivers, il définit l’idée spéculative d’univers multiples et parallèles où se rejoignent philosophie, cosmologie, physique quantique et théorie des cordes…

Il y a dans l’évocation de cette idée de multivers, où la rencontre du chat de Schrödinger n’est pas improbable, quelque chose de vertigineux… Un concept exploité à maintes reprises dans la fiction.
À n’en pas douter, la question par laquelle débute le texte de présentation du projet, « Les musées archéologiques relèvent-ils de la fiction ? », a de quoi éveiller la curiosité…

Pour le moment, on sait que les quatre artistes rassemblés convoqués ont pour point commun de construire tout ou partie de leur production artistique autour de mondes imaginaires plus ou moins utopiques…
On attend donc avec impatience de découvrir le multivers dans lesquels nous invite La Panacée !
On serait peut-être un peu déçu s’il ne s’agissait que d’une collection d’univers artistiques parallèles… Ne serait-ce pas alors un plurivers bien ordinaire ?

Avec « The Crystal Frontier », Mai-Thu Perret construit depuis 1999, un récit autour d’une communauté imaginaire de femmes. Désabusées par la société capitaliste et la domination des hommes, elles ont créé une communauté autonome dans le désert du Nouveau-Mexique, New Ponderosa. Leur histoire est le protocole de travail de l’artiste. Elle accompagne sa chronique de la création d’objets nécessaires au quotidien de ces femmes, mais aussi de leurs productions artistiques ainsi que de textes hétérogènes où se mêlent journaux intimes, lettres, manifeste de la communauté, horaire des activités…

Mai-Thu Perret, Orchids grow in the hidden quarters of the palace. Though never displayed, they never cease emitting their fragrance, 2015 Céramique émaillée 40 x 100 cm
Mai-Thu Perret, Orchids grow in the hidden quarters of the palace. Though never displayed, they never cease emitting their fragrance, 2015 Céramique émaillée 40 x 100 cm

L’histoire des dix premières années de New Ponderosa a fait l’objet d’une publication chez JRP Ringier.

Dans le multivers de La Panacée, Iman Issa propose un ensemble de sculptures qui appartiennent à sa série « Heritage Studies », commencée en 2015.

Un texte de présentation du MACBA, où cette série a été initialement exposée, souligne qu’elle y explore des artefacts historiques dont elle perçoit une résonance particulière avec le monde actuel…

Iman Issa, Heritage Studies #7, 2015 wood, painted wood, 198x60x48cm, texte vinyle Courtesy Carlier / Gebauer, Berlin
Iman Issa, Heritage Studies #7, 2015 wood, painted wood, 198x60x48cm, texte vinyle Courtesy Carlier / Gebauer, Berlin

Réinterprétations d’objets historiques, ses sculptures, complètement différentes des originaux, cherchent à analyser leurs implications et leurs réverbérations à travers le temps…

Professeur à la Cornell University, Norman Daly a consacré près de 40 ans à documenter les vestiges d’une civilisation d’Amérique du Nord, les Llhuros, qu’il a entièrement inventée.
Plusieurs expositions ont exposé des objets utilitaires et rituels, des instruments scientifiques, des sculptures, des peintures, des fresques et des fragments de ruines produits par les Llhuros

Norman Daly, Map of Llhuros, 1971 Courtesy Norman Daly / Cornell University
Norman Daly, Map of Llhuros, 1971 Courtesy Norman Daly / Cornell University

Projet critique de l’objectivité de l’Histoire, l’ensemble a été accompagné de nombreuses publications universitaires. Un important site internet « Civilization of Llhuros » met à la disposition du public une partie de ces documents.
Son travail a été exposé, entre autres, au Metropolitan Museum of Art, au Whitney Museum et au Chicago Art Institute. Norman Daly est mort en 2008.
Est-ce-qu’avec les Llhuros de Norman Daly, La Panacée nous encouragerait à remettre en question la véracité des récits historiques présentés dans les musées ? Et tout état de cause, cette proposition permet de répondre, en partie, à la question qui ouvre texte de présentation de « Plurivers. Quatre études d’ethnologie imaginaire »

Autre monde imaginaire convoqué dans le Plurivers de La Panacée, celui de l’écossais Charles Avery et de ses Islanders
À travers textes, dessins, installations et sculptures, Charles Avery décrit une île et un monde imaginaire – sa géographie, sa faune sa flore, ses habitants – régi par des lois particulières…

Charles Avery, Sans titres (mendiants près de l’Octogone du Noumenon), 2013 Crayon, encre, acrylique et gouache sur papier contrecollé sur toile 114 x 83.6 cm Courtesy Grimm Gallery, Amsterdam
Charles Avery, Sans titres (mendiants près de l’Octogone du Noumenon), 2013 Crayon, encre, acrylique et gouache sur papier contrecollé sur toile 114 x 83.6 cm Courtesy Grimm Gallery, Amsterdam

On attend donc de découvrir Onomatopœia, ville principale de l’île imaginaire, les Noumenons, des animaux dont on ne voit jamais la tête, l’archipel de l’Axiome de Wittgenstein et l’Océan Analytique

Une chronique à suivre dès que possible

En savoir plus :
Sur le site de La Panacée
Suivre l’actualité de La Panacée sur Facebook et Twitter
Saâdane Afif sur les sites des galeries Xavier Hufkens, RaebervonStenglin, Mehdi Chouakri, sur le site de son label Lyrics Records, sur le site de la Sharjah Art Foundation.
Sur le site de Jacques Charlier et sur celui de la galerie Nadja Vilenne.
Mai-Thu Perret sur les sites des galeries VNH Gallery et Francesca Pia. À lire un entretien à propos de The Crystal Frontier sur le blog SFMOMA’s Open Space et la présentation de l’artiste sur le site de La république et canton de Genève.
Sur le site de Iman Issa. Iman Issa sur le site du MACBA avec important entretien sur la chaîne YouTube du MACBA
Sur le site de Norman Daly et sur Civilization of Llhuros
Charles Avery sur le site de la Grimm Gallery, sur le site du FRAC Ile de France et sur le site de zerodeux

La Panacée - rentrée 2017

Présentation du cycle d’exposition extraite du communiqué de presse :

Jacques Charlier, une rétrospective

L’artiste belge Jacques Charlier est l’un des pionniers de l’art conceptuel européen auquel il a intégré l’humour et la bande dessinée, mais également la vie professionnelle et le rock – il a sorti plusieurs albums post-punk à la fin des années 1970.
Partant d’une sociologie critique du monde de l’art, Jacques Charlier a évolué vers un art complexe et inclassable, qui évoque l’esprit de Francis Picabia tout en anticipant sur l’art américain des années 1990 et notamment Mike Kelley.
Son oeuvre porte un éclairage décisif sur les rapports entre l’Europe et les Etats-Unis dans les années 1960, avant de se prolonger vers une totale excentricité par rapport à l’art de son temps.
Il s’agit de la première rétrospective de l’artiste en France.
Publication en partenariat avec la galerie Lara Vincy Paris.

En écho, exposition Jacques Charlier, Peintures en tous genres, du 17 novembre au 30 décembre 2017 à la galerie Lara Vincy Paris.

En écho sur le territoire, les œuvres récentes de Jacques Charlier seront présentées à la galerie Aperto à Montpellier du 14 octobre au 4 novembre 2017.

Saâdane Afif, Là-bas.

Considéré comme l’un des artistes français les plus talentueux de sa génération – né en 1970, il a reçu les prix Marcel Duchamp en 2009 et Meurice en 2015 -, Saâdane Afif est devenu un artiste incontournable invité dans les plus importantes expositions internationales.
Il a bénéficié de nombreuses expositions monographiques dont Anthologie de l’Humour Noir au MMK à Francfort en 2012, Technical Specifications au Witte de With à Rotterdam en 2008 ou encore Lyrics au Palais de Tokyo à Paris en 2005. Il a participé à d’importantes expositions collectives internationales dont Made in Germany Zwei au Sprengel Museum à Hanovre ou encore la documenta 12 à Cassel en 2007 et la Biennale de Lyon en 2005.
Afif pratique un art de la traduction, navigant d’une discipline à une autre : ses dispositifs deviennent des poèmes écrits par de multiples auteurs, interprétés à leur tour par de multiples musiciens.
Brouillant les frontières de l’art, il crée une esthétique de la collaboration et interroge d’une manière ludique la question de l’unicité de l’œuvre, les siennes fonctionnant comme des chaînes de coopération, des chambres d’écho.
Trois projets récents seront présentés lors de l’exposition à La Panacée : Héritages, Là-bas. et Donner la Réplique ou Ubu roi disséminé.
Là-bas.
C’est en 2004, lors de l’exposition Melancholic Beat à Essen, que Saâdane Afif demande pour la première fois à une artiste, Lili Reynaud-Dewar, d’écrire des paroles de chansons en relation avec les quatre œuvres présentées : Brume, Everyday, Black Spirit et Blue Time. Ces textes sont ensuite exposés au mur aux côtés des œuvres auxquelles ils se réfèrent, sans distinction de statut. Depuis lors, Afif invite ainsi régulièrement des artistes à réinterpréter de courts textes en lien avec ses travaux. Ces commandes répondent à des règles très précises. À la fois émanation et prolongement du sens d’une œuvre donnée, ils deviennent les matériaux mêmes du travail de l’artiste.
En 2014, dans le cadre de son exposition Ici au Léopold-Hoesch-Museum de Düren en Allemagne, Saâdane Afif a créé la réplique d’un poteau de la gare de Düren équipée d’un haut-parleur annonçant le trafic des trains en direct. Cette pièce, réactivée cette fois à Montpellier, sera accompagnée des quinze textes commandés par Afif à des artistes ou proches. A travers ce projet, l’artiste interroge les notions d’ici et là-bas, une interprétation de la simultanéité exprimée en ces termes par Rein Wolfs : « Penser ‘ici’ et ‘là-bas’ simultanément constitue un véritable tour de force. Ici. et Là-bas., ici et là-bas, simultanément momentanés. [1]
Là-bas. est un projet mené en partenariat avec le Léopold-Hoesch-Museum de Düren en Allemagne.

Partie intégrante de l’œuvre Là-bas., Saâdane Afif a invité les artistes Pierre Peres, diplômé des Beaux-Arts de Montpellier, et Anas Maghrabi à composer plusieurs morceaux à partir des textes qu’il leur a fourni. Cela donnera lieu à deux concerts, l’un en France à Montpellier (11/01/18 à 21h au Black Sheep) et l’autre en Allemagne, ainsi qu’à la production d’un disque sur son label lyrics records.

[1] Extrait du texte Rein Wolfs, Here and There – Simultaneously Momentary (Ici et Là – Simultanément momentané), Saâdane Afif, Là-bas., Ed. Spector Books, 2016.

Donner la Réplique ou Ubu Roi disséminé
Employant les codes d’une campagne promotionnelle ou d’une propagande politique, le projet consiste en une distribution de flyers dans la ville de Montpellier. Ceux-ci reproduisent le texte de la pièce de théâtre d’Alfred Jarry, Ubu Roi, fragmenté par ligne ou par réplique, soit 701 flyers. Le texte sera littéralement diffusé, ligne par ligne, dans l’espace public. D’où le titre, Donner la Réplique. Chaque possesseur d’un flyer détiendra ainsi un fragment de la pièce qui, isolé et hors contexte, perd alors de son sens originel. Basé sur l’effet poétique du cut-up, ce projet restitue à Ubu Roi un foisonnement de significations.
L’œuvre sera activée deux fois par semaine dans la ville de Montpellier.

Heritages
En 1974, Enzo Mari publie Proposta per un autoproggettazione, proposition pour un auto-design, une brochure contenant instructions et ustencils pour construire du mobilier basique – chaises, tables, étagères, placards.
« Un projet pour faire des meubles en assemblant des planches avec des clous. Une méthode élémentaire pour permettre à chacun de juger la production actuelle avec un œil critique. »
Lors de la première visite de Saâdane Afif à Sharjah, il fut frappé par le mobilier fabriqué avec les rachis des feuilles de palmiers. Cette technique ancestrale est pratiquée dans toute la péninsule arabe dans laquelle les palmiers, appelés parfois le « bambou de l’Arabie », abondent. L’artiste a demandé à un artisan de fabriquer du mobilier en suivant les instructions qu’Enzo Mari avait consignées dans sa brochure. Pendant le processus de production, Afif a mené un entretien avec l’artisan et avec deux traducteurs, assistants pour la Biennale. Cette interview a été largement revue par l’artiste afin de produire un texte qui fait maintenant partie de l’œuvre, de même que les chaises.
Le texte met en avant la nature problématique de la traduction simultanée et les malentendus culturels qui en découlent.
Cette pièce sera activée tous les mercredis à 15h dans les salles d’exposition dédiées.

Plurivers. Quatre études d’ethnologie imaginaire

Les musées archéologiques relèvent-ils de la fiction ? Plurivers présente quatre artistes qui élaborent, illustrent et commentent des civilisations imaginaires – tel l’écrivain argentin Jorge Luis Borges dans sa nouvelle Tlön Uqbar Orbis Tertius – remettant ainsi en cause les certitudes qui fondent nos systèmes de pensée et de perception.
Avec :
Mai-Thu Perret
Née en 1975, elle vit et travaille à Genève.
Elle exposera des œuvres appartenant à la série The Crystal Frontier, en cours depuis 1999, dans laquelle elle présente l’utopie politique d’une communauté féministe imaginaire, New Ponderosa.

Iman Issa
Née en 1979, elle vit et travaille au Caire et à New York.
L’artiste présente Heritage Studies, une série de sculptures commencée en 2015. Dans ces sculptures, elle explore les capacités d’un artefact à évoquer un moment historique. Les formes sont issues d’objets historiques mais les matériaux et les échelles donnent aux objets une totale étrangeté.

Norman Daly
1912-2008, Etats-Unis.
Il a inventé, produit et documenté les vestiges d’une peuplade d’Amérique du Nord, les Llhuros, en tant qu’artiste et ethnologue. Professeur à la Cornell University, il a consacré près de 40 ans à bâtir cette civilisation et à en exposer les outils, la musique, les rituels funéraires, l’alphabet ou les légendes dans diverses expositions… Le tout donnant lieu à des publications universitaires.

Charles Avery
Né en 1973, il vit et travaille à Londres.
Avery explore depuis 2004 l’espace d’une île imaginaire dont il dessine les habitants et les paysages, analysant les groupes sociaux qui la composent. Les dessins, sculptures et récits qui forment The Islanders nous font plonger dans un autre monde, gouverné par les lois de la philosophie spéculative

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