L’amour de A à Z au Mucem

Jusqu’au 27 août 2018, le Mucem présente « L’amour de A à Z » dans la Salle des Collections, au Fort Saint-Jean.

Scenographie L’amour de A à Z au Mucem. Photo ©Francois Deladerriere
Scenographie L’amour de A à Z au Mucem. Photo ©Francois Deladerriere

Cet petite baraque militaire reconstruite où fut exposée, en 2013 et 2014, L’Universal Circus Pir’ouett, la grande maquette du cirque de George Berger était depuis fermé pour travaux.

Maquette du cirque Berger - L’Universal Circus Pir’Ouett - Vue de l'exposition au Mucem Fort Saint-Jean, ,2013
Maquette du cirque Berger – L’Universal Circus Pir’Ouett – Vue de l’exposition au Mucem Fort Saint-Jean, ,2013

Les fêtes d’ouverture de la saison culturelle « MP2018, Quel amour ! » ont été l’occasion d’inaugurer ce lieu dédié à la présentation des collections du Mucem, avec l’exposition « L’amour de A à Z ».

Scenographie L’amour de A à Z au Mucem. Photo ©Francois Deladerriere
Scenographie L’amour de A à Z au Mucem. Photo ©Francois Deladerriere

Cette Salle des Collections a pour ambition d’interroger « de façon ludique les fonds du musée à travers des expositions thématiques, montrées sous forme d’abécédaires, appelées à être renouvelées tous les six mois ».
On lira, ci-dessous, un entretien avec Zeev Gourarier, directeur scientifique et des collections du Mucem à propos de ce nouvel espace d’exposition ainsi qu’un texte « Les collections de A à Z ».

Le commissariat de « L’amour de A à Z », premier abécédaire des collections, est assuré par Julia Ferloni, conservateur du patrimoine et responsable du pôle de collections « Artisanat, commerce et industrie » au Mucem.

L’amour de A à Z au Mucem - Vue de l'exposition
L’amour de A à Z au Mucem – Vue de l’exposition

De A comme « Amour », B comme « Bijoux », C comme « Cœur », D comme « Devoir conjugal »… jusqu’à Z comme « Zizanie », l’exposition rassemble une sélection hétéroclite, mais pertinente d’objets liés aux traditions populaires. Ils sont habilement associés à des objets plus récemment entrés dans les collections du musée.

Cupidon potelé, vêtements de mariés, épingle de pardon, collier d’esclave, lit-clos, sms de rupture, cd-audio, lapin en peluche, dessous « coquins », Minitel, coffre de mariage, stéréoscope pornographique, et pour finir, une fontaine dite de « La dispute de la culotte », se succèdent dans un joyeux bric à brac.

Le parcours s’organise autour d’une vaste vitrine centrale, séparée dans sa longueur par deux cimaises légèrement décalées qui offrent ainsi d’utiles changements de rythme et quelques habiles perspectives.

La mise en espace alterne adroitement et avec sobriété les objets présentés sur les socles, posés au sol ou accrochés aux cimaises.
Rédigés avec précision et simplicité, les 26 cartels qui accompagnent les objets sélectionnés apportent les informations nécessaires pour en comprendre la fonction et la raison de leur choix dans l’exposition.

L’amour de A à Z au Mucem - B comme Bijoux
L’amour de A à Z au Mucem – B comme Bijoux

Avec légèreté et humour, l’exposition aborde tour à tour la séduction, l’érotisme, la jalousie, la rupture… « L’amour de A à Z » mène à bien l’ambition d’offrir au public « une déambulation langoureuse au fil des multiples nuances du sentiment amoureux, tel qu’il s’exprime, du XVIIIe siècle à nos jours, dans les sociétés d’Europe et de Méditerranée ». On laisse le soin à chacun d’apprécier le caractère « langoureux » de la visite…

À l’occasion d’un dimanche de gratuité pluvieux, la curiosité, les sourires et la chaleur des échanges d’un public nombreux et divers témoignaient que « L’amour de A à Z » retient sans difficulté l’attention de ses visiteurs et qu’il sait assez souvent les émouvoir.

Scenographie L’amour de A à Z au Mucem. Photo ©Francois Deladerriere
Scenographie L’amour de A à Z au Mucem. Photo ©Francois Deladerriere

La simplicité du dispositif scénographique fait la preuve de son efficacité et la thématique choisie pour ce premier abécédaire des collections favorise sans aucun doute sa réception auprès d’un large public.
Cependant, on espère que cette nouvelle Salle des Collections n’interdira pas au Mucem de nous étonner et de nous éblouir avec d’autres propositions de valorisation de ses fonds comme cela avait été le cas avec l’inoubliable « Document bilingue – Réserves et collections, un autre Mucem » dont une partie reste encore visible au Centre de conservation et de ressources (CCR) jusqu’au 13 avril 2018.

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Entretien avec Zeev Gourarier, directeur scientifique et des collections du Mucem

Zeev Gourarier, directeur scientifique du Mucem à Marseille. © Mucem
Zeev Gourarier, directeur scientifique du Mucem à Marseille. © Mucem

La « salle des collections » va ouvrir ses portes le 14 février 2018 au fort Saint-Jean. Dans quel contexte a été conçu ce projet ?

Le Mucem s’organise globalement en trois parties : au rez-de-chaussée, la Galerie de la Méditerranée est consacrée à la présentation d’expositions semi-permanentes autour, comme son nom l’indique, de la Méditerranée. Ensuite, au niveau 2 du J4, nous avons un espace dédié aux expositions temporaires, dont les cadres thématiques peuvent largement déborder les frontières de la Méditerranée. Enfin, il y a le fort Saint-Jean, où différents lieux sont réservés à la présentation des collections du Mucem. La salle des collections est l’un d’entre eux. En 2013 et 2014, nous y avions installé la maquette du cirque Pirouette de George Berger, avant que cet espace ne soit fermé pour travaux. À partir de février 2018, la salle des collections va rouvrir ses portes avec un tout nouveau projet.

Maquette du cirque Berger - L’Universal Circus Pir’Ouett - © Mucem
Maquette du cirque Berger – L’Universal Circus Pir’Ouett – © Mucem

Quel est-il ?

Notre problématique était la suivante : comment faire, pour présenter des collections qui se chiffrent à 350 000 objets inventoriés au sein d’un million d’items (photos, archives, cartes postales, etc.) ? Comment rendre compte de la richesse de ces collections dans une salle de 130 m2 ? C’est comme si vous étiez dans un immense grenier avec une lampe de poche : certains objets se retrouvent pris par hasard dans le faisceau de la lampe. Le Mucem est comme un immense grenier de la société française, dans lequel nous allons promener le faisceau de notre lampe… en gardant cette idée de hasard. Il s’agit ainsi, dans notre sélection, de jouer sur cette idée, tout en essayant d’organiser un minimum ce hasard. C’est pourquoi nous avons opté pour des expositions thématiques : la première, présentée dans le cadre de la saison culturelle « MP2018, Quel amour ! », est naturellement consacrée à l’amour. Et puis nous changerons de thématique tous les six mois.

Ces expositions thématiques vont être présentées sous une forme singulière, celle de l’abécédaire…

Il s’agit là encore de guider le faisceau de notre lampe, selon un hasard maîtrisé. Prenons l’exemple de l’amour : comment faire le tour d’une telle thématique au sein d’un si petit espace ? Vous savez, dans nos collections, les objets avec des cœurs se comptent probablement par milliers, voire par dizaines de milliers ! Pour ordonner tout cela, nous avons choisi de présenter des expositions « abécédaires ». À partir du 14 février 2018, la première, intitulée « L’amour de A à Z », est donc un abécédaire de l’amour : elle présente différents objets des collections liés à cette thématique, organisés selon les lettres de l’alphabet. Au second semestre 2018, nous présenterons « Les animaux de A à Z » ; puis, en 2019, « Sacré reliques » et « Insolite de A à Z ». À travers toutes ces thématiques, c’est, petit à petit, toute la richesse des collections du Mucem qui nous sera révélée.

Ange d’orgue monumental, firme Gavioli, France, 1895 Mucem © Mucem. Cupidon (ou Éros) est depuis l’Antiquité le dieu de l’amour. Il est toujours représenté sous les traits d’un jeune enfant quasi nu et ailé, tel un ange. À la différence près que cet ange décoche de son arc des flèches qui font instantanément tomber amoureux ceux qui en sont touchés.
Ange d’orgue monumental, firme Gavioli, France, 1895 Mucem © Mucem.
A comme Amour.
Cupidon (ou Éros) est depuis l’Antiquité le dieu de l’amour. Il est toujours représenté sous les traits d’un jeune enfant quasi nu et ailé, tel un ange. À la différence près que cet ange décoche de son arc des flèches qui font instantanément tomber amoureux ceux qui en sont touchés.

Les collections de A à Z

Le Mucem n’est pas un musée comme les autres. Les musées conservent, en principe, les œuvres les plus rares, les plus précieuses et les plus estimées tandis que les collections du Mucem se sont constituées autour de la collecte d’objets usuels dont la rareté provient précisément du peu d’attention qu’on leur prête sur le moment. Et pourtant, ce sont bien ces menues choses du quotidien qui témoignent vraiment de ce que sont nos sociétés et de ce qu’elles ont été. C’est ainsi que le Musée d’ethnographie du Trocadéro, dès la naissance de son ancêtre, la Salle de France, en 1884, a commencé à collecter, des porte-bonheurs, des images d’Epinal ou des faïences aux décors naïfs. En 1937, quand la Salle de France devient « Musée national des arts et traditions populaires », la curiosité des membres de la nouvelle équipe qui se constitue alors s’étend à tous les domaines : outils d’artisan, cadeaux de mariage, objets de dévotion, costumes de clown, armoires normandes, marionnettes de guignol, vielles à roue… Et au fil des générations les centres d’intérêts des uns ont apporté sans cesse de nouvelles collections à celles déjà constituées : décors de boutiques des siècles passés, bestiaire des cavaleries de carrousels, fonds de disques et d’affiches provenant du Golf Drouot, collecte de graffs et de skate, échoppe de coiffeur antillais… Enfin, quand, en 2005, le Musée national des arts et traditions populaires devient Mucem, pour s’implanter à Marseille (inauguration en juin 2013), il s’ouvre à un enrichissement considérable de collections en lien avec le nouveau domaine de compétence de l’institution : objets de hammam, tablettes coraniques, lampes de synagogues, imagerie shiite, souvenirs de pèlerinage, sakieh venue d’Egypte mais aussi cadeaux de mariage ou créations de souffleurs de verre tchèques et portugais.

Détail d'une paire de fibules ibzimen , Algérie, Kabylie, vers 1900 Argent et émail Mucem © Mucem. En Kabylie, les fibules ibzimen sont offertes par paire aux jeunes femmes en cadeaux de mariage. Elles servent à fixer les deux parties du costume traditionnel, la robe drapée et la mante. Les bijoux font partie de la dot de la jeune fille. Dès l’enfance, ses proches commencent à lui constituer sa parure. Plus tard, lorsqu’elle se fiance, les parents du futur mari lui offrent plusieurs bijoux, qu’on exhibe devant les invités et dont on fait connaître le prix.
Détail d’une paire de fibules ibzimen , Algérie, Kabylie, vers 1900 Argent et émail Mucem © Mucem.
B comme Bijou.
En Kabylie, les fibules ibzimen sont offertes par paire aux jeunes femmes en cadeaux de mariage. Elles servent à fixer les deux parties du costume traditionnel, la robe drapée et la mante. Les bijoux font partie de la dot de la jeune fille. Dès l’enfance, ses proches commencent à lui constituer sa parure. Plus tard, lorsqu’elle se fiance, les parents du futur mari lui offrent plusieurs bijoux, qu’on exhibe devant les invités et dont on fait connaître le prix.

Pendant les cent trente années de la vie de ses collections, le Mucem a inscrit à l’inventaire nationale 350 000 objets qui sont conservés parmi plus d’un million d’item : cartes postales, affichettes, disques, photographies, enregistrements…. S’il fallait montrer en permanence au public l’ensemble des seuls objets inscrits à ses inventaires, à raison d’un objet ou d’un ensemble inventorié au m², le Mucem devrait présenter ses collections sur 350 000 m² soit 35 hectares : une surface égale, par exemple, à 48 terrains de football ! Les budgets pour réaliser un tel projet n’existent pas et quand bien même ils seraient disponibles, un tel colosse muséographique est-il souhaitable ? Aussi les collections du Mucem ne sont-elles que partiellement visibles dans sa galerie permanente, ses expositions temporaires, à travers les expositions qu’il réalise hors les murs ou par les multiples prêts qu’il accorde aux autres musées.

Boîte de « badges de la rupture » France, vers 1960 Mucem © Mucem. Inutile de se voiler la face : ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants n’est pas l’unique conclusion d’une belle histoire d’amour. Elle peut se finir de manière abrupte par une dispute orageuse, un lâche SMS, une lettre amère, voire un explicite badge « Il embrasse mieux »…
Boîte de « badges de la rupture » France, vers 1960 Mucem © Mucem.
R comme Rupture
Inutile de se voiler la face : ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants n’est pas l’unique conclusion d’une belle histoire d’amour. Elle peut se finir de manière abrupte par une dispute orageuse, un lâche SMS, une lettre amère, voire un explicite badge « Il embrasse mieux »…

Ces multiples formes de présentation des collections ne permettent pas au visiteur d’imaginer la richesse, la beauté et l’étrangeté des œuvres conservées en réserve. C’est ainsi qu’est née l’idée de dédier un espace à la seule présentation des collections sans autre but que de les révéler au grand public dans tout le chatoiement de leur diversité. Comment faire partager au visiteur le caractère surprenant des collections tel qu’il peut le découvrir en visitant les réserves ? Certainement pas en ordonnant de façon trop cohérente les choses comme on le fait ordinairement dans le cadre des thématiques choisies pour les expositions temporaires. C’est ainsi qu’est née l’idée des abécédaires qui consiste d’abord à interroger les collections du Mucem à partir d’une question de type : qu’ont-elles à nous montrer sur l’amour, les animaux ou la mort ? Une fois la question posée, on y répond en classant les objets trouvés par ordre alphabétique.

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