Wolfgang Tillmans – Qu’est-ce qui est différent ? à Carré d’Art – Nîmes

Jusqu’au 16 septembre 2018, Carré d’Art accueille Wolfgang Tillmans pour « Qu’est-ce qui est différent ? », une exposition qui surprend, intrigue et parfois dérange. Sans aucun doute, elle exige un réel engagement du visiteur. Certes, « Qu’est-ce qui est différent ? » montre comment l’artiste allemand articule ses relations au monde physique et à l’autre. Mais Tillmans a aussi l’ambition d’interroger le public sur son rapport à la vérité et sur la manière dont il construit à la fois son identité et ses convictions politiques.

« Qu’est-ce qui est différent ? » expose des images réalisées sur plus de 30 ans, mais Wolfgang Tillmans affirme que ce projet n’est pas une rétrospective. Il s’agit plutôt d’un commentaire sur l’état des choses dans le monde d’aujourd’hui avec lequel il souhaite montrer la cohérence et la continuité dans son travail, la place essentielle du langage, le rôle majeur et la force du papier, quels que soient des procédés techniques mis en œuvre.

Si le commissariat est signé par Jean-Marc Prévost, Wolfgang Tillmans est sans aucun doute l’auteur du parcours de son exposition et de son accrochage.

Wolfgang Tillmans à Carré d'Art – Nîmes
Wolfgang Tillmans à Carré d’Art – Nîmes

Chaque salle est construite comme un espace spécifique, un laboratoire particulier qui bénéficie d’un accrochage singulier, résultat probable de multiples itérations.

Pour « Qu’est-ce qui est différent ? », Wolfgang Tillmans a rassemblé un grand nombre d’images et de photographies sélectionnées et montées dans son atelier, sans faire appel aux collections publiques ou privées ni aux galeristes.
Il multiplie les formats depuis la carte postale jusqu’à l’affiche de plusieurs mètres et les techniques de reproduction : photocopies laser N&B et couleur, tirages chromogènes, jet d’encre ou offset…

Les épreuves peuvent être présentées dans un cadre ou accrochées directement sur les murs avec du ruban adhésif ou avec des pinces. Les encadrements réalisés par le studio de l’artiste sont toujours montés avec du verre antireflet.

Dans l’accrochage qu’il propose, les images peuvent être reliées par des couleurs, des contenus, des récits, des attitudes corporelles ou des gestes. L’objectif est d’offrir aux visiteurs différents niveaux d’expérience.

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 5
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 5

Si la représentation du corps est essentielle dans la pratique de Wolfgang Tillmans et dans ce qu’il montre à Carré d’Art, comme le souligne Jean-Marc Prévost, « Il y est aussi question du corps de la photographie, la feuille de papier où vient s’inscrire l’image étant concomitante à son apparition ».

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 6
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 6

L’exposition est accompagnée d’une publication qui lui donne son titre. Invité comme rédacteur de Jahresring, Wolfgang Tillmans s’est intéressé à la notion de Backfire effect (retour de flamme), une attitude selon laquelle l’on reste convaincu de la véracité d’une affirmation malgré le fait qu’elle soit totalement fausse. Il dialogue avec des psychologues, journalistes, philosophes, politiciens, neuroscientifiques, et astronomes sur « Qu’est-ce qui est différent ? » dans le monde aujourd’hui et sur la place des « fake news ». L’ouvrage qui s’approche plus du livre d’artiste que du catalogue est aussi surprenant que l’exposition.

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 2
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 2

Wolfgang Tillmans renouvelle à Carré d’Art une approche de l’exposition comme outil d’expression, pratique qu’il expérimente depuis plusieurs années, en particulier dans les projets présentés en 2017 à la Tate Modern et à la Fondation Beyeler ou très récemment à la galerie David Zwirner de Hong Kong.

Un compte-rendu de visite complétera prochainement ses premières impressions.
À lire, ci-dessous, un compte rendu photographique du parcours accompagné du document d’aide à la visite et des commentaires de Wolfgang Tillmans enregistrés lors de la visite de presse et le texte de présentation de Jean-Marc Prévost.

Cette exposition s’inscrit dans le cadre du programme Grand Arles Express des Rencontres Arles 2018.

En savoir plus :
Sur le site de Carré d’Art
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Sur le site de Wolfgang Tillmans
A écouter Wolfgang Tillmans, l’anticonformiste, un entretien avec Laure Adler diffusé sur France Inter le 22 juin 2018


Wolfgang Tillmans vit à Berlin et Londres. Depuis le début des années 90, il réalise des images qui rappellent parfois les genres historiques que sont les natures mortes, les paysages, les portraits, mais aussi l’abstraction. Chaque exposition est pensée comme une installation.

Wolfgang Tillmans à Carré d'Art – Nîmes
Wolfgang Tillmans à Carré d’Art – Nîmes

Cette exposition révèle ses différentes façons d’instaurer une relation au monde visuel et physique. À travers ses œuvres, chaque salle de l’exposition amène, par son accrochage, à des expériences différentes qui convoquent le regard mais aussi le corps du spectateur. Tillmans nous invite à faire confiance à notre propre regard en permettant la pleine expression de la subjectivité, « On n’a pas besoin de hiérarchies pour décider de ce qui est acceptable, permis ou beau. La possibilité de s’approprier le monde alentour avec ses propres yeux est librement accessible à tous. Une fois que l’on s’y est entraîné, il est plus simple de reconnaître la manipulation et de la contrer, et de rester ouvert à de nouvelles idées. On est toujours libre de voir dans le monde ce que nous voulons y voir. » W.T.

Wolfgang Tillmans à Carré d'Art – Nîmes
Wolfgang Tillmans à Carré d’Art – Nîmes

L’accrochage de l’exposition déjoue les présentations conventionnelles. Tillmans élabore des installations qui relient des images individuelles à des réseaux à la fois sensibles et complexes. Il prête une attention particulière à la création d’agencements « non hiérarchiques » combinant des pages de magazines avec des impressions originales, souvent accrochées avec des pinces à dessin, scotchées ou encadrées. L’absence de cadre est une façon de porter une attention particulière à la matérialité du tirage. Dans d’autres cas le cadre, réalisé par l’artiste, s’impose pour donner une présence à l’image. Dans certaines salles sont présentées des pages du livre accompagnant l’exposition. Il porte un intérêt particulier aux catalogues, journaux, livres d’artistes, magazines et posters qui sont des modes de diffusion hors de l’espace d’exposition. Ces projets sont parfois des moyens d’aborder des sujets politiques comme pour sa campagne contre le Brexit.

Hall

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Hall
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Hall

Morning Rain, le titre est évocateur d’une sensation que Tillmans veut approcher au plus près et la transmettre au regardeur.

Wolfgang Tillmans, Morning rain, 2014. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.
Wolfgang Tillmans, Morning rain, 2014. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.

Silver fait partie d’une série commencée à la fin des années 1990. Ce sont des chimigrammes, où le papier photo non développé, parfois exposé à la lumière colorée, parfois non exposé, passe dans une machine à développer plus ou moins sale ou propre.

Wolfgang Tillmans, Silver 175, 2014 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Hall
Wolfgang Tillmans, Silver 175, 2014 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Hall

On peut voir à la surface les résidus des produits chimiques égratignant la surface du papier. Quelques photos ont un léger reflet métallique et c’est pour cette raison qu’elles s’intitulent Silver.

Salle 1

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 1
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 1

We are not going back, une installation composée de grandes tables d’aluminium, a pour sujet la tangibilité du temps et la représentation. Coquillages, pierres, timbres et leurs équivalents photographiques ouvrent à un large champ d’associations qui prolongent les Truth Study Center et rappellent d’une certaine façon les collages des artistes dadaïstes.

Ces collections font penser à celles visibles dans les musées de sciences naturelles qui mettent en jeu la notion d’objectivité. C’est aussi un moyen de montrer l’impossibilité pour l’image de représenter les objets en 3 dimensions.

Ses premières images en noir et blanc datant de 1987 reproduisent des personnes, des paysages, des coupures de journaux laissant apparaître une trame liée au processus d’édition fait à partir d’une photocopieuse laser.

Cette première série dévoile l’intérêt de Wolfgang Tillmans pour toutes les techniques de reproduction et la notion de reproductibilité. Les prises de vues ont été réalisées en Allemagne, aux États-Unis ou en France.

Wolfgang Tillmans, Not yet titled, 2018 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 1
Wolfgang Tillmans, Not yet titled, 2018 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 1

Le grand tirage de 2018, le plus récent de l’exposition a également été réalisée avec le scanner d’une photocopieuse laser.

Salle 2

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 2
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 2

Vue aérienne de Sao-Paulo, natures mortes, joueurs de cartes à Hong Kong, portrait d’un passant à China Town à New-York, les images de cette salle interrogent la façon que nous avons de percevoir le monde.

En 2009, Wolfgang Tillmans a débuté un projet de 4 ans de voyages dans de nombreux pays pour rendre compte des changements depuis ses premières images de 1987. Depuis il ne cesse de voyager pour toujours renouveler cette expérience du monde.

Salle 3

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 3
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 3

Les deux grands écrans qui forment un étrange objet sculptural dans l’espace, disposés dos à dos, témoignent des prouesses des nouvelles technologies mais aussi de leur obsolescence programmée.

Qu’est ce qui s’approche le plus de la vérité ? Les gigantesques agrandissements de photocopies noir et blanc ou les images digitales en haute résolution ? Les tirages jet d’encre en haute résolution Lignin Duress et Chingaza nous placent à la limite de ce qui peut être perceptible à l’œil nu.

Salle 3b

Wolfgang Tillmans, Instrument, 2015 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 3b
Wolfgang Tillmans, Instrument, 2015 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 3b

Instrument. L’instrument en question est le corps de Wolfgang Tillmans. Vu de dos, il rebondit d’un pied sur l’autre à une cadence soutenue sur une musique créée par le son de ses pieds sur le sol. C’est un corps en mouvement, concentré qui est dans la pure intensité du geste. L’autre image projetée montre son ombre engagée dans le même mouvement bien qu’elle n’ait pas été enregistrée au même endroit ni au même moment. On peut y voir une ombre mais aussi un fantôme, l’âme qui nous échappe.

Salle 3c

Wolfgang Tillmans, Phiharmonie I à XV, 2017 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 3c
Wolfgang Tillmans, Phiharmonie I à XV, 2017 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 3c

Photos de corps nus fragmentés, photomontages colorés de feuillages d’où surgit un tronc d’arbre, photos de fruits et légumes aux formes suggestives.

Ces montages visuels témoignent de l’énergie vitale au sein de la nature et des corps.

Salle 4

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 4
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 4

Plusieurs images d’échelles très différentes nous obligent à ajuster notre regard. Sahara, horizontal center line thirty kilometers, est une vue aérienne – réelle et non manipulée par un logiciel de traitement de l’image – d’une région du Sahara alors qu’un premier regard peut nous en donner une tout autre lecture.

Wolfgang Tillmans, Sahara, horizontal center line thirty kilometers a, 2018 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 4
Wolfgang Tillmans, Sahara, horizontal center line thirty kilometers a, 2018 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 4

Chaque dune mesure 1,5 kilomètres. L’image peut être lue comme une composition abstraite bien qu’elle soit hyperréaliste. Aux plis de la peau répond la surface de l’eau dans l’image d’Une baigneuse à Tokyo.

Wolfgang Tillmans, Tokyo Swimmer, 2014 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 4
Wolfgang Tillmans, Tokyo Swimmer, 2014 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 4

La présentation d’un nombre restreint d’œuvres dans cette salle montre, une nouvelle fois, les différentes façons que Wolfgang Tillmans a d’exposer ses œuvres.

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 4
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 4

Le nouvel enregistrement de Wolfgang Tillmans est une pièce sonore où il explore les possibilités de générer des sons de façon improvisées avant d’être mixés. Chaque séquence représente différents états et émotions, du guttural, à l’absurde en passant par le sacré. Le titre Source est pour Tillmans un moyen d’évoquer un espace transcendant relatif à des choses encore inconnues. C’est aussi un terme technique utilisé dans la production musicale.

Wolfgang Tillmans, Led Flicker, 2018 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 4
Wolfgang Tillmans, Led Flicker, 2018 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 4

Salle 4b

Wolfgang Tillmans, Cuma, 2011 - Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 4a
Wolfgang Tillmans, Cuma, 2011 – Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 4a

Cuma. Un chien paisiblement endormi sur des pierres, son corps est réchauffé par le soleil. C’est en quelque sorte la beauté et le mystère de la vie. On peut percevoir à certains moments de légers mouvements révèlant un abandon à ses rêves ou sa conscience d’être filmé.

Salle 5

La réalisation de portraits pour Tillmans est un geste essentiel où s’établit l’instauration d’un rapport humain très direct. Ils révèlent à la fois la fragilité et la force des individus à travers leurs gestes, leurs styles vestimentaires ou leurs attitudes. Le questionnement de la représentation du corps est aussi central dans sa pratique ou comment les médias et les codes sociaux nous obligent à nous conformer à des images standardisées. L’autoportrait est pour lui un genre en soi. C’est l’affirmation de sa présence au monde.

Cette salle met en évidence la coexistence entre ce qui relève de la sphère privée, personnelle, publique et politique. Parmi ses proches ou des inconnus il est possible de reconnaître Oscar Niemeyer ou Lady Gaga. De petites photographies montrent des manifestants dénonçant les brutalités de la police américaine à Ferguson aux USA contre des noirs, ou les exactions de Boko Haram au Nigéria. La pauvreté est évoquée avec un jeune homme mendiant dans la rue.

Salle 6

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 6
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 6

Paper Drop (Goutte de papier) est une série commencée en 2001 où il est question du corps de la photographie, la feuille de papier où vient s’inscrire l’image étant concomitante à son apparition.

Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d'Art – Nîmes - Vue de l'exposition - Salle 6
Wolfgang Tillmans, Qu’est-ce qui est différent à Carré d’Art – Nîmes – Vue de l’exposition – Salle 6

Cette série nous révèle que toutes les images apparaissent sur la sur face plane du papier mais qu’elles sont aussi des objets. On y devine une grande feuille de papier repliée sur elle-même qui prend la forme d’une goutte en trois dimensions. Le bord du papier a été photographié volontairement net, l’arrière-plan restant flou.

Wolfgang Tillmans, Paper drop Oranienplatz, c. 2017. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.
Wolfgang Tillmans, Paper drop Oranienplatz, c. 2017. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.

Wolfgang Tillmans né en 1968 en Allemagne et vivant aujourd’hui à Berlin et Londres, est un des plus importants artistes de sa génération. Depuis le début des années 90, il réalise des images qui rappellent parfois les genres historiques que sont les nature mortes, les paysages, les portraits mais aussi l’abstraction. Chaque exposition peut être pensée comme une installation où les images se répondent les unes aux autres selon des correspondances, connections et récurrences s’inscrivant dans des réseaux complexes visibles et invisibles

Elles peuvent révéler des moments de beauté, de désir mais aussi avoir une dimension sociale et politique. Faire l’expérience d’une de ses expositions c’est faire une expérience du monde dans lequel nous vivons par le regard à la fois critique et sensible de l’artiste. C’est une expérience physique de l’espace où le corps du spectateur est continuellement mis en jeu.

Wolfgang Tillmans, Morning rain, 2014. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.
Wolfgang Tillmans, Morning rain, 2014. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.

L’exposition Qu’est ce qui est différent ? révèlera ses différentes façons d’instaurer une relation au monde visuel et physique mais aussi à l’autre. Elle est étroitement liée à l’édition d’un livre où il s’interroge sur la notion du Backfire Effect (retour de flamme) et plus précisément sur sa banalisation actuelle qui n’est pas sans conséquence sur notre rapport à la vérité mais aussi sur la construction de notre identité et nos convictions politiques.

Wolfgang Tillmans, Yulan Grant, 2016. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.
Wolfgang Tillmans, Yulan Grant, 2016. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.

La réalisation de portraits est un geste essentiel où s’établit l’instauration d’un rapport humain très direct. Ils révèlent à la fois la fragilité et la force des individus à travers leurs gestes, leurs styles vestimentaires ou leurs attitudes. Le questionnement de la représentation du corps est aussi central dans sa pratique ou comment les médias et les codes sociaux nous obligent à nous conformer à des images standardisées.

L’autoportrait y est un genre en soi. Le premier, Lacanau (self) de 1986 est un portrait pris sur la plage de Lacanau en France où il photographie son corps en surplomb. C’est une de ses premières images abstraites mais aussi l’affirmation de sa présence au monde.

Wolfgang Tillmans, Am Rhein, Basel, 2014. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.
Wolfgang Tillmans, Am Rhein, Basel, 2014. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.

Au sein des images ou dans leur disposition dans l’espace elles révèlent des affinités électives, l’existence de communauté, de relations amoureuses et affectives. Le dispositif quasi cinématographique permet de créer ces relations entre les individus mais aussi leur environnement dans un monde où les certitudes semblent d’une extrême fragilité.

Il y est aussi question du corps de la photographie, la feuille de papier où vient s’inscrire l’image étant concomitante à son apparition. La série paper drop commencée en 2001 nous révèle que toutes les images apparaissent sur la surface plane du papier mais qu’elles ont aussi des objets.
On y devine une grande feuille de papier repliée sur elle-même qui prend la forme d’une goutte.

Wolfgang Tillmans, Paper drop Oranienplatz, c. 2017. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.
Wolfgang Tillmans, Paper drop Oranienplatz, c. 2017. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.

Les truth study center qu’il développe depuis 2005 correspondent à son désir de réaffirmer que beaucoup des problèmes actuels viennent de notre volonté d’une vérité absolue. Ce sont de simples tables où sont présentées des photocopies d’information erronées provenant de la presse avec des textes théoriques. Ces collages introduisent le monde politique dans un univers photographique plus personnel tout en soulignant l’importance de l’analyse de ce qui est visible. Ces images peuvent aussi être mises au service d’engagements comme récemment sa participation à la campagne contre le Brexit. Sur les affiches on pouvait lire What is lost is lost forever ou No man is an island – No country by itself.

 Wolfgang Tillmans, CLC 004, 2017. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.
Wolfgang Tillmans, CLC 004, 2017. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris ; Galerie Buchholz, Berlin/Cologne. © Wolfgang Tillmans.

L’exposition est accompagnée d’une publication dont provient le titre. Invité comme rédacteur par Kulturkreis der Deutschen Wirtschaft (éditeur de Jahresring), Wolfgang Tillmans s’est intéressé à la notion de Backfire effect (retour de flamme) qui est une attitude psychologique selon laquelle l’on reste convaincu de la véracité d’une affirmation malgré le fait qu’elle soit totalement fausse. Rien ne peut persuader les personnes convaincues de changer leur jugement mais bien au contraire les preuves renforcent leur conviction. Pour lui le Backfire effect « joue un rôle particulier en entraînant des questions liées à des états émotionnels qui ont un impact sur notre identité et nos convictions politiques. » Si de tout temps il y a eu des croyances en des théories conspirationnistes il est évident que depuis quelques années il y a un beaucoup plus grand nombre de personnes qui sont résistantes aux arguments factuels et que nous sombrons progressivement dans un état d’endormissement. Wolfgang Tillmans dans cette publication s’interroge sur ce qui a fondamentalement changé en quelques années. Qu’est ce qui est différent ? Un des buts de ce livre de réfléchir à cette multiplication des « fake news » et à qui cela profite.

Psychologues, journalistes, philosophes, politiciens, neuroscientifiques et astronomes tendent de répondre à ce questionnement. Le livre poursuit le projet entrepris depuis 12 ans avec les Truth Study Center.

Après deux expositions importantes en 2017 à la Tate Modern de Londres et à la Fondation Beyeler, l’exposition de Nîmes associera des œuvres récentes, dont certaines faites en Afrique à des œuvres plus anciennes. Y seront présentées des images de la fin des années 1980 très rarement exposées, un ensemble de tables du Truth Study Center et des installations sonores.

Wolfgang Tilmmans a exposé dans les plus grandes institutions internationales : Stedelijk Museum, Amsterdam (2008) ; Hamburger Bahnhof, Berlin (2008) ; Kunsthalle, Zurich (2009) ; Moderna Museet, Stockholm (2009) ; Philadelphia Museum of Art (2014) ; Centre Pompidou, Metz (2014) ; National Museum of Modern Art, Osaka (2015) ; Metropolitan Museum of Art, New York (2015) ; Fundaçao de Serralves, Porto (2016) ; Tate Modern, Londres (2017) ; Fondation Beyerler, Bâle (2017) ; Kunstverein, Hambourg (2017) ; Musée d’Art Contemporain, Kinshasa (2018).

Il a été lauréat du Turner Prize en 2000.

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