Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Aix-en-Provence

Du 9 juin au 23 septembre 2018, le musée Granet présente avec « Picasso Picabia – La Peinture au défi », une des expositions les plus abouties du projet « Picasso Méditerranée ».

Au milieu de l’abondante programmation qui répond à l’initiative du Musée national Picasso-Paris, le projet imaginé par le musée Granet et la Fundación Mapfre retient l’attention. En effet, les commissaires, Aurélie Verdier et Bruno Ely, proposent une confrontation inédite, étonnante et passionnante entre Picasso et Picabia.

À travers neuf  thèmes, c’est la place de la peinture dans la première moitié du XXe siècle qui est interrogée. « Est-ce qu’un jour la peinture peut mourir ? » Pour Bruno Ely, c’est une des questions qui est posée par cette rencontre entre Picasso et Picabia au musée Granet.

À ne pas manquer !

L’exposition rassemble plus de 150 œuvres (peintures, dessins, photographies, archives, etc.) issues de collections publiques et privées, françaises et internationales..

Son parcours à la fois chronologique et thématique s’organise autour de « l’extrême liberté artistique de Picabia et de Picasso » qui en est « le véritable fil rouge » et qui offre « un nouveau regard sur la modernité ».

« Picasso Picabia – La Peinture au défi » est coorganisée avec la Fundación Mapfre de Barcelone, où elle sera présentée du 12 octobre 2018 au 13 janvier 2019.

Le commissariat est assuré par Aurélie Verdier, conservateur au musée national d’art moderne, MNAM-Cci, Centre Georges Pompidou et Bruno Ely, directeur du musée Granet et commissaire général.

Picasso Picabia – Catalogue

« Picasso Picabia – La Peinture au défi » est accompagnée par un remarquable catalogue, coédition musée Granet et Somogy éditions, sous la direction d’Aurélie Verdier.

À lire, ci-dessous, le texte de présentation de « Picasso Picabia – La Peinture au défi » et le parcours muséographique. Ce document extrait du dossier de presse est complété par quelques repères biographiques à propos de Pablo Picasso et Francis Picabia.
Ces textes seront progressivement remplacés par les textes de salle d’Aurélie Verdier, commissaire scientifique et accompagnés de commentaires de Bruno Ely, directeur du musée Granet et commissaire général de l’exposition.

https://youtu.be/uz10IoXfYtA

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Picabia et Picasso sont environ de la même taille et c’est plutôt une petite taille et ils pèsent à peu près le même poids et c’est un poids plutôt honnête. Et ils ne seraient pas ce qu’ils sont si l’un était l’autre. Et pourtant on dit parfois de Picasso qu’il est un peintre français et de Picabia qu’il est un peintre espagnol. Enfin cela arrive.
Gertrude Stein, Autobiographie de tout le monde, 1937

« Picasso, n’ayant besoin de personne, s’était toujours tenu à l’écart de ceux qui auraient pu le compromettre » se rappelait Germaine Everling. Cette remarque de la compagne de Francis Picabia au début des années vingt était justifiée. On dit d’ailleurs que Picasso se faisait appeler Picabia lorsqu’il avait quelque chose à se faire reprocher. Au-delà de l’anecdote, la valeur de l’histoire témoigne de l’ambiguïté qui constitua leur relation singulière et méconnue, caractérisée par la défiance plus que par l’amitié.

L’exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi 

L’exposition, présentée au musée Granet dans le cadre des manifestations Picasso Méditerranée, se propose de regarder différemment l’idée d’influence, en rassemblant pour la première fois des œuvres exceptionnelles de deux figures phares de la modernité, moins antagonistes qu’il ne semble de prime abord. Unis par des origines méridionales communes, l’Espagnol Pablo Picasso (1881-1973) et le Français de père hispano-cubain Francis Picabia (1879-1953), furent plus proches que ce que l’histoire en a retenu – et cela, pour une raison au moins : goûtant la même liberté d’expérimentation en art, leurs carrières respectives, pour différentes qu’elles soient, ne furent qu’une longue rupture avec l’idée même de style – cette soi-disant marque « unique » du créateur dans l’art occidental. Avec Picasso et Picabia, les métamorphoses de soi sont érigées en mode de vie. « Un peintre, disait Picasso, ne doit jamais faire que ce que les gens attendent de lui. Le pire ennemi d’un peintre, c’est le style ». Picasso et Picabia ne firent effectivement jamais ce que l’on attendait d’eux.

C’est à l’image de ce foisonnement formel que se déploie l’exposition Picasso Picabia, La Peinture au défi. Celle-ci s’appuie sur une sélection de peintures, de dessins, de photographies et d’archives issus de collections publiques et privées, françaises et internationales. Constituée par des ensembles remarquables, réunis à la fois chronologiquement et de manière thématique, l’exposition se concentre sur des moments clés de leurs parcours. À l’impossible mission d’être exhaustif, Picasso Picabia propose plutôt, du fait de l’extrême richesse de leurs carrières, une traversée de l’histoire des mouvements artistiques du 20e siècle. Grâce à des œuvres étonnamment « jumelles » ou révélant au contraire des oppositions irréconciliables – à l’image exacte de leur relation –, l’exposition s’ouvre sur les débuts du cubisme vers 1907, puis s’empare de l’abstraction orphique, de l’esthétique du readymade et de la machine, du rôle de la photographie, du dessin néo-classique, du surréalisme, ou du recours, dans les années 1930 et 1940, à des expressions plastiques aussi opposées que le furent leurs sympathies
politiques respectives. L’exposition se clôt sur des œuvres réalisées durant la décennie de leur disparition – en 1953 pour Picabia et vingt ans plus tard, en 1973, pour Picasso.

Leur amie Gertrude Stein avait bien remarqué une vraie-fausse gémellité, au caractère comme au physique. Paradoxale comme l’étaient les deux artistes, Stein affirmait que l’ « on dit parfois de Picasso qu’il est un peintre français et de Picabia qu’il est un peintre espagnol ». Comme les deux faces d’une même médaille, les œuvres de Pablo Picasso et Francis Picabia attestent d’un même désir viscéral – celui de porter malgré tout l’idée selon laquelle, dans ce siècle mélancolique disloqué par deux guerres, la peinture était encore aussi vivante qu’eux-mêmes.
L’exposition Picasso Picabia se déploie selon une dizaine de thématiques suivant un fil chronologique, de 1907 au début des années 1970.

Durant les années 1910, Picasso et Picabia n’ont pas de relation de peintres, comme le premier en noue très tôt avec Matisse, par exemple. Exposant dans la même galerie en 1904 tout en évoluant dans des sphères très éloignées, leurs trajectoires se croisent peu durant les années d’innovations plastiques radicales du « laboratoire » cubiste entre 1907 et 1914. Alors que, dès 1906, le langage de Picasso s’affranchit de la représentation naturaliste et du vieux carcan mimétique, Picabia réalise encore des paysages sur le motif inspirés des maîtres de l’impressionnisme, qu’il remplace progressivement par l’usage de la carte postale. Il inaugure ainsi le détournement intensif de l’image photographique qu’il va pratiquer sa vie durant. À l’été 1908, pendant un séjour dans le village de La Rue-des-Bois dans l’Oise, Picasso peint des paysages aux volumes simplifiés et géométriques – « sans air » dira justement Pierre Daix – dont la palette se réduit à des tons d’ocre, de vert et parfois d’un rouge flamboyant comme ce Paysage daté du mois d’août.

Picasso, Paysage, couché de soleil, aout 1908 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Picasso, Paysage, couché de soleil, aout 1908 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Un Paysage aux deux figures, réalisé à l’automne, confirme la simplification volumétrique caractéristique des jungles du Douanier Rousseau et de l’imbrication des formes facettées chère à Cézanne, que le cubisme poussera jusqu’à la dissolution dans sa phase analytique à partir de 1910.

Pablo Picasso, Paysage aux deux figures, automne 1908 Huile sur toile, 60 x 73 cm Musée national Picasso-Paris © Succession Picasso, 2018
Pablo Picasso, Paysage aux deux figures, automne 1908 Huile sur toile, 60 x 73 cm Musée national Picasso-Paris © Succession Picasso, 2018

Pour Picasso, le cubisme « est un art qui traite principalement de formes », soulignant le processus métamorphique et organique qui préside à sa peinture : « lorsqu’une forme est réalisée, elle est là pour vivre sa propre vie ».

La Jeune fille à l’allure espagnole de 1912 de Picabia est une œuvre de style encore « primitif » qui emprunte la vision rapprochée et la construction en facettes d’une œuvre de Picasso comme la Tête d’homme de l’automne 1908.

 

Picasso, Tête de femme rouge trois quarts droite, 1907 – Picabia, Jeune fille, 1912 – Picasso, Tête d’homme, automne 1908.
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Bruno Ely à propos de Jeune fille (1912) de Picabia – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Il faudra attendre l’année suivante pour que Picabia s’aventure sur de nouveaux territoires modernes et adopte un lexique affranchi de l’orthodoxie cubiste.

Francis Picabia, Tauromachie, 1912 Huile sur toile, 72 x 90 cm Collection Valérie Roncari, Courtesy Galerie 1900-2000, Paris © ADAGP, Paris 2018
Francis Picabia, Tauromachie, 1912 Huile sur toile, 72 x 90 cm Collection Valérie Roncari, Courtesy Galerie 1900-2000, Paris © ADAGP, Paris 2018

Entre 1912 et 1913, ce dernier progresse vers une compréhension abstraite du cubisme, affirmant le primat d’une peinture comme expression du souvenir, traitant de thématiques centrées sur le mouvement et la danse.

Picabia, Danseuse étoile sur un transatlantique, 1913 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Picabia, Danseuse étoile sur un transatlantique, 1913 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

La véritable rupture a lieu au début de 1913, lors d’un voyage fondateur à New York alors que Picabia se rend à l’Armory Show, comme en témoigne l’abstraite Danseuse étoile sur un transatlantique, souvenir d’une traversée mémorable. Cette importante exposition moderne consacre ses dernières grandes œuvres « orphiques », exposées aux côtés de celles de Picasso.

Picabia, Procession, Séville, 1912 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Picabia, Procession, Séville, 1912 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Le public américain y découvre La Procession, Séville, de 1912, qui reprend la composition pyramidale du cubisme de 1908-1909, mais sa palette chromatique, à dominante froide et bleutée, est singulière.

Picabia, New York, 1913 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Picabia, New York, 1913 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Au contact des impressions que lui procure la vibrante métropole moderne, Picabia réalise des aquarelles d’une vivacité presque musicale (New York, 1913) et qu’il poursuit en France (Embarras et En badinant, 1914).

Bruno Ely à propos de Picabia à New York en 1913 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Picabia, Embarras, 1914 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Picabia, Embarras, 1914 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Le cheminement de Picabia au sein du cubisme aboutit à une abstraction « sensorielle » que Picasso aura toujours refusée, contestant le primat de l’idée en peinture : « Je n’attache aucune importance au sujet mais je tiens à l’objet. Respectez l’objet. »

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Bruno Ely à propos des relations avec Apollinaire – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Bruno Ely à propos de Vers l’objet (1912-1917) – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

En 1913, Guillaume Apollinaire publie Les Peintres cubistes qui s’ouvre sur un chapitre consacré à Picasso, dont « l’objet réel ou en trompe-l’œil est appelé à jouer un rôle de plus en plus important », et s’achève sur un chapitre sur l’art de la « surprise » et de la « mobilité » de Picabia.
Mais la prééminence est claire : c’est grâce à la conquête de l’objet au sein du laboratoire cubiste picassien qu’il est désormais possible de « peindre avec ce que l’on voudra, avec des pipes, des timbres-poste, des cartes postales ou à jouer, […], des morceaux de toile cirée, des faux cols, du papier peint, des journaux ».

Pablo Picasso, Bouteille et violon sur une table, 3 décembre 1912, ou plus tard Papier journal découpé et collé et fusain sur papier, 60,96 x 46,99 cm New Orleans Museum of Art, The Muriel Bultman Francis Collection © Succession Picasso, 2018
Pablo Picasso, Bouteille et violon sur une table, 3 décembre 1912, ou plus tard Papier journal découpé et collé et fusain sur papier, 60,96 x 46,99 cm New Orleans Museum of Art, The Muriel Bultman Francis Collection © Succession Picasso, 2018

Fin 1912, Picasso élabore ses premiers assemblages et ses papiers collés, en écho à ceux entrepris par Georges Braque. Une œuvre comme Bouteille et violon sur une table (fin 1912) fait figurer une coupure de journal en forme de bouteille, dont la lecture est partie intégrante de cette nouvelle vision.

Picasso, Bouteille de Bass, printemps 1914 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Vers l’objet (1912-1917)
Picasso, Bouteille de Bass, printemps 1914 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Vers l’objet (1912-1917)

Le tableau-relief Bouteille de Bass daté du printemps 1914 mêle l’huile et le fusain qui trace le mot (« Bas ») désignant l’objet. Un élément exogène de bois cloué sur le support du tableau en trois dimensions confirme ce qu’Aragon disait de Picasso dans un texte intitulé La Peinture au défi : « l’extrême, l’arrogante pauvreté des matériaux l’a toujours enchanté ». À partir de 1914, Picabia réunit avec son épouse Gabrielle Buffet des œuvres de Picasso et de Braque, vendant notamment à Alfred Stieglitz un bel exemple de ces papiers collés de la fin 1912, aux qualités architectoniques caractéristiques (Bouteille et verre de vin sur table, The Metropolitan Museum of Art. New York), que l’on trouve un peu plus tard dans une œuvre comme Bouteille de vin et dé (1914).

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Vers l’objet (1912-1917)
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Vers l’objet (1912-1917)

En 1910, le caricaturiste Marius de Zayas fait un séjour à Paris comme émissaire du photographe Alfred Stieglitz, demeuré à New York, et rencontre Picabia et Picasso. Devenu un passeur capital dans la diffusion de leurs œuvres (montrées notamment à la galerie 291 de la Cinquième Avenue), de Zayas élabore dès 1913 des « portraits abstraits » des deux artistes, proposant de rendre le « moi matériel » par l’objet – en des « équivalents géométriques » et des formules d’algèbre.

Marius de Zayas et Paul Burry de Haviland - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Cubismes (1907-1915)
Marius de Zayas et Paul Burry de Haviland – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Bruno Ely à propos de Picabia, de Zayas et Stieglitz – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Cubismes (1907-1915)

Imprégnée de cette réflexion, la « leçon de l’objet » sera retenue par Picabia d’une manière différente de celle de Picasso durant les années 1912-1915. C’est certainement à travers le titre donné aux œuvres qu’advient sa réflexion sur une forme « readymade » de l’objet. Picabia franchit une étape capitale en 1914 en détournant le mot par le biais de locutions issues du dictionnaire.
En 1915, la ressemblance mimétique achève d’être entièrement discréditée. Sur la couverture d’un numéro de sa revue 291, une ampoule est baptisée Américaine.
Une « lampe électrique devient pour Picabia une jeune fille » comme le note Aragon, qui conclut : « on voit que les peintres ici se mettent à employer vraiment les objets comme des mots ». En imposant un nouveau mode déductif au sein de l’image, le mot et l’objet introduisent, entre 1912 et 1917, rien de moins qu’une nouvelle modalité de saisie du réel.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Vers l’objet (1912-1917)
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Vers l’objet (1912-1917)

Bruno Ely sur le thème de l’ampoule et à propos de Picabia et Dada – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Classicisme et machinisme
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Classicisme et machinisme

Picasso peint peu sur le vif. En 1906, il soumet Gertrude Stein à d’innombrables séances de pose pour son portrait. Mais c’est en quelque sorte de « l’extérieur » que viendra durant ces années charnières 1906-1907 la solution au problème de la fin du pacte mimétique en peinture.
Le recours aux formes primitives et la simplification radicale de la statuaire antique ibérique apporteront ainsi à Picasso une solution d’ordre plastique durant cette phase protocubiste de son œuvre.

Picasso, Le peintre et son modèle, Avignon été 1914 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Classicisme et machinisme
Picasso, Le peintre et son modèle, Avignon été 1914 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Classicisme et machinisme

Bruno Ely à propos de Picasso, Le peintre et son modèle, Avignon été 1914 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

En 1915, il renoue avec le genre du portrait quelque peu délaissé au profit de figures génériques – des « types » plutôt que des portraits individués – qui résument bien l’impersonnalité recherchée par le cubisme de Braque et de Picasso autour de 1910-1914.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Classicisme et machinisme
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Classicisme et machinisme

Bruno Ely à propos des portraits de Max Jacob par Picasso et Picabia – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

Picabia, Portrait de Max Jacob en lampe torche - 291 No 10-11, 1915-1916
Picabia, Portrait de Max Jacob en lampe torche – 291 No 10-11, 1915-1916

Au début de cette année, Picasso, qui a accepté d’être le parrain de Max Jacob à son prochain baptême, fait le portrait de son vieil ami. Conjuguant la référence à Ingres pour la virtuosité du dessin et l’illusionnisme spatial, le portrait qu’il réalise est aussi un tribut à Cézanne par la simplicité de la posture du poète, qui se perçoit dans ce dessin comme « un vieux paysan catalan ». Peu après, une lettre de Jacob à Picabia mentionne le portrait du marchand Ambroise Vollard que Picasso a fait durant l’été 1915 « à la mine de plomb, genre Ingres, très ressemblant et très beau », et dont on sait aujourd’hui qu’il a été réalisé d’après photographie.

Bruno Ely à propos du portrait de Renoir par Picasso – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

Bruno Ely à propos du portrait de Jacques Doucet pat Picasso – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

Cette même année, Picabia effectue son second séjour à New York, affirmant désormais au contact du photographe Alfred Stieglitz et de son entourage un nouveau credo symboliste et mécanique, basé sur l’analogie homme/machine. Ce que Picabia appelle le « génie du monde moderne », et qu’il trouve à New York mieux que dans la vieille Europe, va revivifier son art durablement.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Classicisme et machinisme
Picabia, Le Saint des Saints, c’est de moi qu’il s’agit ; Portrait d’une jeune fille américaine dans l’état de nudité ; De Zaysa De Zaysa ! Je suis venu sur les rivages de Pont-Euxin – 291 n°5-6, juillet aout 1915
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Classicisme et machinisme

Bruno Ely à propos de Picabia et de la revue 291 n°5-6, juillet août 1915 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

Picabia, Ici, c'est Ici Stieglitz, foi et amour - 291 No 5-6, 1915
Picabia, Ici, c’est Ici Stieglitz, foi et amour – 291 No 5-6, 1915

C’est au début de l’année 1917 que Picabia répond par un pastiche à ce « retour au classicisme » de Picasso qui fait tant de bruit dans les ateliers parisiens. Ce dessin, publié dans sa revue 391, montre le visage du critique Max Goth, simple photographie collée sur un corps dessiné de façon rudimentaire. Avec ce qu’il nomme un « Kodak », Picabia tourne en dérision cet illusionnisme photographique du dessin de Picasso, raillant en creux le recours à l’image reproductible, lequel sera paradoxalement une constante de sa propre pratique.

Francis Picabia, Portrait de Louis Vauxcelles, 1917 Collection particulière, Paris © ADAGP, Paris 2018
Francis Picabia, Portrait de Louis Vauxcelles, 1917 Collection particulière, Paris © ADAGP, Paris 2018

Durant la guerre, Picabia poursuit ses portraits « mécanomorphes » – Guillaume Apollinaire tout comme le critique acerbe du cubisme Louis Vauxcelles sont ainsi portraiturés en machines en 1917-1918. La connivence qui se joue au cours de ces années entre dessin et photographie chez Picasso et Picabia se sera donc cristallisée autour d’un modeste pastiche. Mais la réalité est à chercher sur un plan plus profond de leur œuvre, chacun ayant perçu la dangereuse et fertile proximité de la ligne classique et sa « déqualification » mécanique.

Bruno Ely à propos des portraits d’Apollinaire par Picasso et Picabia – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet

 

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Dada - Vie et mort de la peinture
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Dada – Vie et mort de la peinture

Trivial et déqualifié, l’objet en 1915 est au centre des portraits mécaniques de Picabia et anéantit toute idée de ressemblance. Ironisant sur les artistes qui, dans le sillage de Cézanne, « copient des pommes », Picabia déclare qu’il ne juge pas moins absurde l’activité consistant à copier des machines. À cette époque, peu de choses arrêtent la fièvre iconoclaste qui s’empare de lui. Lorsqu’en février 1916, alors que la guerre fait rage, des artistes de tous horizons se réunissent à Zurich sous le nom de Dada, c’est très naturellement que Tristan Tzara, l’un de ses fondateurs, se tourne vers Picabia deux ans plus tard pour tenter de propager le mouvement. Essaimant à Cologne, Hanovre, Berlin ou New York, puis implanté à Paris aux premiers jours de 1920, Dada tirera partie de l’immense pouvoir de provocation de Picabia et de son sens inné de la publicité. Bien qu’il ait suivi d’un œil assez méfiant les coups d’éclat du mouvement dans la capitale, Picasso se serait rendu « souvent aux manifestations tapageuses de Dada » (R. Penrose). Il est en tout cas bien l’un des invités du vernissage de l’exposition de Picabia à la galerie La Cible, et l’un de ceux du célèbre « Réveillon cacodylate » chez la cantatrice Marthe Chenal. À cette époque, pour provocateur et individualiste qu’il soit, Picabia se tourne néanmoins avec un peu de déférence vers Picasso – conscient du prestige que celui-ci incarne dans les rangs de l’avant-garde parisienne. Il lui fait tantôt parvenir ses derniers volumes de poésie tels ses Poèmes et dessins de la fille née sans mère (1917), le sollicite pour faire le portrait d’un ami (Pierre de Massot) ou l’engage à accueillir un artiste récemment arrivé à Paris (Serge Charchoune).

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Dada – Vie et mort de la peinture 02

S’il alterne en 1920 entre un cubisme synthétique et le classicisme sculptural de ses tableaux réalisés à Fontainebleau, Picasso ne perd jamais de vue la transgression de ses propres moyens d’expression. Un même caractère de subversion unit ainsi deux de leurs œuvres durant les années 1920. Picabia réalise l’économe Danse de Saint-Guy (Tabac-Rat) – constituée d’un simple cadre tendu de ficelles et de trois petites cartes indiquant « Danse de Saint-Guy », « Tabac-Rat » et « Francis Picabia » qui ponctuent absurdement le vide du tableau – et l’expose au Salon des Indépendants en 1922.

Picabia, Danse de Saint-Guy (Tabac-Rat), 1919-1949 - Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Dada - Vie et mort de la peinture
Picabia, Danse de Saint-Guy (Tabac-Rat), 1919-1949 – Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Dada – Vie et mort de la peinture

En 1926, la Guitare de Picasso maintient la présence de l’objet et de la toile, mais l’extrême pauvreté de ses moyens – le mauvais tissu, la corde, les clous et les pitons – fait écho à son souhait exprimé un jour de « noyer des lames de rasoir dans les angles du tableau, de manière qu’on se coupe les doigts en le soulevant ».
Dans La Peinture au défi, Louis Aragon revient sur l’« évanouissement » de la peinture chez Picabia, devenue vers 1920 ce « luxe exagéré », et se souvient que cette menace de mort de la peinture existait ailleurs : « Vers le même temps, il arriva que Picasso fît une chose très grave. Il prit une chemise sale et il la fixa sur une toile avec du fil et une aiguille. Et comme avec lui tout tourne en guitare, ce fut une guitare par exemple. Il fit un collage avec des clous qui sortaient du tableau. »

Pablo Picasso, Guitare, printemps 1926 Cordes, papier journal, serpillière et clous sur toile peinte, 96 x 130 cm Musée national Picasso-Paris © Succession Picasso, 2018
Pablo Picasso, Guitare, printemps 1926 Cordes, papier journal, serpillière et clous sur toile peinte, 96 x 130 cm Musée national Picasso-Paris © Succession Picasso, 2018

Burno Ely à propos des deux œuvres de Picasso et Picabia dans la section Dada : Vie et mort de la peinture

 

De son enfance andalouse à Malaga jusqu’à La Corogne où il arrive, dépité, à l’âge de 10 ans (« Ni Malaga, ni taureaux, ni amis, ni rien »). Picasso vivra moins d’un quart de sa longue vie en Espagne, et le reste en France. En 1895, la famille déménage à Barcelone lorsque son père don José Ruiz y Blasco y est nommé professeur de peinture. Une fois Picasso définitivement établi à Paris dès 1904, l’Espagne ressurgira souvent dans l’œuvre de l’artiste. En 1905, il peint le portrait de la belle Italienne Benedetta Canals coiffée d’une mantille d’Espagnole, avançant déjà l’idée du portrait comme une forme d’hybridité du moi. Il est possible que Picasso ait usé d’une source photographique pour ce portrait de l’épouse de son ami Ricardo Canals, et ancien modèle de Renoir et de Degas.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Espagnoles et hispanités
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Espagnoles et hispanités

De père hispano-cubain et de mère française, Francis Picabia grandit à Paris. Pour Gabrielle Buffet, sa première épouse, « les hérédités espagnoles sont profondes chez lui, dans son aspect et son caractère. Le teint, l’œil, les cheveux, les gestes ne le différencient pas lorsqu’il séjourne à Barcelone ou Séville chez ses cousins Picabia, des natifs du pays. » En 1901 pour la première fois sur la terre de ses ancêtres, il rencontre quelques-uns de ses cousins à Séville, les Abreu y Picabia. Un nouveau séjour en 1909 à Madrid et Séville lors de son voyage de noces avec Gabrielle Buffet fournit des thèmes qui ressurgissent un peu plus tard (La Procession, Séville. et Tauromachie, 1912).

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Espagnoles et hispanités
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Espagnoles et hispanités

Le 18 octobre 1917, depuis Barcelone où il séjourne depuis le mois de juin. Picasso écrit à son ami Apollinaire : « Très embêté. Encore être ici. Je ne sais pas quand je rentrerais [sic). Mais je travaille. […, J’ai rencontré Picabia dimanche aux courses de taureaux. » Le séjour dans la ville de son adolescence s’avère effectivement fructueux. L’artiste produit pas moins de dix toiles entre juin et novembre.
La danseuse franco-marocaine Fatma devient le modèle d’un portrait, traité sur un mode pointilliste, qui renoue avec la verve décorative de 1914, en même temps que son dessin classique le situe dans cette tradition ingresque dans laquelle il a puisé dès 1905.

Pablo Picasso, Femme à la mantille (Fatma), 1917 Huile et fusain sur toile 116 x 89 cm Barcelona, Museu Picasso, © succession Picasso 2018
Pablo Picasso, Femme à la mantille (Fatma), 1917 Huile et fusain sur toile 116 x 89 cm Barcelona, Museu Picasso, © succession Picasso 2018

Peut-être l’œuvre est-elle une réinterprétation d’un portrait de 1909 par Rafael Padilla, avec qui Picasso partagea un atelier durant le séjour à Barcelone. Mais il n’y a jamais un modèle unique derrière les greffes historiques entreprises par Picasso et l’on sait que sa collection personnelle de photographies et de chromos en couleurs figurant de belles Espagnoles a pu servir dans la réalisation de cette peinture.

En exposant à Paris des portraits d’Espagnoles à la galerie La Cible en 1920. Picabia renoue avec un thème qu’il a abordé dès le début du siècle, et destiné selon lui à « plaire à tous ». Chez cet adversaire de toute forme de nationalisme, la référence au pays de ses ancêtres est néanmoins souvent présente dans sa peinture et ses écrits poétiques. Le séjour qu’il effectue à Barcelone en 1917 – ville qui accueille nombre d’artistes ayant comme lui fui la guerre, et d’où il lancera sa revue 391 – resurgit dans l’écriture : « Mon cœur aboie et bat, mon sang est un chemin de fer sans gare qui mène à Barcelone. »

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Espagnoles et hispanités
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Espagnoles et hispanités

En 1923, à la faveur d’une rétrospective chez Danthon, quarante sur les cent vingt-trois toiles exposées renvoient à des thèmes espagnols. Certaines sont issues en droite ligne d’Ingres, sur le modèle notamment de La Belle Zélie. D’autres, plus tardives (comme cette Espagnole à la guitare, vers 1926-1927), proviennent de modèles de cartes postales.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Espagnoles et hispanités
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Espagnoles et hispanités

Mais comme Picabia le revendique pour sa propre personne, ces Espagnoles sont avant tout hybrides. Elles sont peut-être même, aux dires de l’artiste, des « faux ».

Francis Picabia, Andalouse (Espagnole à la mantille), 1923-1926 Aquarelle sur papier, 63 x 44 cm Collection particulière © ADAGP, Paris 2018
Francis Picabia, Andalouse (Espagnole à la mantille), 1923-1926 Aquarelle sur papier, 63 x 44 cm Collection particulière © ADAGP, Paris 2018

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet -Décoration - Abstraction et opticalité
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet -Décoration – Abstraction et opticalité

Après la guerre semble se jouer une partition commune dans l’oeuvre de Picabia et de Picasso qui introduisent l’idée de décoratif dans la peinture : dans une longue série de variations sur le genre traditionnel de la nature morte entreprises dès 1918, Picasso peint des œuvres presque géométriques dès après la guerre – dans un style baptisé par Maurice Raynal de cubisme de « cristal ». En 1922, les abstractions colorées que Picabia exécute pour son exposition à la galerie Dalmau de Barcelone forment avec ces œuvres de Picasso un contrepoint formel entièrement inédit qui interroge la prégnance du décoratif dans leurs œuvres des années 1920.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Monstres et métamorphoses - Le surréalisme dissident
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Monstres et métamorphoses – Le surréalisme dissident

En 1924, Picabia quitte Paris, brouillé avec André Breton et le surréalisme naissant. Il s’installe sur la Côte d’Azur dans une nouvelle demeure qu’il fait bâtir à Mougins, partageant avec Picasso ce qu’il appelle cette « grande envie de soleil » qui ne le quittera pas sa vie durant. C’est en voisin de villégiature dans la région cannoise que Picasso et sa famille lui rendent visite notamment durant les étés 1925 et 1926.

Les œuvres profondément individuelles qu’ils exécutent alors révèlent un dialogue formel plus direct que jamais. Le strident Baiser de Picasso (1925, Musée national Picasso-Paris) évoque ces étreintes « monstres » et ces couples de carnaval, peints au Ripolin, que Picabia entreprend dans le Midi et dont l’exposition montre quelques-uns des plus beaux exemples.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Liberté ou réaction
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Liberté ou réaction

Il faut attendre la montée des périls fascistes et notamment de la guerre d’Espagne au milieu des années 1930 pour que les œuvres de Picasso et de Picabia s’opposent de façon spectaculaire. L’exposition questionne le genre du portrait féminin et son importance dans l’oeuvre des deux peintres, durant ces deux décennies.

Deux conceptions hétérogènes de la peinture semblent ainsi se faire jour : ayant professé un nouveau classicisme humaniste dès la fin des années 1920, c’est avec un style figuratif appuyé et tributaires de sources photographiques issues des magazines que Picabia exécute de nombreux portraits féminins avant la guerre. Chez Picasso au contraire, la veine presque sacrilège qui préside aux déformations des portraits des femmes aimées ou amies semblent leurs pendants désespérés et bouffons.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Fins de partie
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Fins de partie

Après la seconde Guerre Mondiale, l’image de franc-tireur de l’art, de pionnier de l’abstraction et de figure historique du dadaïsme de Francis Picabia attire à lui une nouvelle génération d’artistes, de Pierre Soulages à Georges Mathieu. L’exposition montre une sélection d’oeuvres des dernières années du peintre au tout début des années 1950, en particulier les Points, dont la matière grasse et la monochromie parlent autant de la capacité de résistance de la peinture que de sa fragilité.

Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet - Fins de partie
Exposition Picasso Picabia – La Peinture au défi au musée Granet – Fins de partie

Vingt ans plus tard, vers 1970, Picasso continue inlassablement sa quête d’une figuration radicale avec des portraits d’homme qui semblent encore de nouvelles expérimentations picturales menées jusqu’à la fin de son existence de peintre.

Anonyme, Portrait de Picasso dans l’atelier de la rue Schoelcher, Paris, 1915-1916 Epreuve gélatino-argentique, 18 x 12,9 cm Musée national Picasso-Paris Fonds photographiques © Succession Picasso, 2018
Anonyme, Portrait de Picasso dans l’atelier de la rue Schoelcher, Paris, 1915-1916 Epreuve gélatino-argentique, 18 x 12,9 cm Musée national Picasso-Paris Fonds photographiques © Succession Picasso, 2018

25 octobre 1881
Pablo Ruiz Picasso naît à Málaga en Espagne. Son père, José Ruiz Blasco (Picasso est le nom de sa mère), est professeur à l’école des Beaux-arts de Málaga, puis à La Corogne, au nord de l’Espagne, et à Barcelone.
1895-1897
À quatorze ans Picasso entre à l’école des Beaux-arts de la Lonja, à Barcelone, avant d’intégrer l’Académie royale de San Fernando à Madrid, impressionnant les membres du jury par son talent précoce. Il y suit un enseignement très académique.
1899
Installation à Barcelone, où commence sa véritable éducation artistique. Picasso rencontre le milieu de l’avant-garde et découvre la modernité.
1900-1902
Ressentant la nécessité de se confronter à lui-même, il effectue un premier séjour à Paris, à l’âge de dix-neuf ans. Il y revient en 1901 et 1902, se lie d’amitié avec le poète Max Jacob.
1904
Installation définitive en France, dans un atelier à Montmartre, le Bateau-Lavoir, lieu de rencontre entre artistes, poètes et intellectuels. Picasso se met en ménage avec une jeune femme de vingt ans, Fernande Olivier, et fait la connaissance de Guillaume Apollinaire. Ses oeuvres représentent la mélancolie, la mort, la vieillesse et la pauvreté, dans une gamme chromatique bien spécifique : c’est sa période bleue.
1905
Avec moins d’âpreté, la période rose évoque le monde du cirque et des gens du voyage dans une tonalité plus claire. Picasso assimile des influences diverses : Toulouse-Lautrec, Gauguin, Eugène Carrière, Puvis de Chavannes… Il rencontre Gertrude et Léo Stein, deux collectionneurs américains qui lui achètent d’un coup pour huit cents francs de tableaux.
1906
Marqué par l’oeuvre de Cézanne, l’art ibérique ancien, africain et océanien, découverts au Louvre et au Musée du Trocadéro, Picasso mène de nouvelles recherches picturales qui le conduisent à une simplification des formes et à un traitement spécifique des volumes.
1907
Il peint Les Demoiselles d’Avignon, qui marque la naissance du cubisme et suscite l’incompréhension de ses proches, y compris Matisse et Braque. Seul le marchand Daniel-Henry Kahnweiler saisit la portée de l’oeuvre.
1908-1909
Collaborant intensément avec Braque, Picasso étudie l’oeuvre de Cézanne qui vient de mourir et auquel le Salon d’automne consacre une rétrospective en 1907. C’est la période du cubisme « cézannien ».
1909
Début de la phase « analytique » du cubisme, résultat du mûrissement de ce nouveau langage pictural : la gamme chromatique est réduite aux gris, la représentation de l’objet ou de la figure est éclatée en facettes, la ligne courbe et les effets de dynamisme sont abolis.
1911
Une nouvelle compagne, Eva Gouel, entre dans la vie de Picasso. Dans une confirmation de l’autonomisation de la peinture qui n’a plus à représenter les apparences, celui-ci se tourne vers de nouveaux matériaux : papiers collés, lettres, chiffres, textes et collages.
1911-1913
Durant l’été, Picasso travaille à Céret, dans les Pyrénées-Orientales, avec le sculpteur Manolo, Braque et Juan Gris. Plusieurs de ses oeuvres sont exposées à l’Armory Show, à New York, en 1913.
1914
Séjour estival à Avignon avec Braque et André Derain. La déclaration de la guerre met fin à cette période d’échanges fructueux. Eva meurt de la tuberculose.
1915
Dans l’isolement, Picasso revient à la figuration et au classicisme. D’après modèle vivant, il dessine le portrait ingresque de Max Jacob (Musée Picasso-Paris).
1917
Convaincu par Jean Cocteau, auteur du livret de Parade, Picasso conçoit les décors de ce ballet, sur une musique d’Erik Satie, pour les Ballets russes dirigés par Serge de Diaghilev. Cette collaboration inaugure une série de réalisations dans le monde du spectacle.
1918
Mariage avec la ballerine Olga Kokhlova, avec laquelle il aura, en 1921, un fils, Paulo.
1924
Sur les conseils d’André Breton, grand admirateur de Picasso, le couturier et mécène Jacques Doucet acquiert Les Demoiselles d’Avignon. Au contact des Surréalistes, Picasso développe un nouveau langage formel, réalisant des assemblages en détournant la fonction des objets.
1925
Une nouvelle période débute avec La Danse (Tate Gallery, Londres) : les corps sont disloqués, les couleurs sont criardes. Une violence sous-jacente semble dénoncer ses relations houleuses avec Olga. Le couple commence à passer ses étés dans le Midi et fréquente Francis Picabia et Germaine Everling, installés à Mougins.
1927
Rencontre avec Marie-Thérèse Walter, qui bouleverse sa vie et son oeuvre. La jeune fille lui inspire des oeuvres empreintes de références à la sexualité et à la fécondité et suscite l’apparition d’un vocabulaire formel coloré, composé de lignes courbes et sinueuses, appelé le « cubisme curviligne ».
1928
Via sa représentation dans les revues et les expositions des Surréalistes, Picasso voit son travail associé au mouvement représenté par Breton et ses dissidents : Georges Bataille, Michel Leiris, Robert Desnos, etc.
1935
Picasso se sépare d’Olga, tandis que Marie-Thérèse lui donne une fille, Maya. Il cesse brutalement de peindre et se tourne vers l’écriture poétique durant près d’une année.
1936-1937
La guerre civile espagnole marque un tournant important dans sa vie et sa production. Il livre une de ses plus puissantes créations picturales : Guernica, qui dénonce les horreurs du fascisme. L’oeuvre est commandée pour le pavillon de la République espagnole à l’Exposition internationale de 1937 à Paris.
Il se rapproche du poète Paul Eluard, qui lui présente une de ses amies peintre et photographe : Dora Maar. Ses portraits révèlent alors les deux visages de Dora Maar et Marie-Thérèse.
1939
Les peintures réalisées par Picasso pendant la guerre traduisent ses angoisses sur la montée du fascisme en Europe. Il est interdit d’exposition durant l’Occupation au titre d’« artiste dégénéré ».
1943
Il rencontre la peintre Françoise Gilot, qui partagera sa vie jusqu’en 1953 et lui donnera deux enfants, Claude et Paloma.
1944
Picasso adhère au parti communiste et participe, pour la première fois, au Salon d’Automne, renommé cette année-là, le « Salon de la Libération ».
1948
Avec Françoise Gilot, il s’installe à Vallauris, où il commence une importante activité de céramiste.
1949
Son engagement politique se manifeste par sa participation au Congrès Mondial pour la Paix. L’affiche en est illustrée par sa célèbre Colombe de la paix, dont il dessinera plusieurs versions.
1952
Picasso commence des panneaux décoratifs pour une chapelle désaffectée à Vallauris, futur Temple de la Paix.
1953
Séparation d’avec Françoise Gilot. C’est le début pour l’artiste d’une grave crise morale que reflète une série de dessins exécutés entre la fin 1953 et l’hiver 1954. Le peintre y exprime avec ironie son amertume devant la vieillesse et son scepticisme à l’égard de la peinture elle-même.
1954
Picasso s’installe à Cannes, dans la villa La Californie, avec Jacqueline Roque, rencontrée en 1952, qui a déjà une fille, Catherine, et qui deviendra son épouse en 1961. Avec elle, il retrouve le calme dont il a besoin pour travailler.
1958
Picasso achète le château de Vauvenargues, situé au pied de la montagne Sainte-Victoire. Il s’y installe en déclarant « J’habite chez Cézanne ». Il produit alors des oeuvres aux couleurs vert sombre, noir et rouge profond.
1959
Il se lance dans une série d’interprétations du Déjeuner sur l’herbe de Manet et sur le thème du peintre et son modèle, inspiré par Rembrandt.
1961
Installation au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins, près de Cannes. Picasso y peint une série de couples, puissamment érotiques. Il travaille avec une intensité, dans une sorte de course contre la montre qui lui fait dire : « J’ai de moins en moins de temps et de plus en plus à dire ».
8 avril 1973
Picasso décède à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Il est enterré dans le jardin du château de Vauvenargues.

Man Ray, Francis Picabia à Saint-Tropez, vers 1935 Epreuve gélatino-argentique, 11,2 x 8 cm Collection Pierre et Franca Belfond, Paris © ADAGP, Paris 2018
Man Ray, Francis Picabia à Saint-Tropez, vers 1935 Epreuve gélatino-argentique, 11,2 x 8 cm Collection Pierre et Franca Belfond, Paris © ADAGP, Paris 2018

22 janvier 1879
François Marie Martinez Picabia y Davanne naît à Paris, dans une famille aisée. Son père, né à Cuba, est issu de la noblesse espagnole. Sa mère, vient d’une famille parisienne fortunée.
1894
D’après la légende familiale, le père de Picabia soumet, à l’insu de son fils et sous un pseudonyme, un de ses paysages au Salon de la Société des artistes français.
1897-99
Entrée dans les ateliers privés de Jacques-Albert-Charles Wallet, puis de Fernand-Anne Cormon.
1899
Picabia commence à exposer au Salon de la Société des artistes français.
1902
Dans le Midi, Picabia rencontre les fils de Camille Pissarro, avec lesquels il restera longtemps lié. Utilisant la photographie pour ses études, Picabia peint dans un style académique, sans se plier à l’exercice du plein air. Premiers succès commerciaux.
1905
Première exposition personnelle à la Galerie Haussmann, dirigée par le marchand Danthon, avec lequel il vient de signer un contrat de 3 ans. Première acquisition par l’État.
1907
Phases néo-impressionniste et fauve, suivies d’une synthèse entre Fauvisme et Cubisme.
1909
Mariage avec Gabrielle Buffet, jeune musicienne proche des théories d’avant-garde. Rupture avec son marchand et avec son ancienne carrière néo-impressionniste.
1911
Picabia fréquente les cubistes du Groupe de Puteaux. Il fait deux rencontres décisives, celles de Marcel Duchamp et du poète Guillaume Apollinaire. Ce dernier est un proche de Picasso depuis 1905.
1912
Premiers tableaux cubo-abstraits sur les thèmes de la musique, de la danse et de la religion, Danses à la source (I) et (II) ; Procession, Séville. Apollinaire rattache l’art de Picabia à ce qu’il nomme « Orphisme » ou « cubo-orphisme ».
1913
Seul artiste européen à faire le voyage, Picabia est invité à New York, accompagné de Gabrielle, à l’occasion de l’Armory Show. Ses tableaux connaissent un vrai succès de scandale. Ce séjour est décisif dans la confirmation de son langage pictural moderne, mais aussi dans son utilisation habile des médias et de la presse en particulier.
1914
Mobilisation de Picabia qui a négligé de prendre la nationalité espagnole à sa majorité. Grâce aux relations de sa belle-famille, il obtient de servir comme chauffeur d’un général à Paris, affecté dans une caserne située à quelques mètres de son domicile.
1915
Retardant une mission militaire, Picabia s’embarque à nouveau pour New York où il reste plusieurs mois, dans une effervescence créatrice autour d’Alfred Stieglitz et de sa galerie 291. Premières oeuvres fondées sur l’esthétique de la machine.
1917
Alternance de phases de dépression et cures de désintoxication. À Barcelone, Picabia fait paraître un nouveau périodique baptisé 391, qui le suivra lors de ses voyages durant la guerre. Il le poursuit une fois la guerre finie, à son retour à Paris en 1919. Période intense d’écriture principalement poétique (Cinquante-deux Miroirs puis l’année suivante, Les Poèmes et Dessins de la Fille née sans mère).
1921
Les envois de Picabia au Salon des Indépendants et au Salon d’Automne font souvent scandale. Il est au centre du mouvement Dada à Paris aux côtés de Tristan Tzara et d’André Breton. Il publie régulièrement des tribunes polémiques dans la presse.
1922
Exposition aux galeries Dalmau de Barcelone. Picabia alterne alors les styles les plus opposés avec des portraits d’Espagnoles et des oeuvres abstraites d’un nouveau style « mécaniste ».
1925
Installation près de Cannes, à Mougins avec sa compagne Germaine Everling. Il fait bâtir le « Château de Mai ». Durant près de 20 ans, Picabia reste relativement éloigné du milieu artistique parisien. C’est l’époque d’un nouveau style baptisé « Monstres » et des collages. L’été, il fréquente Picasso, qui prend l’habitude de passer ses vacances en famille dans la région.
1928
Picabia expose une nouvelle série, les « Transparences » aux côtés d’« Espagnoles », Galerie Théophile Briant, à Paris. Passionné de toujours par l’automobile, il en acquiert à une vitesse considérable et les revend parfois à peine rodées. Il est désormais en couple avec Olga Mohler avec qui il passera le reste de sa vie.
1930
Il commence à organiser des galas et fêtes diverses sur la Côte d’Azur, ce qu’il fera durant plusieurs années. Il se rapproche de l’ancien marchand de Picasso, Léonce Rosenberg qui acquiert certaines de ses « Transparences ».
1933
Il se rapproche de Gertrude Stein, qui a une influence possible dans son développement d’une nouvelle manière figurative et humaniste. Il travaille à Golfe-Juan dans un nouvel atelier, expose à Cannes et à Paris, plus rarement à l’étranger (New York). Il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur.
1936
Echec de son exposition à l’Arts Club de Chicago, dont il repeint presque toutes les oeuvres, selon une habitude ancienne. Achat de trois de ses oeuvres par l’État. En parallèle de ses oeuvres figuratives, Picabia renoue avec l’abstraction.
1939
Retour à Golfe-Juan après un séjour en Suisse dans la famille d’Olga Mohler. Il écrit les Poèmes de Dingalari.
1942
Exposition à la Galerie Pasteur à Alger. C’est une période chaotique marquée par plusieurs déménagements.
1943
Comme beaucoup d’autres artistes modernes, des œuvres de Picabia sont brûlés par les nazis dans le jardin du Jeu de Paume.
1944
Choqué par une perquisition de la Gestapo à son domicile, Picabia fait une attaque et est hospitalisé. Finalement soupçonné de collaboration, il est retenu à l’hôpital tandis qu’Olga est interrogée. Après la Libération, les charges qui pesaient sur le couple ne sont pas retenues.
1945
Retour définitif avec Olga Mohler à Paris dans sa maison natale, rue des Petits-Champs. Une nouvelle génération s’intéresse à sa peinture et lui rend visite dans son atelier, dont Ubac, Hartung, Soulages, Tal Coat, Mathieu. Picabia expose au Salon des Surindépendants.
1948
Le Musée national d’art moderne acquiert Udnie, une grande oeuvre abstraite de 1913. Son importance comme pionnier de l’art moderne ne cesse de croître. Il rencontre Pierre-André Benoit qui publie à Alès de nombreuses plaquettes de sa poésie.
1952
Exposition à la galerie Colette Allendy : André Breton, Camille Bryen, Michel Seuphor écrivent sur lui. Aggravation de l’artériosclérose qui l’emportera.
30 novembre 1953
Après son exposition, Hommage à Picabia, en octobre, à la Galerie Craven, Paris. Francis Picabia meurt, âgé de soixante-quatorze ans. Il est enterré au cimetière de Montmartre.

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