Audrey Martin – Des images longtemps inimaginables au CACN -Nîmes

Du 26 avril au 29 juin 2019, le CACN (Centre d’Art Contemporain de Nîmes) accueille Audrey Martin pour une exposition personnelle intitulée « Des images longtemps inimaginables ».

Elle devrait présenter un peu moins d’une dizaine d’œuvres. Parmi celles-ci, on retrouvera des pièces et des installations que l’on a déjà pu voir dans la région.

Audrey Martin - All right good night, 2015 - Production La Panacée
Audrey Martin – All right good night, 2015 – Production La Panacée

C’est notamment le cas de All right good night (2016), une édition coproduite par La Panacée version 1.0. Cette dernière phrase prononcée par le pilote du vol MH370 de la Malaysia Airlines, en 2014 avait flotté dans le ciel de Montpellier lors du mémorable « Terminal P » avant de rejoindre le toit de la Gaité Lyrique pour « Aéroports/ville – monde », version parisienne du projet de Franck Bauchard.

Audrey Martin - All right good night - Aéroports ville - monde, 2017 à La Gaité Lyrique Paris
Audrey Martin – All right good night – Aéroports ville – monde, 2017 à La Gaité Lyrique Paris

À cette occasion, l’original catalogue sous forme de cartes d’embarquement qualifiait ainsi la production de l’artiste :

« Le travail d’Audrey Martin s’intéresse à l’inexplicable, interrogeant souvent l’accident, dans un souci de commentaire poétique face à une réalité souvent brutale »…

Une version de ce drapeau devrait claquer au vent au 14 rue Saint-Rémy à Nîmes.

Les collaborations d’Audrey Martin avec La Panacée version 1.0 avaient été multiples. On se souvient de sa participation au projet « Une lettre arrive toujours à destination(s) » en 2014 et de sa résidence « 140 mètres à vol d’oiseau » avec le Living Room et la complicité d’illusion & macadam.
Au CACN, on retrouvera avec intérêt son installation Dé-paysages (2015) et sa dissolution des images des exploits de l’ineffable baron de Münchhausen…

Audrey Martin - Dé-paysages, 2015 - Production La Panacée, Le Living Room et le Café Europa (Mons 2015)
Audrey Martin – Dé-paysages, 2015 – Production La Panacée, Le Living Room et le Café Europa (Mons 2015)

On retrouvera aussi le captivant nuancier de Time capture (2015), produit dans le cadre d’une résidence à Sète en partenariat avec le CRAC et La montagne magique (2016), un moulage en plâtre produit par Artelineha.

Audrey Martin - Time capture, 2015 - CRAC Sète - Photographie William Davies
Audrey Martin – Time capture, 2015 – CRAC Sète – Photographie William Davies

L’exposition permettra de découvrir plusieurs pièces récentes, dont une œuvre produite par le CACN en deux volets : Des images longtemps inimaginables et Aucun accord trouvé , annoncés comme « réactivation du bouquet officiel, Sommet de Singapour et du Sommet du Vietnam ».

Audrey Martin - Des images longtemps inimaginables au CACN -Nîmes
Audrey Martin – Des images longtemps inimaginables au CACN -Nîmes

Bien entendu, on aura deviné le nom des protagonistes de ces rencontres…

Audrey Martin - La Ruine M2K2, 2012 - Jeune Création
Audrey Martin – La Ruine M2K2, 2012 – Jeune Création

Les ballons-sondes recouverts d’or blanc de Ruines (2019) seront-ils les « enfants » de La Ruine M2K2 qu’Audrey Martin avait présentée au 104 pour Jeune Création en 2012 ?

On attend avec curiosité de découvrir ces nouvelles œuvres et ce solo show d’Audrey Martin que Bertrand Riou avait invité parmi les artistes d’« Explore », son exposition inaugurale.

Chronique éventuelle après un passage au CACN.

À lire, ci-dessous, le texte de présentation du projet par Karine Mathieu.

En savoir plus :
Sur le site du CACN
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Sur le site d’Audrey Martin

Audrey Martin – « Des images longtemps inimaginables » : Présentation par Karine Mathieu

Les œuvres d’Audrey Martin dépassent la simple temporalité du réel, de ce qui se donne à voir pour se tourner vers la beauté de l’imperceptible. Elle observe, creuse et étudie les mystères de nos mondes. C’est dans l’esprit des sciences qu’elle exhume les phénomènes qui nous entourent pour en extraire sa propre exploration, sa propre valeur universelle. Telle une chercheuse de l’invisible, elle enquête sur l’ensemble de tout ce qui existe, qui régit l’univers : ses mystères et ses lois.

Il s’agit pour l’artiste de dévoiler les forces terrestres et célestes dans ce qu’elles ont de plus impalpables. De la physique à la magie, ses œuvres touchent à cet entre-deux, véritable territoire de sa production artistique. L’hypothèse des réalités se matérialise alors dans une création du supra sensible. Les œuvres se présentent ou s’absentent dans une limite du perceptible, le visiteur glisse dans une rencontre avec l’inframince(1).

Audrey Martin fait apparaître ce qui disparaît.

Dans des dispositifs de mise en espace, l’artiste déploie de délicats protocoles artistiques. Elle rejoue sans limite de temps les œuvres créées, qu’elle reconvoque afin d’investir le mystère de sa création.

L’installation dé-paysages témoigne de cette démarche. Conçue comme un mini laboratoire, l’artiste fait se dissiper, à l’aide d’un mélange chimique, un paysage enfermé dans un cadre de verre. D’une durée initiale de 37 minutes, cette expérience esthétique se distant en fonction des lieux d‘exposition et de leurs capacités à relever le défi du procédé mis en œuvre. Certains ne verront jamais l’absence du paysage en direct, seulement les ruines de cette disparition. D’autres auront vécu la rencontre en toute intimité, le temps d’un rendez-vous.

L’artiste délite les temporalités mêmes de ses œuvres. Avec Time Capture, des nuances de bleu du ciel de la fin de l’après-midi jusqu’à la nuit sont photographiées et cartographiées. Cette prise du temps se produit deux siècles jour pour jour après l’éruption volcanique du Tambora. Cette œuvre conçue en 2015 se mue à nouveau en 2019.

Là encore, l’artiste nous bouscule dans notre rapport même à l’image de l’œuvre d’art « figée » dans un espace d’exposition. Elle réanime sans cesse ce qu’elle commémore, elle se joue des codes imposés par l’art pour repousser les frontières du regardeur sur l’œuvre.

L’essence même de l’image se métamorphose continuellement dans de nouvelles perceptions. Le public pénètre dans une nouvelle dimension où la connaissance et l’émotion se cristallisent.

Audrey Martin capture ce qui apparaît à la conscience.

L’exposition au CACN s’envisage comme un système global de reprogrammation, de reconvocation des formes pour constituer une véritable cosmologie artistique.
Du chercheur d’or au chasseur d’orage, en passant par les énigmes de l’univers et de la cosmogonie, l’artiste prospecte et collecte ces pratiques humaines tentant de maîtriser les faits naturels. Elle défie l’ordre établi.
Ainsi, des créations telles que Des images longtemps inimaginables vont périr puis se régénérer le temps de l’ouverture publique pour convoquer l’invisible et tenter de le révéler.

Dans une expérience de la finesse, Audrey Martin bouscule les lois de la nature : dévisager le temps pour mieux scruter les phénomènes imperceptibles de nos mondes, effleurer notre rétine pour mieux en extraire les sources de l’émotion.

Karine Mathieu, avril 2019.

(1) Concept esthétique créé, vers 1930 par Marcel Duchamp désignant une différence ou un intervalle imperceptible, parfois seulement imaginable, entre deux phénomènes.

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