Nicolas Daubanes – Le monde ou rien au Frac Paca – Marseille

Jusqu’au 22 septembre 2019, le Frac Provence Alpes Cotre d’Azur accueille sur son plateau expérimental « Le monde ou rien », une proposition de Nicolas Daubanes où il est question « de révolte et d’évasion rêvée et parfois réalisée par résistants et prisonniers de tous temps »…

Nicolas Daubanes - Le monde ou rien au Frac Paca
Nicolas Daubanes – Le monde ou rien au Frac Paca

L’exposition s’organise autour d’une installation produite à la Briqueterie de Nagen, lors d’une résidence du Ministère de la Culture et de la Drac Occitanie en 2018. « 15 janvier 1972 » est une charpente posée au sol et couverte de tuiles dont certaines ont été déplacées. Cette pièce évoque la mutinerie des détenus de la prison de Nancy en 1972 pendant laquelle les prisonniers s’étaient hissés sur le toit pour crier leurs revendications. Praticable, l’installation invite les visiteurs à passer sous la charpente ou à monter sur les tuiles pour exprimer leur colère… ou pour tester leur équilibre.

Nicolas Daubanes - 15 janvier 1972, 2018 - Le monde ou rien au Frac Paca - Photo Eric Sinatora
Nicolas Daubanes – 15 janvier 1972, 2018 – Le monde ou rien au Frac Paca – Photo Eric Sinatora

À droite, « Sur les toits, 2019 », un dessin à la limaille de fer sur porcelaine posé sur un tasseau de bois blanc montre les acteurs d’une révolte sur un toit…

Nicolas Daubanes - Sur les toits, 2019 - Le monde ou rien au Frac Paca
Nicolas Daubanes – Sur les toits, 2019 – Le monde ou rien au Frac Paca

En face, un grand triptyque à la poudre d’acier aimantée évoque l’Incendie du Camp des Milles rêvé par Hans Bellmer. Cette œuvre comme la majorité de celles qui sont exposées a été produite lors de la résidence de l’artiste au centre d’art contemporain – La Synagogue de Delme pendant l’été 2019.

Nicolas Daubanes - Les Milles en feu, d'après Hans Bellmer, 2019 - Le monde ou rien au Frac Paca
Nicolas Daubanes – Les Milles en feu, d’après Hans Bellmer, 2019 – Le monde ou rien au Frac Paca

Située en Lorraine, pas très loin du sinistre camp de concentration de Struthof, cette résidence a naturellement inspiré à Nicolas Daubanes une série de dessins réalisés à la limaille de fer incandescente incrustée dans du verre.

Ces images représentent un ensemble de paysages forestiers, probables rêves d’évasion des déportés enfermés dans ce camp. Il s’en dégage une atmosphère pesante, lugubre et angoissante… La série se termine par une vue du « Lieu-dit : Le Struthof ».

Nicolas Daubanes - Lieu-dit ; Le Struthof - A la faveur de la nuit, 2019 - Le monde ou rien au Frac Paca
Nicolas Daubanes – Lieu-dit ; Le Struthof – A la faveur de la nuit, 2019 – Le monde ou rien au Frac Paca

Un peu plus loin, un anneau est suspendu au mur. Son titre « Lieux dits » interpelle… La lecture du cartel en explique la raison…

Avant de retrouver la charpente de « 15 janvier 1972 », une petite œuvre attire le regard. On y distingue un texte inscrit à la limaille de fer sur un fragment de porcelaine incrusté dans du béton.
Il commence par ces mots : « Poème triste. Un chien ne voit pas son collier… »

Nicolas Daubanes - Un chien ne voit pas son collier, 2019 - Le monde ou rien au Frac Paca
Nicolas Daubanes – Un chien ne voit pas son collier, 2019 – Le monde ou rien au Frac Paca

L’accrochage est construit avec précision. Chaque pièce est pour l’artiste comme le chapitre d’un récit dans lequel le regardeur conserve toute sa place. Perfectionniste, Nicolas Daubanes a pris soin d’installer 10 néons pour maîtriser parfaitement la lumière. Il a choisi de nommer cet éclairage en lui donnant comme titre « En plein jour, 2019 »…

Faut-il ajouter, après ce rapide compte-rendu de visite, que « Le monde ou rien » démontre une fois de plus la cohérence du travail de Nicolas Daubanes même s’il convoque ici des éventements qui se sont déroulés ou pas, dans des lieux et à des époques différentes. Naturellement, un passage s’impose dans cette trop brève exposition d’à peine trois semaines…

« Le monde ou rien » s’inscrit dans le cadre de la 6e édition de Pareidolie, salon international du dessin contemporain. Pendant cet événement, Nicolas Daubanes avait ouvert son atelier au-dessus du Château de Servières.

Nicolas Daubanes - Atelier ouvert pour Pareidolie 2019
Nicolas Daubanes – Atelier ouvert pour Pareidolie 2019

Il y accueillait avec générosité et reconnaissance les artistes qui l’ont aidé au montage de l’expostion. On a pu ainsi dialoguer avec Paul Chochois dont on avait découvert le travail à la galerie de la Scep et écouter Kevin Chrissmann, un élève de Nicolas à l’École des Beaux Arts de Tarbes, qui nous a expliqué avec conviction sa démarche artistique. On a pu aussi y voir quelques pièces de Rebecca Brueder et Maxime Sanchez.

Dans le cadre de BOOM, nouveau week-end de l’art contemporain à Montpellier, Nicolas Daubanes présentait au MOCO-La Panacée une nouvelle installation au ruban adhésif sur baie vitrée de sa série « La vie quotidienne » qui évoquait la relation au dessin d’Alfred Dreyfus pendant sa captivité.

Nicolas Daubanes -  La vie quotidienne, 2019  - BOOM au MOCO La Panacée
Nicolas Daubanes –  La vie quotidienne, 2019  – BOOM au MOCO La Panacée

L’artiste est également exposé par la Galerie AL/MA à Montpellier jusqu’au 26 octobre. Une prochaine chronique sera bientôt consacrée à ce projet intitulé « À la faveur de la nuit »…

À lire, ci-dessous, le texte de salle qui accompagne « Le monde ou rien ».

En savoir plus :
Sur le site du Frac PACA
Sur le site de Nicolas Daubanes
Sur le site de la Galerie Maubert, Paris
Nicolas Daubanes, interview pour l’atelier Lindre-Basse, été 2019

Nicolas Daubanes – « Le monde ou rien » : Fiche de salle

Lauréat du prix des Amis du Palais de Tokyo (2018) et du grand prix Occitanie d’Art Contemporain (2017), il est cette année l’invité du Frac dans le cadre du partenariat avec PAREIDOLIE, Salon international du Dessin contemporain. Liberté et révolte, « élévation » au sens physique comme moral du terme sont des thèmes que l’artiste a longuement explorés au cours de résidences et workshops, notamment en milieu carcéral.

Exposition à ciel ouvert, ou presque, Le monde ou rien est une invitation à escalader les toits, acte de révolte et d’évasion rêvé et parfois réalisé par résistants et prisonniers de tous temps. Ainsi une charpente aux tuiles cassées renvoie à un épisode de l’histoire carcérale, le 15 janvier 1972 à Nancy, pendant lequel les prisonniers se sont hissés jusqu’au toit pour crier leurs revendications à l’air libre. Praticable, elle permet au public de goûter au sentiment de liberté qui peut s’y exprimer, celui des détenus qui échappe à la logique d’enfermement du bâtiment. Il s’agit de mettre en scène la tension entre liberté et sécurité, de placer le spectateur en équilibre précaire, porté par l’énergie du soulèvement et menacé par le danger du lâcher-prise, sous un soleil de néons. Afin peut être d’échapper au mythe des résistances tapies dans l’ombre et d’affirmer que les révolutions se font en plein jour.

Plusieurs dessins évoquant également toitures et abris de fortunes jalonnent l’espace. Les images résultent de l’incrustation de poudre de fer aimantée sur divers supports tels que papiers, verres et porcelaines. Ce procédé, qui n’est pas sans évoquer la froideur de l’acier carcéral, génère paradoxalement des œuvres éphémères, précaires, la limaille de fer pouvant être balayée d’un souffle ou d’un mouvement.

Ces dessins matérialisent des événements distants aussi bien géographiquement qu’historiquement, de l’incendie du Camp des Milles rêvé par Hans Bellmer aux forêts bordant le camp de concentration de Struthof en Alsace, tous reliés par un même désir de révolte et de liberté en reconquête.

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