Éric Baudelaire – Faire avec au CRAC Occitanie à Sète

Jusqu’au 2 février 2020, le CRAC Occitanie (Centre Régional d’Art Contemporain Occitanie/Pyrénées Méditerranée) accueille Éric Baudelaire, récent lauréat du Prix Marcel Duchamp pour « Faire avec ». Cette importante exposition personnelle occupe l’intégralité des espaces du centre d’art avec un ensemble de projets existants et de nouvelles productions.

Marie Cozette - Eric Baudelaire et Alexandra Delage au CRAC Occitanie – Sète
Marie Cozette – Eric Baudelaire et Alexandra Delage au CRAC Occitanie – Sète

Dans son texte d’intention, Marie Cozette, directrice du CRAC Occitanie et commissaire de l’exposition, définit ainsi les ambitions du projet :

« L’exposition propose un vaste aperçu du travail et des recherches menées par l’artiste autour de la notion de résistance et du rapport entre art et événement, abordant des sujets d’actualité politique qu’il traite avec une véritable poésie visuelle ».

Un peu plus loin, elle précise à propos du titre :

« Intitulée Faire avec, l’exposition déplie ce principe, rassemblant des projets au sein desquels Éric Baudelaire dialogue avec plutôt que sur, conviant d’autres sujets singuliers à participer à l’élaboration des œuvres (comme le suggère le titre de l’exposition, accompagné de l’ensemble des acteurs des projets présentés à Sète) ».
Elle ajoute que « Faire avec, c’est aussi inviter des chercheurs, des commissaires, des militants, des artistes, dans et autour du travail… » et « [qu’]il faut également entendre le titre de l’exposition comme une méthode, une attitude face aux urgences et aux bouleversements du monde actuel… »

Eric Baudelaire - Après -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Après –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

« Faire avec » est une exposition troublante qui interpelle et interroge le visiteur qui aura fait l’effort de s’investir pour lui aussi faire avec…
Dans ce projet que l’on rattache assez difficilement à une démarche conceptuelle, Éric Baudelaire, historien et politologue de formation, nous invite à faire un pas de côté pour regarder l’état du monde… Pour cela, il présente des formes hybrides et singulières qui bousculent en particulier celles et ceux qui ont été acteurs (ou qui pense l’avoir été) à la charnière des années 1960 et 70. Fils de soixante-huitard, toutes les propositions qu’il montre au CRAC Occitanie interpellent inévitablement la génération qui le précède, mais aussi les suivantes.

Le parcours de propose « Faire avec » s’articule autour de cinq projets :

Après

« Après » occupe les trois salles sur la gauche au rez-de-chaussée du CRAC. Cette proposition reprend une exposition conçue pour le Centre Pompidou en 2017 avec Marcella Lista, conservatrice en chef, et Alexandra Delage, attachée de conservation. « Après » s’organise autour du film Also Known As Jihadi (2017), portrait d’un jeune français parti en Syrie dans lequel Éric Baudelaire retrace « son cheminement par l’auscultation quasi-méthodique des lieux dans lesquels il a vécu et des paysages qu’il a traversés ».

Eric Baudelaire - Also Known As Jihadi -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Also Known As Jihadi –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

Il reprend ainsi l’idée du Fûkeiron, une théorie du paysage expérimentée par Masao Adachi en 1969 et qui est un des acteurs du projet « L’anabase » que « Faire avec » nous montre un eu plus loin.

Eric Baudelaire - Après -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Après –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

Autour de son film, Éric Baudelaire a rassemblé avec Marcella Lista et Alexandra Delage un ensemble d’œuvres issues des collections de Centre Pompidou « selon un principe d’abécédaire incomplet ».

Eric Baudelaire - Après -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Après –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

« Douze lettres pour pense ensemble le rapport entre art et actualité, entre image et éventement ». Dans le livret qui accompagne l’installation, Éric Baudelaire signe un texte qui commence par ces lignes : « Après est un projet sur le temps présent. Un temps ressenti comme un enchevêtrement d’après : après l’événement, après la catastrophe, après le bouleversement des certitudes ».

Eric Baudelaire - Après -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Après –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

L’Anabase…

« L’Anabase… » s’articule autour d’un film en Super 8 de 2011 intitulé « L’Anabase de May et Fusako Shigenobu, Masao Adachi, et 27 années sans images ». Il évoque l’histoire de Fusako Shigenobu, leadeuse de l’Armée Rouge Japonaise, groupe terroriste actif dans les années soixante-dix, et de sa fille May, vivant toutes deux au Liban dans la clandestinité.

Eric Baudelaire - L’Anabase -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – L’Anabase –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

Elle croise celle de Masao Adachi, réalisateur de l’avant-garde japonaise, qui rejoint l’Armée Rouge et la cause palestinienne en 1974. Adachi est aussi l’initiateur de la « théorie du paysage », Fûkeiron

Dans le couloir qui conduit à l’escalier, l’installation est complétée par une série de 9 sérigraphies (Pictures of Documents), un ensemble de photographies (Fusako Shigenobu Family Album), un diaporama de dessins d’Adachi réalisés en prison à Beyrouth. Un livret dont la lecture est essentielle accompagne l’installation.

When There Is No More Music to Write

« When There Is No More Music to Write » occupe les deux autres salles du rez-de-chaussée qui ouvrent sur la droite du CRAC. Dans la première, une installation documentaire intitulée When There Is No More Music to Write chapitre 2 rassemble des archives du compositeur Alvin Curran qu’Éric Baudelaire a découvert lors de son séjour à la Villa Médicis en compagnie de Maxime Guitton.

Leur présentation dans des vitrines conçues avec ce dernier et la complicité du musicien est accompagnée par un film qui mélange des images super 8 tournées par Éric Baudelaire, des interviews, des extraits sonores et musicaux d’Alvin Curran.

Eric Baudelaire - When There Is No More Music to Write Chapitre 2 -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – When There Is No More Music to Write Chapitre 2 –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

La fin du film déclenche l’exécution d’une composition originale jouée sur un piano numérique suspendu au-dessus d’une installation sculpturale faite d’instruments trouvés, collectés par les étudiants des Écoles d’art du Sud selon un protocole fixé par Curran.

Le soir du vernissage, une performance musicale dirigée par le compositeur a rassemblé ces étudiants et leurs instruments…

Un film dramatique

Eric Baudelaire - Un film dramatique, 2019 -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Un film dramatique, 2019 –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

À l’étage, une salle de projection permet de découvrir « Un film dramatique », tourné pendant quatre ans par un groupe d’élèves du collège Dora Maar à Saint-Denis qui sont co-auteurs du film avec Éric Baudelaire.

Where are you going?

Le palier et la salle tout en longueur de l’étage accueillent la série épistolaire « Where are you going? », dans laquelle Éric Baudelaire correspond avec membres du Parlement britannique autour des conséquences du référendum sur le Brexit.

« Faire avec » est une exposition exigeante, mais indispensable. Ce projet d’Éric Baudelaire et du CRAC montre une rare attention pour ses visiteurs.
Deux des cinq installations (« Après » et « L’Anabase… ») sont accompagnées par l’édition de livrets bilingues (Français/anglais) disponibles gratuitement. Ils enrichissent considérablement l’expérience de la visite et permettent de la prolonger.

Les quatre films font l’objet de séances de projection dont les horaires sont clairement annoncés et consultables sur le site du CRAC Occitanie.

Pour « Faire avec », Éric Baudelaire a travaillé avec :
Aissé Sacko, Alvin Curran, Alyssa David, Ambrine Belarbi, Andres Castro Henao, Anida Ait Abdesselam, Assia Chaihab, Basile Leignel, Bintou Kamate, Claire Atherton, Dafa Diallo, Fatimata Sarr, Gabriel-David Pop, Gaëtan Gichtenaere, Guy-Yanis Kodjo, Ibrahima Konate, Lina Ikhlef, Manelle Zigh, Marcella Lista, Marie Proyart & Jean-Marie Courant, Masao Adachi, Maxime Guitton, Melinda Damis, Mohammed Samassa, Océane El Faqir, Rabyatou Saho, Sabou Fofana et 47 membres du Parlement Britannique…

Commissaire : Marie Cozette
Commissaires associées pour le projet Après : Marcella Lista et Alexandra Delage
Commissaire associé pour le projet When There Is No More Music to Write : Maxime Guitton

L’exposition est réalisée en partenariat avec le Centre d’Art Spike Island à Bristol

À lire ci-dessous, un compte rendu photographique accompagné des textes de salle et une présentation de « Faire avec » par Marie Cozette.

En savoir plus :
Sur le site du CRAC Occitanie
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Sur le site de Éric Baudelaire
Éric Baudelaire
sur le site de la Barbara Wien Gallery
Éric Baudelaire dans l’Atelier A sur Arte Creative à propos de L’anabase et de The Ugly One

Après, 2017

« Il y a, il y a toujours eu urgence à interroger l’embrasement des violences et des contre-violences. Mais interroger les violences, ce n’est pas les expliquer, c’est nous interroger nous-mêmes face à elles. Après est un projet sur le temps présent. Un temps ressenti comme un enchevêtrement constant d’après : après l’événement, après la catastrophe, après le bouleversement des certitudes. »

Eric Baudelaire - Also Known As Jihadi -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Also Known As Jihadi –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

Au sortir d’une recherche en sciences politiques, Eric Baudelaire a choisi la pratique artistique comme outil de son regard critique sur le monde, à travers le film, la photographie, l’installation performative et le texte. Son œuvre sonde un réel travaillé par les systèmes de représentation qui structurent les sociétés contemporaines : systèmes politiques, judiciaires, économiques, informationnels. Elle scrute ce qui n’est pas conforme à ces systèmes, ce qui déraille, se retourne, erre, bascule hors lieu. L’activité artistique devient incursion dans les revers de l’Histoire, dans les projets contrariés de la machine politique. Après le 13 novembre 2015, le projet d’Eric Baudelaire mène aussi à réinterroger les moyens et les fins de l’art à partir d’un musée, dans le temps présent. Le film d’Eric Baudelaire, Also Known As Jihadi (2017) suit le parcours d’Aziz, de Vitry-sur-Seine jusqu’au Tribunal Correctionnel, et s’intéresse à une réalité qui dépasse l’événement. Une réalité saturée de lectures interprétatives et dont la complexité résiste pourtant à la compréhension. À ce film répondent, dans l’espace d’exposition, les œuvres d’autres artistes, du passé et du présent. Après est un dispositif, inauguré au Centre Pompidou à l’automne 2017, qui réunit des objets, des images et des discours organisés en des configurations spécifiques selon chaque situation.

Marcella Lista

Commissaires : Marcella Lista, conservatrice en chef et Alexandra Delage, attachée de conservation, Centre Pompidou.
Le projet Après est réalisé en collaboration avec le Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle, Centre Pompidou. Il a reçu le soutien de l’INA.

Exposition conçue en 2017 au Centre Pompidou, comprenant :
• Also Know As Jihadi (video HD, 101 min)
Projections le lundi, mercredi, jeudi et vendredi : 13h 15h 17h
Projections le samedi et le dimanche : 14h 16h
• Une sélection d’œuvres et de documents issus de la collection du Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle et de la Bibliothèque Kandinsky, Centre Pompidou, du CNAP, de la Fondation Le Corbusier, du M HKA, de la BIU Paris Santé Descartes, de la Bibliothèque de l’Académie de Médecine, de la Bibliothèque de Rouen et de collections privées.
• Un livret d’exposition

L’Anabase de May et Fusako Shigenobu, Masao Adachi et 27 années sans images, 2011

Eric Baudelaire - L’Anabase -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – L’Anabase –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

Qui sont May et Fusako Shigenobu ? Fusako, leadeuse d’un groupuscule d’extrême gauche, l’Armée rouge japonaise, impliquée dans de nombreuses opérations terroristes, s’est cachée pendant près de trente ans à Beyrouth. May, sa fille, née au Liban, n’a découvert le Japon qu’à 27 ans, après l’arrestation de sa mère en 2000. Masao Adachi ? Scénariste, cinéaste radical et activiste japonais engagé auprès des luttes armées et de la cause palestinienne, reclus lui aussi au Liban avant son renvoi dans son pays. Par ailleurs, initiateur d’une théorie du paysage », le fukeiron : en filmant le paysage, celui-ci dévoilerait les structures d’oppression qui le fondent et qu’il perpétue. Anabase ? C’est le nom donné depuis Xénophon au retour, difficile voire erratique, vers chez soi. C’est cette histoire complexe, sombre, toujours en suspens, qu’Éric Baudelaire, artiste réputé pour se servir de la photographie afin d’interroger la mise en scène de la réalité, a choisi d’évoquer en usant du format documentaire. Tournées en Super 8 mm, et comme dans la veine du fukeiron, des vues de Tokyo et de Beyrouth aujourd’hui se mêlent à quelques images d’archives, de télévision, à des extraits de films, pour dérouler le décor sur lequel les voix de May et d’Adachi vont faire remonter leur mémoire. Il y est question de vie quotidienne, d’être une petite fille dans la clandestinité, d’exil, de politique, de cinéma, et de leurs rapports fascinés. Pas une enquête, une anamnèse morcelée.

Jean-Pierre Rehm

Installation composée de :
• L’Anabase de May et Fusako Shigenobu, Masao Adachi, et 27 années sans images (Super 8mm numérisé, 66 min)
Projections le lundi, mercredi, jeudi et vendredi: 12h30 13h40 14h50 16h00 17h10
Projections le samedi et le dimanche: 14h00 15h10 16h20 17h30
• Pictures of Documents (série de 9 sérigraphies)
• Fusako Shigenobu Family Album (assemblage de photographies)
• Prison Drawing 1997-2000 (Diaporama de 15 dessins réalisés par Masao Adachi pendant son incarcération à Beyrouth)
• Libretto imprimé
Prêt de la Fondation Kadist

When There Is No More Music to Write (Chap 2), 2019

Eric Baudelaire - When There Is No More Music to Write Chapitre 2 -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – When There Is No More Music to Write Chapitre 2 –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

Historien de la musique, Maxime Guitton développe depuis plusieurs années une recherche autour du compositeur, improvisateur et artiste sonore Alvin Curran. Cette recherche a largement inspiré l’essai filmique qu’Éric Baudelaire présente pour la première fois dans le cadre de Faire Avec. Figure mythique de l’avant-garde musicale, Américain exilé à Rome dans les années 60 et cofondateur du groupe d’improvisation Musica Elettronica Viva, Alvin Curran s’est employé à dissoudre la figure de l’auteur dans le collectif, produisant des œuvres soniques révolutionnaires où se mêlent composition et improvisation, et où la notion d’instrument est élargie aux objets naturels et du quotidien, ouvrant un champ de possibles musicaux inédit. Pendant un an, Eric Baudelaire et Maxime Guitton ont sillonné les paysages romains qui ont inspiré l’œuvre de Curran, enregistré des conversations fleuves avec le musicien, et retracé l’histoire d’une révolution musicale, en miroir des mouvements politiques qui agitaient l’Italie pendant ces années de poudre et de plomb. L’installation documentaire intitulée When There Is No More Music to Write rassemble des archives inédites du compositeur collectées et mises en récit par Maxime Guitton, des images Super 8 tournées par Éric Baudelaire, accompagnées d’interviews et d’extraits sonores et musicaux pour la plupart inédits d’Alvin Curran.

Le projet When There Is No More Music to Write est une coproduction du CRAC Occitanie et de Spike Island à Bristol qui présentera une exposition d’Éric Baudelaire au printemps 2021. Il est réalisé en collaboration avec Maxime Guitton, responsable de la programmation artistique et culturelle des Beaux-Arts de Marseille (ESADMM), et le soutien de École(s) du Sud, réseau des écoles supérieures d’art et de design de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Aix-en-Provence, Arles, Avignon, Marseille, Nice, Toulon) et de Monaco.

Installation composée de :
• films Super 8 mm numérisés
• installation sonore
• vitrines composées de documents et d’archives

When There Is No More Music to Write (Chap 1), 2019

Eric Baudelaire - When There Is No More Music to Write Chapitre 1 -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – When There Is No More Music to Write Chapitre 1 –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

L’ensemble des objets posés au sol est le fruit d’une collecte réalisée par les étudiants de plusieurs écoles supérieures d’art du Sud de la France, suivant l’acception très large d’un instrument de musique que leur a confiée le compositeur et musicien Alvin Curran. L’instrumentarium ainsi composé réunit tout autant une flûte de pan qu’un tuyau de douche, une cloche ou un morceau de bois. Il suggère un paysage acoustique hybride qui intègre la vie quotidienne et l’espace public dont sont eux-mêmes issus les objets. Suspendu au plafond, un piano numérique joue une œuvre originale d’Alvin Curran, intitulée ERA ORA. Le soir du vernissage, les étudiants ayant participé à la collecte activent les objets et réalisent une performance sonore dans les espaces du CRAC, performance qui fait suite à un atelier de trois jours mené par Alvin Curran.

Installation réalisée avec Alvin Curran et Maxime Guitton, avec le soutien des Beaux-Arts de Marseille (ESADMM), et de École(s) du Sud, réseau des écoles supérieures d’art et de design de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Aix-en-Provence, Arles, Avignon, Marseille, Nice, Toulon) et de Monaco.
La performance réalisée par Alvin Curran le soir du vernissage a été conçue en partenariat avec l’École des Beaux-Arts de Sète et du Théâtre Molière Sète, scène nationale archipel de Thau.

Installation composée de :
• un protocole d’Alvin Curran
• instruments trouvés selon les principes de ce protocole
• un film Super 8mm numérisé, sur moniteur
• une installation sonore d’Alvin Curran: ERA ORA, 1984-2019 composition pour piano numérique. Alvin Curran (composition et interprétation) Angelo-Maria Farro (design sonore et arrangement musical).

Un film dramatique, 2019 Vidéo HD, 114 min

Eric Baudelaire - Un film dramatique, 2019 -  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire – Un film dramatique, 2019 –  « Faire avec » au CRAC Occitanie – Sète

Qu’est-ce qu’on fabrique ensemble ? Cette question, les élèves du groupe cinéma du collège Dora Maar (93) et Éric Baudelaire, qui les a accompagnés pendant quatre ans depuis leur entrée en 6e, ne cessent de se la poser. Répondre à cette question – politique en ce qu’elle engage les représentations du pouvoir, de la violence sociale et de l’identité -, ce sera pour eux partir à la recherche d’une forme qui rende justice à la singularité de chacun d’entre eux, mais aussi à la consistance de leur groupe. Qu’est-ce qu’on fabrique ensemble, si ce n’est ni un documentaire ni une fiction ? Un film dramatique peut-être, où se découvrent le travail du temps sur les corps et sur les discours, mais aussi la possibilité pour chacun de parler en son nom en filmant pour les autres, et de devenir avec Baudelaire co-auteurs du film, c’est-à-dire déjà sujets de leur propre vie.

Long métrage réalisé avec: Anida Ait Abdesselam, Ambrine Belarbi, Andres Castro Henao, Assia Chaihab, Melinda Damis, Alyssa David, Dafa Diallo, Océane El Faqir, Sabou Fofana, Gaêtan Gichtenaere, Lina lkhlef, Bintou Kamate, Guy-Yanis Kodjo, Ibrahima Konate, Basile Leignel, Gabriel-David Pop, Aissé Sacko, Rabyatou Saho, Mohammed Samassa, Fatimata Sarr, Marmite Zigh

Projections le lundi, mercredi, jeudi et vendredi: 13h00 15h00 17h00
Projections le samedi et le dimanche: 15h00 17h00

Where Are You Going ?, 2018—présent
Correspondance (51 lettres, inachevée)

Eric Baudelaire au CRAC Occitanie – Sète
Eric Baudelaire au CRAC Occitanie – Sète

Au lendemain du vote leave, en plein débat parlementaire sur les conséquences du référendum sur le Brexit, j’ai initié une correspondance avec les 650 membres de la Chambre des communes et les 788 membres de la Chambre des Lords.

 

 

Le CRAC Occitanie présente une exposition majeure d’Éric Baudelaire qui rassemble dans l’intégralité des espaces du centre d’art un ensemble de projets existants et de nouvelles productions. L’exposition propose un vaste aperçu du travail et des recherches menées par l’artiste autour de la notion de résistance et du rapport entre art et événement, abordant des sujets d’actualité politique qu’il traite avec une véritable poésie visuelle.

Artiste et cinéaste, Eric Baudelaire développe depuis plus de quinze ans une pratique expérimentale en marge du documentaire, qui interroge la construction des images et leur mise en scène, la perméabilité entre fiction et réel, ainsi que la relation intime et complexe qu’un auteur entretien avec un sujet. Ce dernier point est l’axe autour duquel cette exposition a été pensée.

Dans un texte récent, l’écrivain Philippe Mangeot évoque ainsi le rapport d’Eric Baudelaire à la question de l’auteur, « qu’il met en crise joyeusement : en effet, la quasi totalité de son travail donne à voir ce processus au terme duquel le sujet de l’œuvre devient partie prenante de sa création. » Intitulée Faire avec, l’exposition déplie ce principe, rassemblant des projets au sein desquels Éric Baudelaire dialogue avec plutôt que sur, conviant d’autres sujets singuliers à participer à l’élaboration des œuvres (comme le suggère le titre de l’exposition, accompagné de l’ensemble des acteurs des projets présentés à Sète).

Faire avec, c’est aussi inviter des chercheurs, des commissaires, des militants, des artistes, dans et autour du travail, pour le creuser, l’étendre ou même le contredire, ouvrir des lignes de fuite nouvelles où différents langages peuvent coexister.

Il faut également entendre le titre de l’exposition comme une méthode, une attitude face aux urgences et aux bouleversements du monde actuel. Faire avec, c’est composer avec un réel qui se dérobe, des crises économiques et politiques à répétition, l’effondrement des certitudes, la difficulté à trouver des espaces pour le commun, et cela, en utilisant les outils de l’art, de la création collective et de la joie qu’elle procure.

C’est le cas du dernier long métrage d’Eric Baudelaire intitulé Un film dramatique, tourné pendant quatre ans avec un groupe d’élèves du collège Dora Maar à Saint-Denis. À la fois portrait d’une génération, expérimentation in vivo d’un rapport à la pédagogie horizontale et participative, le film retrace la construction collective des images, la mise en commun des débats sur ce qu’est un film et sur ce qu’on fabrique ensemble.

Cette dynamique d’inclusion et de brouillage des rôles est en jeu depuis longtemps dans le travail d’Eric Baudelaire : dans le film intitulé L’Anabase… (2011), il initie un dialogue étroit avec le cinéaste et militant japonais Masao Adachi, dont il retrace le parcours politique et esthétique tourmenté, du cinéma underground des années 60 à ses errances au sein de l’Armée rouge japonaise. La nature de leur échange épistolaire transforme le film d’un cinéaste sur un autre en véritable co-production d’images, Adachi demandant à Baudelaire d’aller filmer pour lui des paysages de son passé pour ses propres films à venir en échange de son récit.

Dans la série épistolaire Where are you going? (2018-présent), Éric Baudelaire initie une correspondance avec les 650 membres de la Chambre des communes et les 777 membres de la Chambre des Lords au Royaume-Uni, au lendemain du vote leave et en plein débat parlementaire autour des conséquences du référendum sur le Brexit. L’artiste leur demande : « You are leaving Europe, but where are you going? » [si vous quittez l’Europe, alors où allez-vous ?]. L’ensemble des réponses reçues composent une mosaïque hybride, entre inquiétude partagée et colère, empathie et crispation, trait d’humour et leçon politique. De cet ensemble de voix dissonantes, émerge le portrait d’un pays angoissé tentant de redéfinir ses propres contours.

Pensionnaire de la Villa Médicis en 2017 et 2018, Éric Baudelaire découvre aux côtés de Maxime Guitton, historien de la musique, l’œuvre d’Alvin Curran, figure mythique de l’avant-garde musicale : Américain exilé à Rome dans les années 60, cofondateur du groupe d’improvisation Musica Elettronica Viva, Alvin Curran s’est employé à dissoudre la figure de l’auteur dans le collectif, produisant des œuvres soniques révolutionnaires où se mêlent composition et improvisation, et où la notion d’instrument est élargie aux objets naturels et du quotidien, ouvrant un champ de possibles musicaux inédit. Pendant un an, Eric Baudelaire et Maxime Guitton ont sillonné les paysages romains qui ont inspiré l’œuvre de Curran, enregistré des conversations fleuves avec le musicien, et retracé l’histoire d’une révolution musicale, en miroir des mouvements politiques qui agitaient l’Italie pendant ces années de poudre et de plomb. L’installation documentaire intitulée When There Is No More Music to Write rassemble des archives inédites du compositeur, des images super 8, des extraits sonores et musicaux, ainsi qu’une sculpture faite d’instruments trouvés, un ensemble conçu avec Maxime Guitton, et la complicité d’Alvin Curran.

Le soir du vernissage, Alvin Curran dirigera une performance de musique spontanée avec la participation d’un groupe d’étudiants d’écoles supérieures d’art et de design membres du réseau Ecole(s) du Sud : ensemble, ils activeront les instruments récoltés au fil des mois par les étudiants.

Enfin, Faire avec est l’occasion exceptionnelle de la reprise du projet Après, conçu pour le Centre Pompidou en 2017 avec Marcella Lista, conservatrice, et Alexandra Delage, attachée de conservation, et fruit d’un cycle de recherches de plusieurs années. Le film Also Known As Jihadi (2017), qui dresse le portrait d’un jeune français qui a choisi de partir en Syrie, est au cœur de ce projet. Selon les termes de l’artiste « le film ne donne pas à voir un personnage mais tente de tracer son cheminement par l’auscultation quasi-méthodique des lieux dans lesquels il a vécu et des paysages qu’il a traversés ». Il suit le parcours d’Aziz, de Vitry-sur-Seine jusqu’au tribunal correctionnel, mène une enquête tâtonnante sur une réalité qui dépasse l’événement. Une réalité saturée de lectures interprétatives et dont la complexité résiste pourtant à la compréhension. À ce film, répondent les œuvres d’autres artistes, du passé et du présent, issues des collections du Centre Pompidou et de quelques autres institutions, de Constantin Brancusi à Jean-Luc Godard, de Rosemarie Trockel à Andrei Monastyrsky, Jo Ractliffe ou Lawrence Abu Hamdan. À la sidération produite par le terrorisme, Après propose la mise en perspective historique et le temps long de la pensée en regard du temps court de l’actualité et de l’événement. À distance du tapage médiatique, une question souterraine traverse ce projet : que peut l’art ? L’artiste propose de penser cette question à travers un abécédaire « incomplet, arbitraire et intuitif » qui oriente l’accrochage : A pour Architecture, C pour Commémorer, E pour École, J pour Justice, O pour Ô mon pays ! …

Marie Cozette
Directrice du Crac Occitanie

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