Fonction critique 2 – Une invitation de Manuel Fadat par Aperto à Montpellier

Dix ans après un premier commissariat réalisé à Aperto sous le titre « Fonction critique, quelques apparitions diversement manifestées », Manuel Fadat renouvelle avec « Fonction critique 2 » l’expérience de réunir des œuvres d’une quinzaine d’artistes « autour de la question des dimensions sociales et politique dans l’art contemporain ».

En effet, le texte d’annonce de ce projet affirme :

« Cette exposition est le fruit d’un désir commun d’Aperto et de Manuel Fadat de questionner des artistes, des œuvres, sur leurs rapports au monde, sur leurs implications face à la réalité humaine, sociale, économique et politique ».

Du 18 janvier au 7 février 2020, « Fonction critique 2 » rassemblera des œuvres de Sandra & Gaspard Bébié-Valérian, Mohamed Bourouissa, John Cornu, Alain Declercq, mounir fatmi, Sirine Fattouh & Stéphanie Dadour, Kendell Geers, Raphaël Grisey, Kàddu Yaraax, Bouba Touré, Khalil Joreige & Joana Hadjithomas, William Kentridge, Florence Lazar, Jean-Luc Moulène, Benjamin Sabatier et Artur Żmijewski.

L’ambition du projet et la qualité des œuvres annoncées – où domine largement la vidéo – attirent inévitablement l’intérêt.

On reproduit ci-dessous deux extraits du texte « Toujours vif (si muove sempre) » que signe Manuel Fadat pour le catalogue qui accompagne « Fonction critique 2 ». Ils permettent d’appréhender les enjeux de cette exposition et la prolongation de la réflexion engagée en 2009.

Chronique à suivre après un éventuel passage par Aperto.

Catalogue édité avec l’aide de la Ville de Montpellier, de la Drac Occitanie et la Région Occitanie/Midi Pyrénées. En dehors de ceux fournis par les artistes, les textes de présentation des œuvres sont signés par Ann Stouvenel, Manuel Fadat, Guillaume Désanges, Raphël Brunel et Sally Bonn.

Liste des œuvres exposées :

Sandra et Gaspard Bébié-Valérian, Yells-Atreuma (Mycore), 2020 – Mohamed Bourouissa, Nasser, 2019 – John Cornu, La Part maudite (Richard Kern), 2012 – Alain Declercq, Manifeste, 2017 ; Lethal rubber, 2016 ; Fight club, 2015 – Mounir Fatmi, The Human Factor, 2018 et Alif, 2015 – Sirine Fattouh & Stéphanie Dadour, El Autostrad’: From Syria to Palestine, 2017 – Kendell Geers, Extrait de IncarNations, 2019 – Raphaël Grisey, Kàddu Yaraax, Bouba Touré, Xeex Bi du Jeex – A Luta Continua, 2018 – Khalil Joreige & Joana Hadjithomas, Ismyrne, 2016 – William Kentridge, L’Exploration du Sahara / Soft Dictionary, 2010 – Florence Lazar, 125 hectares, 2019 – Jean-Luc Moulène, Standards réduits à feu doux, 2004 – Benjamin Sabatier, FormWork IIArtur Żmijewski, Glimpse, 2017

Historien de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition indépendant, Manuel Fadat a rejoint l’équipe d’Oudeis en 2012. Spécialiste des mutations dans les arts du verre et les usages du verre dans l’art moderne et contemporain, il travaille également sur la question des dimensions politiques et sociales dans l’art moderne contemporain. Il enseigne, écrit et collabore avec Ecolint (École internationale de Genève).

En savoir plus :
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Fonction critique 2 : « Toujours vif (si muove sempre) » de Manuel Fadat (extraits)

L’exposition Fonction Critique ? À l’origine ? Ce qui la fait se lever, monter, naître ? Un contexte, une époque, une éducation, voire un façonnage, un certain rapport au monde et aux humains, une atmosphère, des relations, des actions, un véritable goût pour l’art, pour la création, puis une recherche, un chantier de recherche, interminable, non terminé : la question des dimensions sociales et politiques dans l’art contemporain. Vaste, élastique, capricieuse, délicate, question ouvrant de multiples portes. Clef pour de nombreuses rencontres. Occasion de sensations fortes. Confrontations avec des paroles fondamentales, celles d’artistes, celles de penseurs. Sujet chaud, cuisant, bouillonnant, magnétique, vif, plein d’écueils, plein de richesses, complexe, qui soulève contradictions et parfois colères, théories, positionnements, manières d’être, de voir et de dire, convictions, points de vue, et qui ramène à chaque fois sur la table des débats des ruissellements de références, des fleuves généalogiques, des pluies philosophiques, des impératifs méthodologiques, des courants éthiques, des vents contraires, des orages militants, des éclairs de nuances, des systèmes où se croisent et tentent de s’équilibrer l’intime, l’universel, l’individuel, le collectif. Parfois des accords, avant que les dés ne soient relancés. On pense aux mouvements des mers, mais qui ne sont rien sans les mouvements cosmiques. Toujours renouvelé(e)s. On pense à la vie, qui bouillonne sans arrêt.

(…) Une énergie critique est bien à l’œuvre dans l’art qui soulève des questions politiques, humaines, sociales, dont la conception, l’émission et la réception sont liées à une tripotée de paramètres tels que conditions, niveau de vie, fêlure, rapport aux environnements, sensibilité, résistance à la pression qu’elle soit sociale, économique, familiale, lecture et « fréquentation » de l’art comme activité humaine ou divertissement, culture, éducation. La création – en deçà du bien fait mal fait – reste un moteur politique et critique, continue d’actionner des ressorts sensibles susceptibles d’enclencher des modifications, ouvre, engage à analyser, s’interroger, prendre du recul, de la distance. Et certaines œuvres manifestement plus que d’autres puisqu’elles sont le fruit d’une pensée critique et littéralement animée par cette volonté d’engager la réflexion. C’est ce que l’invitation de la part d’Aperto, en 2009, avait permis de mettre en lumière avec l’exposition Fonction Critique.

Dix ans plus tard, nous remettons le couvert, sortons les voiles, partons à l’aventure. Nous avons alors pensé que nous pouvions prolonger la relation, la réflexion, qui nous portait, qui nous mettait à l’unisson, même s’il s’agissait de raisons diverses : art critique, fonction critique de l’art, dimension critique de l’art (c’est une notion élastique), ce qui émancipe, transforme, active, fait grandir, élargit, interroge, permet de dévoiler, de voir autrement, de dénoncer. Comme en 2009, Aperto devient à nouveau cet espace (potentiel, relatif, non-prosélyte, certainement militant) de liberté, tout en assumant un certain nombre d’idées désormais acquises : comme toute chose l’art critique n’a pas d’effet immédiat et peut passer à côté de son adresse (c’est une proposition qui fait – ou l’art dans les périodes de lutte et de protestation, les réactions aux oppressions. La question de l’entremêlement de l’engagement et de la poésie pour transformer le monde et changer la vie, parfois sur fond de raison, parfois sur fond de passion, de croyance, avoisinant l’amour mystique. Insistons sur le rayonnement d’une pensée critique qui traverse la seconde moitié du XXe siècle, débouchant sur une véritable théorie éponyme, des lectures du monde, des lectures des sociétés, des lectures de l’art. Ne manquent pas les gestes, les publications, les expositions et prises de parti, les prises à partie, les prises de bec, les connivences, les appels aux armes, réelles et métaphoriques. Et puis l’esthétisation de la politique, la politisation de l’art, expressions bien connues, dans les moments les plus tragiques de l’histoire. « L’avenir ne viendra pas tout seul …» est à double tranchant.

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