Mecarõ – L’Amazonie dans la collection Petitgas au MO.CO. Hôtel des collections


Après de longues semaines d’interruption, « Mecarõ – L’Amazonie dans la collection Petitgas » est à nouveau accessible et le restera jusqu’au 20 septembre au MO.CO. Hôtel des collections.

C’est un des événements majeurs du moment qui marquera probablement le paysage culturel de cet été 2020.

« Mecarõ » est une proposition remarquable à plus d’un titre : par la qualité des œuvres qui sont exposées, mais aussi par leur magistrale présentation et par la manière très intelligente dont elle interpelle les visiteurs.

Avec « Permafrost – Les formes du désastre » qui est prolongée jusqu’à la fin août à la Panacée, l’équipe du MO.CO confirme sa préoccupation pour la catastrophe écologique, économique et sociale en cours sans pour autant aller au-delà de ce que les artistes et les œuvres expriment.
« Mecarõ » montre une réelle cohérence dans la programmation du MO.CO et une constance dans les interrogations que le MO.CO souhaite partager avec son public…

Le texte de présentation du projet souligne :

« En partie détruite par les incendies durant l’été 2019, l’Amazonie couvre 6,7 millions de km2. Il s’agit d’une région naturelle s’étendant sur neuf pays (Brésil, Bolivie, Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou, Surinam, Guyana et Guyane française), reconnue pour son bassin hydrographique, sa forêt tropicale et la richesse de sa biodiversité. Comment les acteurs (humains et non humains) de cet écosystème atteignent-ils un équilibre nécessaire pour leur survie dans le contexte géopolitique actuel ? Comment définir un environnement artistique à partir des conditions d’existence et des comportements des êtres vivants qui l’habitent ? »

Il affirme également l’ambition de mettre « en lumière les relations entre les artistes et leur environnement social, économique et mental » à partir de la centaine d’œuvres sélectionnées dans la collection Petitgas.

Sans conteste, « Mecarõ » atteint pleinement ces objectifs. Le parcours est très habilement construit. Après une installation immersive olfactive et sonore d’Oswaldo Maciá, dans une lumière jaune safran qui fait transition avec la ville, l’exposition s’articule en quatre séquences :

Une présentation du «Contexte historique » se développe dans les quatre salles de l’Hôtel de Montcalm avec des œuvres des années 1960/1970 qui dialoguent avec celles d’artistes contemporains.

Oswaldo Maciá - The Opera of Cross-Pollination: for Catherine Petitgas [L’Opéra de la pollinisation croisée : pour Catherine Petitgas], 2019. Mecarõ - L'Amazonie dans la collection Petitgas. MOCO Hôtel des collections. Photo Marc Domage
Oswaldo Maciá – The Opera of Cross-Pollination: for Catherine Petitgas [L’Opéra de la pollinisation croisée : pour Catherine Petitgas], 2019. Mecarõ – L’Amazonie dans la collection Petitgas. MOCO Hôtel des collections. Photo Marc Domage

Le premier plateau du nouveau bâtiment de l’Hôtel des collections évoque avec « Pourriture et renaissance : les mutations urbaines » l’habitat urbain et les stratégies de survie, à travers la notion de « gambiarra » (bricolage en portugais), où «l’esprit créatif se nourrit à la fois du chaos de l’environnement urbain et de la nature exubérante, en mutation perpétuelle »…

Avec « Cosmologie amazonienne », le second plateau présente les problèmes actuels du bassin amazonien, notamment la déforestation et les effets du colonialisme.

Sous le titre « Féminisme tropicale », la présentation des œuvres exposées au dernier plateau s’organise autour d’une étonnante installation sous forme de salon de coiffure et de bar à ongles de Sol Calero.

Très réussi, l’accrochage joue avec élégance, sobriété et intelligence des dispositifs scénographiques conçus par le duo de créateurs montpelliérains Mr. & Mr.

Il est incontestable que l’arrivée de Vincent Honoré dans l’équipe du MO.CO a donné un souffle nouveau aux expositions présentées à La Panacée et aujourd’hui à l’Hôtel des collections. On avait remarqué la très inspirée « Permanente » qu’il avait imaginée avec Caroline Achaintre pour la rentrée 2019. Avec « Permafrost – Les formes du désastre », c’est un projet très abouti qu’il propose jusqu’à la fin août dans une scénographie lumineuse de Serge Damon.

Pour « Mecarõ », Vincent Honoré signe, avec Anna Kerekes et Jacqueline Kok, un commissariat exceptionnel.

Rien n’est forcé, tout est à sa juste place. Les œuvres disent ce qu’elles ont à dire et ne sont jamais au service d’un discours ou d’une théorie pour l’expliquer, l’illustrer ou la démontrer.

Mecarõ - L'Amazonie dans la collection Petitgas - MO.CO. Hôtel des collections, 2020, Photo Marc Domage
Mecarõ – L’Amazonie dans la collection Petitgas – MO.CO. Hôtel des collections, 2020, Photo Marc Domage

L’accrochage et le parcours semblent s’être construits naturellement avec une étonnante fluidité où la continuité a fait place à la contiguïté. Dans toutes les sections, le triptyque œuvre-espace-visiteur est parfaitement équilibré, sans risque de prise d’otage. Chuchotés plutôt que déclamés, conversation et dialogue sont libres. Au gré de sa déambulation, c’est au regardeur de faire couture selon son humeur, son histoire, et parfois même en laissant place à son imagination…

Mecarõ - L'Amazonie dans la collection Petitgas - MO.CO. Hôtel des collections, 2020, Photo Marc Domage
Mecarõ – L’Amazonie dans la collection Petitgas – MO.CO. Hôtel des collections, 2020, Photo Marc Domage

« Mecarõ » est une des rares expositions qui sait mettre le visiteur au centre de son dispositif et à lui laisser la place d’interprète d’une partition sur laquelle il a la liberté d’improviser s’il le souhaite.

Avec des moyens sobres, discrets et efficaces, la scénographie construit des espaces et des perspectives qui s’intègrent parfaitement dans les volumes de l’Hôtel des collections. Sans ostentation, elle réussit à en briser la géométrie orthogonale et contribue sans aucun doute à l’équilibre œuvre-espace-visiteur. La multiplication des points de vue, l’harmonie des couleurs des cimaises et le choix d’un liège sombre pour les socles, les trottoirs de mise à distance et pour le mobilier offrent aux œuvres et aux regardeurs les conditions d’un échange fécond.

Rédigés avec simplicité, les cartels développés proposent des repères intéressants.

Merci aux médiateurs en salle pour leur attention discrète.
Plusieurs « visites virtuelles » ont été mises en lignes par l’équipe curatoriale et certains médiateurs pendant la période du confinement. Disponibles sur la chaîne YouTube du MO.CO, elles apportent un point de vue très intéressants sur l’exposition et certaines œuvres :

Le livret de visite est téléchargeable à partir du site de MO.CO ou d’un QRcode à l’entrée de l’exposition. Un livret jeune public et un dossier pédagogique sont également disponibles.

La programmation qui devait accompagner « Mecarõ » (conférences, visites thématiques, ateliers enfants, performances) est suspendue. De nouvelles propositions seront annoncées dès que les directives gouvernementales le permettront.

Artistes exposés dans « Mecarõ – L’Amazonie dans la collection Petitgas» :
Armando Andrade Tudela, Claudia Andujar, Brígida Baltar, Alberto Baraya, Milena Bonilla, Vivian Caccuri, Sol Calero, Patricia Camet, Tania Candiani, Carolina Caycedo, Chelpa Ferro, Lygia Clark, Donna Conlon, Alexandre da Cunha, José Damasceno, Elena Damiani, Tatiana Echeverri Fernandez, Sandra Gamarra, Ximena Garrido-Lecca, Gego, Anna Bella Geiger, Sonia Gomes, Beatriz Gonzáles, Claudia Jaguaribe, Lucia Laguna, Tonico Lemos Auad, Oswaldo Maciá, Teresa Margolles, Beatriz Milhazes, Paulo Nazareth, Maria Nepomuceno, Ernesto Neto, Rivane Neuenschwander, Lucia Nogueira, Hélio Oiticica, OPAVIVARÁ!, Nohemí Pérez, Solange Pessoa, Lucia Pizzani, Manuela Ribadaneira, Abel Rodríguez, Ivan Serpa, Valeska Soares, Clarissa Tossin, Erika Verzutti, Danh Vo et Luiz Zerbini.

Catalogue aux Editions Silvana avec des contributions de Kiki Mazzucchelli, Pedro de Niemeyer Cesarino et Claire Luna et deux entretiens avec Catherine Petitgas et Sol Calero.

On aurait apprécié plus d’articles aussi pertinents que la « chronique partielle de l’art contemporain dans le bassin amazonien » que signe Kiki Mazzucchelli et des notices un peu moins ampoulées que certaines parmi les vingt que propose l’ouvrage.

Compte rendu de visite détaillé à suivre…

Fait-il ajouter que la visite de « Mecarõ – L’Amazonie dans la collection Petitgas » est absolument incontournable ?

À lire, ci-dessous, quelques repères biographiques à propos de Catherine Petitgas extraits du communiqué de presse.

En savoir plus :
Sur le site du MO.CO.
Suivre l’actualité du MO.CO. sur Facebook, Twitter et Instagram
Sur le site de Mr. & Mr.
À voir cet entretien avec Catherine Petitgas dans la série Meet the Collectors mis en ligne par Art Basel en juin 2019

Catherine Petitgas : Repères biographiques

Basée à Londres, Catherine Petitgas est une collectionneuse et historienne d’art spécialiste de l’art moderne et contemporain, particulièrement d’Amérique latine.

Après une carrière de dix années dans la finance, elle commence à collectionner. Elle est diplômée de l’Institut Courtauld de Londres, avec un Master en Histoire de l’art moderne. Elle a été rédactrice en chef de trois ouvrages sur l’art en Amérique latine : Contemporary Art Brazil (2012), Contemporary Art Mexico (2014), et Contemporary Art Colombia (2016), tous publiés par Thames & Hudson et TransGlobe.

Elle siège au conseil d’administration de plusieurs grandes institutions. Présidente du Tate International Council, elle est membre du Tate Latin American Acquisitions Committee depuis 2004, ainsi que du Conseil d’Administration des Amis du Centre Pompidou et du Pompidou Latin Circle à Paris. Elle est également membre du Latin Circle et du Collectors Circle of the Guggenheim à New York.
Elle participe à l’International Council of the Fundação Bienal de São Paulo au Brésil et du MuseoTamayo à Mexico.
Elle préside par ailleurs deux organisations : Gasworks Triangle Network, qui propose des expositions, des ateliers d’artistes et des résidences internationales à Londres et supervise un réseau d’espaces gérés par des artistes dans le monde entier ; et Fluxus Art Projects, une initiative franco-britannique dédiée à soutenir des expositions d’artistes français émergents en Angleterre et d’artistes anglais en France.
Elle est décorée de l’Ordre des Arts et des Lettres en France et de l’Ordre de Rio Branco au Brésil

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