À l’occasion des 800 ans de la Faculté de médecine de Montpellier, le musée Fabre et le musée Atger présentent jusqu’au 31 mai 2020 « Art & Anatomie – Dessins croisés ».
Cette première collaboration entre les deux plus belles collections d’art graphique de Montpellier propose une exposition croisée autour du corps humain avec l’ambition d’offrir « une découverte inédite de dessins scientifiques et artistiques qui ont collaboré à l’apprentissage du corps humain par les étudiants »…
Art & Anatomie – Dessins croisés au Musée Fabre
À la fin parcours néoclassique, face aux grands nus masculins de Fabre et à l’Académie dite Hector de David, le musée Fabre expose un ensemble de traités anciens dédiés à l’anatomie prêtés par la bibliothèque historique de la faculté de médecine et une très belle sélection de dessins du musée Atger représentant le corps humain « dans tous ses états ».
Le
choix de cette salle dans la présentation des collections s’imposait
avec une incontestable évidence.
Un
accrochage très réussi, un éclairage remarquable et des cartels
judicieusement enrichis offrent au visiteur une (re)découverte
passionnante de quelques trésors collectionnés par Atger.
L’écho avec les toiles de François Xavier Fabre, son contemporain, est particulièrement pertinent. On regrette toutefois les désagréables reflets lumineux sur les cloches de protection des ouvrages présentés au centre de la salle…
L’ensemble est accompagné par le dialogue entre l’Écorché de Jean Antoine Houdon et l’Écorchédit Le Bêcheur d’Alphonse Lami, statue en carton-plâtre qui a temporairement abandonné le Conservatoire d’anatomie.
La Leçon d’anatomie à l’usage des artistes (1873) de Numa Boucoiran a quittée l’escalier qui conduit au musée Atger pour rejoindre dans une étrange conversation une copie de L’atelier des élèves de David de Léon-Matthieu Cochereau par Charles François Matet…
Cette toile qui illustre l’exercice académique fait elle écho avec un dessin du musée Atger où Charles Natoire se représente en train d’enseigner à l’Académie de France à Rome…
Art & Anatomie – Dessins croisés au Musée Atger
L’exposition présentée au musée Atger offre un regard sur le portrait, un des thèmes privilégiés par le collectionneur montpelliérain. Une sélection de feuilles issues du cabinet d’art graphique du musée Fabre a pour ambition de montrer « les expressions des visages à travers la vision des artistes du XVIe au XXe siècle »…
Ces dessins exposés dans les vitrines de la salle Bestieu sont accompagnés dans la salle principale par un ensemble d’ouvrages qui traitent de physiognomonie, une pseudo-science très en vogue au XIXe siècle et qui passionnait Atger. Rappelons rapidement que cette méthode est fondée sur l’idée que l’observation de l’apparence physique d’une personne, et principalement les traits de son visage, peut donner un aperçu de son caractère ou de sa personnalité.
On ne peut nier le charme singulier du Musée Atger et la présentation insolite, mais efficace des dessins et des gravures dans un étonnant mobilier, hybridation entre armoire et classeur.
Si la découverte du lieu mérite à l’évidence un passage par le premier étage de la faculté de médecine, et si la collection conservée est exceptionnelle, il fait bien admettre que le volet d’« Art & Anatomie – Dessins croisés » qui y est présenté souffre du manque de moyens en éclairage et de ses locaux exigus.
En effet, la lumière maîtrisée uniquement par l’ouverture plus ou moins grande des volets multiplie les reflets et les effets de miroirs très désagréables sur les vitrines où sont exposés les dessins du musée Fabre comme sur les ouvrages de la bibliothèque dont certains « bénéficient » en plus de malencontreuses ombres portées.
L’intérêt d’Atger pour la physiognomonie qui parait être un des fondements du choix du portrait comme thématique du projet est bien exposé dans les trois textes du livret d’accompagnement.
Si
la sélection de plusieurs portraits et têtes d’expression du
fonds conservé par le musée Fabre correspond assez bien à cette
problématique, les conditions de leur exposition rendent assez
difficile le « dialogue de ces œuvres avec les dessins de la
collection Atger » et les éventuelles observations
« physiognomonistes » de tout un chacun restent assez
délicates…
Commissariat général : Michel Hilaire, Conservateur général du patrimoine, Directeur du musée Fabre Commissariat scientifique : Au musée Fabre : Florence Hudowicz, Conservateur du patrimoine, responsable du département des arts graphiques et des arts décoratifs au musée Fabre et Pierre Stépanoff, Conservateur du patrimoine, responsable des Collections de peinture et de sculpture de la Renaissance à 1850, musée Fabre. A la faculté de médecine : Hélène Lorblanchet, Conservateur général des bibliothèques, Directeur du musée Atger,Chef du Service du patrimoine écrit et graphique, Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier et Françoise Olivier, Chef de service de la valorisation du patrimoine historique, Université de Montpellier.
Un livret d’accompagnement de l’exposition est à la disposition du visiteur. Les textes offrent des éclairages révélateurs et intéressants. Ce document est téléchargeable sur le site du musée Fabre
Dans la continuité de cette célébration des 800 ans de la Faculté de médecine, l’exposition Pharmacopées (Art et Pharmacie) présentera à l’été 2020, au sein de l’Hôtel de Cabrières – Sabatier d’Espeyran, la place de l’art de la pharmacie avec une sélection de pots d’apothicairerie de faïence issus d’une collection particulière remarquable qui seront associés à des spécimens des collections scientifiques universitaires.
Art & Anatomie – Dessins croisés : Regards sur l’exposition au musée Fabre
Le parcours commence par une cimaise peinte en bleu nuit qui accueille le visiteur avec une citation d’Alberti extraite de De la peinture et un texte d’introduction. Sa lecture mérite d’être complétée par trois textes reproduits dans le livret : De l’art dans l’anatomie, De l’anatomie dans l’art et Anatomie & Art, une histoire en miroir.
Sur la droite, l’Écorche dit le Bêcheur (1858), une sculpture en carton-pâte d’Alphonse Lami s’est échappée du Conservatoire d’Anatomie de la faculté de médecine. Il fait écho à la fois à une des figures iconiques du traité de Vésale (De humani corporis fabrica libri septem) et au plâtre de Jean Antoine Houdon présenté en fin de parcours. Donné par son auteur à la Société des Beaux-arts de Montpellier pour l’enseignement de l’anatomie, ce moulage en plâtre a été diffusé dans toutes les académies d’Europe.
Face
aux grands nus masculins de Fabre et à l’Académie dite Hector de
David, les commissaires ont accroché une remarquable sélection de
dessins issus de la collection du musée Atger qui représentent le
corps humain « dans tous ses états »
« Lorsqu’on peint des êtres animés, il faut d’abord en esprit placer au-dessous les os parce que, ne pliant pas du tout, ils occupent toujours un emplacement fixe. Il faut ensuite que les nerfs et les muscles soient attachés à leurs places ; il faut enfin montrer les os revêtus de chair et de peau. » Alberti (1404-1472), De la peinture
Savants et artistes n’ont cessé de manifester pour le corps humain une curiosité évidente, qu’ils vont exprimer notamment dans la pratique de l’anatomie à partir de la Renaissance. Balbutiante sous l’Antiquité, délaissée au Moyen Âge, cette discipline progresse notablement au XIVe siècle, tandis que les Premières écoles de médecine, celles de Bologne et de Montpellier, obtiennent de l’Église des autorisations pour autopsier les cadavres de condamnés. Portés par un regain d’intérêt pour les savoirs antiques, les plus grands maitres, artistes comme médecins, renouent avec la pratique de la dissection, dans le même désir de rendre l’être humain visible dans toutes ses composantes, et élargir cette nouvelle approche du vivant à l’ensemble de l’univers.
Le dessin anatomique devient dès lors un exercice essentiel dans les enseignements académiques et sa diffusion, grâce à l’essor de l’imprimerie, des gravures illustrant les traités anatomiques tes plus fameux, comme celui du médecin flamand André Vésale, surnommé te père de l’anatomie moderne, ne cessent de pourrir la fascination, mais aussi l’effroi, des hommes face à l’inépuisable étrangeté de leur corps ainsi révélé.
Les cours d’anatomie connaissent, jusqu’au XIXe siècle, des supports qui peuvent varier dispensés dans les amphithéâtres de médecine ou tes écoles de dessin, d’après le cadavre ou d’après des modèles d’écorchés conçus par des artistes, tel celui de Houdon, qui connu un succès européen. La finalité demeure la même : participer, à côté des modèles antiques et des modèles vivants, à la représentation de la beauté dont l’homme demeure exemplaire, entre idéal et réalité.
Les grands Nus académiques peints par Jacques-Louis David et François-Xavier Fabre, certains traités célèbres d’anatomie ainsi qu’une sélection de dessins du musée Atger, montrant te corps humain dans divers états, rappellent la place centrale de l’homme dans les arts, qu’ils soient savants ou beaux : l’anatomie en a croisé tes pratiques et servi les avancées à un degré inégalé.
Face aux grands nus masculins de Fabre et à l’Académie dite Hector de David, les commissaires ont accroché une remarquable sélection de dessins issus de la collection du musée Atger qui représentent le corps humain « dans tous ses états »
Cette longue et passionnante séquence est organisée de manière chronologique. Elle débute avec des dessins italiens du Dominiquin, Bartolomeo Schedoni et Annibale Carrache de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle.
Elle se poursuit avec la description de scènes de batailles par Raymond Lafage et Baccio Bandinelli.
On découvre ensuite des fragments de corps dans des dessins préparatoires de Jean de Troy, Michel-Ange et Philippe de Champaigne.
Deux feuilles de Simon Vouet montrent des études pour un Christ en croix.
L’accrochage se termine par une série de « postures académiques, véritables “morceaux” de modelés de chair, d’ombre et de lumière… »
Un ensemble d’Edmé Bouchardon, Pierre Legros et Louis Gabriel Blanchet précèdent trois feuilles de Anton Raphaël Mengs, Charles Lebrun et François-Xavier Fabre puis par dix Académies d’homme où l’on remarque les noms de Pierre Puget, Charles Natoire et où on retrouve ceux de Jean de Troy ou de Mengs.
Ce choix judicieux dans la collection de Xavier Atger offre un aperçu de sa richesse. Il faut naturellement écho aux toiles de François Xavier Fabre, dont Atger était le contemporain et surtout il est en totale adéquation avec le propos et les ambitions de l’exposition.
L’ensemble
éclairé avec soin offre au regardeur un confort que l’on aimerait
rencontrer plus souvent. De nombreux cartels sont enrichis. Ils
complètent avec pertinence l’expérience de visite.
Au centre de la salle, trois vitrines présentent trois traités d’anatomie prêtés par la bibliothèque historique de la faculté de médecine. Deux exemplaires de l’incontournable De humani corporis fabrica libri septem (1555) d’André Vésale sont exposé pour montrer le célèbre frontispice avec une des premières dissections de l’histoire et la planche au squelette appuyé sur une bêche qui fait écho à l’Écorché d’Alphonse Lami.
L’emblématique traité de Vésale est accompagné par Anatomia di mano del Cigoli (XVIe siècle) de Ludovico Cardi dit Il Cigoli prêt de la Médiathèque centrale Émile Zola.
On peut également admirer l’ouvrage de Bernhard Siegfried (Albinus – Tabulae sceleti et musculorum corporis humani, 1747) ouvert sur deux planches gravées par Jan Wandelaar dont celle de l’écorché devant un spectaculaire rhinocéros prénommé Clara.
Le quatrième traité montre les spectaculaires estampes en couleur de Jacques Fabien Gautier d’Agoty (1754) qui connu un long succès chez les artistes et notamment les surréalistes.
Un seul regret : les désagréables reflets lumineux sur les cloches de protection de ces ouvrages…
Au fond de la salle, l’Écorché de Jean Antoine Houdon semble répondre au geste du Saint-Sébastien de Fabre.
À sa gauche, L’atelier des élèves de David de Léon-Matthieu Cochereau copié par Charles François Matet illustre parfaitement l’exercice académique que l’on peut voir sur de nombreuses feuilles exposées.
La Leçon d’anatomie à l’usage des artistes (1873) de Numa Boucoiran complète opportunément cet ensemble.