Art & Anatomie – Dessins croisés, Musée Fabre / Musée Atger à Montpellier

À l’occasion des 800 ans de la Faculté de médecine de Montpellier, le musée Fabre et le musée Atger présentent jusqu’au 31 mai 2020 « Art & Anatomie – Dessins croisés ».

Cette première collaboration entre les deux plus belles collections d’art graphique de Montpellier propose une exposition croisée autour du corps humain avec l’ambition d’offrir « une découverte inédite de dessins scientifiques et artistiques qui ont collaboré à l’apprentissage du corps humain par les étudiants »…

Art & Anatomie – Dessins croisés au Musée Fabre

À la fin parcours néoclassique, face aux grands nus masculins de Fabre et à l’Académie dite Hector de David, le musée Fabre expose un ensemble de traités anciens dédiés à l’anatomie prêtés par la bibliothèque historique de la faculté de médecine et une très belle sélection de dessins du musée Atger représentant le corps humain « dans tous ses états ».

Art & Anatomie - Musée Fabre - Vue de l'exposition
Art & Anatomie – Musée Fabre – Vue de l’exposition

Le choix de cette salle dans la présentation des collections s’imposait avec une incontestable évidence.

Art & Anatomie - Musée Fabre - Vue de l'exposition
Art & Anatomie – Musée Fabre – Vue de l’exposition

Un accrochage très réussi, un éclairage remarquable et des cartels judicieusement enrichis offrent au visiteur une (re)découverte passionnante de quelques trésors collectionnés par Atger.

L’écho avec les toiles de François Xavier Fabre, son contemporain, est particulièrement pertinent.
On regrette toutefois les désagréables reflets lumineux sur les cloches de protection des ouvrages présentés au centre de la salle…

Bernhard Siegfried Albinus - Tabulae sceleti et musculorum corporis humani, 1747 - Art & Anatomie - Musée Fabre
Bernhard Siegfried Albinus – Tabulae sceleti et musculorum corporis humani, 1747 – Art & Anatomie – Musée Fabre

L’ensemble est accompagné par le dialogue entre l’Écorché de Jean Antoine Houdon et l’Écorché dit Le Bêcheur d’Alphonse Lami, statue en carton-plâtre qui a temporairement abandonné le Conservatoire d’anatomie.

La Leçon d’anatomie à l’usage des artistes (1873) de Numa Boucoiran a quittée l’escalier qui conduit au musée Atger pour rejoindre dans une étrange conversation une copie de L’atelier des élèves de David de Léon-Matthieu Cochereau par Charles François Matet

Cette toile qui illustre l’exercice académique fait elle écho avec un dessin du musée AtgerCharles Natoire se représente en train d’enseigner à l’Académie de France à Rome…

Charles Natoire - Académie de peinture, 1745 - Art & Anatomie - Musée Fabre
Charles Natoire – Académie de peinture, 1745 – Art & Anatomie – Musée Fabre

Art & Anatomie – Dessins croisés au Musée Atger

L’exposition présentée au musée Atger offre un regard sur le portrait, un des thèmes privilégiés par le collectionneur montpelliérain. Une sélection de feuilles issues du cabinet d’art graphique du musée Fabre a pour ambition de montrer « les expressions des visages à travers la vision des artistes du XVIe au XXe siècle »…

Art & Anatomie - Musée Atger - Vue de l'exposition
Art & Anatomie – Musée Atger – Vue de l’exposition

Ces dessins exposés dans les vitrines de la salle Bestieu sont accompagnés dans la salle principale par un ensemble d’ouvrages qui traitent de physiognomonie, une pseudo-science très en vogue au XIXe siècle et qui passionnait Atger. Rappelons rapidement que cette méthode est fondée sur l’idée que l’observation de l’apparence physique d’une personne, et principalement les traits de son visage, peut donner un aperçu de son caractère ou de sa personnalité.

On ne peut nier le charme singulier du Musée Atger et la présentation insolite, mais efficace des dessins et des gravures dans un étonnant mobilier, hybridation entre armoire et classeur.

Dessins Flamands et italiens - Musée Atger
Dessins Flamands et italiens – Musée Atger

Si la découverte du lieu mérite à l’évidence un passage par le premier étage de la faculté de médecine, et si la collection conservée est exceptionnelle, il fait bien admettre que le volet d’« Art & Anatomie – Dessins croisés » qui y est présenté souffre du manque de moyens en éclairage et de ses locaux exigus.


En effet, la lumière maîtrisée uniquement par l’ouverture plus ou moins grande des volets multiplie les reflets et les effets de miroirs très désagréables sur les vitrines où sont exposés les dessins du musée Fabre comme sur les ouvrages de la bibliothèque dont certains « bénéficient » en plus de malencontreuses ombres portées.

L’intérêt d’Atger pour la physiognomonie qui parait être un des fondements du choix du portrait comme thématique du projet est bien exposé dans les trois textes du livret d’accompagnement.

Si la sélection de plusieurs portraits et têtes d’expression du fonds conservé par le musée Fabre correspond assez bien à cette problématique, les conditions de leur exposition rendent assez difficile le « dialogue de ces œuvres avec les dessins de la collection Atger » et les éventuelles observations « physiognomonistes » de tout un chacun restent assez délicates…

Commissariat général : Michel Hilaire, Conservateur général du patrimoine, Directeur du musée Fabre
Commissariat scientifique :
Au musée Fabre : Florence Hudowicz, Conservateur du patrimoine, responsable du département des arts graphiques et des arts décoratifs au musée Fabre et Pierre Stépanoff, Conservateur du patrimoine, responsable des Collections de peinture et de sculpture de la Renaissance à 1850, musée Fabre.
A la faculté de médecine : Hélène Lorblanchet, Conservateur général des bibliothèques, Directeur du musée Atger,Chef du Service du patrimoine écrit et graphique, Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier et Françoise Olivier, Chef de service de la valorisation du patrimoine historique, Université de Montpellier.

Un livret d’accompagnement de l’exposition est à la disposition du visiteur. Les textes offrent des éclairages révélateurs et intéressants. Ce document est téléchargeable sur le site du musée Fabre

Dans la continuité de cette célébration des 800 ans de la Faculté de médecine, l’exposition Pharmacopées (Art et Pharmacie) présentera à l’été 2020, au sein de l’Hôtel de Cabrières – Sabatier d’Espeyran, la place de l’art de la pharmacie avec une sélection de pots d’apothicairerie de faïence issus d’une collection particulière remarquable qui seront associés à des spécimens des collections scientifiques universitaires.

En savoir plus :
Sur le site du musée Fabre
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Art & Anatomie – Dessins croisés : Regards sur l’exposition au musée Fabre

Le parcours commence par une cimaise peinte en bleu nuit qui accueille le visiteur avec une citation d’Alberti extraite de De la peinture et un texte d’introduction. Sa lecture mérite d’être complétée par trois textes reproduits dans le livret : De l’art dans l’anatomie, De l’anatomie dans l’art et Anatomie & Art, une histoire en miroir.

Art & Anatomie - Musée Fabre - Vue de l'exposition
Art & Anatomie – Musée Fabre – Vue de l’exposition

Sur la droite, l’Écorche dit le Bêcheur (1858), une sculpture en carton-pâte d’Alphonse Lami s’est échappée du Conservatoire d’Anatomie de la faculté de médecine. Il fait écho à la fois à une des figures iconiques du traité de Vésale (De humani corporis fabrica libri septem) et au plâtre de Jean Antoine Houdon présenté en fin de parcours. Donné par son auteur à la Société des Beaux-arts de Montpellier pour l’enseignement de l’anatomie, ce moulage en plâtre a été diffusé dans toutes les académies d’Europe.

André Vésale, De humani corporis fabrica libri septem, planche d’illustration, 1555 - Art & Anatomie - Musée Fabre
André Vésale, De humani corporis fabrica libri septem, planche d’illustration, 1555 – Art & Anatomie – Musée Fabre

Face aux grands nus masculins de Fabre et à l’Académie dite Hector de David, les commissaires ont accroché une remarquable sélection de dessins issus de la collection du musée Atger qui représentent le corps humain « dans tous ses états »

« Lorsqu’on peint des êtres animés, il faut d’abord en esprit placer au-dessous les os parce que, ne pliant pas du tout, ils occupent toujours un emplacement fixe. Il faut ensuite que les nerfs et les muscles soient attachés à leurs places ; il faut enfin montrer les os revêtus de chair et de peau. »
Alberti (1404-1472), De la peinture

Savants et artistes n’ont cessé de manifester pour le corps humain une curiosité évidente, qu’ils vont exprimer notamment dans la pratique de l’anatomie à partir de la Renaissance. Balbutiante sous l’Antiquité, délaissée au Moyen Âge, cette discipline progresse notablement au XIVe siècle, tandis que les Premières écoles de médecine, celles de Bologne et de Montpellier, obtiennent de l’Église des autorisations pour autopsier les cadavres de condamnés. Portés par un regain d’intérêt pour les savoirs antiques, les plus grands maitres, artistes comme médecins, renouent avec la pratique de la dissection, dans le même désir de rendre l’être humain visible dans toutes ses composantes, et élargir cette nouvelle approche du vivant à l’ensemble de l’univers.

Le dessin anatomique devient dès lors un exercice essentiel dans les enseignements académiques et sa diffusion, grâce à l’essor de l’imprimerie, des gravures illustrant les traités anatomiques tes plus fameux, comme celui du médecin flamand André Vésale, surnommé te père de l’anatomie moderne, ne cessent de pourrir la fascination, mais aussi l’effroi, des hommes face à l’inépuisable étrangeté de leur corps ainsi révélé.

Les cours d’anatomie connaissent, jusqu’au XIXe siècle, des supports qui peuvent varier dispensés dans les amphithéâtres de médecine ou tes écoles de dessin, d’après le cadavre ou d’après des modèles d’écorchés conçus par des artistes, tel celui de Houdon, qui connu un succès européen. La finalité demeure la même : participer, à côté des modèles antiques et des modèles vivants, à la représentation de la beauté dont l’homme demeure exemplaire, entre idéal et réalité.

Les grands Nus académiques peints par Jacques-Louis David et François-Xavier Fabre, certains traités célèbres d’anatomie ainsi qu’une sélection de dessins du musée Atger, montrant te corps humain dans divers états, rappellent la place centrale de l’homme dans les arts, qu’ils soient savants ou beaux : l’anatomie en a croisé tes pratiques et servi les avancées à un degré inégalé.

Face aux grands nus masculins de Fabre et à l’Académie dite Hector de David, les commissaires ont accroché une remarquable sélection de dessins issus de la collection du musée Atger qui représentent le corps humain « dans tous ses états »

Art & Anatomie - Musée Fabre - Vue de l'exposition
Art & Anatomie – Musée Fabre – Vue de l’exposition

Cette longue et passionnante séquence est organisée de manière chronologique.
Elle débute avec des dessins italiens du Dominiquin, Bartolomeo Schedoni et Annibale Carrache de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle.

Le Dominiquin, Bartolomeo Schedoni et Annibale Carracci - Art & Anatomie - Musée Fabre
Le Dominiquin, Homme nu, assis, de face, 1ère moitié du 17e siècle – Bartolomeo Schedoni (Attribué à), Académie – homme nu, 2e moitié du 16e siècle et Annibale Carracci, Amphinomus sauvant son père – Art & Anatomie – Musée Fabre

Les premières académies de dessin ouvrent en Italie dès le milieu du XVIe siècle, en 1563 à Florence, en 1582 à Bologne, berceau du retour aux pratiques de l’anatomie et aux formes antiques dans l’école créée par Annibal, Agostino et Lodovico Carracci. Les artistes alors pratiquent assidûment le dessin pour traduire au plus juste la synthèse de leurs savoirs intellectuels et de leurs observations sur le corps humain. L’exercice du dessin devient un enjeu fondamental dans les apprentissages artistiques dont les académies structurent et diversifient peu à peu les enseignements. Ces dessins servent à la mise en place technique des corps sous divers angles et situations, études du volume des muscles et du modelé des chairs qui annoncent les postures académiques progressivement mises en place au siècle suivant.

Elle se poursuit avec la description de scènes de batailles par Raymond Lafage et Baccio Bandinelli.

Raymond Lafage et Baccio Bandinelli - Art & Anatomie - Musée Fabre
Raymond Lafage, Combat entre grecs et troyens, 2e moitié du 17e siècle et Baccio Bandinelli, Groupe de figures nues, 2e moitié du 16e siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre

Ces dessins témoignent, par-delà leurs différences, d’un désir partagé de représenter le corps humain dans des situations qui en exaltent les tensions.
Baccio Bandinelli, sculpteur contemporain de Michel-Ange dont il se voulait l’égal, organise dans le cadre d’une frise antique la lutte à laquelle se livrent des captifs littéralement au corps à corps avec des putti qui tentent de les retenir. Les hachures de trait à l’encre assurent le modelé du corps et renforcent la sensation d’emprisonnement et d’enchevêtrement des corps.
Raymond Lafage, dessinateur et graveur dont la courte existence et le refus de travailler la peinture ont limité le succès, a néanmoins marqué ses contemporains par la vivacité de son trait. Il réussit dans des compositions pleines de fougue, comme ces scènes de bataille, à mettre en scène le mouvement et l’énergie des nombreux combattants à travers le dessin nerveux de leurs corps musculeux.

On découvre ensuite des fragments de corps dans des dessins préparatoires de Jean de Troy, Michel-Ange et Philippe de Champaigne.

Jean de Troy, Michel-Ange et Philippe de Champaigne - Art & Anatomie - Musée Fabre
Jean de Troy, Homme nu, couché, 2e moitié du 17e siècle – Michel-Ange (Attribué à), Feuille d’études, 1ère moitié du 16e siècle – Philippe de Champaigne, Études de mains, 1ère moitié du 17e siècle, Études de mains, l’une entourant la tête d’une statue, 1ère moitié du 17e siècle et Études de main (5) et de pied, 1ère moitié du 17e siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre
Michel-Ange (Attribué à) - Feuille d’études, 1ère moitié du 16e siècle - Art & Anatomie - Musée Fabre
Michel-Ange (Attribué à) – Feuille d’études, 1ère moitié du 16e siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre

Georgio Vasari (Arezzo, 1511- Florence, 1574), peintre et architecte toscan, a produit en 1568, un recueil biographique, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, qui fait partie des ouvrages fondamentaux de l’histoire de l’art. À propos de Michel-Ange, il écrit :
« Il [Michel-Ange] se livra avec passions à l’étude de l’anatomie, pour connaître à fond les raisons de la configuration des muscles, des tendons, de leurs rapports avec l’ossature, et des fonctions de chacun pour opérer les différents mouvements du corps humain. Il fit les mêmes recherches sur l’organisation des divers animaux, et surtout les chevaux […] S’il avait eu quelqu’un qui aurait été capable de l’aider, malgré son grand âge, il aurait encore fait de nombreuses dissections anatomiques et aurait écrit un livre à l’usage des artistes »
Philippe de Champaigne - Études de mains et de pied, 1ère moitié du 17e siècle - Art & Anatomie - Musée Fabre
Philippe de Champaigne – Études de mains et de pied, 1ère moitié du 17e siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre

Les peintres de portraits ou de scènes religieuses ou mythologiques, qui mettent en scène plusieurs personnages, accordent souvent un soin tout particulier au dessin de certains détails, par exemple ceux des extrémités telles les mains ou les pieds, ou ceux de certaines attitudes de leurs figures dont ils préfèrent vérifier la correction afin de les replacer ensuite dans une esquisse plus complète. Rendre une physionomie humaine implique de maîtriser parfaitement les fragments anatomiques où la manifestation de la chair, et de la vie, devient la plus complexe, la plus expressive aussi, l’attitude d’une main par exemple pouvant donner une intonation toute particulière au tableau final. Les artistes savent combien la justesse et la vraisemblance avec laquelle ils rendront les détails d’une figure humaine plaideront pour la beauté et l’harmonie du tout.

Deux feuilles de Simon Vouet montrent des études pour un Christ en croix.

Simon Vouet, Deux étude pour un Christ en croix, 1èere moitié du XVIIe siècle - Art & Anatomie - Musée Fabre
Simon Vouet, Étude pour un Christ en croix vu de face, 1633-1638 et Étude pour un Christ en croix vu de trois-quarts à droite, 1ère moitié du 17e siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre

Après s’être formé et assuré une renommée certaine en Italie à travers les décors des églises de Rome, avec une virtuosité qui rappelle celle du Caravage : Simon Vouet est rappelé en France par Louis XIII et devient Premier’ peintre du roi en 1627. Il s’impose rapidement comme le grand décorateur de l’époque, et les commandes affluent aussi bien de la cour, de l’Église, que des grands du Royaume. Confirmant la grande capacité d’invention de l’artiste sur un sujet qu’il a, seul ou avec ses collaborateurs, représenté à plusieurs reprises, ces deux études préparatoires montrent tout à la fois la connaissance anatomique que devait maîtriser l’artiste, ajoutée à celle de la beauté antique remise au goût du jour depuis la Renaissance, afin d’exprimer la douleur humaine dans un corps parfait, à l’image d’un Dieu qui l’a fait nomme.

L’accrochage se termine par une série de « postures académiques, véritables “morceaux” de modelés de chair, d’ombre et de lumière… »

Edmé Bouchardon, Pierre Legros et Louis Gabriel Blanchet - Art & Anatomie - Musée Fabre
Edmé Bouchardon, – Académie – homme assis, de profil, ère moitié du 18e siècle – Pierre Legros, Homme nu renversé, 2éme moité du XVIIe siècle – Louis Gabriel Blanchet, Homme nu de face, accoudé, un genou en terre, XVIIIe siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre

Prix de Rome en 1722, sculpteur du roi dont la statue équestre de Louis XV est restée fameuse, Edmé Bouchardon s’est également fait connaître pour le souci extrême qu’il accordait aux dessins préparatoires, les études anatomiques comme celles d’après le modèle vivant, pour l’homme comme pour le cheval, l’anatomie de ce dernier étant au moins si ce n’est plus complexe que celle de l’homme. Géricault et Delacroix sauront suivre son exemple un siècle plus tard, dans cette recherche de rendu du sentiment de la chair. S’appuyant sur les modèles iconographiques italiens précédents, il a également participé à la mise en œuvre de L’Anatomie nécessaire pour l’exécution du dessein, traité d’anatomie à l’intention des artistes.

Un ensemble d’Edmé Bouchardon, Pierre Legros et Louis Gabriel Blanchet précèdent trois feuilles de Anton Raphaël Mengs, Charles Lebrun et François-Xavier Fabre puis par dix Académies d’homme où l’on remarque les noms de Pierre Puget, Charles Natoire et où on retrouve ceux de Jean de Troy ou de Mengs.

Anton Rapael Mengs, Charles Lebrun et François-Xavier Fabre - Art & Anatomie - Musée Fabre
Anton Rapael Mengs, Académie d’homme assis, de face, 2ème moitié du XVIIIe siècle – Charles Lebrun, Homme nu, assis, tenant un bâton, XVIIe siècle – François-Xavier Fabre, Académie – homme assis, 1ère moitié du XIXe siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre
Academies du Musée Atger - Art & Anatomie - Musée Fabre
Academies du Musée Atger – Art & Anatomie – Musée Fabre

Les cours de dessin anatomique s’imposent au cœur de la formation académique artistique, dès le XVIe siècle en Italie après le retour de la pratique des dissections qui réunit médecins et artistes, et au XVIle siècle en France dans le cadre notamment de la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture qui structure les enseignements artistiques. L’ensemble des savoirs au demeurant diversifiés convergent vers la représentation du corps humain dans laquelle il s’agit d’exceller si l’on prétend devenir artiste. Les élèves doivent d’abord se plier à un apprentissage long pour enfin accéder à l’exercice d’après le modèle vivant, essentiellement nu et masculin. Si les modèles adoptaient des postures souvent codifiées, ils pouvaient être poussés à poser au bord du déséquilibre pour mettre à l’épreuve la virtuosité des étudiants, dont on jugeait les progrès à travers l’exécution de ce type d’académies.

Ce choix judicieux dans la collection de Xavier Atger offre un aperçu de sa richesse. Il faut naturellement écho aux toiles de François Xavier Fabre, dont Atger était le contemporain et surtout il est en totale adéquation avec le propos et les ambitions de l’exposition.

L’ensemble éclairé avec soin offre au regardeur un confort que l’on aimerait rencontrer plus souvent. De nombreux cartels sont enrichis. Ils complètent avec pertinence l’expérience de visite.

Art & Anatomie - Musée Fabre - Vue de l'exposition
Art & Anatomie – Musée Fabre – Vue de l’exposition

Au centre de la salle, trois vitrines présentent trois traités d’anatomie prêtés par la bibliothèque historique de la faculté de médecine. Deux exemplaires de l’incontournable De humani corporis fabrica libri septem (1555) d’André Vésale sont exposé pour montrer le célèbre frontispice avec une des premières dissections de l’histoire et la planche au squelette appuyé sur une bêche qui fait écho à l’Écorché d’Alphonse Lami.

André Vésale, De humani corporis fabrica libri septem, frontispice, 1555 - Art & Anatomie - Musée Fabre
André Vésale, De humani corporis fabrica libri septem, frontispice, 1555 – Art & Anatomie – Musée Fabre

Né au sein d’une famille de médecins, l’humaniste André Vésale est considéré par de nombreux historiens des sciences comme le plus grand anatomiste de la Renaissance et le fondateur de l’anatomie moderne. Après avoir étudié la médecine à Louvain, Paris, Montpellier (2) et Padoue où il est nommé professeur d’anatomie à 23 ans, André Vésale devient le médecin personnel de l’empereur Charles Quint.
André Vésale rédige en latin De humani corporis fabrica libri septem – La Fabrique du Corps Humain – qu’il fait publier en 1543 à Bâle, alors capitale de l’édition scientifique. Il y corrige les erreurs les plus flagrantes de son prédécesseur lointain Galien, comprenant notamment que ce dernier décrivait l’anatomie du singe et non celle de l’homme. Considérée comme l’un des ouvrages les plus novateurs sur l’anatomie humaine, la seconde édition, révisée et parue-en 1555, fera autorité jusqu’au XVllle siècle.
277 bois gravés par Van Calcar sous les instructions d’André Vésale illustrent cet ouvrage en plus des lettrines décoratives qui mettent en scène des dissections, des interventions chirurgicales, voire les difficultés à se procurer un cadavre. Enfin le frontispice de La Fabrique décrit l’amphithéâtre d’anatomie de Padoue dans lequel André Vésale a pratiqué en public la dissection d’après cadavre – ici celui d’une femme -, dans l’objectif de replacer l’anatomie au cœur de la médecine.
En 1857, dans Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire publie Le squelette laboureur inspiré par la découverte des planches de Vésale.
André Vésale, De humani corporis fabrica libri septem, planche d’illustration, 1555 - Art & Anatomie - Musée Fabre
André Vésale, De humani corporis fabrica libri septem, planche d’illustration, 1555 – Art & Anatomie – Musée Fabre

L’emblématique traité de Vésale est accompagné par Anatomia di mano del Cigoli (XVIe siècle) de Ludovico Cardi dit Il Cigoli prêt de la Médiathèque centrale Émile Zola.

Ludovico Cardi dit Il Cigoli - Anatomia di mano del Cigoli, XVIe siècle - Art & Anatomie - Musée Fabre
Ludovico Cardi dit Il Cigoli – Anatomia di mano del Cigoli, XVIe siècle – Art & Anatomie – Musée Fabre

L’album Anatomia di mano del Cigoli réunit dans un album des dessins de différents formats, exécutés à la sanguine, au crayon noir et à l’encre, par Ludovico Cardi dit II Cigoli. Il faisait partie de la bibliothèque de François-Xavier Fabre, amateur également de sa peinture, comme en témoignent plusieurs tableaux au musée. Les dessins de ce recueil peuvent être contemporains de la collaboration entre Ludovico Cardi et Théodore Turquet de Mayerne, médecin et chimiste suisse, dont l’artiste a représenté certains résultats de dissections pratiquées à l’hôpital Santa Maria Nuova à Florence. L’observation scientifique y est à la fois précise et expressive, témoignant d’une recherche artistique. Un dessin double représentant un corps vu de dos, ainsi qu’une étude de tête, rappellent la sculpture d’un écorché en cire (aujourd’hui disparu, et connu par sa version en bronze, Lo Scorticato, conservé au musée du Bargello, à Florence) qui a longtemps servi de modèle pour les cours de dessin anatomique des enseignements artistiques.

On peut également admirer l’ouvrage de Bernhard Siegfried (Albinus – Tabulae sceleti et musculorum corporis humani, 1747) ouvert sur deux planches gravées par Jan Wandelaar dont celle de l’écorché devant un spectaculaire rhinocéros prénommé Clara.

Bernhard Siegfried Albinus - Tabulae sceleti et musculorum corporis humani, 1747 - Art & Anatomie - Musée Fabre
Bernhard Siegfried Albinus – Tabulae sceleti et musculorum corporis humani, 1747 – Art & Anatomie – Musée Fabre

Médecin et anatomiste allemand, Bernhard Siegfried Albinus a enseigné l’anatomie à partir de 1721 à l’université de Leyde, puis il est devenu professeur en médecine en 1745. Tabulae sceleti et musculorum corporis humarii se distingue par sa grande précision, le médecin a pris le soin de faire dessiner son modèle disséqué dans un format grandeur nature avant sa mise à l’échelle à des fins éditoriales. Certaines des planches, gravées par Jan Wandelaar, qui composent ce traité sont reproduites de la grande Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, illustrant l’article « Anatomie ».
Jan Wandelaar renouvelle le genre dans certaines planches les où il présente l’écorché sur fond de nature et, plus exotique encore, devant un spectaculaire rhinocéros. Il faisait écho à un fait réel de cette l’époque : un animal de cette espèce, inconnue alors en Europe, avait après sa capture été ramené en Hollande puis, affublé du prénom de Clara, promené à travers l’Europe pour y faire sensation. En juxtaposant ces divers univers, le graveur synthétise l’esprit de curiosité et le désir de cataloguer la nature qui dominent le XVIlle siècle.

Le quatrième traité montre les spectaculaires estampes en couleur de Jacques Fabien Gautier d’Agoty (1754) qui connu un long succès chez les artistes et notamment les surréalistes.

Jacques Fabien Gautier d'Agoty - Anatomie générale des viscères, et de la névrologie, angéologie et ostéologie du corps humain, 1754 - Art & Anatomie - Musée Fabre
Jacques Fabien Gautier d’Agoty – Anatomie générale des viscères, et de la névrologie, angéologie et ostéologie du corps humain, 1754 – Art & Anatomie – Musée Fabre

Peintre et graveur d’anatomie français, Jacques Fabien Gautier d’Agoty est connu pour avoir amélioré le procédé de la gravure en couleur (la trichromie) mis au point en 1710 par Le Don, dont il a été l’élève. L’artiste a ajouté une quatrième plaque en noir et souligné ainsi les traits principaux du modèle et les ombres des dessins anatomiques. En 1745, Jacques Fabien Gautier d’Agoty obtient l’exclusivité du procédé par privilège du roi, ce dernier tenant à conserver le secret de ce mode d’impression en France. Il publia une série d’ouvrages en reprenant ce procédé innovant qui est à l’origine de la quadrichromie actuelle en CMJN.
Les estampes en couleur de D’Agoty ont fait date et ont connu un long succès chez les artistes, notamment les surréalistes.

Un seul regret : les désagréables reflets lumineux sur les cloches de protection de ces ouvrages…

François-Xavier Fabre, Jean-Antoine Houdon et Charles Matet - Art & Anatomie - Musée Fabre
François-Xavier Fabre, Jean-Antoine Houdon et Charles Matet – Art & Anatomie – Musée Fabre

Au fond de la salle, l’Écorché de Jean Antoine Houdon semble répondre au geste du Saint-Sébastien de Fabre.

François-Xavier Fabre, Académie dite « Saint Sébastien expirant », 1789 . Huile sur toile. Montpellier, musée Fabre Inv.825.1.62, don François-Xavier Fabre. photographie Frédéric Jaulmes

Ces quatre études d’homme nu ont été exécutées par Fabre durant sa formation à l’Académie de France à Rome. Chaque année, les élèves devaient réaliser ces grandes études démontrant leur parfaite connaissance de l’anatomie humaine, qui étaient ensuite envoyées à Paris pour être soumises à l’appréciation des académiciens. Si les premiers essais de Fabre sont plutôt réalistes, le jeune artiste démontre, d’année en année, une sensibilité toujours plus prononcée à la pureté et à la sobriété de la ligne, offrant à ses figures une poésie tragique digne de l’Antiquité.

À sa gauche, L’atelier des élèves de David de Léon-Matthieu Cochereau copié par Charles François Matet illustre parfaitement l’exercice académique que l’on peut voir sur de nombreuses feuilles exposées.

Charles Matet - L'atelier des élèves de David, 1814 - Art & Anatomie - Musée Fabre
Charles Matet – L’atelier des élèves de David, 1814 – Art & Anatomie – Musée Fabre

La Leçon d’anatomie à l’usage des artistes (1873) de Numa Boucoiran complète opportunément cet ensemble.

Nurna Boucoiran - Leçon d'anatomie à l'usage des artistes, 1873 - Art & Anatomie - Musée Fabre
Nurna Boucoiran – Leçon d’anatomie à l’usage des artistes, 1873 – Art & Anatomie – Musée Fabre

Numa Boucoiran fut assistant à Rome de Xavier Sigalon, peintre romantique natif d’Uzès, pour la réalisation d’une copie des fresques de Michel Ange à la chapelle Sixtine. Amateur de peinture d’histoire, il débuta au Salon en 1831 et devint conservateur du musée de Nîmes en 1839. Nommé directeur de l’école de dessin locale, il reçut de nombreuses commandes de décors pour des édifices publics et des églises du Gard. li fit également de nombreux portraits. Il illustre ici, dans une mise en scène mêlant joyeusement histoire et imagination, le rôle central des savoirs anatomiques pour les maîtres de la Renaissance, en représentant Michel-Ange et Raphaël, connus pour leur intérêt pour la dissection, en train d’observer un cadavre. Ce tableau s’inspire d’un thème iconographique constant depuis Vésale, celui de la leçon d’anatomie, dans lequel s’est illustré en particulier et à plusieurs reprises le peintre hollandais Rembrandt.

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