Plus de 450 tirages de Diane Arbus dans une étonnante « Constellation » à Luma Arles


Pour son programme 2023, Luma Arles présente « Constellation », une exposition époustouflante et magistrale consacrée à Diane Arbus.

Avec la totalité des 454 épreuves réalisées par Neil Selkirk, seule personne autorisée à tirer ses négatifs depuis la mort de l’artiste, « Constellation » est sans doute l’exposition la plus complète sur le travail de Diane Arbus présentée à ce jour.

Pour montrer cet ensemble de tirages uniques acquis par la Fondation Luma en 2011, Matthieu Humery, commissaire de l’exposition, a fait un choix audacieux en proposant une installation immersive. Il en explique les ambitions dans le texte qui introduit l’exposition :

« Nous avons ici voulu montrer la dimension extra-photographique de ces images : révéler ce qu’il y a entre les clichés, ce qui, comme la matière noire, maintient toutes ces photographies en équilibre et connectées les unes aux autres : la toile d’araignée. Cette idée de constellation nous est apparue comme une structure capable à la fois de dévoiler les images et l’architecture imperceptible sous-jacente à toutes créations : le hasard, le chaos et la quête. Il n’y a donc pas de sens de visite ou de mode d’emploi avec Constellation. Comme Diane Arbus à New York, le public est invité à déambuler, passer à côté, autour et à travers. Il n’y a pas un parcours type mais une infinité de possibilités. Chacun·e pourra créer sa propre expérience dans cet accrochage aléatoire et initiatique ».

Diane Arbus - « Constellation » - Vue de l'exposition à Luma Arles
Diane Arbus – « Constellation » – Vue de l’exposition à Luma Arles

Au départ un peu déroutante, l’expérience devient vite absolument passionnante et s’avère d’une richesse insoupçonnée. La plongée dans le monde de Diane Arbus est vertigineuse. Rapidement, on perd nombre de ses repères. On s’abandonne à une déambulation au hasard, dans un New York imaginaire, assemblage minimaliste de structures métalliques et de miroirs, où surgissent « un visage, un détail, une attitude, une singularité, ce sur quoi les yeux de Diane Arbus ont su s’arrêter »… Avec étonnement, on redécouvre ces images comme si on ne les avait jamais vues, ici, dans la première édition de « The Impermanent Display », ou ailleurs…

Diane Arbus - « Constellation » - Vue de l'exposition à Luma Arles
Diane Arbus – « Constellation » – Vue de l’exposition à Luma Arles

Seul repère au milieu de « Constellation », les tirages de « A Box of Ten Photographs » présentés dans « La Face cachée de l’Archive » en 2021 pour l’ouverture de La Tour, sont regroupés.

Certain·e·s ne manqueront pas d’être perturbées par cette exposition qui réfute toute construction chronologique, thématique ou analytique. Celles et ceux qui sauront lâcher prise auront le plaisir de rencontrer l’œuvre de Diane Arbus comme ils/elles ne l’on peut être jamais vu.

© The Estate of Diane Arbus. Collection Maja Hoffmann / LUMA Foundation

Toutes les photographies sont des tirages argentiques, encadrées avec beaucoup de soin avec du verre antireflet.

Un livret de 35 pages à la disposition des visiteurs regroupe les cartels des 455 photographies du « Selkirk Prints set ». Un numéro imprimé sur le montant métallique à côté de chaque tirage y renvoie.

L’exposition est introduite par un texte de Matthieu Humery que l’on peut retrouver sur le site de Luma Arles et par un témoignage de Neil Selkirk. Ce dernier est reproduit ci-dessous.

Un regret toutefois : l’interdiction de prendre des photos dans l’exposition. On en comprend difficilement les raisons objectives et cela donne l’impression de retourner plus de 10 ans en arrière !!!

« Constellation » est présentée en partenariat avec Les Rencontres d’Arles.

À voir et à revoir, car on n’y voit jamais la même chose !

En savoir plus :
Sur le site de Luma Arles
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Diane Arbus - « Constellation » - Vue de l'exposition à Luma Arles
Diane Arbus – « Constellation » – Vue de l’exposition à Luma Arles

Diane Arbus – « Constellation » : Témoignage de Neil Selkirk

Lorsque Diane Arbus souhaitait envoyer une photographie à un magazine, l’offrir à un sujet ou, très occasionnellement, la vendre à un collectionneur, elle en faisait un seul tirage et le livrait elle-même. Hormis lorsqu’elle travaillait sur son portfolio A box of ten photographs, qui devait être une édition de cinquante exemplaires (dont elle a tiré huit séries et n’en a vendu que quatre dans sa vie), elle a très rarement fait le choix de réaliser plus d’un tirage à la fois.

En travaillant dans une chambre noire rudimentaire et rustique, il est difficile de réaliser deux tirages argentiques en noir et blanc identiques. Après être retourné dans cette chambre noire des heures, des jours ou des semaines, c’est même tout bonnement impossible. Des variations inévitables entre les tirages d’une même image réalisée par Diane Arbus font qu’il n’y en a pas deux pareils.

Après sa mort en 1971, je me suis vu confier la mission d’essayer de reproduire ses tirages. Il m’a fallu travailler dans sa chambre noire, en n’utilisant que son équipement et son matériel et, en tâtonnant, découvrir sa méthode.

Pour m’assurer que je ne me contentais pas d’interpréter son travail, j’ai essayé, chaque fois qu’il y en avait un à disposition, de reproduire un tirage existant qu’elle avait fait de chaque image, en commençant par celles qui se trouvaient dans la « box of ten ». Je savais que, même si je réussissais le coup de force de reproduire ce tirage, le mien ne correspondrait pas exactement aux autres tirages qu’elle avait elle-même réalisés à partir du même négatif.

C’était un travail excessivement minutieux. Il fallait parfois des heures juste pour aligner correctement le négatif dans l’agrandisseur, puis de multiples mélanges chimiques pour essayer d’obtenir l’alchimie. Malgré de nombreux changements indésirables au fil du temps, l’objectif et la définition du succès sont restés les mêmes : réaliser des tirages tels que personne ne puisse dire, d’après les caractéristiques de l’image, si c’est moi ou elle qui l’a imprimée. Cela fait maintenant plus de cinquante ans que le premier de mes tirages a vu le jour et, depuis lors, personne n’est parvenu à contester ce principe.

Une description détaillée de l’impression des tirages posthumes des photographies de Diane Arbus se trouve dans mon essai Dans la chambre noire, paru dans Diane Arbus Revelations (Aperture, 2022).

Neil Selkirk

Diane Arbus - « Constellation » - Vue de l'exposition à Luma Arles
Diane Arbus – « Constellation » – Vue de l’exposition à Luma Arles

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