Cette exposition hommage au peintre Maurice-Élie Sarthou est une des très belles surprises de ce printemps à Montpellier.
Après les expositions Gramatzki, Bordarier, ou encore Geneviève Asse, le musée Fabre continue son intéressante présentation des abstractions d’après-guerre en France.
Du 22 mars au 29 juin, 52 œuvres permettent de (re)découvrir le parcours de Maurice-Elie Sarthou , installé entre Sète et Paris dès les années 1950.
L’exposition montpelliéraine fait suite à une première présentation de l’œuvre au musée Toulouse-Lautrec d’Albi qui était centrée sur le thème de l’eau.
Le feu et le vent dominent dans les sujets choisis pour l’exposition au musée Fabre. Le parcours a été conçu autour du fonds d’atelier de l’artiste et du Grand Incendie, une œuvre magistrale donnée par sa famille au musée Fabre, en 2005.
Lavis monochromes et œuvres sur papier dans la salle Hugo
Une première partie met en lumière un aspect moins connu dans l’œuvre de Sarthou : son usage habile des noirs et blancs au travers de grandes aquarelles et lavis, présentés sur une cimaise rouge-orangé qui évoque la puissance et l’incandescence de ces incendies. Le thème du vent comme celui des reflets à la surface de l’eau y sont traités de manière magistrale. Les éléments naturels sont toujours très présents dans ces œuvres qui sont à la frontière de abstraction et de l’expressionnisme.
Ces huit lavis constituent le premier temps fort de l’exposition. Ils sont accompagnées par une sélection d’œuvre sur papier et un intéressant assemblage de toiles de petits formats, esquisses préparatoires ou œuvres à part entière.
Le travail de Sarthou dans le domaine du livre d’artistes est illustré par la présentation de Regards sur la mer de Paul Valéry, le Bateau Ivre d’Arthur Rimbaud, L’Épervier de Maheux de Jean Carrière ou encore Lou Biòu – Le Taureau de Folco de Barocelli-Javon. Un carnet d’esquisses des années 70 complète la présentation de ces ouvrages.
La révélation de la couleur dans la salle des modernes
Cette deuxième partie regroupe un remarquable ensemble de peintures. L’accrochage, particulièrement réussi, respecte à la fois une progression chronologique et une approche thématique. Un subtil rythme « chromatique » dirige le visiteur vers l’incandescence du Grand Incendie qui clôt l’exposition avec force.
Dans cette salle, le parcours commence par des toiles des années 50 où l’on remarque particulièrement les Remmailleuse de filet à Collioure, 1949 (Prix Drouant) qui rappelle la série réalisée par Pignon quelques années avant dans le petit port catalan. Cette toile a fait l’objet d’un appréciable travail de restauration.
Jours de régates à Sète – Port en fête, 1952 évoque la proximité de Sarthou avec le groupe Montpellier-Sète autour de Desnoyer, Bessil, Calvet, Fulcrand et Couderc .
On remarque sur la gauche Lumière d’été, 1953 et Fenêtre ouverte, femme à la fenêtre, 1954 et sur la droite La manade de chevaux Blanc, 1955-56 et Carrère au Val d’enfer n°1, 1958.
Sarthou connaît alors un véritable succès, avec l’obtention de plusieurs prix. Son travail bénéficie d’une reconnaissance du marché de l’art avec son entrée à la galerie Marcel Guiot, qui le représente à partir de 1955.
La seconde partie de la salle est consacrée au Sarthou « peintre des éléments », avec l’exploration pure de la couleur (Paysage méridional, 1955-56 ; Plein midi, Carrières en Provence, 1959-64 ; Bauxite aux Baux n° 2, 1974) et aux grands incendies (Feu sous le mistral, 1968 ; Le feu et dans les pins, 1979-80 ; La fournaise, 1985 et Le grand incendie, 1977).
L’accrochage des œuvres dans le couloir consacré à l’École de Paris a été revu afin de tisser quelques correspondances avec le travail de Sarthou.
Un émouvant Portrait de Dora, 1933 fait le lien entre la salle Hugo et la salle des modernes.
Pour compléter l’exposition, des extraits de films autour de l’artiste sont projetés dans le salon Bazille ( Sarthou ou le peintre des éléments : interview de Sarthou par Madeleine Attal, 1973 – 1975, réalisée par Josée Dayan, sur une idée de Marc Alyn et de Madeleine Attal • Signes, Entretien de Sarthou avec Jean Carrière, 18 décembre 1981, Collection Grand Sud Ouest • Reportage du magazine Forum des Arts, diffusion le 13 mai 1973).
L’exposition bénéficie du soutien de la famille Sarthou -Sutton.
Commisariat : Michel Hilaire, Conservateur général du Patrimoine, Directeur du musée Fabre et Marie Lozón de Cantelmi, Conservateur du patrimoine, Responsable du Département XIXe, art moderne et contemporain du musée Fabre.
En savoir plus :
Sur le site du Musée Fabre
Sur le site Sarthou
Repères biographiques (extraits du dossier de presse) :
Maurice-Élie Sarthou , né en 1911 à Bayonne, s’installe à Montpellier avec sa mère, après le décès de son père à la guerre en 1914. C’est ici qu’il grandit et fait ses premières études artistiques, à l’École des Beaux-arts, en 1927 (architecture puis peinture). Pupille de la nation, il part pour Paris en 1930 grâce à une bourse, et entre à l’école des Beaux-Arts, dans l’atelier de Pierre Laurens. De retour à Montpellier, il tire sa première lithographie sur les presses de la Citadelle du Génie où il effectue son service militaire. Jeune peintre, il devient professeur de dessin pour gagner sa vie, et enseigne un temps en Corse, à Bastia, puis à Bordeaux, dans les années 1930. Après avoir été démobilisé en 1941, il entre au bureau de la Société des Indépendants Bordelais, qui expose alors des artistes parisiens modernes (Bissière, Lhote… ), et réoriente complètement son travail sous l’influence variée de ses nouveaux maîtres. C’est à Bordeaux que se tient sa première exposition particulière en 1947.
En 1949, il reçoit son premier prix, le prix Drouant au sein du Prix de la Jeune peinture. L’artiste s’installe à Paris en 1950 et devient professeur de dessin au Lycée Henri IV. Il participe activement à la vie artistique parisienne, et expose régulièrement lors de manifestations de groupe et aux Salons. Au Salon de Mai 1950, il expose L’Écaillère, toile achetée par l’État et attribuée au musée de Bordeaux, et en 1954, au même Salon, la ville de Paris fait l’acquisition de sa Fenêtre ouverte. En 1955, la carrière de l’artiste est définitivement lancée lorsqu’il reçoit le prix de la Critique et que la galerie Marcel Guiot (rue La Boétie) lui consacre sa première exposition monographique à Paris.
À partir des années 1950, Sarthou passe la majorité de ses vacances dans le sud de la France, dans le Languedoc et en Provence, et se fixe progressivement à Sète (1952) où il retrouve les impressions de son enfance et développe ses thèmes de prédilection : le vent dans les pins, les taureaux, les carrières des Baux, le port de Sète, les calanques… Il abandonne le professorat en 1958 et, totalement dédié à la peinture, partage son temps entre son atelier du Mont-Saint-Clair (Sète), et son atelier parisien. Sarthou s’adonne également avec passion à la lithographie et conçoit les illustrations de plusieurs livres, de Paul Valéry notamment (Regard sur la mer, 1966), qu’il admire et avec qui il partage l’amour de « l’île singulière ».
En 1962, à cinquante-et-un ans, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres. Outre les nombreuses expositions collectives et salons auxquels il continue de participer de par le monde, il bénéficie dans les années qui suivent d’un certain nombre d’expositions monographiques dans des institutions culturelles de renom. Son travail est aujourd’hui représenté dans un grand nombre de collections de musées français et étrangers (Musée national d’art moderne, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Musée des Beaux-Arts de Lyon, Cincinnati Art Museum, Museum of Princeton University…).
L’artiste est décédé à Paris en 1999.