Labor Zero Labor à la Friche la Belle de Mai, Marseille

Labor Zero Labor

À l’occasion de la Rentrée de l’Art contemporain, la Friche la Belle de Mai accueille du 27 août au 27 novembre 2016 Labor Zero Labor, une proposition de Triangle France.

Labor Zero Labor est un media télévisé dont le contenu sera réalisé en studio et diffusé en direct sur Internet depuis le quatrième étage de la Tour-Panorama.

Labor Zero Labor

L’accueil du studio TV, conçu par Kaiser Kraft, sera ouvert du mardi au dimanche.

Labor Zero Labor diffusera chaque mois 24 heures de programmes produits sur place.
Ces productions originales alimenteront le flux de diffusion en direct disponible sur www.l-0-l.tv

Le projet s’affirme comme un espace critique où il sera question d’interroger « la relation dominatrice des studios face au public ». Labor Zero Labor « réclame le droit des artistes au direct ».
Les créateurs de cette initiative précisent : « Les webcast s’articuleront autour de six émissions principales, augmentés de contenus définis collectivement chaque mois et seront également disponibles en replay dans la section archive de la web TV ».

On lira ci-dessous le texte d’intention extrait du site de Triangle France.

Bien entendu, on revient sur Labor Zero Labor qui s’annonce comme un projet particulièrement captivant, après l’ouverture du studio et du canal de diffusion.

Labor Zero Labor est un projet de Benjamin Valenza, en collaboration avec Triangle France.

Liste des artistes participants : Luke Archer, Eva Barto, Marco Belfiore, Book TV (Tiphanie Blanc, Géraldine Beck, Ramaya Tegegne), Juliet Carpenter, Yann Chateigné, Olivia Dunbar, Jean Dupuis, George Egerton-Warburton, Arthur Eskenazi, Christian Falsnaes, Virgile Fraisse, Amélie Giacomini et Laura Sellies, Hayde, Richard John Jones, Kaiser Kraft, Céline Kopp, Emmanuelle Lainé, Janet Lilo, Jérôme Mauche, Éric Mangion, Tahi Moore, New Noveta, Francesco Pedraglio, Charles Pennequin, Caterina Riva, Simple Music Experience, Benjamin Thorel, Benjamin Valenza, Hannah Weinberger, Geo Wyeth

En savoir plus :
Sur le site de la Friche
Sur la page Facebook de la Friche
Sur le site de Triangle France
Sur la page Facebook de Labor Zero Labor

Labor Zero Labor
Présentation extraite du site de Triangle France

Circa 1980, Andy Kauffman n’hésite pas à introduire des écrans noirs au milieu de son émission de télévision « The Going-Too-Far-Corner ». Incompris des directeurs de la chaine qui redoutent la perte de spectateurs, il clôture l’émission par un « bye bye ! » suivit par l’irruption d’un plan qui mène le spectateur dans un salon de classe moyenne où un couple, posté devant une télévision débordant hors champ, se demandent : « Et il fait quoi maintenant ? » Ce à quoi la femme répond avec un geste invitant à dédramatiser « Oh, il joue avec le médium ! »

Si la télévision est encore à l’époque un objet matériel influençant l’orientation de l’espace domestique et reflétant en négatif l’organisation de notre temps de travail, le jeu dont il est question se situe déjà « entre les images* ». Cette formulation inventée par Raymond Bellour dix ans plus tard, qualifie la nature des nouvelles images produites par les médias de distribution comme un lieu de passage, un mouvement agissant entre l’immobilité propre à la peinture et la photographie, et le mouvement propre au cinéma et à la vidéo. Entre figuration et dispersion. À l’époque déjà, ce flux actif 24h/24 et 7j/7 dans les accélérateurs de diffusion que sont les moyens de transmission télévisuels s’impose au spectateur par sa particularité de lieu sans espace. Hier hertzien et aujourd’hui online, ce flux est plus que jamais impossible à saisir, ou à stopper. Il n’a ni début, ni fin, ni coordonnées géographiques, et face à lui, chacun d’entre nous devient à la fois écran de réception et émetteur… nous sommes mobiles, portables, intégrés, connectés, accélérés.

Dans cette accélération prédite par Raymond Bellour, et peut être afin d’éviter de laisser flotter l’information sans jamais ancrer le fond qui en relie les éléments, les nouveaux canaux de distribution sont situationnels : les contenus partagés sont liés à un compte utilisateur, ses préférences, son historique de navigation. Il semble toujours y avoir un modèle, une anecdote, une stratégie, un groupe derrière le contenu diffusé. En revanche, si le message est sans adresse, il n’est pas sans spécificité, car organisé par des écosystèmes dont la programmation algorithmique nous tend des pièges réguliers. Aujourd’hui, la moindre de nos activités ou de nos productions alimente un nombre grandissant d’algorithmes au point qu’il est vain de tenter de désigner ces écritures ou leur data. Cependant, au sein de cet espace marchand, la distance qu’imposait l’accès à la technologie pour le public s’est restreinte. Hier, la télécommande faisait de nous des programmateurs, situation renforcée dès lors que la télévision est devenue une entité transgenre dont la distribution doit être compatible à toutes les plateformes de diffusion. Aujourd’hui, au-delà de la programmation, l’accès à la production et au direct est largement accessible et regroupe une multiplicité de communautés amateurs, d’actions, d’attitudes, d’écriture non soumises à modération. Bellour le disait déjà : « tout, vraiment tout passe à la télévision*», tous type de contenu, artistique ou non, se fondent dans un même flux, visionnés au gré du désir du spectateur-programmateur.

En 2014, avec le projet « Performance Proletarians** », nous empruntions ce terme à Diedrich Diederichsen afin de désigner avec lui la nouvelle classe (créative) apparue avec les nouvelles conditions technologiques de circulation et de diffusion de contenu artistique. Une classe ne fonctionnant plus seulement en tant que « force de travail, mais en tant que force de vie, déployant les produits de son activité créative à travers un flux continu d’énergie, d’agilité, de charme, de talent. » Dans ces conditions dérégulées et dé-professionnalisées, la télévision n’est plus le négatif de notre temps de travail, elle est partout, en temps réel, dématérialisée. Puisque le médium est désormais à disposition, il est temps de jouer avec le message.

Aujourd’hui, nous pensons que le rapport des pratiques artistiques contemporaines aux nouveaux médias de masse ne peut plus exister dans les conditions d’extériorité encore envisageables dans un passé récent. Il s’agit désormais d’occuper cette position mainstream et amateur, de rejoindre les communautés existantes, d’imiter plutôt que d’opposer et d’y générer un espace où les artistes ne négocient pas uniquement un programme, mais prennent en charge la totalité d’un média télévisuel alternatif et y distribuent leur travail.

Ce média, c’est LABOR ZERO LABOR.

Se jouant des idées de « divertissement » et « d’événement » qui entourent l’image de la télévision en direct, ainsi que de la récente tension créée par les nouveaux réseaux sociaux de diffusion en direct, LABOR ZERO LABOR agit sur la façon dont cette diffusion peut changer notre compréhension de la culture de la prise de parole dans l’espace public.

Au delà des relations entre performance et technologie du divertissement, LABOR ZERO LABOR se concentre sur un écosystème lié à une communauté post-media avec sa propre autonomie, ses propres méthodes d’action en direct et son propre langage de programmation. Car dans le système néolibéral décrit par Diederichsen, chaque participant, quelque soit sa position, peut prendre part à la programmation. Il s’agit peut être de déterminer à nouveau un projet commun, des formes organiques et sociales alternatives, et de réanimer ce lien relationnel cher aux artistes qui dans les années 1990 étaient à la recherche de nouvelles répartitions de temps de travail et de temps libre. La télévision était alors envisagée comme un véritable dispositif de médiation sociale permettant un tissage relationnel et l’écriture d’une nouvelle narration. C’est la mise à disposition du médium qui devait permettre ce nouvel agencement social mutant. Aujourd’hui, dans un contexte de technologie accessible à tous et de travail dérégulé, nous souhaitons nous concentrer sur l’expérience de l’écran et générer une esthétique de façon collaborative et ouverte. Écrire un langage dans l’écriture, conscient du lâché prise qu’impose le jeu de l’algorithme.

Performances, talk shows, sitcoms, programmation vidéo, littéraire, musicale, poésie… Notre programme ne peut pas être écrit comme un manifeste. Car la force de la télévision, est liée depuis toujours « à sa capacité à générer une confusion entre la description et la prescription*** ». Cette confusion positive, ce lien qui permet de fondre les contenus entre eux, provient avant tout d’une forme de programmation partagée entre le producteur et le spectateur. Nous voyons la programmation quelque soit sa forme, celle de la télécommande, de l’écran, du navigateur, ou des algorithmes comme une prise de risque, une perte de contrôle positive, une écriture qui s’auto-génère.

Nous sommes tous programmateurs. Au sein de ce flux et de cette communauté, pas de rendez-vous, ni de grille, mais le choix de se connecter, de participer et de se déconnecter.

C’est cet enchevêtrement originel des contenus que nous envisageons comme le code spécifique de notre programmation. Au-delà d’un activisme menant à des considérations politiques pragmatiques, LABOR ZERO LABOR propose avant tout de défier les mécanismes de la télévision et de déployer le potentiel technique du médium pour une redistribution radicale de sa capacité de diffusion.

Chaque broadcast mené par LABOR ZERO LABOR est une affaire périlleuse et son apparition à l’écran semi-clandestine. C’est un divertissement proche d’une entreprise impossible : dans un lieu virtuel, sans espace, en accélération, mais qui réussit pourtant à émettre… Il est complexe de parler de média d’artistes sans dessiner la géographie presque quantique de ces lieux sans espaces, de tous ces projets, crashés contre le mur d’une économie précaire, ou simplement laissé en stand-by, comme ces programmes de nuits, refuges bien connus spectateurs qui dérivent jusqu’aux créneaux horaires impossibles. Et c’est pourtant là que se trouve ce non-lieu, dans des situations impossibles à raconter, à archiver, ou à formater… Plutôt que d’en parler occupons-le, produisons-le, programmons-le, réalisons-le et regardons-le sur LABOR ZERO LABOR !!!

* Raymond Bellour, « L’Entre-Images », Photo. Cinéma. Vidéo, La Différence, 1990, p. 33

** Diedrich Diederichsen, “On (Surplus) Value in Art”, 2008, Sternberg Press. Voir « Performance Proletarians », un projet de Lili Reynaud Dewar et Benjamin Valenza, Magasin CNAC, Grenoble, 2014.

*** Chus Martinez, “Television Atmosphere” in “Are you ready for TV”, MACBA / Centro Galego de Arte Contemporánea – CGAC

2010.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.