Jusqu’au 24 octobre 2016, la fondation LUMA Arles présente « Colored Sculpture », une installation surprenante et dérangeante de l’artiste américain Jordan Wolfson.
Visible du jeudi au dimanche, de 11h à 19h, « Colored Sculpture » occupe une partie des ateliers de production artistique de la Mécanique Générale au Parc des Ateliers. Le pantin articulé de Jordan Wolfson exécute son insolite chorégraphie, à deux pas de l’espace où se produisaient récemment le LA Dance Projet et Benjamin Millepied…
On attendait avec curiosité de découvrir l’installation de Jordan Wolfson, présentée par la galerie David Zwirner, lors de la dernière Frieze Art Fair de New York.
Des échos assez dissonants précédaient son passage par Arles, avant une importante exposition au Stedelijk Museum d’Amsterdam.
À n’en pas douter, « Colored Sculpture » ne laisse pas indifférent. La « performance » du mannequin imaginé par Jordan Wolfson s’exécute devant un public attentif et plutôt interloqué.
À la fin, les commentaires s’expriment avec difficulté… après un silence pendant lequel on perçoit un certain malaise…
Pourquoi n’éprouve-t-on pas de l’empathie pour ce personnage plusieurs fois violemment projeté contre le sol ? Pourquoi ne se formule aucun sentiment de révolte devant cet enfant torturé ? Qu’est-ce qui nous retient ? Son expression narquoise et son sourire indéfinissable ? Son étrange regard où se mélangent douleur et moquerie qui semble parfois accrocher le nôtre ?
L’irruption d’une chanson des années 60, « When a Man Loves a Woman » de Percy Sledge, au milieu du fracas des chaînes, reste assez incompréhensible… La voix monotone qui énumère des pensées ambiguës demeure tout aussi énigmatique : « …four to leave you; five to touch you; six to move you; seven to ice you; eight to put my teeth in you; nine to put my hand on you; ten to put my hand in your hair… »
« Colored Sculpture » laisse un étrange sentiment d’inconfort…
Si l’on perçoit mal le propos de Jordan Wolfson – mais un existe-t-il un ? – on conseille toutefois la visite de cette installation et la rencontre avec son étonnante marionnette.
Le discours de Jordan Wolfson, lors d’une conversation avec Urs Fischer, organisée par la Fondation Luma, laisse une même impression d’ambiguïté. Interrogé par Bice Curiger (Fondation Van Gogh Arles), Beatrix Ruf (Stedelijk Museum) et Hans Ulrich Obrist (Serpentine Gallery), il a repris pour l’essentiel les propos de son entretien avec Sadie Coles dans la revue Intermission, en 2015.
Son engagement dans I’« Animatronic Art », serait lié à une visite de la salle des présidents à Disney World, en 2012 et à l’étrange frisson éprouvé par Wolfson devant la figure animée de Barack Obama… « Une sensation physique que j’ai vécue dans mon propre corps par rapport à un troisième corps, un corps artificiel ». Impression qu’il déclare ne plus pouvoir ressentir face à son travail… qu’il considère avec pointe d’ironie comme une addiction…
Jordan Wolfson affirme ne pas développer de pensée critique dans son installation. « Je laisse au visiteur toute responsabilité pour l’interprétation. Chacun est libre d’interpréter ce qu’il veut. »
Flora Katz, dans une critique en ligne sur Mouvement.net, souligne avec pertinence ambiguïté inhérente à ce travail : « Si Jordan Wolfson développe sa puissance à jouer avec nos émotions, il laisse notre raison en dehors du jeu critique. Il y a dans cette pièce du sensible, rien que du sensible. Or si l’art est un espace d’émancipation, c’est parce qu’il peut activer non seulement une sensibilité, mais aussi la pensée ».
À lire ci-dessous la présentation de l’oeuvre et de l’artiste par la Fondation LUMA.
En savoir plus :
Sur le site de la Fondation LUMA
Sur la page Facebook de la Fondation LUMA
Jordan Wolfson sur le site de la Galerie David Zwirner
Article à propos de l’installation présentées à New York sur le site d’ArtNews
« Sadie Coles Interviews Jordan Wolfson ». Intermission (2015)
Flora Katz, « Inconfortable loisir » sur le site Mouvement.net
Ben Davis, « Jordan Wolfson’s Creepy Robot Art Reboots Jeff Koons » sur le site artnet
Jennifer Piejko, « Jordan Wolfson David Zwirner / New York » sur le site Flash Art
Scott Indrisek, « Jordan Wolfson’s Hypnotic Abuse At Zwirner » sur le site Boulinartinfo
À propos de « Colored Sculpture »
Vivant entre Los Angeles et New York, Jordan Wolfson (né en 1980) est connu pour ses œuvres virulentes qui font appel à une vaste palette de moyens d’expression, vidéo, sculpture, installation, photo, performance, … Puisant intuitivement dans l’univers de la publicité, d’Internet et des nouvelles technologies, il produit des récits ambitieux et énigmatiques souvent centrés sur des personnages de fiction animés.
Les cheveux roux, les taches de rousseur et l’allure gavroche de « Colored Sculpture » évoquent des personnages littéraires ou de la culture populaire américaine tels que Huckleberry Finn, Howdy Doody et Alfred E. Neuman, la mascotte du magazine Mad. Très soignée en apparence, la statue est suspendue par de lourdes chaînes à un grand portique équipé de moteurs programmés pour chorégraphier ses mouvements. L’installation a une présence matérielle puissante : elle remplit toute la salle d’exposition, tandis que la figure du jeune garçon est alternativement soulevée grâce aux chaînes puis violemment jetée au sol. La frontière entre figuration et abstraction se brouille en même temps que le potentiel narratif et formel de la sculpture s’élargit.
Les yeux de la statue sont équipés d’un système de reconnaissance des visages qui lui permet de suivre le regard et les mouvements des visiteurs, ajoutant ainsi une interaction physique avec l’œuvre. Grâce à la fibre optique, ces mêmes yeux projettent par intermittence des images et des vidéos, réalisées par l’artiste ou tirées d’autres sources, qui toutes semblent sonder les préoccupations et les désirs inconscients de notre société de consommation.
La bande-son sans rapport évident avec l’installation souligne les tensions et les distorsions que l’artiste établit entre la réalité et l’artifice, le sujet et l’objet, la signification et le sens.
À propos de Jordan Wolfson
Au cours des dix dernières années, Jordan Wolfson s’est fait connaître grâce à ses œuvres virulentes qui font appel à une vaste palette de moyens d’expression, vidéo, sculpture, installation, photo, performance, … Puisant intuitivement dans l’univers de la publicité, d’Internet et des nouvelles technologies, il produit des récits ambitieux et énigmatiques souvent centrés sur des personnages de fiction animés.
Jordan Wolfson est né à New York en 1980. En 2003, il reçoit un diplôme de sculpture de la Rhode Island School of Design. Son travail a été présenté à la galerie David Wirner de New York en 2016 et au Cleveland Museum of Art dans l’Ohio, en 2015.
En 2014, une sélection de ses vidéos a été exposée à la McLellan Galleries de Glasgow, dans le cadre de la sixième édition du Glasgow International. En 2014, il a également participé à « 14 Rooms », dont le commissariat a été assuré par Klaus Biesenbach et Hans Ulrich Obrist et présenté pendant Art Basel.
L’exposition « Jordan Wolfson: Ecce Homo/le Poseur » organisée au Stedelijk Museum voor Actuele Kunst (S.M.A.K.) de Gant, en 2013, fut la plus grande rétrospective de son travail à cette date. En 2013, il a également organisé sa première exposition individuelle au Royaume-Uni, à la Chisenhale Gallery de Londres.
D’autres institutions ont présenté son travail: Kunsthalle Wien, Vienne ; REDCAT, Los Angeles (2012) ; Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf (2011) ; CCA Wattis Institute for Contemporary Arts, San Francisco (2009) ; Swiss Institute of Contemporary Art, New York (2008) ; Galleria d’Arte Moderna e Contemporanea di Bergamo, Italie (2007) ; et la Kunsthalle de Zurich (2004).
En 2009, il a reçu le prestigieux Cartier Award décerné par la Frieze Foundation, qui permet à un artiste non britannique de créer un projet à la foire Frieze Art Fair de Londres.