Emma Dusong Suivre sa voix au Crac à Sète

Emma Dusong, Classe, 2012 - Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016
Emma Dusong, Classe, 2012 - Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016

Jusqu’au 24 avril 2016, le CRAC (Centre Régional d’Art Contemporain) accueille, dans le cadre d’une project room, Emma Dusong pour Suivre sa voix, une proposition émouvante qui mérite une passage par Sète.

Emma Dusong - Exposition Project room Suivre sa voix © Emma Dusong
Emma Dusong – Exposition Project room Suivre sa voix © Emma Dusong

L’exposition s’organise autour d’un ensemble d’installations, de dispositifs sonores, de sculptures, de photographies, de gravures et de vidéos où il est question de voix et de disparition.
Avec sobriété,  pertinence et à propos, Suivre sa voix réussit à utiliser au mieux les espaces parfois difficiles du premier étage. Dans un parcours qui s’articule en deux mouvements, les pièces s’enchaînent avec délicatesse autour de la voix « celle de la personne aimée et disparue, l’entendre encore en soi, la décrire pour mieux s’en souvenir, quitter la mélodie, et suivre sa voie, la nôtre… »

Suivre sa voix : Le projet d’Emma Dusong

Pour éviter toute paraphrase, on reproduit, ci-dessous, un propos de l’artiste où elle évoque son travail :

« Je m’intéresse à la voix humaine, sa dimension vivante et évanescente, tellement présente, expressive et tactile. Je viens au départ de l’image et j’ai eu besoin à un moment donné d’un médium qui soit le plus vivant possible dans le prolongement de la respiration. Chanter était aussi ce qui me faisait le plus peur et me permettrait donc de donner un renouveau à ma pratique. Ce qui me trouble dans la voix chantée est le côté vertigineux de la voix. La voix a cappella émise sans amplification lui permet d’être la plus suspendue possible, la plus vulnérable. Dans mes expositions, je déclenche souvent des objets ou des installations par une performance chantée puis la voix se déplace dans les objets qui chantent, parfois en mouvement. Plus récemment j’ai développé des œuvres parlées sous forme de performance, d’objet, d’installation vidéo. J’ai compris en pratiquant comment la voix qui m’avait paru d’abord si vivante, portait en elle son irrémédiable disparition. Comment faire durer une voix ? Comment faire durer un geste ? Comment faire durer une vie quand elle n’est plus ? Ces questions jalonnent ma recherche artistique. »

Emma Dusong, Classe, 2012 - Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016
Emma Dusong, Classe, 2012 – Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016

Suivre sa voix : Parcours de l’exposition

Au sommet de l’escalier qui conduit au premier étage du centre, un petit personnage (Sans titre numéro 1, 2004) est projeté en bas du mur… Il  semble attendre le visiteur. Une voix assez douce, un peu enfantine, brutalement interrompue par un claquement et une lumière diffuse s’échappent d’une salle mystérieuse… et attirent irréversiblement l’attention.

Emma Dusong, Sans titre numéro 1, 2004 - Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016
Emma Dusong, Sans titre numéro 1, 2004 – Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016

Lorsque l’on pénètre dans cette salle énigmatique, on découvre une installation (Classe, 2012) qui reproduit une salle de classe déserte. Seize pupitres anciens évoquent une époque éloignée, une école un peu imaginaire. Leurs abattants sont relevés. Chaque casier émet une lumière qui éclaire la pièce de façon irréelle.
Au centre de la classe, un pupitre en mouvement chante : « Quand je pense, quand je pense… ». L’abattant claque en retombant brutalement. Il se relève et l’on entend : « J’ai plus de questions que de réponses… ». L’abattant retombe à nouveau, puis se soulève et il reprend : « Mais quand j’aurai plus de réponses que de questions… » Clac ! « Peut-être serai-je prête à mourir. Peut-être serais-je prête à mourir… »

La douceur du chant contraste avec l’abattant qui claque sur le pupitre. L’ensemble est étonnant, mystérieux, onirique. Il ne peut laisser indifférent… et il nous renvoie à nos souvenirs, nos angoisses, nos interrogations…
Après avoir activé son installation, par une performance, Emma Dusong confiait : « … le désir d’apprendre est confronté à un système qui éventuellement peut nous en empêcher… »

Après cette première partie, le parcours se prolonge dans une salle toute en longueur… Mais avant il faut repasser devant le fragile petit personnage que l’on efface… mais qui resurgit immédiatement.

Une première pièce (Sans toi, 2009-2015) fait transition… La projection d’un texte manuscrit montre pour l’artiste le lien important entre l’écriture manuelle et la voix… Il y est question d’une disparition de « ce moment où l’on sait que c’est la fin », dit-elle.

Ayúdame, 2016 est une œuvre sonore interactive. Il faut s’installer dans une chaise à bascule et se balancer pour écouter un récit de la grand-mère de l’artiste qui vit à Sète. Depuis deux ans, Emma Dusong enregistre sa voix. Elle lui demande de raconter son enfance, sa vieillesse, ses souvenirs, les épreuves de sa vie, les deuils, ses difficultés à se mouvoir… Elle ne parle plus qu’en espagnol et pour cette installation, elle confie à sa petite que depuis la mort de son père, elle ne chante plus… qu’elle ne peut se lever, plus bouger… qu’elle en peut plus rien faire… « Et pourquoi ? Je ne suis pas un bébé.»

Au mur deux séries de gravures en eau forte. La première (Ayúdame, 2016) montre une chaise à bascule avec un texte manuscrit de sa grand-mère « puisque c’est sa voix ». La seconde  (Pupitre, 2016)  représente un des pupitres de la Classe avec un texte « Peut-être serai-je prête à mourir. Peut-être serais-je prête à mourir… », de la main de l’artiste « puisque c’est ma voix… ».

Face aux gravures, deux masques (Larmes, 2015), moulages du visage de l’artiste… Le premier en résine, rempli de glace, évoque la fonte des glaciers. Le second en cire d’abeille, rempli de miel, représente la disparition des abeilles…

Le parcours s’achève avec une dernière installation (Ta voix, 2013) composé de deux oreillers sonorisés qui racontent  l’histoire d’une voix, celle d’une personne qui n’est plus là… « il n’y a plus de mélodie, il ne reste que cette voix… ». Un récit qui rejoint étrangement les propos de la grand-mère de l’artiste sur la disparition du chant. Trois photographies montrent l’artiste et ses deux oreillers

Emma Dusong, devant Ta voix, 2013 - Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016
Emma Dusong, devant Ta voix, 2013 – Suivre sa voix, CRAC Sète, 2016

Pour Emma Dusong « Toutes les pièces qui sont présentées dans cet espace parlent du deuil et de la disparition… J’avais envie que d’un côté, on soit sur l’idée de l’addition, de l’apprentissage, comment on gère le fait de se construire… et ici, c’est plus l’idée de soustraction,  de comment on gère quand on nous enlève quelque chose… »

Suivre sa voix  est un projet poignant sur la disparition, sur la voix « quelque chose d’extrêmement présent, d’extrêmement vivant et en même temps complètement évanescent… À partit du moment où elle est émise, elle n’est déjà plus là… » nous confie Emma Dusong qui poursuit en précisant : «  Je me suis intéressée à la voix parce que j’avais envie d’un medium qui soit dans le prolongement de la respiration, quelque chose de vivant qui m’a étonnamment amené sur la question de la disparition… »

En savoir plus :
Sur le site du CRAC
Sur le site d’Emma Dusong

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