Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles

Javier Pérez, Carroña (Charogne), 2011 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Javier Pérez, Carroña (Charogne), 2011 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Jusqu’au 4 septembre 2016, au pied du Pic Saint-Loup, la Maison des Consuls accueille, dans le village des Matelles, une remarquable exposition sur le thème des « Vanités » avec huit artistes de renommée internationale : Valérie Belin, Jeanne Dunning, Jan Fabre, Philippe Favier, Maïder Fortuné, Javier Pérez,  Patrick Neu et Arnaud Vasseux.

Javier Pérez, Carroña (Charogne), 2011 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Javier Pérez, Carroña (Charogne), 2011 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Marie-Caroline Allaire-Matte, commissaire de l’exposition, a sélectionné avec soin et beaucoup de pertinence une dizaine d’œuvres pour servir un projet dont elle précise ainsi les intentions :

« Il ne s’agit pas ici de relever les ressemblances et les dissemblances entre les Vanités d’hier et celles d’aujourd’hui (…)
Le thème central des Vanités n’est plus seulement la mort (ni la vie dans le miroir du mourir) mais le sens même que l’humanité occidentale a donné à son avenir, la signification du futur. L’acuité critique des artistes contemporains retourne sur elles-mêmes les illusions de bonheur associées aux objets les plus propres à définir l’excellence de nos capacités humaines à fabriquer ou à concevoir. Parfois brutalement, parfois avec ironie, parfois par la magnificence des œuvres, c’est dans l’écart entre la réalité et ses représentations qu’apparaît la forme contemporaine des Vanités
».

Les œuvres sont issues des ateliers des artistes ou prêtées par les Abattoirs Frac Midi-Pyrénées, le FRAC Languedoc-Roussillon, le CIRVA à Marseille, Carré d’Art à Nîmes et la galerie Nathalie Obadia à Paris / Bruxelles.

Le parcours exploite au mieux les contraintes des espaces en fonction de la dimension des œuvres sélectionnée. Il n’impose pas réellement de trajet à la déambulation du visiteur auquel il laisse la liberté de construire sa propre expérience de visite.

Très sobre, la scénographie est d’abord au service des œuvres ( murs blancs, dans la logique du White Cube). Cartels et textes de salle sont correctement placés ; leur mise en page élégante et aérée assurent un confort de lecture idéal.

L’accrochage met en valeur les pièces les plus spectaculaires en les isolant chacune dans une salle. Ailleurs, on ne perçoit pas une volonté affirmée de construire des rapprochements entre les œuvres. Avant tout, l’accrochage cherche à offrir l’espace nécessaire à l’expression de chaque proposition artistique, à assurer le confort du visiteur et à faciliter la circulation de son regard. Toutefois, la cohabitation du Grand Livre de Philippe Favier et d’une photographie de Valérie Belin nous a semblé assez difficile. La projection du film de Maïder Fortuné ne semble pas bénéficier toujours d’une situation idéale.

Dans le même esprit de sobriété, l’éclairage évite tout effet de dramaturgie. Le confort du regardeur est assuré à l’exception de quelques rares reflets désagréables sur une vitrine et sur une photographie.

Les cartels sont accompagnés de textes agréables à lire, sans suffisance, mais sans simplification démagogique. Ils peuvent intéresser tous les publics. Cependant, il manque au site web de l’institution des pages plus documentées, avec quelques liens vers les sites artistes afin de pouvoir préparer et/ou  approfondir la visite de l’exposition. Une présence sur les réseaux sociaux permettrait de partager l’expérience des visiteurs.

Catalogue disponible à l’accueil du musée avec des photographies de l’exposition de Céline Capelier, des textes de Marie-Caroline Allaire-Matte et d’Emilia Philippo, des entretiens de la commissaire avec Valérie Belin, Maïder Fortuné, Javier Pérez, Patrick Neu et Arnaud Vasseux, et des repères biographiques pour chaque artistes.

 Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

À lire ci-dessous un compte rendu de visite accompagné de commentaires des artistes, extraits du catalogue ou de leur site.

Sans clichés ni complaisances, « Vanités » fait subtilement écho au projet de ce nouveau musée d’art et d’archéologie, inauguré en septembre 2015 : « créer un dialogue original entre l’art et l’archéologie, avec pour fil conducteur le « savoir-faire » de l’homme et sa capacité à transformer son environnement, son rapport au temps et à l’espace, ou simplement lui-même ».

Il faut saluer le remarquable travail de Marie-Caroline Allaire-Matte dont on apprécie régulièrement les expositions présentées à la galerie AL / MA à Montpellier. Rappelons qu’elle assure la direction artistique et le commissariat de IN SITU Patrimoine et art contemporain, manifestation estivale qui  propose un dialogue entre l’architecture patrimoniale et l’art contemporain dans 11 lieux du Gard aux Pyrénées-Orientales. Elle est également commissaire de l’exposition « Accélération d’espace » de Vladimir Skoda, présentée actuellement à l’Aspirateur à Narbonne.

Soulignons également  l’engagement du service Culture-Patrimoine de la Communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup pour sa promotion de l’art contemporain en milieu rural. Signalons aussi  la rénovation très réussie de la Maison des Consuls, la qualité du projet muséographique et la présentation des collections permanentes.

« Vanités » est une exposition qu’il ne faut surtout pas manquer avant la fin de l’été.

En savoir plus :
Sur le site de la Maison des Consuls
Sur le site de Valérie Belin, Jan Fabre, Philippe Favier, Maïder Fortuné, Javier Pérez, Patrick Neu (Wikipédia) et Arnaud Vasseux.

Vanités – Parcours de l’exposition

Patrick Neu, Crâne, 2015

Au fond du couloir qui conduit à l’entrée des anciens appartements en enfilade,au premier étage de la Maison des Consuls, un crâne en cristal noir de Patrick Neu interpelle le visiteur.

Patrick Neu, Crâne, 2015 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Patrick Neu, Crâne, 2015 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Symbole récurrent dans les vanités du XVII° siècle, l’artiste précise son intention à propos de cette pièce : « (…) Le crâne représente la mort et l’homme. C’est la permanence de la vie qui apparaît à travers l’image de la mort. J’avais envie de réaliser cet objet en cristal, avec le poids, la fragilité de cette matière. Il s’agissait aussi d’inverser la couleur, de la déplacer.
Du blanc de l’os, aller vers le noir de la mort. Je voulais également rendre compte de la densité de la matière, de son poids, opposés au vide inhabité du crâne, souligner ce vide par une matière pleine
 »*.

Pour découvrir la suite de l’exposition, il faut franchir la porte « Des mondes à entrevoir », sculpture réalisée par Dominique Fajeau, pour l’inauguration du musée.

Javier Pérez, Carroña (Charogne), 2011

La rencontre de la Carroña (Charogne) de Javier Pérez est toujours un étonnement et un moment d’émotion. À elle seule, cette installation spectaculaire peut justifier un passage par la Maison des Consuls.

Javier Pérez, Carroña (Charogne), 2011 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Javier Pérez, Carroña (Charogne), 2011 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Répulsion et fascination accompagnent la découverte de ce lustre rouge, grandiloquent, en verre de Murano, brisé au sol, proie des corbeaux, comme une charogne sanglante…
L’artiste en raconte ainsi l’origine :

« Quand on m’a invité à participer à l’exposition Glasstress 2011, évènement parallèle à la 54ème édition de la Biennale de Venise, et à produire une oeuvre dans les ateliers de verre de Murano, j’ai aussitôt pensé que la première chose à faire c’était de visiter ces ateliers et de me plonger dans l’activité rarement accessible de cette petite île. Ce fut une grande chance de pouvoir découvrir et d’avoir un accès privilégié à ces techniques et à toute une tradition artisanale qui s’est conservée jalousement. (…) Je me suis rendu compte que je voulais précisément travailler à partir de la tradition et avec les objets qui remontaient aux origines de la production de Murano. Mettre à profit cette tradition, la virtuosité de ses artisans et des productions dont ils sont spécialistes. (…) Les lustres de verre ont été pendant des siècles la principale production de l’île. (…) Objets à l’ornementation délirante dans lesquels le luxe et l’ostentation atteignent leur splendeur maximale.

Ainsi a surgi Carroña, une œuvre avec laquelle j’ai voulu questionner les notions de beauté et de bon goût, notions si ambigües dans la production vénitienne. La production de Carroña a commencé précisément par le choix, sur catalogue, d’un lustre au dessin traditionnel. De ce point de vue, l’œuvre a quelque chose d’un «ready made» sur lequel je suis intervenu à posteriori. Avec Carroña, nous découvrons un somptueux chandelier vénitien d’un rouge intense, effondré en mille morceaux sur le sol, privé de son éclat et de sa pompe, cruellement brisé. Une carcasse fragile et des milliers de morceaux de verre rouge dispersés sur le sol donnent l’impression de contempler les restes d’un grand animal mort dans une flaque de sang. Sensation renforcée par le vol de corbeaux qui se nourrissent des résidus de cette catastrophe devenue un grand festin d’opulence ornementale. Le luxe se transforme en un animal en décomposition, la fascination en répulsion et les deux extrêmes coexistent dans l’œuvre avec une étrange harmonie »*.

Valérie Belin, Quatre tirages de la série « Robes de Calais », 1996

Sur la gauche d’une petite salle étroite, au sol légèrement en pente, on découvre quatre photographies, grands formats, en noir et blanc de Valérie Belin.

Valérie Belin, Quatre tirages de la série « Robes de Calais », 1996 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Valérie Belin, Quatre tirages de la série « Robes de Calais », 1996 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Commande du Musée de la Dentelle de Calais, ces images montrent des robes conservées dans des sarcophages de carton. Photographiées de dessus, ces  tirages argentiques illustrent la distance qui caractérise le travail de l’artiste. À propos de cette série « Robes de Calais », elle précise :

« Ma démarche était matérialiste et mon approche était distanciée. Lorsque j’ai photographié ces objets, je me suis plus attachée au rendu des détails qu’à celui de l’ensemble lui-même, qui est plutôt informel. Le rendu des détails permet de voir par exemple que la maille des tissus est usagée, et que ces robes ont été portées. Mon intention était donc plutôt de rendre lisible par l’agrandissement plutôt que de rendre visible ».

Jeanne Dunning, Patrick Neu et Arnaud Vasseux

L’exposition se poursuit avec la confrontation de trois univers artistiques.

Jeanne Dunning, Patrick Neu et Arnaud Vasseux - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Jeanne Dunning, Patrick Neu et Arnaud Vasseux – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Jeanne Dunning, Untitled, 2008

La photographie (Untitled, 2008) de l’américaine Jeanne Dunning  présente une citrouille en décomposition…

Jeanne Dunning, Untitled (pumkin), 2008, photographie. 81,9 x 116 x 2 cm. Collection Frac LR
Jeanne Dunning, Untitled (pumkin), 2008, photographie. 81,9 x 116 x 2 cm. Collection Frac LR

La référence au personnage populaire de « Jack à la lanterne »,  associé à la fête d’Halloween, est évidente. Si l’image évoque le crâne souvent présent dans les Vanités, elle montre  un aspect rarement représenté dans les natures mortes :  le processus de décomposition, la pourriture des matières organiques, reflet de notre avenir périssable…

Patrick Neu, Verres en cristal, noir de fumée, 2015

On retrouve Patrick Neu avec cinq verres à pied, ou plutôt des cloches, en cristal de Saint-Louis, réalisés en 2015. Sur les parois, on découvre des scènes empruntées à des gravures du XVIe siècle, dessinées dans la suie déposée par la fumée d’une bougie.

Patrick Neu, Verres en cristal, noir de fumée, 2015 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Patrick Neu, Verres en cristal, noir de fumée, 2015 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Dans sa conversation avec la commissaire, il explique ainsi sa démarche :

« En me réappropriant ces images, je constate que le dessin n’a pas beaucoup évolué, c’est le même geste : un dessin est toujours un dessin. À la fois, c’est un geste qui date et en même temps, il est très contemporain par les thèmes. J’entends les commentaires sur les œuvres citées, on croit les connaître en les reconnaissant dans la suie de fumée, parce que ces images ont été vues dans un livre ou en reproduction, mais en fait, connaître une œuvre suppose beaucoup plus d’attention. Je veux que ma démarche amène à cela, que chacun comprenne que cela fait partie de notre histoire, que cela devienne un lien »*.

Par leur virtuosité technique et leur fragilité, ces objets évoquent les verres souvent représentés dans les natures mortes, symboles, entre autres, de la vulnérabilité de la vie humaine. Des pièces semblables avaient attiré l’attention lors de l’exposition que le Palais de Tokyo avait consacrée à l’artiste, en 2015.

Arnaud Vasseux, Creux, 2011-2012

Par leur matière, par leur jeu avec la lumière, par leurs « empreintes » ces verres de Patrick Neu font écho aux  Creux qu’Arnaud Vasseux a réalisés en 2011-2012 au CIRVA à Marseille.

Arnaud Vasseux, Creux, 2011-2012 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Arnaud Vasseux, Creux, 2011-2012 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Sur le site documentsdartistes.org, il en explique l’origine de cette réalisation et sa démarche :

« Les Creux sont un ensemble de dix empreintes du creux de la main gauche de chaque employé du CIRVA et de ma propre main gauche. Le terme Creux renvoie autant au nom technique et approprié qui désigne un moule qu’au creux précisément de la main. Les Creux produisent une image, une empreinte précise, détaillée des lignes de la main. À ce caractère singulier s’ajoute la couleur particulière du verre dont les nuances dépendent de multiples facteurs : composition de la couleur, température du four et durée de la cuisson. Chaque flaque de verre pétrifiée manifeste aussi la réalité de sa matière, ces différents états, de l’état liquide à sa viscosité, ainsi que son instabilité sur de très longues durées, alors que le sens commun envisage plutôt son immuabilité. La viscosité désigne un état intermédiaire entre liquide et solide. Loin de s’approcher d’une pratique divinatoire (la chiromancie), il s’agit plutôt de mettre en relation l’identité avec le geste de saisir, de recueillir une petite quantité de matière, en rassemblant des temporalités distinctes ».

Arnaud Vasseux, Creux, 2011-2012 détail - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Arnaud Vasseux, Creux, 2011-2012 détail – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Dans l’entretien avec MC Allaire-Matte, il précise :

«  C’est (…) le portrait d’un atelier et d’un groupe de personnes. (…) L’identité du CIRVA réside dans ces compétences réunies autour des projets de chaque artiste. La présence de cette équipe entre en jeu lors des différentes étapes de l’élaboration à la réalisation. Pourquoi, dans ce cas, ne mouler que le creux de mes propres mains ? J’ai donc sollicité chacun pour une brève séance de moulage où quelque chose de la photographie s’est rejoué et où, en effet, l’instant se combine au temps long puisque les empreintes de chacun sont désormais fixées dans le verre. Malgré la simplicité du résultat, le processus exige de nombreuses étapes pour ne pas risquer de perdre le détail de l’empreinte réalisée initialement au plâtre. Avec le moulage, c’est toujours l’écart qui travaille la duplication. À l’image des lignes de la main, se superpose celle, fictive, du verre visqueux porté au creux de sa main… chose bien sûr impossible dans la réalité. Depuis 2013, l’équipe a changé, certains sont partis, d’autres sont arrivés. Ce qui demeure, c’est l’idée de ce groupe partageant une expérience dans ce même lieu à un moment donné, un morceau d’histoire inclus autant dans la forme que dans la matière »*.

Valérie Belin et Philippe Favier

La salle suivante présente deux œuvres qui ont peu en commun sauf d’avoir l’une et l’autre un rapport à la nature morte et à la Vanité. Leurs univers très dissemblables font qu’elles ont des difficultés  à cohabiter…

Valérie Belin et Philippe Favier - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Valérie Belin et Philippe Favier – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Valérie Belin, Sans titre, 1998

Le grand tirage photographique de Valérie Belin appartient à la série des voitures qui a succédé à celle des robes. On oublie rapidement les quelques reflets dans la partie supérieure de cette image magnifique tant elle est captivante.

Valérie Belin, Sans titre, 1998 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Valérie Belin, Sans titre, 1998 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

La précision des détails, l’utilisation de la lumière lui donnent un caractère abstrait malgré une figuration réaliste qui rappelle les objets des natures mortes du XVIIe. Au regardeur d’en apprécier la virtuosité et d’y trouver un éventuel sens moral… Le cartel reproduit un extrait d’une conférence à la Fondation Ricard, en 2006 où l’artiste évoque cette série :

« J’ai ensuite eu envie de photographier des objets opposés aux beaux objets photographiés auparavant. J’ai alors choisi délibérément les carcasses de voitures, un objet repoussant, sorte de ruine moderne mais pour arriver à un résultat quasiment similaire à ce que j’obtenais avec les miroirs de Venise. J’ai obtenu cette forme d’équivalence grâce à la lumière du soleil qui frappait ces carcasses et qui exaltait tous les phénomènes lumineux liés au froissement de la tôle, aux pare-brise cassés, au fort contraste de la couleur sombre des voitures. Le redressement à la verticale de l’objet provient du travail effectué sur les robes au musée de Calais. On retrouve, ainsi, dans mon travail, une alchimie d’une série à l’autre. Ce sujet m’a permis de me rapprocher de l’humain, par un effet d’absence, puisqu’en voyant ces carcasses de voitures on pense nécessairement à leurs occupants qui ne sont plus là. Par cet effet d’absence, les objets sont comme des chrysalides vides. Ces photographies ont un caractère très abstrait, proche de la sculpture. Je les ai réalisées dans les casses automobiles, par temps de grand soleil. Je demandais aux employés de déplacer les carcasses qui m’intéressaient et de les positionner par rapport à la lumière du soleil, dans un lieu dégagé afin de décontextualiser l’objet ».

Philippe Favier, Le Grand Livre, 2009

Cet objet est un des plus inattendus et des plus spectaculaires de l’exposition.  23 planches de dessins de deux mètres de longueur présentées dans une boîte «  valise », en bois, qui, une fois ouverte, se déploie sur 4 mètres…  Le décrire relève du défi !

Philippe Favier, Le Grand Livre, 2009 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Philippe Favier, Le Grand Livre, 2009 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

À l’occasion de l’exposition Papeteries, dans la galerie contemporaine du Musée d’Art moderne et d’Art contemporain (MAMAC) de Nice, Michèle Brun écrivait à propos de ce Grand Livre :

« On doit se pencher sur l’œuvre avec la patience attentive de l’entomologiste, presque à la loupe, pour savourer avec gourmandise la danse étrange de ces figurines monstrueuses pleines d’humour, ces squelettes dansant, ces corps aux distorsions bizarres, ces animaux à l’allure humaine. Collages infimes, couleurs subtiles et textes manuscrits apportent leur charge d’énigme à l’ensemble. Certains caractères sont inversés et on joue à lire à l’envers. On identifie tel mot ou telle portion de phrase mais comment les relier à un sens global ? Mots et images s’enchevêtrent dans un ordre qui n’appartient qu’à Favier, sur de longues bandes de papier à la manière d’une broderie de Bayeux dont on tournerait les pages ou de phylactères porteurs de messages. Les personnages ? Des squelettes batifolant, quelquefois revêtus de chair comme d’un habit, ou auréolés, des animaux composites et monstrueux rigolards, se racontent leurs histoires indéfiniment, tout juste soulignés de quelque écriture manuscrite qu’on déchiffre à peine. Des machines infernales, des meubles sur lesquels on serait bien incapable de se poser sans risquer son équilibre à défaut de sa vie… »

Philippe Favier, Le Grand Livre, 2009 Détail - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Philippe Favier, Le Grand Livre, 2009 Détail – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

À propos de son travail, elle ajoutait: « Philippe Favier porte une interrogation récurrente sur la nature humaine, dérisoire, absurde ou tragique à la fois… »

Jan Fabre, Stillife with artist (Nature morte avec artiste), 2004

Une salle entière est attribuée à cette œuvre emblématique de la collection des Abattoirs : La tête, les ailes, les pattes et la queue d’un paon naturalisé sont fixé sur un cercueil en bois intégralement recouvert d’ailes de scarabée.

Jan Fabre, Stillife with artist (Nature morte avec artiste), 2004 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Jan Fabre, Stillife with artist (Nature morte avec artiste), 2004 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

Présentée lors de l’exposition L’ange de la métamorphose, au Louvre, en 2008, dans la section « Le rôle de l’artiste », Nature morte avec artiste est un autoportrait où l’on peut percevoir de multiples sens…
Faut-il comme le suggère Emilia Philippo que « Par un processus d’identification, Jan Fabre propose ainsi une image démiurgique et éternelle de l’artiste. Il dit d’ailleurs du scarabée : « C’est moi ça ! Je me sens comme lui : il forme sa boule, un univers qui est plus grand que lui et représente à la fois sa survie, sa connaissance de tout le chemin parcouru et sa trajectoire ». A moins qu’il ne faille retenir la vanité et l’orgueil du paon qui fait la roue et voir dans cette pièce une image ironique et distancée de l’artiste face à lui-même et au temps qui passe ? »

Maïder Fortuné, Totem, 2001

Premier travail réalisé et tourné seule par Maïder Fortuné au Fresnoy, en 2001, Totem souffre malheureusement de conditions de projection qui peuvent conjoncturellement être assez défavorable.

Maïder Fortuné, Totem, 2001 - Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup
Maïder Fortuné, Totem, 2001 – Vanités à la Maison des Consuls – Les Matelles, Grand Pic Saint-Loup

En effet, les toilettes ouvrent à droite de l’écran…  Il est donc préférable de s’assurer que ces lieux ne seront pas occupés pendant les 10 minutes que durent Totem !

 *Conversation avec MC Allaire-Matte, extrait du catalogue de l’exposition

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