Linda McCartney, Rétrospective 1965-1997 au Pavillon Populaire, Montpellier

L’importante couverture médiatique dont bénéficie cette exposition (voir la page Facebook du Pavillon populaire) et le succès populaire qu’elle rencontre (plus de 16 000 visiteurs, au 12 mars), ne nous ont pas incité à précipiter la rédaction d’une chronique à propos de cette rétrospective.

Accrochage et scénographie proposée par le Pavillon Populaire.

Il faut une fois de plus souligner l’excellence du travail réalisée par Gilles Mora et son équipe.
Si nous avons quelques reserves sur le découpage du parcours en cinq sections, l’utilisation de tirages en grand  format rythme de façon très pertinente la visite, offrant des perspectives particulièrement réussies.
Comme d’habitude, les éclairages  sont  particulièrement soignés, assurant à la fois d’excellentes conditions de conservation préventive pour les tirages (parmi lesquels on compte de nombreux originaux signés), une très belle mise en valeur du travail de Linda McCartney  et un excellent confort  pour les visiteurs.

L’accrochage propose un parcours très bien rythmé dans lequel se succèdent émotion et humour. Les rapprochements entre les œuvres sont souvent très heureux.
La section documentaire, toujours très intéressante au Pavillon Populaire, propose en particulier une série de planches contact qui permettent de comprendre la manière dont Linda McCartney travaillait.
Commissariat : Gilles Mora et les membres de la famille Paul McCartney , en collaboration avec Claudia Schmid du Linda Enterprises Ldt.

Linda McCartney, photographe.

Ce qui frappe dans le travail de Linda McCartney, c’est l’empathie qu’elle semble avoir naturellement avec ses sujets et un sens aigu du portrait. Elle avait une intuition du moment où il fallait appuyer sur le déclencheur. Paul écrit dans la préface de Linda McCartney, Life in Photographs édité par Taschen : « Elle faisait partie de ces photographes qui mettent à l’aise, et le naturel détendu de ses sujets apparaît clairement dans son travail. J’ai toujours été impressionné par son sens du bon moment. À l’instant où vous l’attendiez le moins, l’obturateur cliquait, et elle avait son image

L’exposition ouvre par la présentation d’éléments biographiques, illustrés par un portrait de Linda signé Eric Clapton. On apprécie ce choix, plutôt que le cliché de Paul, voisin. En effet, Linda McCartney fut la première femme à voir une de ses photos faire la couverture du cultissime magazine Rolling Stone, en mai 1968… C’était , un portrait de Clapton !

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Gilles Mora, commissaire de l’exposition, le Maire de la Ville de Montpellier et Paul McCartney (©2014 MPL Communications Ltd/ Ville de Montpellier – photographie Pierre Schwartz)
« Chronique des années 60 »

Cette première section  évoque le travail professionnel de Linda McCartney. Et c’est à notre avis, la section à la fois la plus intéressante, mais aussi, d’une certaine façon, la plus frustrante.
Dès son premier reportage, lors d’une fête promotionnelle organisée par les Rolling Stones sur un bateau  à New York, en 1966, elle sort des clichés étonnants…  Elle n’est alors que simple réceptionniste dans un magazine new-yorkais.  Les regards de Mick Jagger et de Brian Jones montrent combien elle captive leur attention… Qui est le sujet ? eux ou elle ?
Ce principe de l’échange entre la photographe et le modèle se retrouve sur les nombreux clichés qu’elle réalise par la suite, en particulier quand elle devient photographe attitré du Fillmore East de NYC. Elle nous laisse des portraits particulièrement évocateurs de Jimi Hendrix, Janis Joplin, Frank Zappa, Neil Young… ou encore de Jim Morrisson. De cette série, on regrettera l’absence de certain cliché comme le superbe portait de Grace Slick (Jefferson Airplane),  en 1968, à San Francisco.

On retiendra un Pete Townshend (the Who), songeur, la guitare à la main, assis au sol sous une photo des Marx Brothers qui semblent tout faire pour le « réveiller »…  mais aussi une scène de rue très réussie avec les Yardbirds à Londres, en 1968.

De son premier séjour londonien, elle immortalise un échange hilare entre Paul McCartney et John Lennon devant les deux autres Beatles, lors d’une réception chez Brian Epstein pour la sortie de Sgt. Pepper’s.
Son reportage, lors de l’enregistrement d’Abbey Road, est également très intéressant. Parmi ces tirages en noir et blanc, un des derniers moments de  complicité entre John et Paul, Ringo qui semble déjà ailleurs, tout comme GeorgeYoko Ono à demi cachée/protégée derrière Lennon… et une série de tasses empilées qui disent tout, ou rien… Une traversée d’Abbey Road qui ne sera pas retenue pour la pochette du LP.

Un peu plus loin, une photo de Paul, triste, dans le métro sue la ligne Bakerloo, en 1969… Puis Paul, éclatant de rire, un vieux manteau sur le dos, il traverse une rue de Liverpool en 1970.

Paul, Liverpool, 1970
Paul, Liverpool, 1970

Cette section s’achève en laissant un peu un goût d’inachevé, on se dit que l’on aurait aimé en avoir plus, avoir plus de mise en contexte historique… Mais en fait, c’est peut-être la nostalgie d’une période évanouie, le refus de constater que cette époque appartient à l’histoire ou au contraire le souhait, un peu confus, que cette chronique des Sixties aurait pu/du être accompagnée d’une vision plus historique… On lira avec intérêt les extraits de l’émission de la BBC, Behind the Lens en1994, publiés dans Linda McCartney, Life in Photographs (Taschen)

« Ville Familiale » et « Autoportraits »

Dans ces deux sections, le parcours nous fait pénétrer dans l’intimité du couple… Linda McCartney  conserve bien entendu son « œil » et son sens de l’instant… Inutile d’insister sur son empathie pour ses sujets…
On y voit donc de très belles photos de son bonheur avec Paul et leurs enfants  à Londres, en Écosse ou dans le Kent… À New York, dans le Nevada … ou à la Jamaïque . Certaines sont très émouvantes et très connues (Paul et Mary en Écosse, en 1970 – l’affiche de l’exposition avec Paul, Mary, Heather, en 1970), d’autres moins (Linda, Paul et Mary devant un miroir à Londres en 1969 – Paul et Mary, en 1971). D’autres sont drôles et pleines d’humour (Les pieds de Paul à la Jamaïque, en 1972 – Paul conduisant la parade des enfants dans la neige des Hampton, en 1975 – Paul et De Kooning dans les Hampton, en 1983 – multiples déguisements des enfants)…

Une très riche série de reproductions de Polaroids, montre toute la drôlerie de la vie familiale et témoignent  de l’utilisation de cet appareil qui préfigurait certains usages des appareils numériques.

Vue de l'exposition de Linda McCartney auPavillon Populaire de Montpellier (©2014 MPL Communications Ltd/ Ville de Montpellier – photographie Pierre Schwartz)
Vue de l’exposition de Linda McCartney auPavillon Populaire de Montpellier (©2014 MPL Communications Ltd/ Ville de Montpellier – photographie Pierre Schwartz)

On remarquera aussi l’attrait de Linda McCartney pour les jeux de miroirs, les doubles expositions et les reflets et autres effets de loupe.

Parmi les autoportraits, une photo très émouvante, un peu dérangeante, et semble-t-il rarement exposée, son autoportrait dans un miroir, dans l’atelier de Francis Bacon, quelques mois avant sa mort, en 1997…

Sans remettre en cause, le sens de l’image de la photographe et la qualité indéniable de nombreuses épreuves,  il y a dans ces photos d’intimité quelque chose d’étrange et de dérangeant.  Pour ceux, qui, comme moi, sont peu friands de la vie des célébrités, il y a  dans l’exposition de ce journal intime comme l’entretien d’un certain  voyeurisme qui donne un certain sentiment de malaise…
Si la chronique de la vie musicale dans les années soixante a un indéniable intérêt historique, il n’est pas certain que les souvenirs familiaux d’une des plus importantes figures de la pop music aient la même importance !

« La photographie comme outil d’observation sociale » et « Derniers travaux »

Même si elle comporte quelques images assez réussies, la section « la photographie comme outil d’observation sociale » nous a semblé assez étriqué. Certes, elle témoigne des engagements de Linda McCartney pour la vie animale et le végétarisme, elle montre aussi qu’elle n’était pas indifférente à ce qui ne passait dans la rue, hors de la bulle dans laquelle elle vivait. Mais ses images ne nous permettent pas d’adhérer au discours du commissariat qui la compare un peu vite, à notre goût,  à Friedlander, Arbus ou Winogrand…

Parmi ses « Derniers travaux », les épreuves autour des techniques anciennes ne nous ont pas particulièrement émus… Dans cette dernière partie, ce sont toujours les portraits des célébrités rencontrées dans le quotidien des McCartney ( Jim JarmuschAlan Ginsberg, Johnny Deep et Kate Moss….) que nous avons trouvé les plus convaincants…  Ils correspondent assez bien à ce que Linda McCartney produisait comme professionnelle, dans les années 60, autour de la scène musicale.

Jusqu’au 4 mai 2014. Attention : Éviter les heures d’affluence.

En savoir plus :
Sur la page facebook du Pavillon Populaire.
Sur le site de  Linda McCartney
Sur le site de Paul McCartney

Repères biographique (Extrait du dossier de presse) :

Linda Eastman, son nom de jeune fille, est née le 24 septembre 1941, dans la ville de New York. Elle va au lycée à Scarsdale High School, qu’elle quitte en 1960, après avoir obtenu son diplôme. Elle continue ensuite ses études à l’université d’Arizona, où elle se spécialise en histoire de l’art.

Linda voit se présenter l’opportunité de lancer sa carrière de photographe alors qu’elle travaille en tant que réceptionniste pour le « Town and Country Magazine ». Elle récupère une invitation dont personne ne veut et se rend à la fête promotionnelle que les Rolling Stones organisent à bord du SS Sea Panther, sur le fleuve Hudson. Elle en tire un récit de la soirée et des photographies du groupe.

Linda devient photographe professionnelle au milieu des années soixante. Ses photos de l’époque montrent la révolution musicale de cette décennie.

En tant que photographe attitrée du Fillmore East, la salle de concert new-yorkaise, elle immortalise nombre de légendes de la musique, notamment : les Rolling Stones, Otis Redding, B.B. King, les Doors, le Grateful Dead, Frank Zappa, les Beach Boys, les Who, Cream, les Kinks, Traffic, les Byrds, Jimi Hendrix et enfin, les Beatles.

Grâce à sa photo d’Eric Clapton pour le magazine « Rolling Stone » du 11 mai 1968, Linda est la première femme à voir un de ses clichés faire la couverture du célèbre magazine.

En 1968, Linda est à Londres pour réaliser un reportage photo sur les « Swinging Sixties ». Elle y rencontre Paul McCartney, au Bag O’Nails Club et le croise à nouveau quatre jours plus tard pour le lancement de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, chez Brian Epstein, dans le quartier huppé de Belgravia.

Après avoir été citée pour sa collaboration sur l’album solo de Paul, Ram, Linda le rejoint sur scène, au clavier et au chant dans leur groupe Wings. Elle continue aussi à composer et à enregistrer des chansons en solo, dont « Seaside Woman », qui sortent en 1977 sous le nom de scène Suzy and The Red Stripes. Son album « Wide Prairie » parait en 1998, à titre posthume.

En 1989, Linda se lance avec la même passion dans un nouveau défi : celui de promouvoir les mérites du végétarisme et ainsi sauver la vie de nombreux animaux destinés à l’abattoir.

C’est un mode de vie qu’ils ont adopté, Paul et elle, depuis longtemps déjà. Ses deux premiers livres de cuisine végétarienne, « Linda McCartney’s Home Cooking » et « Linda’s Kitchen » deviennent des succès internationaux. Son livre de recettes, « Linda McCartney On Tour », est publié chez Little, Brown & Co en 1998.

Suite à l’incroyable succès de son premier livre de recettes, Linda innove encore en 1991 et lance sa marque de plats cuisinés végétariens, qui deviennent bientôt les préférés des Anglais.

La gamme, composée au départ de six plats, s’est bien étoffée et en comprend aujourd’hui plus de 40.

Les photographies de Linda ont largement contribué à faire connaître la cause de nombreuses associations dont le groupe anti-fourrure Lynx, Greenpeace, le Conseil de Protection de l’Angleterre rurale, Les Amis de la Terre, le Great Ormond Street Hospital, PETA, le Hammersmith Hospital, la British Dyslexia Association, le Rye Memorial Hospital et War Child.

En 1998, Linda apporte son soutien à deux nouvelles associations, l’association Bacup de lutte contre le cancer et la Starlight Foundation. Elles recevront toutes les deux les profits liés à son parrainage de la première équipe cycliste végétarienne.

L’oeuvre de Linda s’étend jusqu’aux écrans de cinéma. Ses photographies du Grateful Dead sont l’inspiration et la base de « Grateful Dead : A Photofilm », dans lequel ses clichés s’animent et se déforment selon un procédé inventé par Paul McCartney. Ce photo-film a eu l’honneur d’être sélectionné au festival du film de New York ainsi qu’à celui de Londres.

Après son travail sur les courts métrages d’animation, « Seaside Woman » et « Oriental Nightfish », Linda participe aussi à l’élaboration d’un autre petit film, « Wide Prairie », qui est révélé au public en 1998.

Pendant toute sa vie, Linda n’a jamais abandonné son travail de photographe prolifique, capturant, entre autres, sa vie de famille, des paysages, la nature, des scènes d’intérieur et des portraits d’artistes.

Malgré tout ce qu’elle a accompli, en tant que photographe, défenseur de la cause animale, auteur de livres de cuisine, musicienne, ou pionnière du végétarisme, Linda a toujours affirmé que rien ne la rendait plus fière que les quatre enfants qu’elle a eus avec Paul : Heather, Mary, Stella et James.

 

 

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