Le musée Paul Valéry à Sète inaugure cette année, du 1er mars au 11 mai,une nouvelle manifestation biennale : 4 à 4.
Chaque édition réunira quatre expositions individuelles consacrées simultanément à quatre artistes, reconnus sur le plan international.
Quatre catalogues, consacrés à chacun des artistes invités, seront publiés à cette occasion.
Nous reviendrons sur cette initiative après une visite au musée Paul Valéry.
Le communiqué de presse précise :
La première de ces expositions met en œuvre une collaboration avec ART UP, la foire d’art contemporain de Lille, où un stand consacré au Musée Paul Valéry permet de présenter les œuvres des quatre artistes réunis pour cette première exposition, parmi lesquels figurent un Lillois et un Sétois.
Dans le cadre de cette première édition, les artistes présentés sont : Jean Denant (Sète), Curro González (Séville), Dominic Grisor (Lille) et Liu Zhengyong (Pékin).
Si ces artistes ont en commun une référence à la figuration, leur engagement sur des voies très diverses offre un regard multiple sur une création contemporaine qui ne cesse d’interroger l’identité et l’état du monde.
En savoir plus :
Sur le site du musée Paul Valéry
Sur le site de Jean Denant
Sur le site de Curro González
Dominic Grisor sur le site {Artsper}
Liu Zhengyong sur le site de la galerie Dock Sud
Jean Denant
Jean Denant fait du chantier un vestige en devenir. Car faire est un procédé sans fin construction et destruction. Alors où se conjuguent le monde pourrait bien ressembler à ce vaste mur de placo-plâtre criblé d’impacts, de traces, de blessures marquant les contours de pays et de continents gagnés au prix de multiples conquêtes. Ce ne sont pas seulement celles de terres annexées mais celles de l’homme sur lui-même, celles du travail de ses muscles et de son corps élancé dans la dynamique et l’appétit de son avenir. Alors figé, ce temps de construction devient architecture. Peinte, dépeinte, gravée en surface, elle révèle la cartographie d’un monde en creux et ronde-bosse, bâtie d’accidents inévitables et salutaires. Ainsi à plus d’un titre le Sétois Jean Denant est un artiste du territoire – le sien, celui de l’artiste libre qui observe, arrête ou accélère. Et le nôtre, celui en commun que nous construisons pour le partager- Il dit la poésie ordinaire et ouvrière du travail et de la force, rendant ainsi hommage aux bâtisseurs invisibles.
« (…) Pour réaliser ces peintures d’architectures, Jean Denant se promène, il erre et prend des photos sur les chantiers de sa région, non loin de Sète, région qui a vu fleurir de nombreux immeubles de construction modeste ces dernières années, de quelques étages, permettant de loger rapidement pas mal de monde à moindre frais. C’est à ses yeux « une architecture de la promotion immobilière, sans aucune utopie ». Il prend des photos comme on ferait un dessin de projet, un dessin technique lançant les bases du travail. Et il aime justement « figer le temps de la construction, arrêter le processus du chantier » juste au bon moment, dans le présent du faire, du geste, du plan. Il préfère d’ailleurs parler de dessin que de peinture : le dessin comme un processus, un certain « temps à l’ouvrage », pour reprendre un de ses titres. L’idée de temps recouvre ici celle de ruine, de regard archéologique sur ce qui n’est plus, dans le présent du faire : « la ruine est déjà intégrée au processus », explique l’artiste qui peint finalement un monde en « déliquescence » (…) ». Léa Bismuth
Curro González
Représentant de la génération sévillane des années 1980, Curro González précise : « Le monde tel que nous le connaissons est sans cesse sur le point de disparaître », avant d’ajouter : « L’histoire de l’humanité n’a cessé depuis son origine, de nous donner des motifs de déception ; la Bombe, par malheur, est seulement un épisode de plus parmi les nombreux épisodes honteux qui, comme des cicatrices, emplissent notre histoire ».
Le Sévillan Curro González est de ces artistes qui portent dans leur œuvre un regard sur le temps humain, celui de l’artiste et celui de la peinture. Les strates de la mémoire, les cicatrices de l’histoire et les marques que laisse l’émotion viennent nourrir son exploration sensible de l’homme et de ses choix. Avec ironie et violence, l’artiste en consigne les paradoxes et les attentes, les déconvenues et les menaces. Peintre d’une apocalypse possible, il célèbre la beauté comme il dénonce la monstruosité, dans une explosion créatrice, entre passion et raison, entre humanisme et pessimisme. Mais au-delà de son dessin descriptif, débarrassé d’affèterie, Curro González se pose en témoin et en relais de sa culture occidentale. Il livre dans sa quête sincère et tangible, une vision onirique qui interroge notre modernité et la confusion qu’elle induit, signalant en filigrane les archaïsmes qu’elle charrie. Tel un élan nouveau de la peinture ibérique, la contemporanéité de Curro González possède une puissance d’éternité : celle de l’homme, celle de la création, toujours en danger.
Dominic Grisor
« La singularité de la démarche de Grisor provient de sujets simples universellement mémorisés, semblant immédiatement porteurs de sens. (…) L’évocation prime sur la description absolue et contribue à rendre visible la pensée ». Yann Steven.
Grisor suggère sans dire. Il débusque pour les recomposer les traces de sa mémoire pour mieux éveiller la nôtre. De lettres en mots jetés sur la toile, de reflets en silhouettes fantomatiques, Grisor détaille, zoome et fragmente comme s’il voulait émietter l’univers. Tel un voyageur du temps, il glane signes et symboles épurés, grattés, simplifiés pour faire naître des mythologies quotidiennes, nourries des bruits du monde contemporain. Prolongeant son trait dans l’espace, le peintre et sculpteur cherche l’impression qui marque, celle qui s’installe et demeure à l’esprit, comme un souvenir partagé. Entre l’image perçue, l’impression inconsciente et le temps vécu l’artiste opère d’incessants allers-retours allusifs, évocateurs qui alertent la conscience. Pour lui « L’art est le dernier terrain vague ». Dès lors, en passeur habile, Grisor convie le rêve et l’espoir au- delà des vicissitudes comme une force, un moteur.
Liu Zhengyong
« Empreintes d’un expressionnisme vibrant (…), les toiles de Liu Zhengyong sont le reflet de la complexité et de la profondeur des émotions humaines, mais aussi l’expression d’une véritable réflexion sur les problèmes de la société ».
La figure humaine ne connaît pas de frontière, car l’homme est partout. Dense, trouble, intérieur, animé de doute ou paisible il est pour Liu Zhengyong le modèle d’une quête, l’incarnation d’une question autant que sa réponse. Artiste phare de la jeune peinture figurative chinoise, le Pékinois installé dans le village d’artistes de Song Zhuang, bâtit, loin des stéréotypes qui ont gagné l’art contemporain en Chine, sa vision expressionniste de l’homme en conjuguant les traditions ancestrales et un regard frontal de la vie telle qu’elle va. Son langage, d’aplats de couleurs en masses de matière, ses figures faisant qu’elles intègrent – notamment à Sète où corps aux paysages l’artiste a résidé – construisent une synthèse sensible, éloquente et parlante, libre de toute nationalité. Dans sa recherche universelle Liu Zhengyong célèbre, à sa manière perçante, la perpétuelle et inéluctable renaissance de l’art et du genre humain.
« Jeune artiste né dans les années 1980, Liu est issu de l’Académie des Beaux-Arts de Tianjin. Installé aujourd’hui à Pékin, il poursuit une démarche artistique persévérante et enthousiaste en matière d’expression. La plupart des œuvres de Liu de ces dernières années révèlent avec force l’impulsion sur laquelle elles sont fondées. Il n’a que très rarement sacrifié à la mode du stéréotype devenu populaire dans un contexte récent. C’est là que réside sa force. Car bien qu’appartenant à la génération des années post-1980, il affirme une maturité qui l’inscrit parmi les artistes comptant dans le développement artistique de la Chine. Il a ainsi su éviter certaines difficultés, s’ouvrir totalement et de manière continue à une démarche spirituelle, explorer une esthétique tout à fait personnelle, et échapper aux seules influences d’un environnement sociétal ». Yang Wei