Bissière, figure à part au Musée de Lodève

DP Bissiere_Figure a part Affiche_1À l’occasion du cinquantenaire de la disparition de Roger Bissière (1886-1964), le Musée de Lodève, en co-production avec le Musée des Beaux Arts de Bordeaux, présente l’exposition  Bissière, figure à part, du 5 juillet au 2 novembre 2014, à Lodève.

Le dossier de presse, très documenté, présente avec précision le projet et le parcours de l’exposition. Nous en reproduisons de larges extraits ci-dessous.

On reviendra ultérieurement sur cette exposition, après une visite au Musée de Lodève.

En savoir plus :
Sur le site du Musée de Lodève

Extraits du dossier de presse :

À travers une sélection de quatre-vingt-cinq tableaux, une sculpture et deux tapisseries, provenant de musées français et européens ainsi que de collections particulières, l’exposition prend le parti de placer la figure en son centre en donnant à voir l’évolution de sa présence ou de sa disparition entre 1920 et 1964. Quand une figure à part révèle la part de la figure

L’exposition  Bissière, figure à partse distingue à deux titres : elle ne se limite pas aux œuvres, plus connues, de la fin de sa vie mais montre la lente maturation, par strates successives, de sa peinture sur l’ensemble de sa carrière ; et elle prend le parti d’aborder la place de la figure dans l’oeuvre de l’artiste. Le parcours, en sept sections, donne à voir l’évolution de sa présence ou de sa disparition entre 1920 et 1964.

De chair et d’os (1920-1923)

En 1919,  Bissière qui exerce le métier de critique depuis 1912 pour des raisons pécuniaires, cesse brutalement cette activité parce qu’elle tend à occulter sa propre pratique de peintre. Il est alors tenté par le cubisme qu’il qualifie dans un article qu’il consacre en 1919 à Juan Gris, comme ayant « ramené la peinture à ses moyens traditionnels (…) ».

Roger Bissière, Le petit déjeuner, 1923, collection particulière © DR © ADAGP Paris 2014
Roger Bissière, Le petit déjeuner, 1923,
collection particulière © DR © ADAGP Paris 2014

Durant cette période, paysans ou paysannes aux attitudes hiératiques arborent des costumes rustiques et sont puisés dans les souvenirs de la vie campagnarde du peintre.

Les modèles : Cézanne, Braque, Ingres et Corot (1923-1928)

 Bissière considère assez rapidement que « le cubisme avait l’analyse, mais pas la synthèse, pas l’ordre. ». Il se tourne désormais vers d’autres modèles, Ingres dont il loue la « pureté » mais aussi son sens de la « nécessité de l’ordre » ou encore Corot.

La série des Nus (1925-1926), conservés au musée des Beaux-arts d’Agen, font état de l’admiration du peintre pour ces artistes. Les sujets à personnages dominent dans les œuvres de  Bissière de cette période. Au fur et à mesure, la figure a tendance à se laisser « happer » par la couleur qui devient structurante de l’oeuvre. La couleur, écrit Waldemar-George en 1924, « modulée avec une science certaine, émane du tableau, dont elle représente la seule base structurale.»

Roger Bissière, Deux Nus, 1927-1928, Musée des Beaux-arts de Bordeaux © Mairie de Bordeaux, cliché F. Deval © ADAGP Paris 2014
Roger Bissière, Deux Nus, 1927-1928, Musée des Beaux-arts de Bordeaux
© Mairie de Bordeaux, cliché F. Deval © ADAGP Paris 2014

Dans Deux Nus(1927-1928, musée des Beaux-arts de Bordeaux), Bissière fond les personnages dans le paysage à l’aide de touches disposées en surface.

Variations autour des grands thèmes de la peinture: crucifixions, odalisques et autres figures (1936-1939)

Dans les années 1936-1939,  Bissière cite un certain nombre de thèmes récurrents en peinture, tels le modèle dans l’atelier, l’odalisque ou encore la crucifixion, souvent annonciateurs de périodes troubles. Ils constituent pour le peintre un vaste champ d’expérimentation alliant une décomposition plastique de l’espace et des objets à leur restructuration par facettes ou par plans.

Comme d’autres peintres, dans les années 30, le peintre s’intéresse à l’art du Moyen-âge. Figure debout(1937, Mnam, Centre Georges Pompidou, en dépôt au musée d’Unterlinden, Colmar) et la série des Crucifixions sont manifestement inspirées par la statuaire romane et gothique.

Dans un format étroit et tout en hauteur, les personnages figés, se plient au format qui les accueille. Le sujet religieux de la crucifixion, absent jusque-là dans l’œuvre de  Bissière, va de pair avec un nouvel accent porté sur l’expressivité. Le peintre traduit la douleur physique du crucifié et la souffrance des personnages – Marie, Jean et Marie-Madeleine – dans un langage qui ne cite pas seulement Grünewald, mais aussi la peinture de Picasso et la sculpture africaine.

De la figure au signe (1945-1947)

Entre 1939 et 1944,  Bissière qui s’est retiré dans sa maison du Lot à Boissierette, arrête de peindre. Cet arrêt « correspond à une période de lente maturation, comme la décantation d’une émotion à la source de sa nouvelle liberté d’expression. »

Pendant ces années de guerre, le peintre se nourrit à la fois des dessins d’enfant de son fils Loutre et de sa proximité avec la nature qui lui procure à la fois labeur et plaisir. Les êtres qui peuplent son œuvre à partir de 1944 sont des bergers, des chevriers ou encore des Vénus surgis de temps reculés.

Roger Bissière, Le chevrier, 1945-1946, tapisserie, collection François de la Baume © Jean-Louis Losi, Paris © ADAGP Paris 2014
Roger Bissière, Le chevrier, 1945-1946, tapisserie, collection François de
la Baume © Jean-Louis Losi, Paris © ADAGP Paris 2014

Il réalise également une série de tapisseries d’étoffe pour lesquelles il utilise draps, rideaux, bas de laine, écharpes, sacs de toile, feutre… Sa femme Mousse les assemble ensuite et les orne de motifs décoratifs

Poésie du signe (1947-1953)

Atteint d’un glaucome, le peintre décide dans un premier temps de ne pas se faire opérer. Cette atteinte au nerf optique qui altère sa vision, contribue sans doute au choix de recourir dans toute une série d’œuvres datant des années 1947 à 1953, à la technique de la peinture à l’œuf qui favorise l’éclat des teintes vives.

Après l’exposition monographique que lui consacre la galerie Drouin, le dernier tableau qui clôt l’année 1947 et entame le nouveau cycle des peintures à l’œuf s’intitule Grande composition(1947, collection particulière). Le peintre élabore alors un langage dans lequel il inscrit des pictogrammes dans des fenêtres colorées. Le répertoire formel de ce cycle reste identique: homme, vache, plante, poisson, étoile, « mais il ne s’agit plus de la transcription d’un univers vu à travers la candeur de la vision enfantine mais d’un basculement vers le monde primitif. L’élaboration d’une écriture première, d’un répertoire de pictogrammes, tout comme le choix de l’oeuf comme médium ancrent  Bissière du côté des primitifs. » Dans Jaune et gris (1950, Mnam, Centre Georges Pompidou), un des principaux tableaux du groupe, les signes simples exécutés avec un pinceau large semblent inspirés des motifs de la peinture rupestre.

Au milieu de la bataille entre figuratifs contre abstraits,  Bissière, souverainement indépendant, veut suggérer et non représenter, « provoquer l’imagination et aspirer à cingler vers la liberté. »

Du signe à la trame (1954-1964)

Bissière est à la recherche « d’une nouvelle définition de la peinture » et en 1954, lors d’un séjour à Paris, il redécouvre la peinture à l’huile. Il retrouve toutes les subtilités des transparences et des glacis tout comme le jeu du clair-obscur qu’il explorera durant dix ans en abandonnant toute référence à une quelconque figuration. Ses toiles s’inscrivent dans des formats davantage équilibrés et plus grands. Les signes noirs rythment des plages colorées, se densifient pour former une trame de plus en plus dense et serrée.

Roger Bissière, Voyage au bout de la nuit, 1955, collection particulière, Monaco, Courtesy Galerie Jaeger Bucher/Jeanne-Bucher, Paris © studio Muller © ADAGP Paris 2014
Roger Bissière, Voyage au bout de la nuit, 1955, collection
particulière, Monaco, Courtesy Galerie Jaeger
Bucher/Jeanne-Bucher, Paris © studio Muller © ADAGP
Paris 2014

Au cours de la décennie,  Bissière devient la figure emblématique de la seconde École de Paris : il expose en 1957 au Stedelijk van Abbemuseum d’Eindhoven puis au Stedelijk Museum d’Amsterdam et en 1959 une rétrospective ouvre au Musée national d’art moderne de Paris. Enfin, il participe à la Documenta II de Kassel.

Roger Bissière, Soleil levant, 1960, collection particulière, France © Georges Poncet © ADAGP Paris 2014
Roger Bissière, Soleil levant, 1960, collection particulière, France
© Georges Poncet © ADAGP Paris 2014

En juin 1964, il représente la France à la XXXIIe Biennale de Venise et remporte une mention d’honneur en raison « de l’importance historique et artistique de son œuvre ».

Le journal en images (1962-1964)

Le décès de son épouse Mousse en 1962 atteint  Bissière au plus profond de son être. Deux voies parallèles se dessinent alors dans sa peinture : le dialogue qu’il entreprend avec la disparue, histoire de l’intime qu’il peint sur de petits panneaux de bois, et des tableaux de plus grands formats, qui dialoguent avec le monde et qui vont le représenter dans les expositions (Biennale de Venise, etc.)

Roger Bissière, Silence du crépuscule, 1964, Collection particulière © studio Muller © ADAGP Paris 2014
Roger Bissière, Silence du crépuscule, 1964,
Collection particulière © studio Muller © ADAGP Paris 2014

« La peinture le sauve du désespoir : elle permet, jour après jour, de poursuivre le dialogue avec celle qui ne vient plus dans l’atelier s’asseoir en silence tandis qu’il y travaille. Ces pages du Journal à l’huile mate souvent sur bois, témoignent de sa peine et de sa volonté de transgresser la solitude en gardant un contact au-delà de la mort. Chacun daté, ces morceaux de pure poésie sont comme un chant d’amour confession touchante d’un Philémon à sa Baucis. » Jean-François Jaeger.

Commissariat général : Ivonne Papin-Drastik, conservateur en chef du patrimoine, directrice du musée de Lodève
Commissariat scientifique : Isabelle  Bissière, auteur du catalogue raisonné de l’œuvre du peintre, et Ivonne Papin-Drastik.

Catalogue Bissiere, figure a partaux Éditions Fages. Textes d’Isabelle Bissière, auteur du catalogue raisonné de l’œuvre de  Bissière. Bernard Ceysson, Robert Fleck, et Richard Leeman.

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