Claude Viallat dans le département des Arts décoratifs du Musée Fabre à Montpellier

Dans le cadre de la grande rétrospective autour de l’œuvre de Claude Viallat que propose le Musée Fabre à Montpellier, jusqu’au 2 novembre 2014, l’artiste relève le défi de confronter ses œuvres aux collections du département des Arts décoratifs, à l’Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran.

Une conversation entre Michel Hilaire, directeur du musée Fabre, et Claude Viallat, en mars 2014, et publié dans le catalogue de l’exposition, révèle en partie les motivations de l’artiste dans cette entreprise, pour un  lieu qu’il ne connaissait pas :

M. Hilaire : « Dans l’exposition de Montpellier, éclatée en plusieurs lieux, tu as aussi répondu à ma demande d’investir l’Hôtel Sabatier d’Espeyran, département des Arts décoratifs du musée Fabre, un endroit où il y a des objets d’art, la collection de céramiques principalement du musée Fabre, du mobilier, des appartements conservés en l’état. Qu’est-ce qui t’a intéressé dans ce lieu ? »

C. Viallat : « Je viens de la petite bourgeoisie régionale, dans ces appartements, je me retrouve, je me retrouve dans ma famille. Mes grands-oncles, les gens que je voyais de la bonne bourgeoisie aubaisienne, c’était cette ambiance de grandes pièces avec des grands rideaux, avec des canapés, des tables un peu rococo, des fauteuils, des tapisseries(…)»

MH : « Ce côté surchargé et un peu confiné (…) »

CV : « Ce côté justement du bien-être bourgeois. Me confronter à ça et mettre des toiles en discussion avec ça… un certain baroquisme de tissus ou de meubles contournés… Il y a un peu tout ça qui joue, j’en suis ravi ! La première fois que je suis rentré dans ce musée, je l’ai trouvé somptueux : cette somptuosité un peu surannée en arrière-plan dans ma mémoire fait que je ne m’y sens pas complètement étranger. »

Michel Hilaire précise qu’au tournant des années 70/80, lorsque Viallat se réinstalle à Nîmes, il renouvelle son travail au travers de ses supports, souvent liés aux arts décoratifs : Tapis, nappes, dessus de fauteuils, dessus de poufs, ombrelles, passementeries… Ce qui fait matière dans un musée des Arts décoratifs.
On comprend tout l’intérêt de faire entrer ces supports marqués par Claude Viallat dans les décors de l’Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran.

Un certain nombre d’œuvres ont été sélectionnées dans l’atelier de l’artiste. Un premier accrochage a été conçu par les commissaires de l’exposition, et présenté à Claude Viallat qui a souhaité compléter cette sélection et modifier sa présentation…

Cependant, Michel Hilaire rappelle que Viallat, comme nombre d’artistes de Supports/Surfaces,  « s’est construit contre le musée, contre l’institution, contre la conservation, contre la peinture traditionnelle, contre le cadre, contre le châssis,  contre les accrochages, contre les assurances,  contre tout… » Il fallait donc que le Musée précise quelques règles du jeu :

Les œuvres devaient s’immiscer dans les espaces. Aucun objet de la collection présenté dans l’hôtel ne serait déplacé. Aucun percement se serait possible dans les murs recouverts de tapisseries et de papier peints rénovés.

Pour cette présentation, l’équipe technique du musée a déployé des trésors d’imagination en utilisant abondamment  du fil de pêche afin de suspendre les œuvres de Viallat, sans intervention dans les décors de l’Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran.

Les conversations, parfois les perturbations qui s’établissent au fil des salles se construisent autour de la couleur et des matières… quelquefois elles soulignent par des jeux de lignes, de rayures, d’ornementations, l’élégance et l’opulence des objets présentés.

Parmi les belles surprises qu’offre le parcours de visite, on retiendra :

La grande bannière du début des années 70, dans l’Escalier monumental qui rappelle les installations dans les ruelles à Coaraze, village des Alpes-Maritimes, en 1970.

Viallat - Sabatier - Grand Escalier

Le jeu subtil des matières avec le décor en lampas et damas des fauteuils du legs Bruyas et les lignes contrariées avec celles du papier peint dans l’Antichambre au premier étage.

Les relations formelles, mais provocatrices et humoristiques entre les ombrelles peintes de Villat et la paire d’émaux de Limoges en tondo dans la Salle à Manger.

Viallat - Sabatier - Salle à Manger_1_1

Un évident contraste entre une nappe très ordinaire de couleur fuchsia et les verts tendres des lambris et ceux plus soutenus de la garniture de soie brochée des sièges dans le Salon Vert.

Viallat - Sabatier - Salon vert_1

Le majestueux tissu de dentelle qui disparaît presque dans les rideaux de porte dans le Salon Rouge.

Viallat - Sabatier -Salon Rouge

L’harmonie des couleurs du cul de siège suspendu dans le Couloir de service, au premier étage.

Viallat - Sabatier - Couloir_1

Une des très belles réussites est sans conteste l’installation d’une grande bâche dans le Vestibule Bouisson-Bertrand qui s’accorde merveilleusement avec la couleur des murs, les dorures et la tapisserie aux Fables de La Fontaine de sièges du XVIIIe siècle. Elle donne une dimension singulière à la statue équestre de Louis XV. Dans ce vestibule, on remarque également une sobre et très élégante petite pièce parfaitement assortie à la couleur du mur…

Dans la Chambre, on remarque un accord raffiné avec une bâche aux couleurs mordorées dont les roses répondent avec justesse aux couleurs fanées de la tenture de la Manufacture d’Aubusson, à celles des tapisseries des sièges et aux moirures de la soie qui couvrent le lit à la turque…

Viallat - Sabatier - Chambre_1

D’amusants cerceaux aux tissus raboutés sont utilisés avec malice comme dessus-de-porte entre la Chambre et le Cabinet de travail.

Le parcours se termine, comme il a commencé, avec un drap du début des années 70, installé en  bannière dans le Cabinet de travail. Les colorants verts de la forme indéfinie, emblématique du  travail de Viallat, semblent avoir été choisis pour cette salle !

Viallat - Sabatier -Cabinet de travail

Espérons que cette deuxième perturbation de l’Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran, après celles très réussies de 2011, soit suivie d’un programme ambitieux qui permette une valorisation  régulière de la création de jeunes designers, dans les décors historiques du département des Arts décoratifs.

Chronique à suivre sur la rétrospective, après le vernissage…

En savoir plus :
Sur le site du musée Fabre
Sur la page Facebook du musée Fabre

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