De Clergue à Picasso, les Picasso de la collection Clergue au musée Réattu

Depuis le 4 octobre 2014 et jusqu’au 4 janvier 2015, le musée Réattu propose avec  De Clergue à Picasso, une découverte de la collection Picasso appartenant au photographe arlésien. Cet événement  est conçu comme un prolongement des Clergue d’Arles , l’exposition hommage à Lucien Clergue que le musée présente depuis le 5 juillet.

Parmi la soixantaine de pièces constituant la collection Clergue, on découvre avec intérêt des dessins originaux, des gravures à la pointe-sèche, à l’eau-forte, à l’aquatinte, des linogravures et des documents, souvent dédicacé par Picasso à « son ami Lucien Clergue ».  Ces œuvres sont accompagnées, en fin de parcours, par une sélection de photographies de Picasso et de ses proches par Clergue. L’ensemble évoque la relation amicale entre les deux hommes et leur rencontre qui fut déterminante dans la carrière du photographe.

Dans une première salle du parcours, au caractère intime, Pascale Picard, Directrice du musée Réattu et commissaire de l’exposition a choisi de rapprocher deux documents majeurs qui illustrent deux moments clés dans l’itinéraire de Lucien Clergue.

De Clergue à Picasso - Musée Réattu, 2014 - Vue de l'exposition
De Clergue à Picasso – Musée Réattu, 2014 – Vue de l’exposition

Le premier est un cliché d’inspiration surréaliste que le jeune Clergue a l’audace de présenter à Picasso, à la sortie de la corrida du 5 avril 1953, dans les arènes d’Arles. Le maître signe la photo et l’encourage… puis il fait découvrir ses photographies à Cocteau, qui le présentera à l’éditeur Seghers.

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Lucien Clergue, Une amie,1953, photographie d’inspiration surréaliste, tirage vintage signé par Picasso, collection Clergue © Clergue 2014

Le deuxième document est un ensemble de deux dessins à l’encre et au pinceau sur un papier ordinaire. Il s’agit d’un projet de Picasso pour la couverture de Corps mémorable, livre d’artiste que Pierre Seghers édite en 1957. Ce recueil est composé d’une suite de poèmes de Paul Éluard qui sont accompagnés de douze nus de Lucien Clergue et d’un poème de Cocteau. Le dessin de Picasso illustre la première de ouverture. Il  est exécuté d’après  une photo de la série Nus de la mer de Clergue… que l’on retrouve sur la quatrième de couverture…

Un bel ensemble d’originaux accompagnent ces deux documents.
Un dessin aux crayons sur la page de titre du livre L’œuvre gravé de Picasso, publié en 1955 est dédicacé à Lucien. On y remarque un lapin décharné, probablement inspiré par celui qui était épinglé dans l’atelier de Picasso et que Brassai a photographié. Cette photo, qui  est dans la collection de Clergue,  est présentée un peu plus loin, dans l’exposition Les Clergue d’Arles. Mais ce dessin est aussi un clin d’œil que Picasso adresse à Clergue à propos de sa série des Charognes.

La page de titre de cet ouvrage est accompagnée d’un dessin de 1959, pour la couverture de Poésie der photographie, aux éditions DuMont Schauberg. Picasso y croque un double portrait de Lucien, où positif et négatif, profil et silhouette dialoguent avec humour !

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Picasso, Sans titre, s.d. Dessin pour le n°2 de la revue Homo Ludens, Pastel gras sur papier et Sans titre, 1959. Feutre sur papier offset.

Autre duo savoureux, celui du pastel gras sur papier que Picasso réalise pour le n°2 de la revue Homo Ludens, en 1959, et sa « rectification » au feutre sur la couverture de la revue, après sa parution…
Une belle série de trois cartes de vœux en linogravure termine cette cimaise.

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Picasso, Trois cartes de vœux, linogravure.

En face, entre les deux fenêtres, deux dédicaces à Lucien réalisées sur les pages de titre des ouvrages Picasso , peintures époque bleu et rose aux édition du Chêne en 1955 et Corps mémorable, aux éditions Pierre Seghers en 1957.

Si cette première salle montre surtout des originaux des années 1950, la suivante présente un ensemble de multiples réalisés dans les années 1960.

Une cimaise entière est consacrée à une très belle édition de Sable mouvant, le poème/ testament poétique de Pierre Reverdy, écrit un an avant sa mort, en 1959. La page de faux-titre,dédicacée par Picasso à « son cher ami Lucien Clergue » est accompagnée des dix aquatintes que le maître exécute entre 1963 et 1965, sur le thème de l’artiste et son modèle. Cette série qui fait échos aux dessins, sur le même sujet, que Picasso a donné au musée Réattu, en 1971.

Se succèdent ensuite, Grand Air, une gravure à l’eau-forte, autour du poème d’Eluard qui témoigne de l’amitié et entre Picasso et le poète  et un beau portrait du graveur Pierre Crommelynck à l’aquatinte et à l’eau-forte, avec une dédicace à Clergue. Un autre portrait, à la pointe-sèche, de Paul Reyes, fils du chanteur José, des Gipsy Kings, évoque le milieu gitan d’Arles que Picasso fréquenta grâce à Lucien Clergue.
La présentation dans cet espace est complétée par les lithographies qui accompagnaient le texte de Cocteau pour Picasso de 1916 à 1961, aux éditions du Rocher, en 1962.

De Clergue à Picasso - Musée Réattu, 2014 - Vue de l'exposition
De Clergue à Picasso – Musée Réattu, 2014 – Vue de l’exposition

La dernière salle monte d’un côté un ensemble d’originaux et de multiples autour de la tauromachie, passion partagée par les deux hommes et de l’autre une sélection de photographies de Picasso et des siens par Lucien Clergue.

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Pablo Picasso, Toros, Vallauris, 1958, affiche dédicacée «Pour Lucien Clergue, son ami Picasso», linogravure, collection Clergue © Succession Picasso 2014

L’accrochage s’organise d’un côté autour d’une affiche Toros, Vallauris, 1958, une linogravure dédicacée « Pour Lucien Clergue, son ami Picasso » et de l’autre autour du Portrait à la cigarette de Picasso par Clergue, en 1956. L’exposition se construit ici autour de ce dialogue entre les deux hommes, entre la photographie et les œuvres graphiques.

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Pablo Picasso, Quatre toros pour Lucien Clergue, 1957, dessin au pastel gras, collection Clergue © Succession Picasso 2014

Tout commence par un étonnant dessin original au pastel gras Quatre toros pour Lucien Clergue, 1957. À propos de ce dessin, Pascale Picard rapporte une anecdote qui montre la complicité entre les deux hommes : Il s’agit en fait d’une sollicitation du photographe pour son projet d’ouvrage Toros muertos.  Insatisfait de la proposition de Picasso, Clergue lui envoie une photo avec des suggestions de modifications. Par retour du courrier, Picasso lui retourne la photo barrée d’un « Merde » impératif… Un peu plus loin, on retrouve un superbe lavis (Sans titre,1961) que Picasso offre à Lucien Clergue pour son livre Toros muertos.

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Pablo Picasso, Sans titre, 1961. Lavis d’encre sur papier.


Entre les deux, on apprécie les quatre lithographies originales datées du 6 mars et du 21 avril pour le Picasso Toreros de Jaime Sabartés et une gravure à l’aquatinte Citando al toro a banderillas sentado en una silla, 1957, extrait de la Tauromaquia par José Delgado qui rappellera quelques souvenirs récents aux aficionados nîmois…

On remarque aussi  quatre gravures à la pointe-sèche pour Dos Contes: El centaure picador. El capvespre d’un faune (Deux Contes: Le centaure Picador – Le crépuscule d’un faune) de Ramon Revéntós et édité par Albor en 1947. L’affiche qui annonce la présence du Centaure Picador pour une  miurada à Barcelone est particulièrement savoureuse…

Cet ensemble se termine par une belle aquatinte de 1934 (Minotaure aveugle conduit par une jeune fille).

L’exposition ne pouvait éviter l’épisode de la donation de 1971, dont Clergue s’est fait le témoin avec des photos des échanges entre Picasso et  Jean-Maurice Rouquette autour des plans du musée… incontournables aussi les photographies de Picasso au musée Réattu, pour l’exposition de 1957, ainsi que celle du peintre dans les arènes ou à la terrasse d’un café à Arles…

La présentation s’achève avec « Picasso dans l’œil de Clergue », quelques images de l’intimité de Picasso, dans son atelier, en famille ou avec ses amis, à la Californie, à Mougins et à Arles…

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De Clergue à Picasso – Musée Réattu, 2014 – Vue de l’exposition

Malheureusement, cette exposition ne pourra, faute de moyens, être accompagnée d’une publication…  Comme, il semble impossible de savoir ce que sera l’avenir de cette collection, ni de prédire si une autre occasion de la voir se représentera… On ne peut que conseiller vivement de faire un (ou plusieurs) passage par le musée Réattu, avant le 4 janvier prochain !

La scénographie sobre a été réalisée avec des moyens réduits, par les équipes du musée. Elle reste dans l’esprit de celle qui a été conçue pour Les Clergue d’Arles.

Ceux qui ont une certaine nostalgie des expositions passées, flamboyantes, montées avec audace et imagination, regarderont cette proposition, comme l’exposition qu’elle prolonge avec une certaine distance, pour ne pas dire quelques regrets…
Mais il est évident et certainement inévitable que le changement de direction s’accompagne d’une autre vision de l’exposition… plus didactique, plus scientifique, plus universitaire, plus académique…  Pascal Picard montre, avec  Les Clergue d’Arles et De Clergue à Picasso,  une approche de l’exposition plus orientée vers le mise en valeur de ses collections, dans la continuité du travail de conservateur, autour d’un discours scientifique rigoureux et didactique.
On perçoit que l’époque, où les œuvres de la collection se frottaient, parfois s’entrechoquaient, à des productions contemporaines plus éloignées, pourrait être en train de s’achever. L’idée d’un commissariat plutôt conceptuel, parfois partenaire, s’affirmant à l’occasion « d’auteur », ou quelquefois invité, assumant l’héritage d’un Harald Szeemann, et qui revendiquait l’idée de laisser au regardeur le soin de faire « couture » entre les œuvres et le lieu, autour d’un fil rouge créatif et poétique, pourrait faire partie de l’histoire des expositions au musée Réattu

En savoir plus :
Sur le site du musée Réattu
Sur la page Facebook du musée Réattu

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