Les Boutographies 2015

Jusqu’au  26 avril, les Boutographies 2015 se sont installées à La Panacée pour leur 15e édition…Nous conservons un très agréable souvenir de la précédente édition… un très agréable week-end de la fin mai, partagé avec la Comédie du livre, un accueil agréable et une cohabitation aimable de professionnels, d’amateurs avertis, d’étudiants, de scolaires et de tous ceux que l’on qualifie ordinairement de grand public.

Les Boutographies 2015 à La Panacée

Pour cette nouvelle édition, la qualité des travaux présentés et l’enthousiasme de l’équipe de l’association Grain d’Image sont toujours au rendez-vous, mais les premiers jours d’avril et le week-end pascal n’offrent pas tout à fait, la même ambiance chaleureuse.
Et disons-le clairement, le changement de lieu n’est pas vraiment une réussite. Inutile de revenir sur le feuilleton montpelliérain de ces derniers mois, ses tenants et aboutissants n’ont guère d’intérêt ici.

Laurence Rasti, Il n'y a pas d'Homosexuels en Iran - Boutographies 2015
Laurence Rasti, Il n’y a pas d’Homosexuels en Iran – Boutographies 2015

On pouvait s’y attendre, La Panacée n’est pas un lieu conçu pour exposer de la photographie. Les murs blancs, la lumière naturelle, parfois changeante, qui pénètre en abondance dans certaines salles depuis le patio, les salles quelques fois trop vastes avec de longues cimaises, un jeu de projecteurs qui n’a pas été  choisi pour éclairer et mettre en valeur des photographies, tous ces éléments nuisent un peu à  cette édition des Boutographies 2015. Il faut toutefois saluer l’engagement des équipes de bénévoles qui ont réussi, malgré tout, à jongler avec ces difficultés et ces contraintes pour présenter une exposition qui reste très correcte.

Christian Lutz, Protokoll - Boutographies 2015
Christian Lutz, Protokoll – Boutographies 2015

Pour l’année prochaine, espérons un retour au Pavillon Populaire, lieu équipé spécialement pour les expos photos… Si le festival devait rester à La Panacée, on ne doute pas que la Ville de Montpellier saura mettre en place des équipements complémentaires (lumière, cimaises additionnelles, dispositifs d’occultation de la lumière naturelle…) et des équipes techniques pour que ce lieu puisse l’accueillir avec plus de pertinence. Souhaitons aussi, dans cette hypothèse, que les Boutographies puissent construire une programmation qui fasse écho à celle de La Panacée

Le prix du Jury et le prix Echange

Pour ce week-end d’ouverture, le jury, présidé par Christian Lutz a décerné son prix à Laurence Rasti pour sa série « Il n’y a pas d’Homosexuels en Iran ». Cette jeune photographe  suisse, née à Genève, « entre deux cultures, l’une occidentale et l’autre iranienne », a étudié la photographie à l’école d’art de Lausanne (ECAL). Elle a rencontré des réfugiés homosexuels iraniens à Denizli, une petite ville de Turquie, où ils attendent de rejoindre un pays d’accueil.

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La complicité, qu’elle a su construire, lui a permis de réaliser des images pleines de joie, de force, d’imagination et d’humour, et de produire une série émouvante qui évite pathos et discours bien-pensants. Malheureusement, la présentation de ces photos, dans la grande salle, à gauche du patio, est en partie desservie par la lumière naturelle qui arrive en contre-jour. L’accrochage, séparé par les larges arcades de la galerie, atténue un peu la puissance de cette série. Avec ce dispositif l’attention du visiteur peut se perdre et être captée par les propositions voisines.

Cyril Costilhes, Grand Circle Diego - Boutographies 2015
Cyril Costilhes, Grand Circle Diego – Boutographies 2015

Le prix Echange Boutographies-FotoLeggendo a été attribué à « Grand Circle Diego » de Cyril Costilhes. Ce photographe autodidacte propose un projet très émouvant qu’il qualifie d’« exorcisme photographique », une quête personnelle qui l’a conduit sur le lieu responsable de la démence de son père…  Mais, dit-il, « cela ne m’a pas guéri. Mon père, toujours en vie, est enfermé, et moi aussi d’une certaine manière ». Les images sont poignantes et l’accrochage, très réussi, renforce l’étrange attraction qu’elles exercent.

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Le Coup de Coeur Réponses Photo officiel a été attribué à Olivier Lovey pour sa série « Puissance Foudre » que nous avons particulièrement apprécié.

Ce prix Echange est le produit d’un partenariat entre les Boutographies et le festival Fotoleggendo de Rome. Il  récompense un travail dans la programmation du festival partenaire et il est ensuite exposé dans son festival. On trouve donc dans cette édition des Boutographies,  le travail d’Alvaro Deprit, « Al Ándalus », choisi par l’équipe de Montpellier lors de l’édition Fotoleggendo 2014.

Prix du Public et Coup de cœur ARTE

Le prix du Public et Coup de cœur ARTE Actions Culturelles seront remis le samedi  25 avril à l’auditorium de La Panacée. Pour le prix du Public, n’oubliez pas lors de votre visite de voter pour la proposition de votre choix.

Le parcours d’exposition :

Le parcours débute par une salle réservée aux « Projections du Jury »,  24 propositions qui ont retenu l’attention du Jury, mais qui ne font pas partie de la sélection officielle. On retrouve le même dispositif que celui qui était utilisé au Pavillon Populaire, une boucle vidéo, projetée sur un écran… Seuls des transats ont remplacé les inconfortables bancs. On avait déjà souligné que ce dispositif était très mal adapté… Il faudra donc  attendre une prochaine édition pour espérer un dispositif plus interactif qui donne plus de souplesse à cette présentation et offre surtout la possibilité d’accéder rapidement à chacun de ces 24 dossiers !

Projections du Jury - Boutographies 2015
Projections du Jury – Boutographies 2015

La première salle de la « sélection officielle » rassemble « Grand Circle Diego » de Cyril Costilhes évoqué ci-dessus, une très intéressante proposition du suisse Olivier Lovey, « Puissance Foudre » et une série, qui nous a semblé moins attractive, de l’allemande Birte Kaufmann, « The Travellers » (« Les Voyageurs »)  certainement desservie par un long pan de mur et des reflets désagréables…

Olivier Lovey, Puissance Foudre - Boutographies 2015
Olivier Lovey, Puissance Foudre – Boutographies 2015

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Birte Kaufmann,The Travellers - Boutographies 2015
Birte Kaufmann,The Travellers – Boutographies 2015

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La salle suivante est entièrement dévolue au travail du photographe allemand Heiko Tiemann. Il présente « Infliction », un ensemble de portraits d’enfants souffrant de diverses difficultés d’apprentissage, du syndrome d’Asperger ou d’autres traumatismes, d’une école de Duisburg, (Allemagne) qui devrait fermer ses portes cette année.

Heiko Tiemann, Infliction - Boutographies 2015
Heiko Tiemann, Infliction – Boutographies 2015

Si la composition est rigoureuse, les photos de Tiemann sont très respectueuses, pleines de tacts et d’empathie pour ces enfants. Les grands tirages sur papier, présentés sans cadre, donne une présence forte à ces portraits et réduisent les effets désagréables de la lumière naturelle. Un moment fort du parcours.

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L’espace qui communique avec la salle pédagogique de La Panacée est consacrée à la série « Les deux labyrinthes » de Michel Le Belhomme, qui revient aux Boutographies, après une première sélection en 2011.

Michel Le Belhomme, Les deux labyrinthes - Boutographies 2015
Michel Le Belhomme, Les deux labyrinthes – Boutographies 2015

Son travail sur le paysage est sans aucun doute le plus original de la sélection et un des plus captivants. Dans un entretien avec Lamia Boukrou et Dania Mizrahi, pour le journal du festival, il affirme : « J’ai la volonté de bousculer le regardeur dans ses certitudes visuelles, de perturber sa plénitude contemplative. De lui montrer que les choses ne sont pas pérennes, l’amener au doute de la réalité, de l’image, luis dire qu’elle n’est que fiction, et que la différence entre beauté et laideur, entre tragédie et comédie n’est faite que de petites digressions ».

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Michel Le Belhomme  a imaginé un accrochage remarquable qui valorise ses images et la pertinence de son propos. Un projet, proche de l’art contemporain, et qui, par certains aspects, n’est pas éloigné du projet artistique de La Panacée.

La petite salle voisine accueille « Al Ándalus », le projet d’Alvaro Deprit choisi par l’équipe de Montpellier lors de l’édition Fotoleggendo 2014 et « Just Another Boxer » de l’italien Emanuele Brutti.

Alvaro Deprit, Al Andalus - Boutographies 2015
Alvaro Deprit, Al Andalus – Boutographies 2015

Le premier est un travail de mémoire qui confronte une « réalité » et les sensations du photographe aux images d’une Andalousie rêvée, berceau familial de sa famille madrilène.

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Le second pose un regard sur le monde de la boxe, avant ou après le combat, univers dans lequel  le photographe a vécu, et où dit-il, il s’est formé en tant qu’individu.

Emanuele Brutti, Just Another Boxer - Boutographies 2015
Emanuele Brutti, Just Another Boxer – Boutographies 2015

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Le centre de ressources de La Panacée accueille, le projet Kiosk, autour d’une présentation de livres photographiques et de l’édition.  Il s’accompagne de rencontres autour d’Apéros Photo&Tapas, les jeudis, au Café de La Panacée.

Kiosk - Boutographies 2015
Kiosk – Boutographies 2015

Dans la coursive, à proximité du centre de ressources, on peut apprécier « Des citations à l’œuvre », un travail réalisé dans le cadre de l’atelier artistique du lycée des métiers Léonard de Vinci de Montpellier, par les élèves de la classe de Terminale Bac pro Électrotechnique Énergie et Équipement Communiquant avec l’aide d’Hélène Jayet, photographe du Collectif Transit.

L’exposition se termine dans le vaste espace qui ouvre à gauche du patio et du café. Plusieurs projets y cohabitent.

André Lützen, Zhili Byli - Boutographies 2015
André Lützen, Zhili Byli – Boutographies 2015

André Lützen présente la série « Zhili Byli » (Il était une fois), qui s’inscrit dans un projet plus large « Living Conditions ». Le photographe allemand cherche à montrer comment les conditions de vie, dans plusieurs pays, sont déterminées par le climat. « Zhili Byli » a été réalisée à Arkhangelsk, une ville du Nord-Ouest de la Russie, soumise à des températures glaciales huit mois par an, descendant parfois jusqu’à moins 40 degrés.

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Entre les arcades qui ouvrent sur la coursive, on remarque la série « Il n’y a pas d’Homosexuels en Iran » de Laurence Rasti évoquée ci-dessus, à propos du Prix du Jury.

Deux cimaises en « L » permettent de présenter « Storyteller » de Mario Brand et d’isoler un espace pour accueillir le projet « Aliona » de Romain Mader et Nadja Kilchhofer.

Mario Brand, Storyteller - Boutographies 2015
Mario Brand, Storyteller – Boutographies 2015

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« Storyteller » est à la fois un regard nostalgique sur le cinéma qui évoque le Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore et une réflexion conceptuelle sur la trace, l’analogique et le numérique…

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« Aliona » est work in progess qui mélange photographie et arts plastiques, parfois inspiré par  œuvres d’art brut de François Burlan. Il y a dans ce projet une dimension parodique et humoristique assez burlesque, mais il mérite peut-être un peu plus de maturation.

L’exposition « Trilogie » de Christian Lutz, l’invité d’Honneur des 15° Boutographies

Christian Lutz, Protokoll - Boutographies 2015
Christian Lutz, Protokoll – Boutographies 2015

Pour la première fois en France, « Trilogie » de Christian Lutz est présentée dans son intégralité.  Il s’agit d’une enquête visuelle sur le thème du pouvoir que le photographe suisse a décliné en trois volets : le pouvoir politique avec « Protokoll », un essai photographique sur le commerce du gaz et du pétrole au Nigeria avec «Tropical Gift » et une série sur les événements qui rythment la vie d’une communauté  évangélique suisse avec « In Jesus’ Name ».

Le regard aigu et critique de Christian Lutz est sans concessions. Les trois volets de ce projet se sont traduit par la publication d’ouvrages, où les images sont montrées sans légendes ni commentaires.  Le dernier volet (« In Jesus’ Name ») a malheureusement alimenté les chroniques judiciaires avec l’interdiction du livre, suite aux plaintes pour atteinte à l’image des personnes membres de l’ICJ (International Chritian Church).

Néanmoins, Lutz continue à montrer ces photographies, barrées d’un bandeau noir sur lequel sont retranscrits les plaintes rédigées par l’avocat des plaignants. Cette affaire témoigne des interrogations qu’engage cette notion juridique de droit à l’image face à la création artistique, à la censure et à la liberté d’expression. Dans le journal du festival, Christian Lutz dit très avec raison : «  Nous vivons une époque de panique morale et de confusion, où le droit à l’image est souvent invoqué pour pallier des discussions de fond qui n’ont malheureusement pas lieu (…) Toute idée, toute production artistique doit pouvoir être pensée et débattue, sans jamais faire intervenir l’interdiction ou la censure. À la censure d’ailleurs, une autre menace s’ajoute, celle de l’autocensure qui est très dangereuse pour la santé morale des individus et, à fortiori, d’une collectivité ».

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L’édition 2015 de ce festival des  Boutographies  offre d’excellentes découvertes, des propositions souvent créatives et  émouvantes. Seule ombre au tableau, une installation incommode à la Panacée que nous espérons provisoire.

Nos coups de cœur vont à  « Les deux labyrinthes » de Michel Le Belhomme, « Infliction » d’Heiko Tiemann et « Puissance Foudre » d’Olivier Lovey

Vous avez jusqu’au 26 avril pour visiter l’exposition…  et pour exprimer votre choix !

N’oubliez pas les expos Hors les murs… On revient prochainement sur ces dernières que nous n’avons pas encore visitées…

En savoir plus :
Sur le site des Boutographies
Sur la page Facebook des Boutographies

La sélection officielle :

Mario Brand (Allemagne) • Emanuele Brutti (Italie) • Cyril Costilhes (France) • Birte Kaufmann (Allemagne) • Michel Le Belhomme (France) • Olivier Lovey (Suisse) • André Lützen (Allemagne) • Romain Mader (Suisse) et Nadja Kilchhofer (Suisse) • Laurence Rasti (Suisse) • Heiko Tiemann (Allemagne)

Les projections du Jury :

Nigel Bennet (Royaume Uni) • Louis de Belle (Italie) • Laurent Cipriani (France) • Giovanni Cocco (Italie) • Boris Eldagsen (Allemagne) • Cathleen Falckenhayn (Allemagne) • Bérangère Fromont (France) • Julia Fullerton-Batten (Royaume Uni) • Françoise Galeron (France) • Florian Grosse (Allemagne) • Corinna Kern (Allemagne) • Stefano Marchionini (Italie) • Sandra Mehl (France) • Melissa Moore (Royaume Uni) • Leslie Moquin (France) • Constance Proux (France) • Alnis Stakle (Lettonie) • Dana Stoelzgen (Allemagne) • Manuel di Teresa (Espagne) • Jeanne Tullen (Suisse) • Laetitia Vancon (France) • Tomáš Werner (Slovaquie) • Yana Wernicke (Allemagne) • Raimond Wouda (Pays-Bas)

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