Jusqu’au 27 septembre 2015, le musée Soulages présente « Le Bleu de l’Oeil », une exposition/installation de Claude Lévêque. Benoît Decron, directeur des musées du Grand Rodez, a invité l’artiste à concevoir une installation pour le musée Soulages. Elle se prolonge par un parcours dans la ville de Rodez jusqu’au musée Fenaille.
On connaît la capacité de Claude Lévêque à investir les lieux et à créer des ambiances par l’utilisation de la lumière et du son. Son dispositif in situ « J’ai rêvé d’un autre monde » avait pris une dimension étonnante à la Prison Sainte Anne, l’été dernier, pour la Disparition des lucioles que nous avait proposé la collection Lambert. On se souvient aussi de son intervention « Être plus fou que celui d’en face » à la cellule 516 de la Cité Radieuse Le Corbusier à Marseille. Son éclair rouge, installé sous la pyramide du Louvre, l’hiver dernier, « Sous le plus grand chapiteau du monde», marque l’entrée du musée jusqu’en janvier prochain. On attend donc avec intérêt de visiter cette exposition.
On revient éventuellement sur cette proposition après un passage à Rodez.
On lira ci-dessous quelques extraits d’un article de Benoît Decron, conservateur en Chef et directeur des musées du Grand Rodez , pour le catalogue de l’exposition et le communiqué de presse du musée Soulages.
Teaser de l’exposition. Réalisation Armand Morin
En savoir plus :
Sur le site du musée Soulages
Sur la page Facebook du musée Soulages (voir en particulier l’entretien dans lequel il explique comment il a fait le choix des espaces pour l’exposition
Suivre le musée Soulages sur Twitter et sur Instagram
Sur le site du musée Fenaille
Sur le site de Claude Lévêque
Texte de Benoît Decron, conservateur en Chef, directeur des musées du Grand Rodez. Article dans le catalogue de l’exposition (extraits)
Almost blue
(…) Pour le projet de Rodez, Claude Lévêque a parcouru la ville et ses environs, pour en découvrir les monuments modestes ou prestigieux et s’imprégner de l’esprit (la cathédrale, Artaud, le médiéval…). Il considère la salle d’exposition du musée comme aseptisée, sans histoires, si on la compare à des lieux patinés par le temps et l’usage comme le musée du Louvre, le pavillon français de Venise, la piscine de Laval, etc. Aussi, il se sent libre. L’étude du terrain et l’étant donné de cette salle haute, vaste et fonctionnelle –White Cube– font naître le dessin du dispositif final. Lévêque décide d’emblée de la baigner dans l’obscurité et de la reconfigurer de l’intérieur, en la réduisant avec deux parois de part et d’autre, convergeant en ligne de fuite sur le fond, un entonnoir. On entre maintenant par un passage surbaissé, un long linteau, pour percevoir une perspective de 25 mètres de profondeur dans une lumière pouvant être qualifiée de précise et diffuse à la fois. Les deux parois peintes en noir voient leur sommet déchiqueté comme une ligne de crêtes : cachés derrière, des néons chauds, orangés, renvoient une lumière vaporeuse vers le plafond. Des alignements de néons bleus eux bien visibles s’accrochent aux parois, des lignes vibratiles de tracés variables. Ces néons sont dessinés par Romaric Etienne. Dans le processus créatif de Claude Lévêque participent des proches, notamment pour les écritures de néon : sa mère, Elie Morin… Enfin, un revêtement noir et caoutchouteux ferme le volume. Il n’y a pas de limite entre le sol et l’élévation, elle-même couronnée de ce halo orangé, un ciel qui irradie ce paysage d’illusion. Un tout.
Cette immersion dans un monde sans repères est une expérience sensorielle unique (…).. Le fond de la perspective qui se dérobe au regard pourra toutefois être physiquement éprouvé. Le bleu de l’oeil peut être rattaché au Grand Sommeil MAC/VAL 2006, pour son caractère monumental et magique sans doute, pour un ciel qui s’ouvre, un plafond qui s’évanouit. Ce qui l’en différencie tient à la simplification des moyens : une rigueur toute minimaliste qui confère aux oeuvres de Lévêque depuis quelques années une teneur plus universelle, moins violente. Si violence il y a, elle est existentielle. Rien dans l’expérience de Rodez n’exonère de la peur. Plus ou moins prégnante, elle se glisse dans les installations.
Claude Lévêque a répété que la vision de ses installations in situ ne requiert que quelques secondes. Si il renonce au spectaculaire et à sa durée (contraire à l’art selon lui), c’est pour mieux stimuler la sidération. (…)
Benoît Decron,
conservateur en chef,
directeur des musées du Grand Rodez.
Communiqué de presse :
Le Bleu de l’œil
Soudain le ciel était devenu bleu. Il n’était pas seulement bleu, mais bleuissait, et bleuissait. C’était un bleuissement si délicat qu’il vous berçait de la certitude que cette délicatesse ne cesserait jamais. Ce bleu-là faisait resplendir la forêt tout entière. Et en même temps, le comédien, poursuivant sa route, voyait dans cette illumination des choses qui l’entouraient, la lumière d’un dernier jour, « de mon dernier jour.
Peter Handke, La Grande Chute, Gallimard, 2014, Paris
À travers une scénographie unique, Claude Lévêque invite le visiteur à se confronter à sa propre histoire. La proposition dans la salle des expositions temporaires du musée Soulages renvoie à d’autres dispositifs in situ comme Le Grand Sommeil (Mac/Val, 2006), Le Rôdeur (Palais Farnese, Rome, 2006), The Diamond Sea (CRAC de Sète, 2010) ou Sous le plus grand chapiteau du monde (Musée du Louvre, 2015).
Pour Le Bleu de l’Oeil au musée Soulages, le visiteur se déplace dans une clarté nocturne sous le ciel ou sous l’océan. Entouré d’ondulations bleutées, son pas s’enlise. Une déambulation dans un espace éthéré à la fois liquide et aérien, parcourue de vibrations qui perturbent la perception sensorielle du lieu. L’installation du musée Soulages révèle comme une fiction à la fois majestueuse, romantique et mystérieuse. Artiste sans concessions, Claude Lévêque isole le regardeur dans sa construction, une clairière éclairée çà et là d’éclairs de chaleur.
Châtiment au musée Fenaille
Le musée Soulages sera le point de départ d’un parcours qui ira du musée Soulages au musée Fenaille, écrin d’art et d’histoire, avec un dispositif lumineux intitulé Châtiment. L’installation placée au centre du musée, tient en une interminable branche de bois, torse et desséchée, dressée sous le ciel de la verrière obscurcie. Cette sculpture conjugue le hasard de la collecte, un bois flotté aux formes fantastiques, et son tressement de néon rouge. Un signe, une écriture.
« Une manière de décaper visuellement un dispositif qui sied habituellement aux musées de sculpture, ce « syndrome d’Orsay » », déclare Benoît Decron.
Parcours dans la ville de Rodez
Deux phrases de néon seront positionnées dans la vitrine d’un ancien commerce de la ville de Rodez pour ourler et ponctuer le parcours d’un site à l’autre. Ces phrases ont une graphie fracturée, avec l’autorité d’un sens lapidaire, sans issue.
Ces manifestations complémentaires composeront ce que le musée imagine avec l’auteur comme un punctum monographique, également un parcours initiatique.
Claude Lévêque
Claude Lévêque est reconnu depuis de nombreuses années comme un artiste majeur de la scène française et internationale. Ses œuvres se réfèrent à la culture populaire, à l’environnement quotidien et aux images mentales. Il crée des ambiances, des environnements et des objets tout en élargissant la dimension de l’installation par l’utilisation de l’efficacité sensorielle de la lumière et du son. Jouant de la capacité des œuvres à provoquer des émotions visuelles et sensibles, il bouscule les habitudes perceptives et réactive des références culturelles nécessaires à sa création.
Commissaires de l’exposition :
Benoît Decron, conservateur en chef du patrimoine, directeur des musées du Grand Rodez
Aurore Méchain, attachée de conservation
Amandine Meunier, régisseur des collections
Claude Lévêque
Claude Lévêque, né en 1953 à Nevers, vit, travaille à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et à Pèteloup (Nièvre)
Expositions personnelles (sélection)
1996 Paris, ARC/Musée d’Art moderne de la ville de Paris, My Way
1999 New-York, PS1/MOMA, Stigmata
2007 Uckange, Haut Fourneau U4, Tous les soleils
2009 Venise, Pavillon français, 53ème Biennale d’art contemporain, Le Grand Soir
Japon, Kiriyama House, Echigo-Tsumari, art Trienniale 2009, Dans le silence ou dans le bruit
2010 Scénographie de Siddharta, Ballet d’Angelin Preljocaj, Opéra Bastille
Moscou, Centre National d’Art Contemporain, Ende
Bruxelles, Verrière Hermès, IDEAL CIRCUS
2011 Paris, Galerie Kamel mennour, Basse tension
2012 Abbaye de Fontevraud, oeuvre pérenne, Mort en été
Dallas, Dallas Contemporary, Chant, Le droit du plus fort, La mort du cygne
2013 Paris, Maison Européenne de la photographie, Un instant de rêve
Saint-Guilhem-le-Désert, Abbaye de Gellone, Desert shore
2014 Paris, Pyramide du Louvre, Sous le plus grand chapiteau du monde
Marseille, Cité Radieuse Le Corbusier, Cellule 516, Être plus fou que celui d’en face
Expositions collectives (sélection)
1984 Paris, ARC/Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Atelier 84, La Nuit
2003 Japon, Tokamachi, Echigo-Tsumari Art Triennial, Tambour
2006 Paris, Musée National d ‘Art Moderne/Centre Georges Pompidou, Le Mouvement des Images, Valstar Barbie
2010 Corée du sud, Busan, Busan Museum of Art, Biennial 2010, Hymne
2011 Bruxelles, Vanhaerents art collection, Sympathy for the devil, Grand Hotel
2014 Lens, Louvre-Lens, Les désastres de la guerre, Je saigne