Lieux Saints Partagés au MuCEM, Marseille

Du 29 avril au 31 août 2015, le MuCEM présente au deuxième niveau du J4 « Lieux Saints Partagés », une exposition qui a pour ambition de « bousculer les certitudes, déconstruire les préjugés et s’interroger sur ce que nous partageons, dans tous les sens du terme, (…) qui, de témoignages contemporains en exposition de pièces historiques, [veut proposer] une immersion au coeur de ces lieux saints partagés ».

Dans le contexte actuel, le MuCEM affirme clairement sa volonté d’intervenir dans le débat en apportant « face à la montée des fondamentalismes et des théologies exclusivistes, (…) de nouvelles clés pour comprendre au mieux la complexité des échanges entre religions méditerranéennes ».

L’exposition s’est construite à partir de plusieurs années de recherches scientifiques au CNRS et à l’Université d’Aix-Marseille. Dionigi Albera, anthropologue, directeur de recherche au CNRS en assure le commissariat général, avec Isabelle Marquette, conservateur au MuCEM qui assure le commissariat exécutif et Manoël Pénicaud, anthropologue,  chercheur associé au MuCEM.

Lieux Saints Partagés entend poser « un regard différent sur les comportements religieux des populations méditerranéennes et [mettre] en évidence l’un des phénomènes les plus intéressants (et aussi parmi les plus méconnus) de la région, à savoir le partage,l’échange entre communautés religieuses », mais sans oublier le double sens du mot « partage » qui signifie à la fois l’acte de partager et de diviser. Le parcours devrait montrer que si certains lieux restent des instruments d’ouverture et de rencontres, d’autres sont aujourd’hui symboles de fermeture, de divisions et de séparations.

L’exposition présente plus d’une trentaine de lieux saints partagés en Méditerranée, du Maghreb au Proche-Orient, en passant par Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille, Lampedusa et Istanbul. Les lieux de partage ( Grotte d’Élie à Haïfa, Synagogue de la Ghriba à Djerba, Monastère de Saint-Georges au large d’Istanbul, Église Notre-Dame-de-Zeitun au Caire, Basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger) ne feront pas oublier les lieux de division ( Caveau des Patriarches à Hébron, Tombeau de Rachel à Bethléem).

Le parcours de l’exposition a été imaginé comme un « pèlerinage » d’un lieu saint à l’autre. Il s’organise en quatre parties :  « Prophètes et patriarches »,  « Marie la chrétienne, Marie la musulmane », «  À la rencontre des saints » et « Témoins et passeurs ».
Près de 400 objets sont présentés dans cette exposition (œuvres d’art classiques, films documentaires, photographies, objets usuels collectés sur le terrain, etc.)
Au fil du parcours, des œuvres contemporaines doivent  illustrer une perception subjective des artistes.

La scénographie, proposée par Nathalie Crinière, organise ainsi le parcours : « Les trois premières parties de l’exposition se pensent vraiment comme le pèlerinage en lui-même : sinueux, complexe et entrecoupé d’oeuvres d’art contemporain, comme autant de respirations et de pauses dans le parcours. La quatrième partie est conçue comme un chemin transversal, utilisant l’architecture du lieu. Épousant du regard les longues lignes des façades, les splendides vues sur la Méditerranée et la lumière baignant l’espace, le visiteur arpente les lieux tel un pèlerin en marche.
Dans l’axe des entrées une œuvre d’art phare ou une grande projection permet de plonger le visiteur au coeur du contexte. Les trois thématiques ainsi rassemblées au fil du chemin forment un seul et même ensemble imposant. Il s’agit de lieux sacrés dont le visiteur ressent une aura singulière. Les trois espaces se visitent successivement, facilitant la compréhension et le ressenti du visiteur ».

Simulation - Voile © Agence NC
Lieux Saints Partagés – scénographie – Simulation – Voile © Agence NC

On lira ci-dessous le texte d’introduction des commissaires, extrait du dossier de presse. Les citations ci-dessus sont issues du même document.

En savoir plus :
Sur le site du MuCEM
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Mia et le Mia Med Tour sur Facebook, Twitter et Instagram

En plus des outils d’accompagnement et d’approfondissement habituels (audioguide, catalogue, programme pédagogique), le projet prévoit des enrichissements plus inhabituels de l’expérience de visite. Si le regard de personnalités n’est pas une réelle nouveauté, sa diffusion sur internet est intéressante. Il faut saluer l’initiative du MuCEM d’associer des étudiants dans la production de dispositifs pour une exposition de cette dimension.

Huit visites guidées filmées, sur le site internet du MuCEM :
Ces visites apporteront le point de vue personnel des intervenants (Dionigi Albera et Manoël Pénicaud, Leila Shahid, Elie Barnavi, Emma Boltanski, Namir Abdel Messeeh, André Azoulay, Thierry Zarcone).  Selon le site du musée « la dimension  « poétique » et vivante (in situ) de l’expérience personnelle permettra un discours en rupture avec les idées préconçues. Les personnalités auront un lien avec ces histoires et ces lieux, appartiendront à ces mondes souvent conflictuels, et seront susceptibles de relier le politique, le religieux, le poids des lieux et des figures ». Limitées à un public restreint, ces visites guidées seront filmées et publiées sur le site internet du MuCEM.

Partenariat avec le département Ingémédia (UFR Information & Communication) de l’Université du Sud à Toulon :
Une équipe d’étudiants en Master 2 ont développé deux dispositifs autour des nouveaux médias. En amont de Lieux saints partagés, une campagne de communication transmédia sur les réseaux sociaux numériques Facebook, Twitter et Instagram avec le hashtag #MiaMedTour2015 a permis de suivre Mia , une jeune étudiante marseillaise, dans un périple de 6 semaines, avant l’ouverture de l’exposition. Le deuxième dispositif est une borne interactive qui propose des contenus multimédia qui doivent enrichir le propos de l’exposition.

Création de bandes sonores par les étudiants du SATIS (Sciences, arts et techniques de l’image et du son) de l’Université d’Aix-Marseille à Aubagne :
Cinq bandes sonores seront diffusées dans le parcours de l’exposition. Ces créations sonores réalisées par les étudiants en Master 2 font partie intégrante de la visite. Elles assument une partie du propos scientifique de l’exposition.

Introduction des commissaires

« L’exposition porte sur les phénomènes de fréquentation des mêmes sanctuaires par des fidèles appartenant à des groupes confessionnels différents. »

Certaines conclusions rapides, venant d’une pratique des sciences sociales surtout préoccupée par les écumes des faits collectifs, viennent conforter ce constat que les médias se chargent d’étayer presque quotidiennement. On assiste ainsi à un durcissement des registres d’incompatibilité que proposent les religions monothéistes dans la conception de leurs rapports réciproques. À chacun son Dieu, ses écritures, ses saints. Les échanges se déclinent au pire sous la forme de guerre de religions et de choc des civilisations, au mieux sous celle de dialogues érudits, laborieux et souvent stériles.

Contexte et problématique

Selon une idée très répandue, l’allégeance perpétuelle et exclusive à un Dieu unique empêcherait les croisements que l’on constate dans d’autres espaces géographiques que la Méditerranée. Le heurt des monothéismes semblerait particulièrement dur dans leur région matricielle, où la différence et le différend apparaissent comme les ingrédients de base du paysage religieux. Or, une étude approfondie des pratiques sociales révèle une réalité bien plus complexe. L’observation sans a priori du cheminement religieux donne à voir des débordements du lit de l’orthodoxie. Loin d’être des ensembles monolithiques, même dans l’espace méditerranéen, les religions monothéistes apparaissent « traversées » par des pratiques transfrontalières.

L’exposition focalisera son attention sur des situations de contact dans lesquelles des lieux et des figures de sainteté mettent en communication des traditions distinctes. Sans tomber dans la rhétorique creuse du « dialogue des cultures et des religions », il semble important, au milieu des débats concernant le choc des civilisations, de montrer que la distanciation et la détestation de l’autre ne sont pas des modalités nécessaires de l’interaction entre les religions en Méditerranée. On verra ainsi que quand le religieux est saisi au ras du vécu, dans les interstices des pratiques quotidiennes, il en ressort parfois une interpénétration des traditions et des cultes, sous l’œil tantôt compréhensif tantôt vindicatif des « gardiens du temple ».

Un périple méditerranéen inédit

L’exposition propose au visiteur un périple méditerranéen inédit autour des lieux de culte et des figures partagés par les trois monothéismes. Il constatera que, au long des siècles, là où des populations religieusement distinctes se côtoient dans le pourtour méditerranéen, des dévotions partagées voient le jour. Peu éclatantes et souvent silencieuses, ces circulations interreligieuses représentent pourtant une sorte de basse continue, derrière le tumulte des croisades et des guerres de Religion.

La polysémie du mot « Partage »

Tout en valorisant les cas de partage et d’échanges interreligieux, l’exposition n’éludera pas pour autant les heurts, les écueils et les échecs des relations interreligieuses, cristallisés dans des évènements géopolitiques qui touchent directement les lieux de sainteté présentés.

L’exposition repose – à travers son titre – sur la polysémie du mot « partage » qui signifie à la fois l’acte de partager et de départager. On verra donc que certains lieux sont vecteurs d’ouverture (rencontres, porosités) et d’autres de fermeture (divisions, partitions).

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