Jusqu’ au 31 mai 2015, l’Espace Bagouet présente, dans le cadre de la 30e Comédie du Livre, « Créer, c’est résister », une exposition conçue par le peintre Pierre Marquès.
Face à l’entrée, un graffiti avec un portrait de Jean Moulin, réalisé au pochoir et accompagné de ces mots « Créer, c’est résister ». Pierre Marquès, originaire de Béziers, aujourd’hui installé à Barcelone, a imaginé ce graffiti pour l’appliquer sur les murs de la ville du célèbre résistant, après la victoire du Front National au dernières municipales.
Cette œuvre résume clairement le projet de cette exposition.
Le texte d’intention, affiché à l’entrée de la salle, rédigé par son ami et complice, l’auteur Mathias Énard se conclut ainsi : « Résister à quoi ? Résister à l’oubli, certes. Mais aussi résister à la crise – crise de conscience, crise de mémoire, crise économique. Crise nationale. Crise du souvenir de la crise. Créer c’est résister à l’absence de création, c’est enchanter, c’est peupler, repeupler, rendre un sens au mot « peuple ». Entre hier et demain, trouver l’énergie du peuple aujourd’hui, qui n’est pas une foule anonyme, mais un ensemble de femmes et d’hommes convoquant l’hier et l’imagination pour construire l’avenir ».
La pièce centrale de l’exposition est construite autour de dix textes d’écrivains espagnols, dont certains seront présents à Montpellier lors de la Comédie du Livre (Juan Francisco Ferré, Belén Gopegui). Ces textes interrogent la crise. Enregistrées anonymement, en français et en espagnol, les voix superposées viennent faire écho aux dix portraits d’ « Auteurs anonymes », que Pierre Marquès a réalisé pour l’exposition, en utilisant des techniques communes au monde du Street Art : pochoir, encre et peinture en bombe. Mathias Énard en parle comme d’un « Mouvement de la révélation qui fait passer le négatif du pochoir au positif de l’image, mouvement de superposition qui ajoute un visage à un visage pour le rendre, dans la multiplicité, anonyme. L’image dégouline de mémoire, elle dégoutte de noirs, de coulures violacées. On résiste par la peinture, mais aussi par le texte. Cette sculpture de mots, bilingue, donne une troisième dimension, une nouvelle profondeur, aux images ».
Ces dix portraits, grands formats de dimension identiques (200 x 150 cm), se font face cinq par cinq. Ils construisent un ensemble « monumental », poignant dans lequel on perçoit une stratification, une épaisseur qui interroge l’histoire, questionne le souvenir et où on sent vibrer une obligation de résister.
De part et d’autre du graffiti « Créer, c’est résister », cette série aux couleurs d’encre est accompagnée par deux ensembles de quatre portraits au pochoir, appliqués sur des assiettes de porcelaine. Si trois figures restent anonymes, on reconnaît Benavrentura Durruti, Federico Garcia Lorca, Antonio Machado, Jorge Semprun et Jean Moulin. Pour l’artiste, ces assiettes évoquent une forme usuelle de la transmission entre les générations…
La série des « Auteurs anonymes » s’interrompt avec quatre petits portraits dont les figures moqueuses et souriantes et les couleurs constituent selon Pierre Marquès « quatre points de suspension »…
L’exposition s’achève avec deux moules de chaussures en carton qui rapproche curieusement les portraits de Gavrilo Princip, auteur de l’attentat contre l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo en 1914 et le philosophe et critique d’art Walter Benjamin. Au-dessus on remarque, sur une assiette, la figure d’Amado Granell, premier soldat de la 2e DB reçu à l’hôtel de Ville, le jour de la libération de Paris, en août 1944… Ces images semblent appartenir ou être proche d’une série intitulée « Juste un moment » Marquès y rassemble des personnages historiques qui ont joué, par leurs actions individuelles, un rôle important dans l’histoire du XXe siècle.
La sincérité de l’engagement de Pierre Marquès, sa collaboration étroite et régulière avec les écrivains espagnols donnent à sa série des « Auteurs anonymes » un attrait singulier qui dérange et qui nous interroge sur notre résistance, notre soumission ou notre fuite. L’exposition mérite un passage à l’Espace Bagouet.
Les textes de Jorge Carrión, Mercedes Cebrián, Belén Copegui, Juan Francisco Ferré, Eloy Fernández Porta, Robert Juan-Cantavella, Luciá Litjmaer, Elvira Navarro, Juan Trejo et Gabriela Wiener sont reproduits dans un livret disponible gratuitement à l’entrée de l’exposition.
En savoir plus :
Sur la page de l’Espace Bagouet sur le site de la ville de Montpellier
Sur la page facebook de l’Espace Bagouet.
Sur le site de Pierre Marquès
Sur la page facebook de Pierre Marquès
Le roman graphique « Tout sera oublié » de Pierre Marquès et Mathias Énard sur le site des éditiosn Actes Sud.
Un article d’El Pais à propos du graffiti « Créer, c’est résister » de Pierre Marquès à Béziers.