Art-O-Rama 2015, soutien à la jeune création

Un précédent billet évoquait certaines présentations des galeries sélectionnées pour ce salon international d’art contemporain qui marque la rentrée à Marseille et dans le sud de la France.

Cette chronique est consacré aux artistes exposés dans le cadre du soutien à la jeune création (Artiste Invité, Show Room, Prix Esadmm), aux propositions de Mécènes du sud et de la Compagnie fruitière et à Platform, la carte blanche offerte à un artiste par Art-O-Rama et Le Cartel de la Friche .

Art-O-Rama  permet à ces artistes une confrontation au public et aux différents acteurs du milieu de l’art contemporain (galeristes, collectionneurs, critiques…) présents sur le salon.

Pour cette édition 2015, les espaces réservés à ces créateurs se développaient à l’entrée du salon, leur donnant ainsi une bonne visibilité.

Show Room : Elsa Philippe, Lorraine Châteaux, Qingmei Yao et Rafaela Lopez.

Art-O-Rama soutient, depuis ses débuts, la jeune scène artistique issue des écoles d’art de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le Show Room invite chaque année un critique extérieur à la région à réaliser une sélection de quatre artistes dont le travail est présenté dans un espace dédié. Pour ces artistes, c’est généralement leur première expérience dans un salon commercial international.

La sélection 2015 a été réalisée par Veronica Valentini, chercheuse et commissaire indépendante italienne, installée à Barcelone. Les quatre artistes qu’elle a choisies sont des femmes qui sont toutes les quatre passées par la Villa Arson à Nice. Elles présentent des projets très divers et elles disposent toutes du même espace cubique qu’elles ont occupé de façon très personnelle.

Elsa Philippe  « And thank god for the catfish »

Ela Philippe, And thank god for the catfish, Show Room Art-O-Rama 2015, photo JC Lett
Ela Philippe, And thank god for the catfish, Show Room Art-O-Rama 2015, photo JC Lett

L’installation d’Elsa Philippe  « And thank god for the catfish » s’intéresse au phénomène du « catfish », les liaisons amoureuses sous une fausse identité, pratiquées sur les réseaux sociaux. Sur l’ensemble du stand, Elsa Philippe a installé un décor, improbable terrain de jeu où se multiplient, derrière des fenêtres entrouvertes, des images extraites de la vidéo (illustrations imprimées de poisson-chat, de char d’assaut, d’images de jeux video…) Quelques ballons de plage sur lesquels sont collés es silhouettes de catfish et un morceau de plastique évoquent un incertain bord de mer, posé sur une moquette de faux gazon . Un des murs disparaît sous une structure de papier maché, couvert par une accumulation de copie d’écrans d’ordinateurs, de tablettes ou de smartphones. Dans cet amas de papier, un moniteur diffuse en boucle le film monté par l’artiste. Elle y « réunit différents personnages issus (…) de You Tube – son magasin principal de bricolage – elle puise films, documentaires, télé-réalité, dialogues, qu’elle modèle pour créer un univers dans lequel sont présents différents personnages, comme une présentatrice d’un JT ou un policier, pour ensuite découvrir que seul l’un d’entre eux est réel …»

Lorraine Châteaux, « salle des montres »

Salle des montres, 2015 -Show Room, Art-O-Rama 2015
Salle des montres, 2015 -Show Room, Art-O-Rama 2015

Avec sa « salle des montres », Lorraine Châteaux propose un regard distant, probablement critique et moqueur sur le show room de la foire qu’elle soit d’art ou non. Murs et  mobilier peints d’un jaune éclatant sont tapissés avec une « mosaïque » de touillette en plastique vert. Dans cet univers, elle montre sur des socles des gadgets « publicitaires », dont une importante série de casquettes. Comme des tableaux, elle accroche des boites qui renferment des objets quotidiens bon marché (montres, chemises, téléphones, bijoux). Ces boites évoquent des rituels chinois pour le culte des ancêtres où des produits indispensables accompagnent le mort dans sa nouvelle vie… Doit-on y voir une sorte de pied-de-nez envers les foires d’art contemporain et les collectionneurs ?

Qingmei Yao, « Recrute mendiant/SDF pour une foire d’art contemporain »

Qingmei Yao, Recrute mendiant, 2015 - Show Room - Art-O-Rama 2015 - Photo rmtnewsinternational.com
Qingmei Yao, Recrute mendiant, 2015 – Show Room – Art-O-Rama 2015 – Photo rmtnewsinternational.com

La performance de Qingmei Yao porte assurement un regard critique sur le salon. Intitulée « Recrute mendiant/SDF pour une foire d’art contemporain », elle propose une vidéo qui raconte sa performance dans les rues de Marseille à la recherche d’un mendiant/SDF qui accepterait un contrat de travail CDD de trois jours, pour l’interprétation de son propre rôle pendant le salon. Le contrat de travail ést dûment affiché sur le mur et pendant les trois jours de la foire, Mohamed a bien rempli sa tâche…   La présentation de ce projet sur le site d’ Art-O-Rama  parodie avec ironie le prélude de L’Opéra de quat’sous de Brecht : « les mendiants mendient… », mais « les voleurs volent, les tapineuses tapinent » sont remplacé par «  les artistes artistisent, les commissaires comisèrent, les galeristes galèrent, les collectionneurs collectent ». On lira avec intérêt la rencontre de l’artiste avec la Revue Marseillaise du Théâtre, sur le site rmtnewsinternational.com.

Rafaela Lopez, « Etat d’âme, State of the Mind »

Rafaela Lopez, Show Room 2015, photo JC Lett
Rafaela Lopez, Show Room 2015, photo JC Lett

Nous n’avons malheureusement pas eu la possibilité de voir le film « Etat d’âme, State of the Mind » de Rafaela Lopez. L’affluence était trop importante dans la salle de projection lors de notre passage à Art-O-Rama . On peut cependant en visionner une version que l’artiste a partagée sur You Tube.

Artiste Invité : Vincent Ceraudo

Vincent Ceraudo - Artiste invité - Art-O-Rama 2015, photo JC Lett
Vincent Ceraudo – Artiste invité – Art-O-Rama 2015, photo JC Lett

Les galeries participantes à Art-O-Rama désignent parmi les quatre propositions du Show Room, un lauréat qui devient l’année suivante l’Artiste Invité. Il bénéficie alors d’une exposition au sein du salon, d’une aide à la production et de l’édition de son premier catalogue.

On retrouve donc cette année Vincent Ceraudo qui propose « Paris City Ghost », un film tourné avec un drone dans cette étrange réplique de Paris, installée dans la banlieue de Hanghzou, en Chine. Cette projection est complétée par  « Absynth, Opium & Magic », une énigmatique installation de photographies en noir et blanc.

Prix Esadmm : Robin Touchard

Robin Touchard, Prix ESADMM 2015, photo JC Lett
Robin Touchard, Prix ESADMM 2015, photo JC Lett

Pour la troisième année, Art-O-Rama accueille le Prix Esadmm (École supérieure d’Art et de Design Marseille-Méditerranée) qui permet à un jeune artiste de faire connaître son travail.

Pour cette édition 2015, c’est le travail de Robin Touchard qui a été sélectionné par un jury où on trouvait, entre autres, le galeriste Didier Gourvennec Ogor, Françoise Aubert de la Fondation Vacances Bleues, Jérome Pantalacci, directeur d’ Art-O-Rama.

Les pièces présentées, trois sculptures et une œuvre sur papier montrent son attrait pour des paysages aux topographies hasardeuses, aux superpositions et stratifications qui mêlent livre ancien découpé, pierre lithographique, rame de papier, pile de journaux assemblés, plâtre, encre et magma dégoulinant de matières colorées et papier à la cuve…

Anne-Valérie Gasc : Feu – Principe de contradiction

Anne-Valérie Gasc, Mecènes du sud Art-o-Rama 2015, photo JC Lett
Anne-Valérie Gasc, Mecènes du sud Art-o-Rama 2015, photo JC Lett

Mécènes du Sud, qui accompagne Art-O-Rama depuis plusieurs années, présente le travail d’un artiste qu’ils soutiennent. Pour cette édition 2015,  c’est le travail d’Anne-Valérie Gasc qui a été choisi.

La vidéo « Feu – Principe de contradiction » donne son titre à une installation dont la scénographie propose un cheminement matérialisé par de sombres panneaux de contreplaqué bakélisé. Elle réunit un livre d’artiste (« Various small sparks », 2014), deux vidéos (« Feu – Principe de contradiction », 2015) et une sérigraphie (« Démocratie », 2015). Le projet est construit autour de la destruction à l’explosif, en 1994, des dix tours du quartier des Minguettes, à Vénissieux, nommé Démocratie.

Anne-Valérie Gasc, « Various small sparks , 2014 - Mécènes du sud Art-o-Rama 2015, photo JC Lett
Anne-Valérie Gasc, « Various small sparks , 2014 – Mécènes du sud Art-o-Rama 2015, photo JC Lett

À partir de documents d’archives de cette démolition, « Various Small Sparks and Rodeo » montre la série des détonations qui ont détruit le quartier. Cinquante ans après sa parution, l’artiste fait explicitement référence au « Various small fires and Milk» d’Ed Rusha. On retrouve la mise en page et la typographie utilisée par le photographe américain. La dernière photo du livre de Rusha est un énigmatique verre de lait. Anne-Valérie Gasc termine sa série avec la photographie d’une voiture incendiée parue à la une du Progrès après les émeutes dites du « Rodéo des Minguettes ».

Image extraite de la vidéo Feu – Principe de contradiction, 2015

L’édition de « Various Small Sparks and Rodeo »  imposait la publication de 500 exemplaires. L’ouvrage d’Ed Rusha n’avait été tiré qu’à 400 exemplaires. Pour respecter fidèlement son modèle, Anne-Valérie Gasc a donc décidé de détruire par le feu les 100 exemplaires en trop ! Cette « performance » fait l’objet des deux vidéos « Feu – Principe de contradiction ». Elles montrent l’autocombustion choisie de ces livres et non leur autodafé, évoquant ainsi l’implosion des immeubles.

 Anne-Valérie Gasc, Démocratie, 2015 - Art-O-Rama 2015
Anne-Valérie Gasc, Démocratie, 2015 – Art-O-Rama 2015

Le troisième temps de l’installation, « Démocratie » est une sérigraphie réalisée sur les cendres de cette action. Cette image est une sorte de mémoire, un « monument de poussière » de la démolition urbaine et de l’implosion sociale…

Dans le texte qui accompagne l’exposition, Paulo Vires do Vale souligne à propos de cette installation : « (…) Ici, la destruction, l’élimination n’est pas à considérer comme une disparition mais comme une résistance à l’effacement, une permanence par la métamorphose ».

CF45 : Chourouk Hriech, Olivier Millagou et Valentin Teurk

Art-O-Rama 2015 - CF45 - Chourouk Hriech, Olivier Millagou et Valentin Teurk
Art-O-Rama 2015 – CF45 – Chourouk Hriech, Olivier Millagou et Valentin Teurk

Cette année, pour la première fois, Art-O-Rama invitait la Compagnie Fruitière à présenter un projet artistique original.
CF45 est le nom du carton utilisé pour le transport des bananes. La Compagnie Fruitière, mecène de l’édition 2015 d’ Art-O-Rama a proposé à Chourouk Hriech, Olivier Millagou et Valentin Teurk de travailler à partir de cet objet. Quelle que soit la sympathie que l’on puisse avoir pour ces artistes et pour l’engagement de ce mécène, on perçoit une certaine improvisation dans ce projet. On ne doute pas que s’il est renouvelé, il aboutira à des propositions plus en phase avec ce qui est présenté par  Art-O-Rama.

Platform : Saâdane Afif, The Fountain Archives

Art-O-Rama 2015 - Platform - Saâdane Afif, The Fountain Archives
Art-O-Rama 2015 – Platform – Saâdane Afif, The Fountain Archives

Platform est un espace dédié à un artiste pour une Carte Blanche. Il  présente un projet spécifique avec une exposition, des conférences et des discussions qui permettent une meilleure perception de son travail.

Cette année, Art-O-Rama et Le Cartel de la Friche produisaient une exposition monographique de Saâdane Afif, The Fountain Archives.

En 2008, Afif a commencé une collection de toutes les publications dans lesquelles se trouve une reproduction de Fountain, l’urinoir et ready-made célèbre de Marcel Duchamp. Il décide de faire de cette archive l’une de ses œuvres.
Face à l’accueil du salon, Saâdane Afif présente dans une longue cimaise les dernières pages ajoutées à cette collection. Un accrochage monotone et plutôt ennuyeux, des reflets souvent très gênants ne nous ont pas vraiment convaincus de la pertinence de cette compilation de regards qui promettait de nous montrer « la face cachée de ce qui fait l’œuvre d’art, sa forme subjective »… Mais on ne doute pas que la discussion entre Saâdane Afif et Michel Gauthier, critique d’art et conservateur au Centre Georges Pompidou, le samedi 29 août ait apporté tout l’éclairage nécessaire à sa compréhension…

En savoir plus :
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Liens vers les sites des artistes ou de leurs galeries dans l’article.

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