Moment incontournable de la rentrée de l’art contemporain à Marseille et dans le sud de la France, Art-O-Rama s’est affirmé depuis plusieurs années comme un événement national et international.
C’est avec plaisir que l’on retrouve l’ambiance décontractée et chaleureuse de ce salon, une occasion de partager souvenirs, découvertes artistiques et potins de vacances…
Cette convivialité et son format réduit donnent à Art-O-Rama son caractère particulier. Ici, le traditionnel stand s’est transformé en un espace d’exposition, dont la configuration est directement liée au projet curatorial des galeries sélectionnées. La Cartonnerie de la Friche apparaît comme un lieu hybride entre foire et centre d’art contemporain. Un nombre limité d’exposants facilite les échanges entre les galeristes, les artistes, mais aussi avec les collectionneurs et le public.
Pour cette édition, le comité de sélection rassemblait : Davide Bertocchi, artiste (Paris), Marta Fontolan, galeriste (Gavin Brown’s enterprise, New-York), Josée Gensollen, collectionneuse (Marseille), François Ghebaly, Galerie François Ghebaly (Los Angeles), Stefan Kalmár, directeur de ICA (Londres), Joseph Kouli, collectionneur (Paris), Antoine Levi, Galerie Antoine Levi (Paris) et Olivier Millagou, artiste (Sanary-Sur-Mer).
La section Edition, inaugurée l’an dernier, rejoignait logiquement l’espace d’exposition de la Cartonnerie. Le Studio réunissait les six projets partenaires et les quatre jeunes artistes du Show Room 2017 dont Gaël Charbau assurait le commissariat.
Dans les allées d’Art-O-Rama…
Il ne saurait être question de faire ici une analyse ou un compte rendu détaillé des propositions artistiques de cette sélection 2017. Les impressions de visite qui suivent se limitent à l’organisation du salon, à certaines expositions présentées par les galeristes et à quelques accrochages qui ont attiré mon attention.
Cette année, le salon donnait la sensation d’une densité plus forte que l’an dernier. Trois axes de circulation dans la longueur de la Cartonnerie architecturaient l’ensemble, sans néanmoins reproduire le schéma orthogonal classique des foires et salons. En agençant des espaces d’exposition singuliers et en construisant des perspectives intéressantes, cette organisation conduisait naturellement la déambulation et l’œil du visiteur.
Le projet et l’artiste invité s’intégraient parfaitement dans cette structure. La section Édition était regroupée, sans que l’on ressente toutefois une réelle rupture avec les autres exposants.
Parmi les galeristes…
La galerie berlinoise Neumeister Bar-Am présentait un solo show du duo d’artistes français Estrid Lutz et Émile Mold, actuellement en résidence aux Ateliers de la ville de Marseille.
Cinq œuvres lenticulaires réalisées pour Art-O-Rama étaient accrochées de part et d’autre d’une structure métallique qui ressemblait fort à celles qui accueillent les parements des cimaises.
Ce dispositif assurait la transparence nécessaire pour voir les 6 à 15 images entrelacées dans les œuvres lenticulaires, en fonction de l’angle sous lequel on les regarde.
Le matériel usuel d’un stand de foire (sièges et table) était en accord avec l’installation. Que l’on apprécie ou non le travail d’Estrid Lutz et Émile Mold, il faut souligner l’engagement de Neumeister Bar-Am dans la valorisation de leur travail avec cette installation scénographique originale.
Klemm’s (Berlin) proposait une confrontation très réussie de l’écossaise Fiona Mackay et de la française Émilie Pitoiset. Ce projet conçu spécialement pour Art-O-Rama est une des présentations les plus abouties du salon.
Sur deux cimaises qui ouvrent avec un angle très large, la galerie a utilisé, sur proposition des artistes, les lettres de son non pour construire l’accrochage.
D’un côté, huit peintures vibrantes et colorées de Fiona Mackay expriment un univers où érotisme et sexualité sont tangibles. À en croire Anna Gros du magazine The Elephant, l’artiste lisait Henry Miller en réalisant ces toiles.
À l’opposé, Émilie Pitoiset a installé trois de ses sculptures.
« Pretty Pimpin, 2016 » appartient à sa série de gants que l’on avait pu voir à La Panacée à Montpellier pour le « Retour sur Mulholland Drive » de Nicolas Bourriaud.
Les deux autres sont d’étranges assemblages de vêtements et accessoires montés sur des mannequins faits de tubes métalliques. Coiffés de bombes d’équitation, ils sont drapés de costumes informes. Le premier vêtu de gris clair est assis sur une table. Il semble épuisé. Son « regard » paraît perdu et dirigé vers ses « mains » pendantes.
Habillé de noir, le second a un air prostré. Replié sur lui-même, il est effondré sur un socle posé au sol… On retrouve l’univers singulier de l’artiste, évocation de personnages et de fictions indéterminées dont le récit reste à écrire…
Avec un accrochage sobre et épuré, Joseph Tang (Paris) montrait les dernières productions de l’artiste Chloé Quenum.
Inspirées de son dernier voyage au Bénin et de ses recherches sur le langage visuel, ces œuvres sont enrichies par l’histoire personnelle et familiale de l’artiste.
Dans un espace largement ouvert, ChertLüdde (Berlin) proposait « Utopias are for Birds », un solo show particulièrement bien construit d’Alvaro Urbano.
L’artiste a conçu pour le salon une étonnante installation autour de nids d’oiseaux élaborés à partir de projets architecturaux utopiques. Certains évoquent le groupe d’architectes italiens de Superstudio et son « Istogrammi di architettura (1969-2000) » d’autres rappellent Claude Nicolas Ledoux ou Yona Friedman. L’installation rassemble sculptures, dessins et collages.
C’est sans aucun doute une des plus belles propositions de cette édition 2017 d’Art-O-Rama.
D’une certaine manière, elle faisait un écho inattendu avec l’étrange et inquiétant projet de Grayson Revoir présenté par Frankfurt Am Main (Berlin), projet curatorial invité d’Art-O-Rama 2017.
Sur une longue cimaise en zig zag, Exile (Berlin) présentait le travail de Pakui Hardware, Erik Niedling et Paul Sochacki, où parmi de multiples références, on pouvait retrouver des évocation de deux films réalisés par George Méliès : La lune à un mètre (1898) et Le Voyage dans la Lune (1902).
Meessen De Clercq (Bruxelles) proposait un curieux projet autour du pouvoir des intellectuels et plus particulièrement de l’écrit…
Jorge Méndez Blake s’intéressait à Marx, Beckett et au dernier roman inachevé de Camus. Les œuvres de Thu Van Tran faisaient référence aux textes de Marguerite Duras.
« Fracturas » de Nicolás Lamas enchaînait les traductions successives d’un même texte par Google translate jusqu’à ce qu’il soit réduit à l’expression minimale dans sa langue d’origine.
Accrochage sans fioritures chez Hunt Kastner (Prague) qui proposait de découvrir le travail de Jaromír Novotný et Jiří Thýn où peinture, sculpture et photographie s’entremêlent…
L’espace de la galerie barcelonaise Bombon Projects était encombré par Dispersió de la primera pedra, une œuvre de Jordi Mitjà commandée par Canòdrom, un centre d’art contemporain qui n’a jamais ouvert ses portes.
Autour de cette « météorite », première pierre d’un édifice « inabouti », on pouvait voir des œuvres aux titres énigmatiques « La virtualité souhaitable » et « Cosmogonie et alchimie ».
La galerie présentait aussi une toile de Margaux Valengin qui renvoie au mythe de Sisyphe ( encore une histoire de caillou) et une des Lenguas d’Oier Iruretagoyena qui semblait pendre de la cimaise…
Que dire de la proposition de Sabot (Cluj-Napoca) avec le projet « Unbuffering Room » de Stefano Calligaro…
Qu’elle était irrévérencieuse et provocante ? Oui, mais bon, n’est pas un peu du déjà vu ?
Ah oui ! C’est elle qui a reçu le prix Roger Pailhas, décerné par les collectionneurs invités… L’esprit d’audace de Pailhas est-il bien là ?
Peu convaincu et assez indifférent au trou du cul sur papier peint ou sur blouson, on reproduit ci-dessous un extrait du texte de présentation, chacun jugera…
« Son œuvre peut être perçue comme un élément perturbateur brutal qui s’immisce dans le système artistique et défie ses propres valeurs et convictions. L’artiste a conçu, spécialement pour ART-O-RAMA, une installation intitulée “Unbuffering Room” qui réunit chacun de ces aspects et pour laquelle il a donné libre cours aux choses sans chercher à les maîtriser. Stefano Calligaro présente ainsi un nouvel ensemble d’œuvres parmi lesquelles des sculptures, des impressions numériques, des vidéos et des textes. Chacun d’eux a été créé dans le but précis d’attaquer, de piquer au vif, et de se moquer d’une multitude de sujets, tels que l’hystérie contemporaine, l’hypocrisie, la poésie amateur, les stratégies de marché, les bavardages politiques, les valeurs esthétiques, le langage et la communication.
“Unbuffering Room” se veut être, au delà d’un simple assemblage d’objets, un acte de résistance assourdissant contre toute forme d’utopie esthétiquement plaisante. »
Chez Antoine Levi, l’espace s’organisait autour d’une installation de Daniel Jacoby.
Un piolet recouvert de motifs de camouflage suspendu au plafond de la Cartonnerie, au milieu du stand, par un assemblage d’accessoires d’escalade. L’ensemble revoie au film « Hold of Get the Things To », réalisé en 2014.
Sur chaque cimaise latérale du stand, on pouvait apprécier deux œuvres captivantes et magnifiques de Piotr Makowksi, grands formats à l’encre sur toile, extraits de sa série Pogonologia, montrée récemment à la galerie.
À noter également chez Daniel Marzona (Berlin) « Elephant on her way to vanish », une étrange installation du roumain Vajiko Chachkhiani qui rappelle son œuvre actuellement exposée au Pavillon de Georgie à la Biennale de Venise.
Curieusement Narrative Projects (Londres) se retrouvait « mis au coin » pour sa première participation à Art-O-Rama, avec une installation de Rachel Lowe…
Art-O-Rama 2017 : Sabrina Belouaar, artiste invitée
Lauréate du Show Room 2016, Sabrina Belouaar était l’artiste invitée pour cette édition du salon.
Avec sobriété, elle exposait une intéressante sélection de ses œuvres qui dit-elle : « revisitent certains problèmes actuels, comme les inégalités sociales et le statut de la femme, dont les ambivalences se reflètent dans la mise en tension des matériaux ». Toutefois, elle précise « Je préfère soulever des questions que d’affirmer une opinion de manière frontale ».
On a pu découvrir une nouvelle série de « Mate de peau » dont on avait apprécié un premier ensemble présenté par la galerie Gourvennec Ogor lors de Drawing Room, en 2015, à Montpellier.
On retrouvait « Henna, 2015 », une importante toile au henné, montrée par le même galeriste dans une exposition de groupe à Marseille ainsi que « Illusion, 2016 », une des pièces choisies par la Galerie Double V son exposition inaugurale, l’hiver dernier.
Deux œuvres récentes et plutôt énigmatiques complétaient cette présentation.
Sabrina Belouaar bénéficiait de la publication d’un catalogue de 80 pages avec des textes de Luigi Fassi et Bonaventure Soh Bejeng Ndikung.
Du côté du Studio…
Cette année, le Studio rassemblait les partenaires d’Art-O-Rama et les quatre jeunes artistes sélectionnés pour le Show Room par Gaël Charbau.
Show Room 2017 : Alice Guittard, Eva Medin, François Bellabas et Delphine Wibaux.
Delphine Wibaux a été choisie comme lauréate par les galeries participantes à Art-O-Rama 2017. Elle sera donc l’artiste invitée en 2018. Elle bénéficiera aussi d’une bourse de production et de l’édition de son premier catalogue monographique. Son projet « Absorptions lunaires – migrations diurnes – 2013-2017 » est particulièrement réussi et mérite sans conteste cette distinction.
On emprunte au commissaire ces quelques lignes qui en expliquent l’origine et les intentions :
« les “Absorptions lunaires” constituent une série dont l’artiste a entamé le processus en 2014 en résidence au Parc Saint-Léger. Elle a photographié la lune chaque soir où le ciel était dégagé avec un appareil argentique, à l’aide d’un télescope. Ces clichés, par la suite imprimés sur calques, ont permis la révélation des “Absorptions”, d’une part grâce à la lumière du soleil et d’autre part grâce à une émulsion photosensible, concoctée par l’artiste à partir de racines prélevées dans le parc. Sans fixateur, ces clichés ont été précieusement conservés depuis dans une boîte étanche à la lumière.
Depuis le 21 mars 2017, jour d’équinoxe, l’artiste réexpose ses tirages à la lumière dans son atelier marseillais, à raison d’une image sortie de la boîte tous les 21 du mois. La série présentée à Artorama dévoile la transformation de ces clichés, “usés” par la lumière du soleil ».
Le travail d’Alice Guittard a également attiré notre attention et probablement celle de Gaël Charbau. Celui-ci a installé une partie de ses œuvres comme « fil rouge » dans l’exposition « Inventeurs d’Aventures » à La Friche de la Belle de Mai.
Le FCAC (Fonds Communal d’art contemporain) soutient les événements de la scène artistique à Marseille (PAC, Pareidolie, Art-O-Rama…). Chaque année, il s’engage à l’acquisition d’une œuvre d’un des artistes du Show Room. Sur son stand, il présentait quatre œuvres de Timothée Talard, Nicolas Nicolini, Yman Fakhir et Claire Dantzer.
Depuis 2010, la Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode (MMMM) au travers d’OpenMyMed Prize offre un soutien à la jeune création. Cette année, elle présentait Amina Agueznay, lauréate du prix en 2010.
Lauréate de l’École Supérieure d’Art et de Design Marseille-Méditerrannée (Esadmm), Nina Tomàs était exposée dans le cadre du Studio. Cette année, le jury du #PrixESADMM était composé de ART-O-RAMA, la Revue Point contemporain, l’Atelier Tchikebe, Rétine Argentique, la Galerie Gourvennec Ogor et Françoise Aubert.
Les projets partenaires :
Mécènes du sud Aix-Marseille, partenaire historique d’Art-O-Rama depuis sa création en 2007, propose depuis 5 ans une œuvre originale d’un ancien lauréat.
Pour cette édition, Berdaguer & Péjus, lauréats de Mécènes du sud en 2011, présentaient « Smith, Norman, Carlos, Mexico 68 ». On reviendra prochainement sur cette une œuvre magistrale, une transcription sculpturale, sous forme de notation empruntée au vocabulaire chorégraphique, d’une photographie iconique des JO de 1968 et de leur contestation politique.
Partenaire d’Art-O-Rama depuis 2015, la Compagnie Fruitière exposait une intéressante installation de Wilfrid Almendra. L’artiste installé à Marseille a travaillé à partir d’une résidence pilotée par Sextant et plus / Group, dans les plantations de la Compagnie Fruitière au Cameroun.
La Fondation d’entreprise Logirem accompagne et finance des projets culturels portés par des associations au profit des locataires de son parc immobilier à Marseille. Les œuvres d’art, installées dans l’espace public, sont imaginées par l’artiste à partir du site et de ses rencontres avec les habitants.
En 2017, la Fondation Logirem accueille Bertille Bak pour les « Ateliers de la cité » à Fonscolombes.
Dans l’attente de sa future création, Bertille Bak présentait « Figures imposées », une vidéo de 2015, réalisée dans le cadre du programme des nouveaux commanditaires pour la Maison des Femmes du Hédas.
En savoir plus :
Sur le site Art-O-Rama
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