Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre

Jusqu’au 2 septembre 2018, le musée Fabre présente « Dans le Secret des œuvres d’art » une captivante exposition qui propose de découvrir « le travail long, attentif et minutieux qui se joue dans les coulisses du musée : les réserves et les ateliers de restauration ».

Le propos est passionnant et sa présentation est remarquable. « Dans le Secret des œuvres d’art » offre de multiples niveaux de lecture avec un rare sens de la pédagogie. Il faut saluer la qualité et la pertinence du travail des deux commissaires Marina Bousvarou et Pierre Stépanoff sous la direction de Michel Hilaire.

La scénographie très réussie est accompagnée par le travail graphique très soigné de Floriane Pic (Matters / The Cloud Collective).

Après une initiation au constat d’état grâce à une table tactile, le parcours de visite propose cinq études de cas à partir d’œuvres de la collection :

Les textes de salles sont d’une rare richesse. Ils ont fait l’objet d’une rédaction et d’une mise en page particulièrement soignées qui en facilite la lecture et la compréhension.
Plusieurs dispositifs enrichissent ce discours avec beaucoup de pertinence : table tactile, graphiques animés, mapping vidéo…
Chaque section est accompagnée par une séquence vidéo qui offre des éclairages complémentaires très intéressants.

L’ensemble est particulièrement bien construit. Comme toujours au musée Fabre, accrochage et éclairage sont irréprochables.
Le parcours s’articule clairement comme un enchaînement didactique. Dans une logique « top-down », la démarche s’organise sans laisser beaucoup d’initiative au visiteur. Tout est balisé, jusqu’au sens de lecture des textes de salle qui sont pratiquement « paginés ». Numérotation et fléchage conduisent le regard. En conséquence, l’exposition se parcourt avec évidence et lisibilité.

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre - Dans l’œil du restaurateur
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre – Dans l’œil du restaurateur

À la fin de ce discours très articulé, le service des publics propose une approche plus participative à destination des familles. Sous le titre « Dans l’œil du restaurateur », plusieurs activités ludiques et interactives sont suggérées pour « aiguiser le regard et mieux observer les indices permettant de comprendre l’histoire de chaque œuvre d’art et leur état de conservation »…
Elles s’organisent autour des quatre mots clés suivants :

  • Découvrir : les outils et les matériaux du restaurateur.
  • S’enrichir : avec un salon de lecture et une littérature jeunesse adaptée à la thématique
  • Manipuler : une frise chronologique permettant de classer les œuvres altérées ou
    restaurées
  • Explorer : à l’aide d’un livret de visite, partez à la découverte des œuvres restaurées dans les collections permanentes.

Un film documentaire de 52 minutes, produit par Film d’Ici Méditerranée est présenté à l’auditorium tous les jours de 11h à 12h. Il sera également diffusé par France 3 Occitanie.

Un catalogue publié aux éditions Snoeck complète l’exposition. Il rassemble les informations sur les différents dossiers présentés « Dans le Secret des œuvres d’art ».

Le projet a bénéficié du soutien de la Fondation BNP Paribas et des Amis du Musée Fabre.
L’étude de « la Sainte Trinité couronnant la Vierge » est le résultat d’un partenariat entre le musée Fabre et trois universités : L’Université de Montpellier, Laboratoire de Mécanique et Génie Civil (LMGC) – Le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et l’Université de Poitiers, institut Pprime, département Génie Mécanique et Systèmes Complexes – Le Département de Gestion des Systèmes Agraires, Alimentaires et Forestiers (GESAAF) de l’Université des études Florence).

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre

Depuis un peu plus d’un an, le Musée Fabre a proposé une remarquable série d’expositions-dossier présentées au fil de ses collections. Les accrochages thématiques qui se sont succédé (« Joseph-Marie Vien dans les collections du musée Fabre », « Poétique des Ruines » et récemment « Le Musée avant le Musée ») ont offert un nouveau regard sur les fonds conservés par le musée.
« Dans le Secret des œuvres d’art » permet d’élargir la perception des visiteurs sur la matérialité des œuvres et sur le processus de leurs restaurations. Ce projet permet aussi de mettre en valeur le travail attentif, méticuleux et discret qui se développe dans les réserves du musée et les ateliers à la croisée de l’histoire, de la science, de l’artisanat et de l’art.

« Dans le Secret des œuvres d’art » est une proposition qui mérite sans aucun doute un (ou plusieurs) passage par le Musée Fabre.

À lire, ci-dessous, une présentation du parcours composé de textes extraits du dossier de presse et d’une sélection de photographies de l’exposition.

En savoir plus :
Sur le site du Musée Fabre
Suivre l’actualité du Musée Fabre sur Facebook et Twitter
Sur le site et la page Facebook de Matters / The Cloud Collective

« Dans le Secret des œuvres d’art » – Parcours de l’exposition

Étude préliminaire : Une initiation au constat d’état grâce à une table tactile inédite

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre - Etudes prémiminaires - le constat d'état
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre – Etudes prémiminaires – le constat d’état

Avant de commencer toute restauration, un examen minutieux et détaillé de l’œuvre est toujours dressé : il s’agit du constat d’état. Lorsqu’il fait cette analyse, le restaurateur ne regarde plus le sujet de l’image, mais scrute les différents aspects matériels de l’œuvre : sa coloration est-elle désaccordée ? Sa surface est-elle lisse ou craquelée ? La toile est-elle tendue, ondulée ou accidentée ? Toutes ces questions permettent de mener une enquête et de poser les bases d’une étude préliminaire de l’œuvre.

Cette première section présente sept œuvres, une huile sur bois, une huile sur toile, quatre dessins à l’huile sur parchemin et une sculpture modelée en cire. À l’aide de la table tactile, le visiteur peut établir leur constat d’état, découvrir toutes les analyses scientifiques dont elles ont fait l’objet (imagerie par rayon X, ultraviolets ou infrarouge…) et suivre leur processus de restauration. Les œuvres restaurées sont présentées sur les cimaises.

Un tableau mouvant : La Sainte Trinité couronnant la Vierge

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre - Un tableau mouvant - « La Sainte Trinité couronnant la Vierge »
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre – Un tableau mouvant – « La Sainte Trinité couronnant la Vierge »

La Sainte Trinité couronnant la Vierge est une œuvre anonyme peinte au début du XVIème siècle, sans doute par un artiste espagnol ou flamand installé en Espagne. Le tableau, donné à la bibliothèque municipale de Montpellier par le médecin et collectionneur Calixte Cavalier en 1889 a été déposé au musée Fabre en 1961. L’œuvre a malheureusement été rabotée à une époque inconnue, de sorte qu’elle ne présente qu’une partie de la composition originale.

Composée de quatre planches, équipée d’un cadre et d’un parquetage à son revers chargé d’assurer son maintien, cette peinture sur bois présente depuis de nombreuses années un certain nombre d’altérations et de fissures qui peu à peu altèrent la couche picturale. Ces altérations sont dues à des mouvements du panneau contraints par son cadre et son parquetage qui n’ont pas pu s’effectuer naturellement. Une intervention de restauration était nécessaire, mais il fallait aller plus loin : identifier les causes qui ont contraint les mouvements naturels du panneau.

Grâce à une équipe composée de restaurateurs et de scientifiques, un dispositif de haute précision a été conçu pour comprendre ces mouvements. Placée dans une vitrine climatique étanche, véritable laboratoire, le tableau a été soumis à des variations hygrométriques, de 53 à 63% d’humidité relative. L’ensemble de ces mouvements ont été enregistrés par une balance de haute précision, un ensemble de caméra reconstituant un modèle en trois dimensions de l’œuvre et par des capteurs enregistrant sur des zones localisées l’ensemble de ces mouvements. Ces mesures sont récoltées depuis le mois de septembre 2016 face au public, dans la salle du jeu de paume au musée Fabre.

Grâce à ces différentes données, les mouvements du panneau équipé de son cadre, puis libéré de son cadre, et enfin libéré de son parquetage, ont pu être enregistrées. L’expérience se poursuivra le temps de l’exposition, permettant à terme de comprendre les secrets des mouvements d’une peinture sur bois, et de définir la solution qui assurera la pérennité de l’œuvre.

Une restauration sauvetage : deux dessins de Jacob Philipp Hackert

Jakob-Philipp Hackert, San Angelo a Scala, 1797, crayon graphite et lavis d’encre brune sur papier vergé filigrané, 825.1.260, Montpellier, musée Fabre ©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes
Jakob-Philipp Hackert, San Angelo a Scala, 1797, crayon graphite et lavis d’encre brune sur papier vergé filigrané, 825.1.260, Montpellier, musée Fabre ©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes

Hackert, après des études de dessin à Berlin, s’installe à Rome en 1768. Il s’applique dès lors à parcourir inlassablement la campagne et les montagnes de l’Apennin à la recherche des beautés de la nature. Ses dessins de grand format ne sont pas des études préparatoires pour de futurs tableaux. Il s’agit au contraire d’œuvres abouties, qui plaisaient particulièrement aux amateurs à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. François-Xavier Fabre, fondateur du musée, en acquis de nombreuses feuilles.

La série des dessins conservée au musée a connu une campagne de restauration programmée en plusieurs phases dont la dernière concerne les dessins qui présentent une problématique complexe. Nos deux paysages de très grand format ont été contrecollés au XIXe siècle, sans doute afin de faciliter leur manipulation et leur présentation. Or si les dessins en eux-mêmes ne sont pas en mauvais état, leur support très acide s’est notablement détérioré et les altérations provoquées par cette oxydation inexorable migrent vers les feuilles des dessins. Ces altérations se manifestant par des taches de plus en plus nombreuses. Si rien n’est entrepris, la détérioration de ces œuvres sera, à terme, irréversible.

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre - Une restauration sauvetage avec deux dessins de Jacob Philipp Hackert
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre – Une restauration sauvetage avec deux dessins de Jacob Philipp Hackert

La restauration proposée consiste à déposer les dessins de leurs supports acides sans qu’ils ne se déchirent ni se gondolent, puis à créer un montage neutre qui permettra leur manipulation sans risque. Ce travail a enrichi notablement la connaissance de l’œuvre, notamment dans les techniques employées par l’artiste. Le fabricant du papier d’une des deux feuilles, l’Anglais John Whatman a même pu être identifié.

Cette exploration des deux dessins de Hackert permet dans le même temps d’expliquer la singularité du papier, et en particulier sa fragilité. Soumis à des risques d’altération du fait de la lumière et aux caractères néfastes de certains montages, parfois même de certaines encres, les dessins impliquent des normes de conservation plus délicates mais souvent méconnues.

Afin de révéler la matérialité du papier, les deux dessins sont présentés dans les vitrines rétroéclairés, mettant en évidence la structure et le filigrane.

La reproductibilité à l’âge classique : les bronzes d’Apollon et Daphné d’après le Bernin

Gianlorenzo Bernini dit Le Bernin (d’après), Apollon et Daphné, vers 1700-1710, bronze, 836.4.86, Montpellier, musée Fabre ©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes
Gianlorenzo Bernini dit Le Bernin (d’après), Apollon et Daphné, vers 1700-1710, bronze, 836.4.86, Montpellier, musée Fabre ©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes

Une superbe réplique en bronze du célèbre marbre du Bernin conservé à Rome à la Galerie Borghèse a été léguée au musée Fabre par Antoine Valedau en 1836. Vandalisée par un visiteur en 1990, la main gauche de Daphné a été brisée et a perdu quatre doigts. L’œuvre a été restaurée au Centre de Restauration et de Recherche des Musées de France (C2RMF) afin de réintégrer les doigts brisés. Cependant, à cette occasion, une étude plus détaillée de cette fonte anonyme a pu être menée.

Gianlorenzo Bernini dit Le Bernin (d’après), Apollon et Daphné bronze, 836.4.86, Montpellier, musée Fabre, radiographie, Paris. C2RMF © C2rmf E.Lambert
Gianlorenzo Bernini dit Le Bernin (d’après), Apollon et Daphné bronze, 836.4.86, Montpellier, musée Fabre, radiographie, Paris. C2RMF © C2rmf E.Lambert

Le bronze à fait l’objet d’une analyse poussée au C2RMF : photographie au rayon X, analyse du métal ainsi que du noyau en argile. Les éléments récoltés conduisent à l’hypothèse d’une fonte française du début du XVIIIème siècle, bien que l’œuvre originale en marbre soit italienne. Le bronze du musée Fabre est confronté à trois autres tirages du même sujet : l’un d’entre eux du musée des beaux-arts de Dijon, les deux autres en collection particulière. Au visiteur d’aiguiser son regard, pour savoir si ces œuvres ont été produites par le même atelier !

Cette section permet également d’expliquer les techniques de la fonte du bronze, et de montrer comment histoire de l’art, restauration et étude scientifique peuvent fonctionner en synergie, pour renouveler radicalement notre connaissance de la circulation des modèles artistiques dans l’Europe de l’époque classique.

Une œuvre invisible : le paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt

Herman van Swanevelt, peintre néerlandais du XVIIe siècle de stature européenne, rejoint Rome après une première formation de peintre aux Pays-Bas et à Paris. Se spécialisant dans le paysage, il est particulièrement sensible aux innovations de son célèbre camarade Claude Lorrain, quand il ne le devance pas parfois lui-même.

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre -Une œuvre invisible - le paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre -Une œuvre invisible – le paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt

Dans ses collections, le musée conserve depuis 1825 une toile donnée par son fondateur, François-Xavier Fabre, et attribuée à Herman van Swanevelt. Cette œuvre, très fragilisée et marquée par de nombreux soulèvements, a été recouverte depuis plusieurs décennies par des couches de papiers japon, dont le rôle est d’empêcher d’éventuelles pertes de matière. Cependant, cette protection rendait totalement invisible la surface de l’œuvre. Les recherches menées sur l’œuvre de Van Swanevelt ont motivé la décision d’enlever le papier japon et de lancer une restauration, à la suite d’une étude préliminaire approfondie, dans le but de confirmer ou non l’attribution traditionnelle de cette œuvre à cet artiste nordique.

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre -Une œuvre invisible - le paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre -Une œuvre invisible – le paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt

La peinture a fait l’objet d’une restauration fondamentale, à la fois de son support, la toile, ainsi que de sa couche picturale. Marquée par de nombreux accidents, les lacunes ont en effet été mastiquées par le passé de manière très abusive, recouvrant parfois des zones très importantes où la peinture originale était encore intacte. Il s’agit donc de « dé-restaurer » l’œuvre, en éliminant les anciennes interventions, vieille parfois de plusieurs siècles, pour retrouver la peinture originale.

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre -Une œuvre invisible - le paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre -Une œuvre invisible – le paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt

Dans le cadre de l’exposition, l’œuvre est présentée dans une cimaise permettant de découvrir la face peinte comme le revers du tableau, révélant son doublage, son châssis réglable ainsi que ses bandes de tensions. Grâce à un système de projection lumineuse par superposition d’images (mapping), l’état ancien du tableau et les différentes étapes de sa restauration sont révélés.

Restaurer Supports/Surfaces : Une toile libre de Claude Viallat

Claude Viallat est l’un des artistes vivants majeurs représenté dans les collections du musée Fabre.

Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre - Restaurer Supports-Surfaces ; une toile libre de Claude Viallat
Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre – Restaurer Supports-Surfaces ; une toile libre de Claude Viallat

Membre fondateur du groupe Supports/Surfaces, il est présent dans les collections du musée depuis 1982 avec l’achat d’une grande toile auprès d’Amnesty International. Le fonds a dès lors été complété par des achats et des dons de l’artiste, dans l’objectif de retracer la carrière de Claude Viallat et de compléter l’ensemble spécifique au mouvement Supports/Surfaces.

Il constitue aujourd’hui un fonds de référence avec ceux du Musée national d’art moderne et du musée d’art moderne de Saint-Etienne.

En 2014 la collection a été enrichie d’un don de plusieurs œuvres. La complexité des matériaux éclectiques et industriels choisis par l’artiste ont généré des dégradations pouvant mettre en péril l’intégrité de certaines d’entre elles.

Dans l’exposition, une œuvre de format monumental peinte recto/verso et souffrant d’un processus de perte de matière évolutif est présentée.

Une étude approfondie a été réalisée par le restaurateur afin de trouver la méthodologie la plus adaptée pour résoudre une problématique bien précise. Une batterie de test de vieillissement artificiel ainsi que de traction a été réalisée sur des éprouvettes reprenant des matériaux proches de ceux utilisés par l’artiste. Ces tests ont pour objectif d’anticiper le vieillissement futur de matériaux contemporains dont on ignore le devenir. Il s’agit ainsi de montrer au public les résultats de ces tests et d’expliquer le processus de dégradation comme de restauration des œuvres.

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