Jusqu’au 3 juin 2018, le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Friche la Belle de Mai présentent avec cette exposition magistrale de Carlos Kusnir un des projets les plus intéressants de ce début de printemps à Marseille.
Cette double exposition est une proposition conjointe du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Triangle France, en partenariat avec la Friche la Belle de Mai, dans le cadre de MP2018 Quel Amour !
L’installation présentée par Carlos Kusnir au premier plateau du Frac est particulièrement réussie. Évoquant un décor de théâtre ou celui d’une fête en construction qui semble attendre acteurs et spectateurs, elle invite le visiteur à une déambulation jubilatoire.
Accompagné pas les cuivres d’une joyeuse « fanfare » qui vient ajouter aléatoirement une couche de couleur supplémentaire, il reste donc au regardeur à laisser libre cours à son imagination.
À chacun de construire son histoire étrange ou merveilleuse avec les peignes, bigoudis, balais, béquilles, gants de ménage, chiens, drapeaux et banderoles… qui attendent dans un équilibre fragile d’être « activés » dans des mises en scène intimes ou collectives…
Au second plateau, Carlos Kusnir semble nous attendre dans une exposition en cours de montage… Accueilli par un assemblage de lithographies de la série Unikata (2012), appuyé contre le mur et posé sur deux tasseaux de bois, Carlos Kusnir donne le sentiment d’encourager le visiteur à construire ou à achever l’accrochage…
Seuls deux tableaux paraissent avoir trouvé leur place sur la cimaise.
On est donc invité à parcourir le lieu et regarder avec attention les œuvres sélectionnées…
Faut-il en éliminer quelques-unes ? Comment les assembler ? Que se disent-elles ? Quelles histoires nous racontent-elles ou plutôt quelle histoire peut-on raconter avec elles ?
Dans un texte de 2017 que cite le dossier de presse, « Rejouer la partie », Carlos Kusnir semble s’interroger sur ce que pourrait être cette exposition avec le Frac et Triangle…
Mais en fait, ne nous invite-t-il pas à en faire autant ? Les formes très ouvertes qu’il choisit de présenter au Frac pourraient le laisser croire…
Rejouer la partie
Dans les expositions, je travaille mes peintures comme une partition. Construire une exposition itinérante avec le Frac et Triangle France me donne l’opportunité de retravailler en profondeur le « phénomène de l’exposition »… la question des variantes et des constantes. La constante – un fond commun d’une cinquantaine de pièces – me permettrait de créer à chaque fois des situations différentes. La variante c’est plus qu’une question d’espace, qui sera différent d’un lieu à un autre. C’est la question du sens et du non-sens créée par l’agencement des oeuvres. Je rêve et je me dis que chaque peinture a une sonorité, une couleur particulière. Que chaque peinture est un instrument singulier qui pourrait faire partie d’une plus vaste orchestration. Et que par un travail d’installation, je pourrais produire des bruits, des silences, des ruptures et des dialogues à chaque fois différents. Rebattre les cartes.
Carlos Kusnir, 2017
Dans le film « Je ne suis pas là, je m’enlève » d’Armand Morin, coproduit par le Réseau documents d’artistes, le Frac Provence-Alpes Côte-d’Azur , la Friche la belle de mai et la Galerie Eric Dupont, Carlos Kusnir dialogue avec Julie Crenn, critique d’art et commissaire d’exposition et Claude Lévêque, artiste et ami de longue date. De l’atelier à l’exposition, Il y évoque son rapport à l’espace, à la couleur, au motif, à la musique…
Regarder « Carlos Kusnir / Je ne suis pas là, je m’enlève », avant ou après un passage par le Frac ou la Friche, permet sans aucun doute d’enrichir singulièrement son expérience de visite.
Une exposition absolument incontournable !
À lire, ci-dessous, le texte d’intention des deux commissaires Céline Kopp et Pascal Neveux ainsi que de brefs repères biographiques.
En savoir plus :
Sur le site du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur
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Sur le site de Triangle France
Suivre l’actualité de Triangle France sur Facebook et Twitter
Carlos Kusnir sur le site de documents d’artistes et sur les sites des galeries Bernard Jordan et Eric Dupont
Un cahier pédagogique accompagne l’exposition de Carlos Kusnir au Frac. Il est téléchargeable sur le du site du Frac.
Cette exposition, une collaboration inédite entre le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur et Triangle France à la Friche la Belle de Mai, se déploie sur deux lieux et propose un regard non chronologique sur la pratique de l’artiste en alliant une sélection d’œuvres importantes à de nouvelles productions.
Le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et Triangle France s’associent pour la première fois afin de présenter une exposition majeure de l’artiste Carlos Kusnir.
Se déployant exceptionnellement en deux lieux, cette exposition monographique offre aux visiteurs un parcours original à travers plus de trente ans de création. Elle propose un regard non chronologique sur la pratique de l’artiste en alliant une sélection d’œuvres importantes à de nouvelles productions, dans une composition spécifiquement conçue pour les deux grands plateaux du Frac et du Panorama de la Friche le Belle de Mai.
Né en Argentine, vivant et travaillant à Marseille et Paris, Carlos Kusnir développe depuis le début des années 1980 une œuvre singulière qui repousse non sans jubilation et espièglerie les enjeux formels de la peinture. Son travail est à l’image de sa personnalité, finement ciselé de fantaisie et de rigueur, de maladresse et de virtuosité, d’assurance et de fragilité. Relevant en apparence d’un bricolage précaire, la mise en espace de ses œuvres souvent accompagnées d’éléments sonores se donnent à voir en livrant aux spectateurs la structure même de ses travaux. Avec irrévérence, il se confronte aux techniques de l’imprimerie et procède par collage et assemblages pour amener ses compositions au-delà des surfaces, jusqu’à un espace tridimensionnel et sonore, imprégné de tendresse, d’humour, de rigueur et d’évocations de souvenirs personnels et collectifs issus du quotidien, de la grande et de la petite histoire. Il réalise des tableaux où la peinture joue à s’émanciper de tout ce qui tente de la définir et la cadrer : son support, ses formes, ses matériaux, et ses représentations. Son parcours artistique et son œuvre frappent par leur grande liberté et sont marqués par une capacité de réinvention permanente. A travers cette exposition ambitieuse qui porte son nom comme unique manifeste, Carlos Kusnir démontre sa capacité à se remettre en cause sans jamais laisser place à la facilité et à la superficialité.
Les œuvres réunies à Marseille se présentent comme les éléments, ou les personnages, d’un univers fait de superpositions, de mise en relations, de couches de couleur successives, de répétitions de motifs et de gestes. L’importance des procédés d’impression s’y révèle, notamment celui de la lithographie, bien que repoussée à la marge de la pratique picturale de l’artiste pendant des décennies. La répétition, c’est celle des motifs et des gestes de l’imprimeur, et celle pratiquée par les musiciens. Carlos Kusnir pense et réalise une peinture où le labeur disparait derrière la fraicheur de propositions incisives. Les choses sont vivantes et se rejouent. Elles s’arrêtent, parfois, le temps d’un café ou d’une pause sur une chaise. Et elles reprennent. La musique, quant à elle émane littéralement des œuvres comme une couche de couleur supplémentaire qui accompagne le regard. Chez Carlos Kusnir, la répétition et le rythme conduisent la figuration vers l’abstraction. Les objets figurés deviennent prétextes et se diffusent dans un ensemble faisant apparaitre ce qui relie, les silences, les accidents heureux, les chocs et les harmonies.
Les œuvres apparaissent souvent en équilibre, comme fraichement posées là. Peinture, bois, objets, papier…les assemblages et les contacts sont fragiles et célèbrent l’impermanence des choses, un seul détail ou un petit objet pouvant faire basculer l’ensemble. La versatilité des expressions et des affects qui se créent dans les frottements et les instants de grâce proposés par Carlos Kusnir nous rappelle que tout est vanité. Et quelque soit l’ampleur de leurs proportions, le rapport au corps qu’entretiennent les œuvres est direct, proche de celui d’une feuille de papier que l’on manipule et tourne pour la regarder et la mettre de coté au sortir de la presse. Elles ne veulent pas être laissées là. Elles affirment leur mouvement. Elles revendiquent leur présence. Dans cette exposition, elles manifestent littéralement leur existence. Brandies sur leurs supports, revendiquant leur droit à l’espace et au temps, parfois de travers et peu importe les échelles et le sens. Elles sont là ensemble, et posent des questions, comme une foule en procession, une cacophonie silencieuse à la fragilité élégante. Toujours en quête de nouvelles mélodies picturales, préférant les contre-allées aux portes-voix, Carlos Kusnir n’a de cesse de brouiller les pistes pour tracer sa voie et nous donner à voir une œuvre en perpétuel mouvement.
Céline Kopp et Pascal Neveux, Marseille, février 2018
Né en 1947 à Buenos Aires (Argentine), Carlos Kusnir vit et travaille entre Marseille et Paris. Avant de s’installer en France au début des années 1980, Carlos Kusnir s’est formé à l’Académie des Beaux-Arts de Buenos Aires et à Bratislava où il s’est formé aux différentes techniques d’impressions. De retour dans sa ville natale au début des années 1970, l’artiste fonde un atelier d’impression d’art et entame ses premières recherches picturales.
Le travail de Carlos Kusnir a fait l’objet d’expositions dans de nombreuses institutions et centres d’art en France dont le Grand Café à Saint-Nazaire ; Transpalette à Bourges ; le Frac PACA à Marseille ; le FRAC Auvergne de Clermont-Ferrand ; le musée de Sérignan ; CRAC le 19 à Montbéliard ou plus récemment à la galerie Eric Dupont, à Paris.
Ses œuvres sont présentes dans plusieurs collections publiques comme le CNAP, le FRAC Auvergne et le Frac PACA ; ainsi que dans des collections privées comme la Fondation Cartier à Paris.
Carlos Kusnir est représenté par les galeries Bernard Jordan (Paris, Berlin, Zürich) et Eric Dupont (Paris).