Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018

Jusqu’au 23 septembre, les Rencontres de la photographie d’Arles accueillent « H+ » de Matthieu Gafsou à la Maison des peintres. Le photographe suisse y propose une plongée déconcertante, fascinante et inquiétante dans le monde des transhumanistes.
Remarquable à plus d’un titre, « H+ » oblige ses visiteurs à la réflexion.
À l’évidence, c’est un des projets majeurs de cette édition 2018 des Rencontres, une exposition à ne pas manquer !

Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 6 Posthumain – Vue de l’exposition

Sur les intentions de Matthieu Gafsou comme sur les conditions dans lesquelles il a réalisé les images de « H+ », on renvoie à cette interview, publiée récemment par les Rencontres de la photographie :

On lira également avec intérêt le texte d’introduction à l’exposition (reproduit ci-dessous) et celui qui présente le projet sur le site de Matthieu Gafsou.

Les lignes qui suivent s’intéressent à la manière dont les images de cette série sont présentées à la Maison des peintres.

Matthieu Gafsou - H+ aux Rencontres Arles 2018 - 3 Homme machine- Vue de l'exposition
Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 3 Homme machine- Vue de l’exposition

La scénographie s’articule à partir de trois séries de deux cimaises disposées en oblique et légèrement décalées dans la longueur de l’espace d’exposition. Expérimentée l’an dernier, dans une forme un peu différente, avec l’exposition « Les Gorgan » de Mathieu Pernot, cette implantation tire un parti habile du volume de la Maison des peintres et construit des perspectives intéressantes.

Matthieu Gafsou - H+ aux Rencontres Arles 2018 - 5 Biohacking - Vue de l'exposition
Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 5 Biohacking – Vue de l’exposition

Chaque cimaise permet à Matthieu Gafsou de « mettre en page » un des six chapitres de son projet.

Matthieu Gafsou - H+ aux Rencontres Arles 2018 - 1 Prothèses - Vue de l'exposition
Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 1 Prothèses – Vue de l’exposition

L’accrochage est réalisé avec beaucoup de soin et de précision. Il joue avec efficacité sur la multiplication des formats et des supports. Quelques grands « wallpapers » sont utilisés avec pertinence. Créant d’opportunes ruptures qui articulent un parcours à la fois fluide et rythmé.

Matthieu Gafsou - H+ aux Rencontres Arles 2018 - 6 Posthumain - Vue de l'exposition
Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 6 Posthumain – Vue de l’exposition

Les rapprochements, associations ou oppositions d’images sont toujours judicieux.

Chaque image est accompagnée par un cartel en acier brossé. Le texte simple, précis et concis offre les repères nécessaires pour comprendre le sujet présenté et le replacer dans un contexte plus large. Ces informations reproduisent celles qui sont disponibles, mais uniquement en anglais, sur le site du photographe. Ce sont des éléments essentiels du projet indispensable pour que chaque visiteur puisse construire la mise en réseau souhaitée par Matthieu Gafsou et qu’ensemble images et textes « tissent la toile d’un discours »…

Matthieu Gafsou - H+ aux Rencontres Arles 2018 - 1 Prothèses - Vue de l'exposition 1-4 et 1-5
Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 1 Prothèses – Vue de l’exposition 1-4 et 1-5
Matthieu Gafsou - H+ aux Rencontres Arles 2018 - 1 Prothèses -Cartels 1-4 et 1-5
Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 1 Prothèses -Cartels 1-4 et 1-5

L’ensemble développe une esthétique épurée et parfois une peu clinique. « H+ » est d’une grande cohérence et efficacité.

Seule ombre au tableau, une lumière pas toujours maîtrisée. Mais il est difficile de faire beaucoup mieux dans un espace qui n’est pas conçu et sommairement aménagé pour accueillir des expositions photographiques.

Matthieu Gafsou - H+ aux Rencontres Arles 2018 - 3 Homme machine- Vue de l'exposition
Matthieu Gafsou – H+ aux Rencontres Arles 2018 – 3 Homme machine- Vue de l’exposition

Sans jamais imposer de discours, mais sans éliminer tout point de vue, les images de Matthieu Gafsou questionnent la limite entre l’homme soigné et l’homme augmenté. Son projet engendre des réflexions qui donnent le vertige… mais il laisse le soin au visiteur de se forger une opinion sur les pratiques transhumanistes.

La nature du projet de Matthieu Gafsou, la qualité de ses images, des tirages et impressions particulièrement soignés et une mise en espace précise et rigoureuse font de « H+ » une des expositions incontournables des Rencontres Arles 2018.

Publication : H+, coédition Kehrer Verlag et Actes Sud, 2018.

Exposition produite en partenariat avec le musée d’Art de Pully.
Avec le soutien de la Confédération suisse, de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, de la Ville de Lausanne et de la galerie Éric Mouchet (Paris).

Tirages et encadrements réalisés par Après Midi Lab, Paris, avec le soutien de Sénélar-Larson Juhl, Hazebrouck. Wallpapers réalisés par Picto, Paris.

En savoir plus :
Sur le site des Rencontres d’Arles
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Sur le site de Matthieu Gafsou
Visite immersive 3D de l’exposition réalisée par Notoryou

H+ traite du transhumanisme, un mouvement qui prône l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Certains considèrent ce mouvement comme la suite logique des évolutions technologiques ou comme un nouveau type de spiritualité qui érige l’humain en animal tout-puissant. D’autres y voient une nouvelle forme de « chute », l’adoration de la technique et de l’individu devenant les signes d’une mégalomanie fautive. Des prothèses à la nourriture-médicament en passant par les implants, ou par l’interaction humain-machine, nous découvrons que notre corps devient un outil customisable à loisir, véhicule presque embarrassant d’un esprit survalorisé. Les acteurs impliqués vont des majors de l’industrie technologique aux sous-cultures. Si l’imaginaire des premières est globalement techno-progressiste, celui des tenants d’une hétérodoxie du transhumanisme est riche et multiple. Il mêle littérature cyberpunk, modifications corporelles, culture un peu geek du jeu vidéo ou du manga…

Sans titre, Matthieu Gafsou
Sans titre, Matthieu Gafsou

Les photographies de H+ sont peu contextualisées et elliptiques. Prises isolément, elles déroutent plus qu’elles n’explicitent. C’est mises en réseau qu’elles tissent la toile d’un discours. Artificielles, les photos ressemblent à leur sujet : on ne sait plus si c’est le vivant qui s’éteint en devenant machine ou si l’inanimé prend vie, faisant écho aux mots de Philip K. Dick : « La mutation la plus spectaculaire qui bouleverse notre univers est sans doute la réification de l’homme, mais cette mutation s’accompagne en même temps d’une humanisation réciproque de l’inanimé par la machine. Nous ne pouvons désormais plus opposer les catégories pures du vivant et de l’inanimé, et cela va devenir notre paradigme. » H+ parle de notre corps, de notre quotidien et de notre rapport à la technique autant qu’elle ouvre la réflexion sur des perspectives d’avenir. Aucune réponse n’est donnée, mais l’exposition peut fonctionner à la fois comme un outil pour penser une question essentielle de notre présent et comme un espace poétique qui nous confronte à l’absurde de notre finitude.

Sans titre, Matthieu Gafsou
Sans titre, Matthieu Gafsou

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