Jusqu’au 30 septembre 2018, la Fondation Blachère présente avec « Homo Planta » des œuvres inédites de Barthélémy Toguo, de trois artistes de son collectif Bandjoun Station accueillis en résidence de création à Apt : Moufouli Bello, Tatgedes et Gabriel Tegnoto. Cet ensemble est complété par une sélection de photographies de Romuald Dikoumé.
Les œuvres, créées spécialement pour l’exposition entre le 14 mai et le 7 juin 2018 à Apt, partagent une thématique commune, celle de « l’homme végétal, du lien entre l’homme et la nature ».
Le catalogue reproduit un entretien avec Barthélémy Toguo où il rappelle que cette problématique est « un fil directeur dans toute mon œuvre ». Puis, il ajoute : « Je travaille sur des sujets liés à l’homme et à son environnement végétal ».
La première salle où l’on trouve des œuvres plus anciennes de l’artiste camerounais propose un texte d’introduction où il souligne que pour lui « Homo Planta »,
« C’est la théâtralisation d’un univers qui devient totalement végétal. La souffrance, la beauté font partie de mon travail. Les personnages deviennent des corps mutants végétaux qui se mettent à danser. C’est une chorégraphie avec des lianes qui bougent, des feuilles qui se touchent, des corps qui se prolongent. Les fleurs sont des indices de la célébration de la vie qui a lieu dans ces œuvres. L’exposition évoque cette présence de l’homme dans la nature, en harmonie. Il faut respecter et protéger la planète. Quand il n’y a plus de plantes, c’est la mort ».
Le premier opus de la série « Homo Planta » conduit vers la vaste salle d’exposition de la Fondation Blachère, plongée dans une demi-pénombre.
En utilisant uniquement des projecteurs cadreurs, l’éclairage crée une ambiance théâtrale, dramatique, mais aussi assez intime qui est assez propice à la méditation.
Cette lumière fait particulièrement ressortir les encres sur fond blanc de Toguo. Elle donne parfois l’illusion d’un rétroéclairage ou d’une projection.
La scénographie est construite autour d’un salon au centre de l’espace d’exposition. D’accueillants fauteuils rouges font contraste avec une cimaise verte qui articule le parcours des visiteurs.
Ce décor s’harmonise assez bien avec les encres vertes et rouges qui dominent dans la série « Homo Planta » présentée en face.
Huit toiles de Barthélémy Toguo, suspendues deux à deux, viennent opportunément marquer une rupture entre ses œuvres celles de ces invités qui sont accrochées au fond de la salle.
Sur chaque côté, le bleu s’impose dans deux tableaux aux dimensions plus importantes (200 cm x 200 cm). Sur la gauche, cette tonalité conduit naturellement le regard vers les œuvres de Moufouli Bello.
Le fond de l’espace d’exposition est donc consacré aux trois artistes du collectif Bandjoun Station invités par Barthélémy Toguo et la fondation Blachère.
Moufouli Bello présente quatre portraits de femmes où elle mêle parfois peinture acrylique. feuilles d’or et stylos Posca.
Gabriel Tegnoto expose quatre dessins au stylo bille, feutre et crayon sur papier aquarelle, projets de meubles royaux, diplomatiques et de panneaux décoratifs de « Style Gaby ».
Tatgedes accroche à Apt deux formats verticaux et quatre toiles horizontales où il peint des « personnalités connues participant à diverses manifestations culturelles »…
Au revers de la cimaise verte, on découvre un ensemble très intéressant de photographies de Romuald Dikoumé qui composent une série intitulée « Reconnection with the nature ». S’il n’appartient pas au collectif Bandjoun Station et si ses images n’ont pas été réalisées pendant la résidence à Apt, son travail est peut être celui qui résonne le mieux avec celui que présente Barthélémy Toguo et avec une certaine idée de « Homo Planta ».
À l’avers de la cimaise, côté salon, six photographies de Toguo plus anciennes (Une autre vie, 1993) témoignent de la continuité de la thématique dans l’œuvre de l’artiste.
Un denier espace est consacré à la projection d’un film où Barthélémy Toguo évoque les enjeux de Bandjoun Station. Quelques séquences sont tournées dans son atelier. On y entrevoit la rapidité et la dextérité de sa technique dans l’utilisation de l’encre et de l’acrylique sur toile.
Même s’il n’y a pas de découverte renversante dans les œuvres accrochées à la fondation Blachère, « Homo Planta » mérite néanmoins un passage par Apt cet été.
Les toiles de Toguo savent toujours distiller une étonnante magie et aborder avec générosité et ici avec une certaine retenue des problématiques universelles.
« Homo Planta » est aussi l’occasion de rencontrer le travail des artistes que Toguo a souhaité promouvoir à ses côtés. Les tableaux de Moufouli Bello et les photographies de Romuald Dikoumé méritent sans aucun doute une attention particulière.
L’exposition est produite par la Fondation Blachère.
Commissariat : Christine Allain-Launay
Scénographie : François Viol – Eclairage : Eric Gomez et Franck Ropion.
Catalogue bilingue (français / anglais) édité par la Fondation Blachère. Interview de Barthélémy Toguo et brèves présentations de Moufouli Bello, Tatgedes, Gabriel Tegnoto et Romuald Dikoumé. Reproduction des toute les œuvres exposées.
À lire, ci-dessous, les textes de présentation des artistes mis à la disposition des visiteurs
En savoir plus :
Sur le site de la Fondation Blachère
Suivre l’actualité de la Fondation Blachère sur Facebook et Twitter
Homo Planta – Fiche de salle
Barthélémy Toguo (Cameroun)
Homme de conscience et d’engagement, Barthélémy Toguo explore les relations complexes entre l’Homme et la Nature depuis les années 1980. Il étudie cette thématique à travers de nombreux médiums : lithographies, dessins, photographies, mais aussi et surtout par l’utilisation de l’encre de chine sur toile humide, technique qu’il a développée au fil du temps.
Avec l’exposition « Homo Planta » Barthélémy Toguo propose un voyage à travers ses yeux dans son univers, une présentation des émotions et des pensées qu’il développe depuis de nombreuses années, une exposition de ce qu’il considère être au centre de notre relation avec le végétal. Il n’est pas question pour lui de faire la critique de la société, mais tout simplement d’établir les faits, de constater le monde tel qu’il est : en pleine évolution, et dans lequel il souhaite apporter sa réflexion. Il s’agit d’ « une évolution souvent violente, dangereuse, parfois mortelle, injuste, mais également fondatrice d’une société nouvelle attendue, pour laquelle chacun doit prendre ses responsabilités ». Barthélémy Toguo s’investit aussi à Bandjoun. village de son père au Cameroun où il a fait le pari audacieux de fonder son propre collectif, Bandjoun Station, dédié à l’art contemporain africain ainsi qu’à ses artistes, et où il agit pour le développement et la prise de conscience artistique mais aussi agriculturale.
Moufouli Bello (Bénin)
Mêlant peinture acrylique, feuilles d’or et stylos Posca, Moufouli aborde des sujets traditionnels et culturels avec des techniques contemporaines. Au cœur de ses œuvres : la femme. Non pas au nom de la féminité, mais au nom de la réalité : la femme est au cœur de la vie, sans elle, nous n’existons pas. Ses tableaux deviennent des lieux de dialogue et d’échange, et proposent un rendez-vous entre les sociétés et leurs mœurs. À travers des techniques figuratives qui explorent la psyché humaine sur fond de pratiques sociétales : elle utilise également la figuration comme support pour projeter une dénonciation, un questionnement ou un contenu conceptuel élaboré autour d’un processus symbolique.
Gabriel Tegnoto (Cameroun)
Artiste sculpteur et dessinateur autodidacte passionné par l’architecture du monde, originaire Gabriel Tegnoto dessine. Il dessine, colorie, repasse à l’encre de chine ses fines lignes avant de se lancer dans la sculpture. Tout ce qu’il dessine. Gabriel le créé ensuite dans du bois. Ayant suivit une formation d’ébéniste dans son enfance, il travaille aujourd’hui dans son atelier pour ses clients, mais une fois la journée finie, il s’inspire des œuvres et traditions Bamilékés (région de l’ouest du Cameroun) et se lance dans la création d’œuvres d’art, d’abord sur papier, et ensuite dans le bois. Conscient qu’il participe à l’Histoire de la population Bamiléké, Gabriel n’hésite pas à créer des œuvres pleines de symbolismes, de petits détails qui racontent les contes oraux qui lui furent racontées dans son enfance.
Romuald Dikoume (Cameroun)
Romuald Dikoumé est né à Douala, capitale du Cameroun. Son travail photographique superpose l’Homme sur l’environnement qu’il habite, étudiant son impact et son empreinte physique sur ce dernier. Sa démarche est sensiblement liée à sa formation académique et professionnelle, qui consiste à interroger l’Histoire, mais surtout les procédés sociaux qui font qu’aujourd’hui, les codes de nos sociétés ont changé, et que nos priorités se détournent de notre planète. En projetant et dédoublant l’Homme il provoque et incite à la discussion : il nous invite à (re)voir notre place sur Terre. Le travail de Dikoumé se place aux frontières de l’Art, de l’anthropologie, du journalisme, et enrichisse notre connaissance de nous-même.
Tatgedes (Cameroun)
Tatgedes, artiste autodidacte né à Bafoussam à l’Ouest du Cameroun. est peintre dans l’âme. Très attentif aux évolutions de la société, Tatgedes s’inspire à la fois de ses origines traditionnelles Bamiléké et de la vie ambiante de son entourage pour réaliser ses œuvres. Ses coups de pinceaux nous racontent la vie ; ils nous révèlent des scènes dans lesquelles sont agencées des personnalités connues participant à diverses manifestations culturelles. Au fil de ses peintures, Tatgedes devient chef d’orchestre et ses personnages, les instruments de ses mises en scènes. Cependant, ses œuvres ne sont pas des hommages au passé, au contraire, elles vont de l’avant, projetant une image actuelle, établissant un état des lieux d’aujourd’hui.