Jusqu’au 19 mai 2019, Carré d’art accueille Isabelle Rodriguez pour « Se souvenir du bruit qu’a fait le lustre en tombant », un récit à propos du Grand Théâtre de Nîmes, détruit par un incendie en 1952, lieu sur lequel s’élève aujourd’hui Carré d’Art.
Avec raffinement, nuance et précision, Isabelle Rodriguez propose un très bel accrochage qui se développe dans la galerie Norman Foster.
À partir d’images et de documents (photographies, cartes postales, gravures, plaques de verre, partitions musicales, articles de presse, maquette…), Isabelle Rodriguez a construit des archipels thématiques aux contours flous qu’elle relie avec ses propres textes.
Les documents sont issus de la collection personnelle de l’artiste, de celles du Musée du Vieux Nîmes, des Archives municipales et départementales et du Centre de documentation de Carré d’Art.
Avec « Se souvenir du bruit qu’a fait le lustre en tombant », il ne s’agit pas pour l’artiste de raconter l’histoire et la destruction du Grand Théâtre. Le texte d’introduction explique clairement les intentions de son projet :
« C’est une histoire que tout le monde connaît ici, celle de l’incendie qui a détruit le Grand Théâtre de Nîmes. Plus tard, dans les témoignages recueillis suite à l’événement, on parle d’un emplacement maudit, mais de toute façon, après des disparitions si brutales, il en est toujours pour inventer des légendes. Le Carré d’Art a pris l’emprise au sol du théâtre brûlé, ce haut lieu de l’opéra.
Il ne s’agit pas de retracer l’histoire du site, mais plutôt de convoquer des éléments de mémoire, pour permettre aux récits d’émerger, aux fictions de se déployer, à travers et avec les images.
Constellations ou variations, les rencontres entre les documents trouvés et le travail de l’écriture inspirent des dialogues entre l’ici et les ailleurs, entre maintenant et les avants, des autrefois multiples, multipliés, multipliables.
Le flux de ces récits consacre des espaces à ce qui s’évapore: l’évanescence des arias, le brouhaha des salles, le silence d’avant la première note – il n’existe pas beaucoup de mots pour dire le silence -l’odeur du chlorate de potassium, le parfum des cantatrices, ou même le plaisir si singulier que l’on prend à entendre, depuis la galerie du cinquième étage comme depuis nulle part ailleurs, le grand air de Carmen ».
« Se souvenir du bruit qu’a fait le lustre en tombant » est un projet singulier et passionnant qui est construit avec une remarquable maîtrise…
Dans une mise en page rigoureuse et minutieuse qui sait toutefois jouer avec les marges et les bordures, Isabelle Rodriguez utilise les cimaises du mur Foster comme les feuilles d’un ouvrage en cours d’édition, sollicitant du regardeur d’éventuelles interventions…
De Ninon Vallin au lustre du théâtre puis à une étrange maison Napoléon III vers Lyon, en croisant Carlotta, Sarah Bernhardt, Carmen ou Éva Closset, l’artiste propose un questionnement sur l’écriture et l’exposition qui trouve naturellement sa place dans un lieu qui est à la fois musée, centre d’art contemporain et bibliothèque…
La pratique de cette jeune artiste, diplômée de l’École supérieure des beaux-arts de Nîmes (Esban) en 2017, mérite sans aucun doute d’être découverte et partagée.
Un passage par le mur Forster à Carré d’Art s’impose !
Cette exposition est coordonnée par Arnaud Vasseux, artiste et enseignant à l’Esban, dans le cadre de l’Atelier Recherche Création « Pratiques de l’exposition ».
En savoir plus :
Sur le site de l’École supérieure des beaux-arts de Nîmes
Sur l’incendie du Grand Théâtre de Nîmes, lire cet article sur le site Némausensis
À propos d’Isabelle Rodriguez :
Après un parcours universitaire, Isabelle Rodriguez a obtenu un Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique en 2017 à l’École supérieure des beaux-arts de Nîmes. Elle construit des récits, présentant des archives — photographies, films, actes d’états civils ou judiciaires — et racontant ses expéditions à travers l’Europe à la recherche des personnages oubliés de l’Histoire. Elle a choisi d’explorer plus en avant son rapport à l’écriture en intégrant le Master de Création Littéraire du Havre, cohabilité par l’Université et l’ESADHaR. Aujourd’hui et dans ce cadre, elle travaille à l’écriture d’un roman qui raconte, entre autre, comment un orphelinat a été entièrement décimé par la grippe espagnole. (extrait du site de l’Esban)