L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille

Jusqu’au 11 janvier 2020, la galerie de la Scep présente « L’échantillon d’un jardin ».
Cette remarquable exposition rassemble des œuvres de Romain Dumesnil, Théo Jossien, Florent Lamouroux, Valentin Martre, Olivier Nattes, Tina & Charly et Lucie Tournayre.

Dans leur invitation, les deux commissaires, Diego Bustamante et Aude Halbert, proposent à leurs visiteurs de se « confronter à des œuvres qui, partant de notre échelle, nous renvoient à des phénomènes bien plus grands, qui nous ont précédés et qui nous survivront ».

Les pièces sélectionnées renvoient d’une manière ou d’une autre à des processus organiques ou géologiques et à des mécanismes cosmologiques qui interrogent le regardeur sur la brièveté de son existence, sa place assez contestable et son avenir plutôt incertain… Certaines œuvres l’interpellent aussi sur les traces probablement indélébiles ou pour le moins durables qu’il laissera individuellement ou collectivement. Un parfum de « catastrophisme » et d’« effondrement » qui se diffuse dans la génération à laquelle appartiennent plusieurs de ces artistes semble par moment flotter dans « L’échantillon d’un jardin ». À l’inverse, plusieurs pièces donnent le sentiment qu’une résistance est possible et qu’elle est peut-être en train de se construire.

Avec sobriété et rigueur, l’ensemble est comme toujours remarquablement mis en espace.
Les rapprochements entre les œuvres sont toujours discrets et ne forcent jamais le regard. L’accrochage laisse au visiteur la liberté d’imaginer ses propres récits et conversations.

L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Au rez-de-chaussée, une superbe sculpture en aluminium de Théo Jossien pointe vers un improbable corps céleste.

Théo Jossien - 43°, 2018 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Théo Jossien – 43°, 2018 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Ses lignes épurées et la froideur du métal contrastent de manière étonnante avec le caractère organique de la foisonnante Forêt en devenir d’Olivier Nattes et ses 700 graines d’arbres conservées sur toile de jute, bois et carton…

On se souvient de « La suite finira bien par arriver… » avec laquelle Olivier Nattes avait su retenir l’attention lors du PAC 2019 au Château de Servières.

Ces deux œuvres introduisent avec justesse le propos de « L’échantillon d’un jardin ».
La première mériterait sans doute un regard attentif de la part d’acquéreurs institutionnels. La seconde engage les visiteurs à suivre avec intérêt la démarche artistique d’Olivier Nattes et tout particulièrement son passionnant projet à Château Gombert autour des « formes possibles d’une implantation humaine écosophique dans notre environnement et la ville de demain »…

Une troisième pièce, discrètement posée sur une étagère, est peut-être la plus captivante de ce premier ensemble. En effet, la Boussole d’attention (2018) de Lucie Tournayre interroge et laisse songeur…

Le texte de salle permet d’en savoir plus : « La boussole est calquée sur le principe quantique de superposition d’états : elle indique en continu toutes les directions à la fois, et ne se focalise sur un point que lorsque l’attention de son observateur se concentre sur elle (par sa prise en main) ».

Deux autres œuvres de Lucie Tournayre sont exposées au sous-sol de la galerie. Ensemble, elles montrent la logique et l’originalité de sa démarche artistique.

Diamants (2016) montre des cristaux de sel posés sur une bourse en velours. Ils résultent de deux cristallisations successives. Cette pièce s’inspire du « cristal de temps », un objet théorique proposé par Frank Wilczek en 2012.

Lucie Tournayre - Diamants, 2016 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Lucie Tournayre – Diamants, 2016 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Selon ce physicien, « il est possible de concevoir une structure composée d’un groupe de particules se déplaçant et retournant périodiquement à leur état d’origine, qui formeraient un “cristal temporel” ». Un premier « cristal de temps » a été créé en octobre 2016 par des chercheurs de l’université du Maryland… une découverte qui présente un intérêt pour l’informatique quantique…

Même la Polaire (2019) propose une carte du ciel en octobre 9999, établie sur la base de calculs scientifiques d’après les données actuelles… Aucune certitude que ce ciel existera si ce n’est que l’artiste et le regardeur ne pourront l’observer !

Lucie Tournayre - Même la Polaire, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Lucie Tournayre – Même la Polaire, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Il y a dans le travail de Lucie Tournayre une attention « sur le rapport qu’entretiennent l’art et les sciences, les systèmes de représentation et de classification, ou encore sur le jeu. Dans ma pratique [écrit-elle], cela se traduit par un déplacement de matériaux, qui, raccordés à une nouvelle histoire, changent de sens, de contexte ou d’utilisation ».
Quelle que soit la forme choisie, il y a une cohérence évidente dans les œuvres de cette artiste. On suivra avec intérêt ses prochaines productions.

Comme Lucie Tournayre, Valentin Martre est un jeune artiste dont le parcours est proche des deux commissaires. En effet, tous sont passés par l’École des Beaux-Arts de Nîmes. Son travail avait été présenté dans « Tangible is the nouveau IRL », la première exposition de la galerie de la Scep, puis dans le « Sud Magnétique » proposé par Vidéochroniques.
Pour « L’échantillon d’un jardin », il expose plusieurs œuvres. On découvre ici et là un ensemble d’insectes dont les cadavres galvanisés sont recouverts d’or et de cuivre.

Protégé par une lentille de verre, l’un d’entre eux est inclus dans une souche d’arbre travaillée par des insectes xylophages…

Si la cigale et les abeilles sont clairement visibles, il faut un peu d’attention pour localiser la carapace dorée du scarabée rhinocéros…

Fragment de « Semer des semeurs » (2019) est une pièce tout aussi discrète que les commissaires ont choisi d’accrocher au pied de l’escalier. Il faut lire le texte de l’artiste (reproduit ci-dessous) qui accompagne cette petite enveloppe dont un autre exemplaire, collé à la fiche de salle, est offert au visiteur…

Les deux pierres volcaniques suspendues dans l’air au bout de leur corde (Lapso (Lapse), 2019) que Romain Dumesnil a installé au milieu de la première salle au sous-sol attirent inévitablement le regard.

Avec les œuvres de Lucie Tournayre, c’est sans doute une des pièces les plus intrigantes de « L’échantillon d’un jardin » dans lequel on découvre aussi la Boule à neige (7ème continent) de Florent Lamouroux et deux Dialogues schématiques de Tina et Charly.

Florent Lamouroux - Boule à neige (7ème continent), 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Florent Lamouroux – Boule à neige (7ème continent), 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé
Tina et Charly - Dialogues schématiques, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Tina et Charly – Dialogues schématiques, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

En un peu plus d’un an et cinq expositions, la galerie de la Scep s’est imposée dans le paysage artistique marseillais avec une programmation singulière et passionnante.

« L’échantillon d’un jardin » réclame un passage par la rue Perrin Solliers avant le 11 janvier prochain. Merci à Diego Bustamante et Aude Halbert pour leur accueil simple et chaleureux et leurs commentaires éclairants et précieux.

La fiche de salle est reproduite ci-dessous. Elle est accompagnée de photographies transmises par la galerie.

En savoir plus :
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Des liens vers les site des artistes sont inclus dans la fiche de salle

L’échantillon d’un jardin – Fiche de salle

Théo Jossien
43°, 2018, aluminium

http://www.theojossien.com/index.html

Théo Jossien - 43°, 2018 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé

Théo Jossien – 43°, 2018 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Cette œuvre a été produite lors d’une résidence d’artiste à l’atelier mécanique de l’observatoire de Haute Provence (St Michel l’Observatoire). Entouré d’ingénieurs en mécanique et en optique, il entame dans l’atelier mécanique la conception d’une œuvre qui profitera de la précision, du savoir-faire et des connaissances de ces derniers, additionnés à ceux de l’artiste déjà qualifié et sensible à l’univers des sciences et des techniques. Au même endroit et au même moment où ses voisins fabriquaient des pièces pour les télescopes parmi les plus précis du monde. Théo Jossien entame sa sculpture dans cette potentialité du travail du tour et de la fraiseuse aux cinq microns près. Elle est basée sur l’étude du fonctionnement des télescopes, et notamment les inclinaisons, mouvements, équilibrages et divers maintiens mécaniques qui permettent d’observer une étoile de manière fixe sans souffrir du mouvement continu de la planète. En retirant l’utilité de l’objet qu’il crée tout en gardant la précision et la rigueur que demande un télescope, il en allonge les axes tout en retirant les éléments optiques. Sa sculpture est orientée vers le nord et inclinée à 43 degrés (inclinaison relative à notre position géographique sur le globe). L’axe rotatif entre le mur et le sol (ascension droite) est parallèle à l’axe de rotation de la terre. L’axe perpendiculaire est la déclinaison, son mouvement rotatif permet (sur un télescope) de balayer l’hémisphère pour que le dernier élément (le plus petit) pointe une étoile de manière précise.

Olivier Nattes
Forêt, 2019, graines, toile de jute, carton, bois

http://www.oliviernattes.com/Portfolio-O-Nattes-2018.pdf

Olivier Nattes - Forêt, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Olivier Nattes – Forêt, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Cette œuvre est faite d’une base de graines de Chia (Salvia hispanica) formant un gel mucilagineux (substance d’origine végétale qui gonfle au contact de l’eau et devient un liant) permettant de faire tenir ces graines entre elles tout en les conservant naturellement. Le tout est composé d’environ 700 semences d’arbres forestiers et fruitiers de climat méditerranéen à préalpin. La toile de jute montée sur du carton sur bois permet à cette œuvre d’avoir une certaine réversibilité, d’être déconstruite, puis potentiellement semée. Parmi ces graines ont retrouve des graines de frêne, d’hêtre, de chêne vert, pédonculé et sessile, d’érable, de cornouiller, de charme, de robinier faux acacia, d’épicéa commun, de pins sylvestre, maritime et parasol, de merisier, de poirier sauvage, de mirabellier, de pommier sauvage, de cognassier, de genévrier, de sorbier, d’aubépine, de sureau noir, d’alisier, aujourd’hui en dormance.

Lucie Tournayre
Boussole d’attention, 2018, charbon, plastique, moteur, système d’alimentation, porcelaine

https://www.instagram.com/lucie.tournayre/
https://lucietournayre.tumblr.com/

Lucie Tournayre - Boussole d’attention, 2018 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Lucie Tournayre – Boussole d’attention, 2018 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

La boussole est calquée sur le principe quantique de superposition d’états (la particule quantique, existe à priori dans tous les états à la fois, c’est l’attention d’un observateur qui arrête la particule dans une situation particulière). De la même façon, l’aiguille de la boussole d’attention tourne en permanence et indique en continu toutes les directions à la fois. Une fois dans les mains d’un observateur, l’aiguille stoppe sa course et s’arrête sur une direction aléatoire.

Romain Dumesnil
Lapso (Lapse), 2019, pierres volcaniques manipulées et cordes

http://www.romaindumesnil.com/
http://www.romaindumesnil.com/lapso

Romain Dumesnil - Lapso (Lapse), 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Romain Dumesnil – Lapso (Lapse), 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Deux pierres volcaniques sont maintenues en suspension dans l’air, chacune soutenant l’autre par sa force d’attraction magnétique, sans jamais qu’elles ne se touchent. Entre les deux roches un vide, espace suspendu, interrompt la ligne tracée par les cordes qui maintiennent les pierres à distance. La roche volcanique se forme au contact de l’air. Le liquide volcanique est expulsé pendant l’éruption et en refroidissant, du gaz s’en échappe, ce qui crée les alvéoles. C’est une pierre à la fois liquide et aérienne, tout en étant à l’état solide. Romain Dumesnil a souhaité rendre à ces pierres un état potentiellement initiale, celui d’une projection en l’air pendant leur formation. Leur lévitation est due à leur magnétisation, phénomène naturel pour divers minéraux ferreux, que l’artiste amplifie par des “chirurgies”, pour rendre ces pierres aériennes. Dans ce cas, et plus généralement dans l’ensemble de son travail, l’artiste souhaite donner à ses œuvres une force propre qui fait le lien entre le visible et l’invisible.

Tina et Charly
Dialogues schématiques, 2019, acrylique sur toile

http://www.tinaetcharly.com/#Accueil.F

Tina et Charly - Dialogues schématiques, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Tina et Charly – Dialogues schématiques, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Ces tableaux sont des agrandissements de dessins en couleur réalisés en amont. Tina et Charly ont construit un vocabulaire de forme et de couleur qui leur permet de s’entendre sur une base commune de signes. Ensuite, un dialogue se crée autour d’une thématique prédéfinie. Ils entrent alors dans une combinaison
de pensées dialectiques, qui se nourrissent les une des autres pour aboutir à une sorte de synthèse visuelle colorée de leur rapport à cette thématique. Tour à tour, ils se répondent graphiquement.

 

Cycle de l’eau
Ce schéma est une simplification d’une vision du cycle de l’eau qui se concentre sur la mer, les rivières et les nuages. Une eau vivante, qui circule, et dont les flux ne sont pas entièrement maîtrisés par l’humain.

Cosmovision
Ce schéma a plusieurs sens de lecture mais s’appuie sur une division en quatre cadrans. Ils représentent un cheminement cyclique à travers différents états. On passe par la naissance, puis la croissance et l’ascension. Ensuite la pyramide descend, c’est la vieillesse. La mort est représentée par l’axe noir horizontal. Ce qui se situe sous l’axe noir horizontal représente ce qui nous survivra de manière matérielle, comme l’ADN, et immatérielle, comme les idées ou les spiritualités. On entame le second tour. Il peut se répéter à l’identique où changer en prenant l’une des deux flèches ascendantes, et alors se placer sous l’influence des astres. De nouvelles directions données par les flèches ouvrent à une exploration en hors-champ. Le soleil et la lune viennent suggérer la lecture temporelle du cycle, soit en une journée, soit à l’échelle d’une vie.

Valentin Martre
Inclusion, 2019, souche d’arbre, lentille en verre, insecte galvanisé

https://valentinmartre.com

Valentin Martre - Inclusion, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Valentin Martre – Inclusion, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Cette sculpture crée un lien entre un fragment d’arbre abattu qui abrite des insectes vivants, un frelon galvanisé, et une lentille optique qui emprisonne et révèle en même temps. Valentin Martre, à l’image d’un insecte xylophage (qui se nourrit de bois), a creusé dans la souche. Ensuite, comme on peut en trouver dans l’ambre naturellement, il est intervenu avec un objet transparent, pour emprisonner et conserver un insecte mort, tout en le gardant visible. L’insecte, lui même conservé par la galvanoplastie (procédé qui permet d’appliquer une couche de métal sur un objet), est issu d’un ensemble d’insectes galvanisés réalisé par l’artiste.

Valentin Martre
Fragment de “Semer des semeurs”, 2019, papier, graines de Robinia Pseudoacacia Nyirsegy

Valentin Martre - Fragment de “Semer des semeurs”, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Valentin Martre – Fragment de “Semer des semeurs”, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

« C’est durant l’hiver 2019 que j’ai commencé à faire un travail alimentaire de distributeur, celui-ci consiste à livrer de la publicité dans les boîtes aux lettres. J’ai vite vu que l’impact écologique de cette activité n’était pas négligeable, chaque matin, des tonnes de papier sont distribuées en voiture sur tout le territoire, la plupart de ce papier n’est pas voulu et immédiatement jeté. Une partie du stock n’est même pas livré et est renvoyé directement au recyclage. Parallèlement, mon travail de sculpture m’amène à interroger les phénomènes physiques et les mouvements de la matière, souvent liés à l’ère anthropocène. J’ai donc commencé à réfléchir à un geste que j’effectuerais durant mon temps de travail, et qui inverserait conceptuellement son action. En utilisant ce travail comme un outil, j’ai décidé d’insérer une action parasite dans cette chaîne de livraison. Sur mon temps libre, j’ai commencé à préparer des centaines de petites enveloppes. À l’intérieur se trouvent deux graines de Robinia Pseudoacacia Nyirsegy, une espèce d’arbre envahissante et optimisée pour attirer les abeilles, ainsi qu’un descriptif de l’arbre et ses modalités de semis. Une fois un stock de 1000 préparé, je le distribue au travail avec les prospectus. Dans chaque boîte aux lettres était glissée une enveloppe avec les prospectus. L’action est anonyme, je ne sais pas si elles ont été semées, mais je l’espère. J’ai espoir que ces simples graines puissent encourager une personne à partir en forêt pour en faire le semis, ou même faire germer l’idée de « préservation de la nature » dans son esprit. Ce geste est un potentiel de modification du territoire, je vois ça comme une sculpture à grande échelle, mon souhait serait qu’à terme le projet puisse influer sur l’écosystème et plus principalement sur les colonies d’abeilles que je vois disparaître. » Texte de Valentin Martre

Valentin Martre - Fragment de “Semer des semeurs”, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Valentin Martre – Fragment de “Semer des semeurs”, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Valentin Martre
Conducteur Coléoptère, 2019, scarabée rhinocéros, or
Conducteur Hyménoptère, 2019, abeilles, or
Conducteur Hémiptère, 2019, cigale, cuivre

Cet ensemble est issu d’une série plus importante qui réunit différents insectes trouvés morts à divers endroits. Ils sont ensuite recouverts par un traitement galvanique d’or et de cuivre. Cette technique permet de réaliser un recouvrement métallique sur les différents insectes qui, pour Valentin Martre, sont comme des embaumements qui vont permettre aux corps des insectes de survivre à la décomposition. Avec ce revêtement, les insectes sont de potentiels composants électriques, car ils deviennent alors conducteurs. Cette caractéristique est centrale pour une prochaine œuvre de l’artiste qui inclura une autre partie de cet ensemble d’insectes galvanisés.

Florent Lamouroux
Boule à neige (7ème continent), 2019, sphère en verre, déchets plastiques mixés, eau, glycérine, sable noir

http://www.florentlamouroux.com/

Florent Lamouroux - Boule à neige (7ème continent), 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Florent Lamouroux – Boule à neige (7ème continent), 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

« L’accumulation de plastique constitue une préoccupation majeure d’un point de vue écologique et environnemental. Le 7ème continent en est l’illustration. Ce non-lieu symbolise les excès d’une société qui ne cesse de croître et de produire de manière irraisonnée. Il est en quelque sorte la métaphore d’un nouveau monde qui se crée insidieusement, par accumulation des déchets venus de tous les endroits du globe, accumulés dans les gyres marins et océaniques. Cela est assez paradoxal dans la mesure où, dit-on, il n’y a plus de « terra incognita ». Collectivement, loin de notre regard, nous contribuons à fabriquer pourtant un nouveau territoire, une surface. La boule à neige est à mon avis la quintessence de l’objet commercial de plastique : un souvenir de voyage qui représente un paysage miniaturisé, embaumé, kitchissime, faussement poétique car sublimé par une neige artificielle et dans lequel nous pouvons nous projeter avec un émerveillement à la fois contemplatif et paradoxal lorsque nous la retournons. Les sculptures que je propose n’ont gardé de cet objet que la forme et l’idée de manipulation. Celles-ci mettent en scène des paysages de façon très minimale puisque ces derniers sont finalement constitués de déchets plastique ramassés au bord de la mer puis mixés pour les réduire en micro granulés. Les sphères, elles, sont en verre soufflé, matériau minéral, pour produire un objet le plus propre possible. Elles sont déposées sur un lit de sable teinté qui a la fonction de socle tout en ramenant au contexte du littoral. Les granulés de plastique imitent ainsi la neige artificielle mais représentent une parcelle de paysage prélevée dans le réel, comme un échantillon dont la matérialité reste ténue. Toutefois, une fois secouée, à l’inverse d’une boule à neige, les micro particules regroupées en plaque ne tombent pas mais remontent et s’agglutinent à nouveau, à l’image de celles qui composent le 7ème continent. Il y a donc différents points de vue dans la lecture de ce travail, du microscopique au macrocroscopique. La boule, sorte d’éprouvette sphérique, est le contenant d’échantillons de plastique récupérés. Elle est aussi la représentation d’un paysage aquatique encapsulé, ou bien encore un planisphère sur lequel un seul continent artificiel apparaît, sorte de Pangée contemporaine. À travers ce jeu d’échelle, organisé autour de l’élément « eau », il s’agit de porter un regard plus global, plus ouvert et plus conscient sur l’impact de l’activité humaine tant au niveau local qu’au niveau planétaire, pour comprendre que tout est lié.
Aujourd’hui, les micro-particules se trouvent partout dans notre environnement, dans l’eau (mers, océans et rivières) mais aussi dans l’air et la roche. Ce projet se veut comme un témoignage contextuel d’une situation généralisée. Une manière de rendre visible l’invisible par le recyclage, le détournement et le pas de côté. » Texte de Florent Lamouroux

Florent Lamouroux - Boule à neige (7ème continent), 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Florent Lamouroux – Boule à neige (7ème continent), 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Lucie Tournayre
Diamants, 2016, cristaux de sel, bourse

https://www.instagram.com/lucie.tournayre/
https://lucietournayre.tumblr.com/

Lucie Tournayre - Diamants, 2016 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Lucie Tournayre – Diamants, 2016 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Pour réaliser cette oeuvre qui mime des diamants, des cristaux de sel sont immergés à plusieurs reprise dans un bain d’eau. Le premier bain d’eau iodée génère les cristaux de formes cubiques au bout de deux semaines. L’artiste plonge une seconde fois les cristaux initiaux dans un bain pendant 21 jours. Cette œuvre trouve son point de départ dans la découverte scientifique appelée «cristal de temps» qui définit un état de la matière où une chaîne d’atomes revient cycliquement à la même configuration. Par analogie Lucie Tournayre a fabriqué ces cristaux de sel qui finiront obligatoirement par être détruits par le temps (et l’humidité ambiante). Cependant ils pourront être de nouveau dissous dans l’eau (même à l’état de poudre) et être reconstruits en cristaux, par le temps. Ce cycle, à l’image du «cristal de temps», est infiniment exploitable. Par l’analogie formelle avec des diamants, l’artiste pourrait être en train de nous rappeler que le temps est précieux et ne nous appartient pas.

Lucie Tournayre
Même la Polaire, 2019, encre sur papier, papier holographique

https://www.instagram.com/lucie.tournayre/
https://lucietournayre.tumblr.com/

Lucie Tournayre - Même la Polaire, 2019 - L'échantillon d'un jardin à la galerie de la Scep – Marseille - Photo Nassimo Berthommé
Lucie Tournayre – Même la Polaire, 2019 – L’échantillon d’un jardin à la galerie de la Scep – Marseille – Photo Nassimo Berthommé

Ces cartes du ciel correspondent à un moment qui n’est pas encore arrivé et qui n’adviendra peut être jamais. Comme ces agencements de constellations sont calculés par les scientifiques d’après les données dont nous disposons à ce jour, il n’y a pas de véritable certitude que ce ciel advienne selon les prévisions annoncées. La seule certitude que l’artiste a, c’est qu’elle ne sera pas là pour observer ces prévisions de constellations. Les étoiles en revanche, elles seront toujours là, même si ce ne sont pas exactement les mêmes. Les constellations sont pour Lucie Tournayre une manière d’organiser sa mémoire, elles y projette des souvenirs, des impressions de paysages et des temporalités qui retracent le déroulement d’une année, comme un calendrier éternel. À l’image des étoiles, les souvenirs s’effacent et se recouvrent, et comme eux, un jour, les constellations changeront. Lucie Tournayre espère que l’étoile polaire sera la dernière à disparaître, elle l’affectionne pour sa simplicité à l’identifier, et pour sa capacité à toujours mettre le Nord en évidence.

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