Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche la Belle de Mai


Jusqu’au 10 mai 2020, le Centre Wallonie-Bruxelles/Paris devait présenter « Signal Espace(s) réciproque(s) » au Panorama à la Friche la Belle de Mai.

Il est étrange de rendre compte d’une exposition dont le vernissage a été annulé quelques heures avant qu’il ne débute et que personne ne pourra probablement pas voir…
Néanmoins, il est sans doute important de le faire, parce que cela permet de découvrir le travail de deux jeunes commissaires Aurélie Faure et Lola Meotti et des 16 artistes de la scène contemporaine bruxelloise qu’elles ont invités pour autour de cet Espace(s) réciproque(s).

Le titre de l’exposition s’est imposé suite à l’invitation par Stéphanie Pécourt, la directrice du Centre Wallonie-Bruxelles, de concevoir un projet pour La Friche la Belle de Mai.
Elles en définissent ainsi les ambitions :

« (…) la notion de communication est apparue comme un des enjeux de notre collaboration. Cette notion d’échange de l’information allait enclencher le fil rouge de notre recherche curatoriale. Le titre SIGNAL_Espace Réciproque(s) en est un des premiers dérivés.
Toute œuvre d’art est un signal ; il s’agit d’une information envoyée par un artiste à destination de récepteurs, c’est-à-dire le public de l’oeuvre ou de l’exposition. Cette information qui circule ou transite, ne suit pas nécessairement un chemin linéaire. Nous souhaitons penser sa trajectoire comme un voyage complexe, sinusoïdal, rythmé de détours, de distorsions, de rebonds voire de spirales.
(…) Avec cette idée, “l’espace réciproque” est l’endroit de la rencontre entre Marseille et Bruxelles. L’exposition devient alors une sorte de laboratoire où les matières se rencontrent et se transforment. »

Le texte de présentation du projet précise :

« Les commissaires Aurélie Faure et Lola Meotti font ressortir trois “catégories” de ces “signaux” et “espaces réciproques” et ont ainsi identifié :

  • – les œuvres qui s’imposent comme des monuments, qui se jouent du lieu et de son espace
  • – les œuvres qui interrogent la vision augmentée, celles qui font appel aux nouvelles technologies pour peindre un monde qu’on ne peut voir à l’œil nu.
  • – les œuvres qui apparaissent comme des clés de lecture, des gestes qui proposent un voyage, une projection du spectateur dans un contexte historique, politique, social ou temporel précis. »

À la lecture de leur texte d’intention, on attendait avec curiosité et un peu de perplexité de découvrir « Signal Espace(s) réciproque(s) ».

Une trop courte visite à l’occasion de la présentation à la presse le vendredi 13 mars dernier ne permet pas d’aller au-delà de quelques impressions…

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett

On ne reviendra pas sur les enjeux que les deux commissaires se sont fixés à propos du Signal et la manière dont il s’agit pour elles qu’il puisse rebondir entre les œuvres exposées…

Pour Aurélie Faure et Lola Meotti quelle que soit la scène artistique que l’on étudie ou que l’on découvre, les artistes traitent de problématiques communes, liées à l’époque dans laquelle nous vivons ». Dans un échange avec Yann Chateigné, reproduit dans le catalogue, elles ajoutent : « Il n’était donc pas question de répondre à cette invitation avec une sélection communautaire ou identitaire. Au contraire, il s’agissait de faire une sélection qui permette de présenter un panel d’œuvres et d’artiste, d’approche esthétique et intellectuelle, de pratique et de forme, de parcours et d’horizons, qui puisse raisonner (sic) avec le public marseillais. »

En aucun cas, « Signal Espace(s) réciproque(s) » est un reflet « d’une scène belge dans ce qu’elle aurait de commun au sens formel ou intellectuel » soulignent les deux commissaires qui poursuivent en précisant : « nous avons fait l’inverse avec cette volonté de l’inscrire dans le territoire, l’espace, le lieu, la ville qu’elle allait occuper. C’est pourquoi nous avons proposé plusieurs cartes blanches à plusieurs artistes ».

Ainsi la majorité des pièces qui occupent le Panorama ont été produites pour l’exposition. Plusieurs ont un lien très direct avec l’espace marseillais. C’est notamment le cas de deux sculptures de Lucie Lanzi (Traversée et Oculus, 2020), de la performance d’Anna Raimondo ( How to make you day exciting #2, 2020) dans les transports publics et d’audit de la Friche par des visiteurs mystères engagés par Marc Buchy (Visiteurs-mystères, 2019).

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett

Par son volume, pas sa lumière et par son ouverture sur la ville, le Panorama est un espace extraordinaire qui peut magnifier une exposition, mais qui s’avère toujours très exigeant…
Aurélie Faure et Lola Meotti, avaient comme perspective de « penser l’exposition comme une expérience (…) comme “espace(s) réciproque(s)”, c’est-à-dire un endroit où étudier des hypothèses et de créer des équations »… C’est en cela que leur projet nous laissait un peu perplexes.

Compte tenu de la brièveté de notre unique visite, il ne saurait être question de porter de jugement à l’emporte-pièce sur l’exposition présentée au Panorama. On reste toutefois dubitatif sur l’idée que cet espace puisse être un laboratoire pour « étudier des hypothèses et de créer des équations ».

La mise en espace est construite avec efficacité à partir des quatre éléments de la Split Cabin, 2020 de Claude Cattelain qui structure l’accrochage.
Côté ouverture sur le toit-terrasse, les commissaires ont rassemblé majoritairement des œuvres produites pour l’exposition et qui peuvent être mises en relation avec le paysage, la Friche et plus largement avec l’espace marseillais. À l’inverse, le fond du Panorama regroupe la plupart des pièces un peu plus anciennes…

Si les œuvres ne se parasitent jamais les unes les autres, certaines paraissent s’entrechoquer avec discrétion. Çà et là, on perçoit quelques amorces de dialogues…

Les propositions artistiques sont souvent très intéressantes et leur mise en espace ne manque pas de séduction. Mais, le Signal émis dans ces Espace(s) réciproque(s) ne manque-t-il pas de puissance pour engager avec force le visiteur et offrir une expérience rare ? Le panorama était-il le lieu le plus adapté pour accueillir un tel projet ?
Bien entendu, ces interrogations et remarques doivent être considérées comme des premières impressions qui, on l’espère, pourront être modulées ou infirmées si une visite plus longue s’avère possible…

Claire Williams Zoryas - Electromagnetic Activity of the Sun, 2019 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Claire Williams – Zoryas, 2019 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

On garde de notre trop bref passage dans « Signal Espace(s) réciproque(s) » le souvenir de plusieurs œuvres marquantes parmi lesquelles Composite, 2018-2020 de Julien Maire, Zoryas, 2019 de Claire Williams, Videosculpture XIV (Shudder), 2017 d’Emmanuel Van der Auwera, How to make you day exciting #2, 2020 d’Anna Raimondo, Under Automata, 2016 d’Eva L’Hoest, Objets incomplets (Anatomie d’un corps absent), 2020 de Mountaincutters, Posters & Souvenirs, 2020 d’Armand Morin.

  • Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Julien Maire – Composite, 2018-2020
  • Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Emmanuel Van der Auwera - Videosculpture XIV (Shudder), 2017
  • Eva L'Hoest, Under Automatasingle, 2016 - single-channel video - Full HD, 00:07:55
  • Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Mountaincutters - Objets incomplets (Anatomie d'un corps absent), 2020

On aurait aimer avoir le temps de feuilleter plus longuement l’audit des Visiteurs-mystères, 2019 de Marc Buchy.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Marc Buchy - Visiteurs-mystères, 2019
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Marc Buchy – Visiteurs-mystères, 2019

Une mention particulière pour l’accrochage de One second of Silence (Part 1 – New York), 2008 d’Edith Dekyndt qui trouve sa juste place, au-delà de la pertinence de son propos.

Edith Dekyndt One second of Silence (Part 1 - New York), 2008 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Edith Dekyndt One second of Silence (Part 1 – New York), 2008 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

Catalogue avec une introduction de Stéphanie Pécourt, un essai de Aurélie Faure et Lola Meotti et un entretien des deux commissaires avec Yann Chateigné.

Artistes exposés: Younes Baba-Ali, Justine Bougerol, Brognon Rollin, Marc Buchy, Claude Cattelain, Edith Dekyndt, Benoit Jacquemin, Lucie Lanzini, Eva L’Hoest, Julien Maire, Armand Morin, Mountaincutters, Anna Raimondo, Emmanuel Van der Auwera, Claire Williams.

À lire, ci-dessous, le texte d’intention des deux commissaires et une présentation des œuvres et des artistes de « Signal Espace(s) réciproque(s) » accompagnées de photographie de l’exposition.

On remercie chaleureusement Jean Christophe Lett, auteur de nombreuses photographies de cette chronique.

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Signal Espace(s) réciproque(s) – Texte d’intention

Suite à l’invitation de Stéphanie Pécourt de concevoir une exposition en binôme pour La Friche la Belle de Mai, la notion de communication est apparue comme un des enjeux de notre collaboration. Cette notion d’échange de l’information allait enclencher le fil rouge de notre recherche curatoriale. Le titre SIGNAL_Espace Réciproque(s) en est un des premiers dérivés.

Toute oeuvre d’art est un signal ; il s’agit d’une information envoyée par un artiste à destination de récepteurs, c’est-à-dire le public de l’oeuvre ou de l’exposition. Cette information qui circule ou transite, ne suit pas nécessairement un chemin linéaire. Nous souhaitons penser sa trajectoire comme un voyage complexe, sinusoïdal, rythmé de détours, de distorsions, de rebonds voire de spirales.

En physique, un «espace réciproque» est un espace abstrait dont on dessine les limites et les contraintes pour, à l’intérieur de celui-ci, élaborer une hypothèse, une équation, une étude.

C’est un terrain arbitraire où construire une nouvelle vision. C’est donc un espace de tous les possibles, un espace mental fictionnel et dans notre imaginaire de commissaires, Marseille et Bruxelles sont des villes réciproques. Des villes dont l’organisation complexe ne se satisfait pas des schémas classiques, des villes cosmopolites où s’inventent les identités polyphasées de demain. Dans ce laboratoire urbain, le Panorama de la Friche la Belle de Mai – manifesté à l’extérieur comme un imposant container blanc, et à l’intérieur comme un prototype parfait de « white cube» dédié à l’art contemporain – nous est apparu comme la matérialisation de cet espace de pensée prêt à accueillir les œuvres des 15 artistes issus de la scène artistique bruxelloise sélectionné.e.s pour cette exposition.

Sur base de cette réflexion, nous avons poursuivi notre approche d’apprenties-scientifiques-expérimentales en établissant une topologie des notions qui nous semblaient incontournables dans la démarcation de notre projet.

Dans une première catégorie, nous identifions les œuvres qui s’imposent comme des monuments, qui se jouent du lieu et de son espace par défaut ou convoqué.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett

Les artistes Claude Cattelain et Lucie Lanzini viennent mettre en péril la tentative de neutralité de la white cube et créent des assemblages in-situ inédits et spécifiques pour le Panorama : suite à leur intervention, des tensions s’opèrent entre morceaux d’architecture et éléments de constructions présents et rapportés.

C’est par son corps, ses limites et son échelle que le spectateur en fait l’expérience. La question de rapport d’échelle raisonne également dans l’oeuvre de Justine Bougerol où un monde dans le monde s’installe au détour d’un tumulus.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Justine Bougerol - Ce qu'il reste, 2020
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Justine Bougerol – Ce qu’il reste, 2020

Au fond du Panorama, l’œuvre-monument de Claire Williams trône. Un artefact de sculpture cosmique interactive où le corps du spectateur joue encore un rôle clé, puisque c’est par ses os qu’il pourra accéder à la vibration du signal voyageant entre le soleil et la terre.

Claire Williams Zoryas - Electromagnetic Activity of the Sun, 2019 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Claire Williams – Zoryas, 2019 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

L’ escalier de verre aux proportions distordues de Benoît Jacquemin devient portail entre réalité et folie, inspiré par l’escalier de la demeure du film Psychose d’Alfred Hitchcock.

Benoît Jacquemin - Psycho's Stairs, 2020 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Benoît Jacquemin – Psycho’s Stairs, 2020 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

Dans la topologie globale de l’exposition, une autre recherche prend forme, celle qui interroge la vision augmentée avec un choix d’artistes qui utilisent les nouvelles technologies pour peindre un monde qu’on ne peut voir à l’œil nu.

Armand Morin avec ses long travelling filmés par drone nous propulse dans les airs et nous rend témoins de ce que nous savons sans le voir.

Armand Morin - Les Oiseaux, 2019 - vidéo 4k - 10 min. 41 sec © Armand Morin
Armand Morin – Les Oiseaux, 2019 – vidéo 4k – 10 min. 41 sec © Armand Morin

Eva L’Hoest scanne des passagers endormis dans un avion avec une caméra thermique et transforme un voyage paisible en vision de crash test, des corps inertes presque déjà victimes de destins tragiques.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Eva L'Hoest Under Automata, 2016
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Eva L’Hoest Under Automata, 2016

Chez Emmanuel Van der Auwera et Julien Maire, la technologie est malmenée et comme poussée dans ses retranchements . C’est dans la mise en place de l’installation que le protocole s’installe pour que l’œil du spectateur devienne révélateur de l’oeuvre.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Emmanuel Van der Auwera - Videosculpture XIV (Shudder), 2017
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Emmanuel Van der Auwera – Videosculpture XIV (Shudder), 2017

Chez Emmanuel Van der Auwera, un savant jeu de dissection d’écran vidéo ne rend l’image visible que dans des miroirs posés au sol; chez Julien Maire, un paysage gravé au trait d’une aiguille sur ses capteurs vient dialoguer avec la captation «live» de l’espace d’exposition, entrechoquant les temporalités et transformant les silhouettes floues des spectateurs en une profondeur de champ d’un film jamais tourné.

La troisième catégorie, serait celle des œuvres apparaissant comme des clés de lecture, des gestes qui proposent un voyage, une projection du spectateur dans un contexte historique, politique, social ou temporel précis.

David Brognon et Stephanie Rollin, My Heart Stood Still (Carlos), 2016 ©Isabelle Arthuis
David Brognon et Stephanie Rollin, My Heart Stood Still (Carlos), 2016 ©Isabelle Arthuis

Un néon-enseigne qui renvoie à un destin tracé sous contrôle chez Brognon Rollin. Une parabole, simple objet populaire du quotidien de paysage urbain, mais qui s’anime pour devenir un vecteur de connaissance aux connexions multiples chez Younès Baba-Ali.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Younes Baba Ali - Parabole, 2011
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Younes Baba Ali – Parabole, 2011

Le collectif insolite mountaincutters qui ne produit d’ordinaire que des solo show in situ propose ici trois signaux renvoyant à des expositions antérieures.

Le drapeau transparent d’Edith Dekyndt avec toute sa fragilité poétique porte un message éminemment politique.

Edith Dekyndt One second of Silence (Part 1 - New York), 2008 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Edith Dekyndt One second of Silence (Part 1 – New York), 2008 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

Et enfin comment parler de SIGNAL sans convoquer des artistes jouant avec les codes du relationnel. Marc Buchy avec la réadaptation de Tenir à l’œil pour La Friche, nous interroge sur la notion de collecte de datas, de jugement et d’intime avec ses spectateurs mystères, protagonistes d’une étude administrative absurde.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Marc Buchy - Visiteurs-mystères, 2019
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Marc Buchy – Visiteurs-mystères, 2019

Et Anna Raimondo qui réadapte également une oeuvre performative aux couleurs marseillaises, interrogeant la place de la femme et de l’intimité dans l’espace public (Le bus 49) et l’espace d’exposition.

Partant des espaces réciproques où tout est à inventer, il est finalement logique de revenir à une des définitions du mot « signal » : c’est en effet une information qui circule, mais c’est surtout, un signe convenu, un geste, un son…fait par quelqu’un pour indiquer le moment d’agir.

Aurélie Faure – Lola Meotti

Signal Espace(s) réciproque(s) – les œuvres et les artistes

Younes Baba-Ali

Parabole, 2011
Installation in situ – dimensions variables – Courtesy de l’artiste © Max Tomasinelli

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Younes Baba Ali - Parabole, 2011
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Younes Baba Ali – Parabole, 2011

« Dans Parabole, Younes Baba-Ali explore la relation physique et métaphorique entre les migrants et leurs communautés d’accueil. Installé à la jonction des murs – dans le coin notoire de l’espace sanctionné et délimité de la galerie – il oscille entre l’ici et l’ailleurs.

Détachée des toits et des balcons des complexes d’habitation des migrants, l’antenne parabolique se transforme en un portrait mécanique de sa communauté – se comportant comme une marque visuelle de l’altérité assumée. Frissonnant avec hésitation, cherchant en vain à localiser un signal, elle révèle l’antenne comme un trope de possibilités condensées : un outil pour se connecter à de nouveaux horizons et idées ainsi qu’un puissant symbole de déconnexion des sociétés d’accueil, d’isolationnisme culturel et religieux. Sa schizophrénie chorégraphiée trace le portrait d’une communauté en pleine crise spirituelle et identitaire. » Aude Tournay , Commissaire & Curatrice

Né en 1986 à Oujda (Ma), Younes Baba-Ali vit et travaille entre Casablanca et Bruxelles. Diplômé en 2008 de l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, et de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence en 2011, il a été récompensé par le Prix Léopold Sédar Senghor, lors de la Biennale d’art contemporain africain de Dakar en 2012 et le Prix Boghossian, lors du concours du Belgian Art Prize à Bruxelles en 2014.

Il a participé à plusieurs expositions et biennales internationales, telles que le Kunstenfestivaldesarts, Bruxelles, la Biennale de Lubumbashi, Lubumbashi (RDC), Bruxelles Background, Bruxelles, Bruxelles in Song Eun : Imagining Cities Beyond Technology 2.0, Séoul (Kr), For a Brave New Bruxelles, Lisbonne (Pt), Digital Imaginaries – Africas in Production, ZKM, Karlsruhe (De), One Place After Another, Moscow (Ru), The Marrakech Biennale, Marrakech, Documenta 14, Berlin (De), Biennale d’art africain contemporain, Dakar, Commandes, KANAL – Centre Pompidou, Bruxelles et Gemischte Gefühle, Tempelhof, Berlin.

Son travail fait partie de différentes collections, privées et publiques, comme celle de Kanal – Centre Pompidou, Bruxelles.

Justine Bougerol

Ce qu’il reste, 2020
Installation – matériaux mixtes – dimensions variables

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Justine Bougerol - Ce qu'il reste, 2020
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Justine Bougerol – Ce qu’il reste, 2020

Un tas de terre qui ressemble à une montagne déliquescente, un paysage lourd et avachi qui raconte le poids du deuil. À l’intérieur, une issue toutefois ; un retour vers la vie et ceux qui restent, ou la promesse illusoire d’une réconciliation. Parce que le foyer se trouve juste là, et pourtant il n’est plus.

En réponse directe au Signal, Justine Bougerol crée, dans la cavité architecturale d’un amas de terre, une attraction par l’appel du regard. À travers un espace fragmenté fait de couloirs étroits qui se succèdent, l’artiste joue avec l’échelle du réel et de la miniature pour créer un passage visuel, jusqu’à l’issue lumineuse inaccessible, devinée au terme de ces vestibules enchevêtrés.

Justine Bougerol (France, 1988), artiste plasticienne, vit et travaille entre Bruxelles et Paris. Diplômée en 2014 d’un master de scénographie à l’École Nationale des Arts Visuels de La Cambre à Bruxelles, elle est résidente à la Maison d’Art Actuel des Chartreux depuis septembre 2019, et ce pour une période de trois ans.

Après avoir présenté sa première exposition monographique au MusVerre (Hauts de France) en septembre dernier, État des lieux, Justine Bougerol réalisera une seconde exposition personnelle, Interstices, à la CENTRALE.Lab en avril 2020 à Bruxelles.

Elle a montré son travail lors d’expositions collectives à la galerie Eric Mouchet et la galerie Paris-Beijing à Paris, ainsi qu’à Bruxelles à la galerie Island, la galerie Nadine Feront et aux Halles de Schaerbeek. Elle a également conçu une installation in situ au Kikk Festival de Namur en 2018.

Marc Buchy

Visiteurs-Mystères, 2019
Protocole

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Marc Buchy - Visiteurs-mystères, 2019
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Marc Buchy – Visiteurs-mystères, 2019

Avec Les Visiteurs-mystères, Marc Buchy met en place une stratégie de détournement en utilisant une technique de contrôle-qualité utilisée par les entreprises privées. Après s’être inscrit dans une agence d’audit réalisant des enquêtes de type “clients-mystères” pour des sociétés souhaitant mesurer leurs processus de ventes, Marc Buchy a créé une entreprise similaire factice nommée “UpStare Quality”, spécialisée dans les audits d’institutions culturelles. Se basant sur son expérience, il a diffusé sur des sites de recrutement en ligne une annonce afin de proposer ce travail ponctuel à différentes personnes. Code de conduite, scénarios divers et débriefing sur l’expérience vécue par les personnes engagées lui ont permis d’infiltrer anonymement La Friche la Belle de Mai.

Se basant sur une réalité scriptée, ce protocole déploie la visite de spectateurs-évaluateurs invisibles se mélangeant aux « vrais visiteurs ». Leur attention est portée non sur les qualités artistiques présentes dans le lieu mais sur les qualités de l’accueil, de la propreté et autres éléments techniques… Il s’instille ainsi une sensation d’observation imperceptible et de pression sur l’équipe du musée et son travail qui, en retour, est contrainte de se surveiller elle-même.

Cette technique d’évaluation initialement développée dans le secteur privé est très souvent controversée bien que méconnue. L’artiste se place ici dans un rapport ambigu à l’institution qui, en retour, pourra se sentir jugée par l’artiste alors que celui-ci cherche à avoir une vision objective du service rendu au public. L’oeuvre devient ainsi une forme de surveillance invisible, non-désirée et, presque ironiquement, rémunérée sur les frais de production attribués à l’artiste. Les questionnaires complétés sont au final dévoilés dans l’exposition. Attirant l’attention des visiteurs sur des qualités ou des problématiques qu’ils n’auraient peut-être jamais soulevées, Marc Buchy s’intéresse à la construction de la réalité et aux manières dont les choses sont vues et à ce que cela implique, tant pour celui qui voit que pour celui qui est vu.

Marc Buchy est né en 1988 à Metz en France, il vit et travaille à Bruxelles. Il est diplômé d’un Master d’Art à Sint-Lukas Brussels et a réalisé un Post-Master à l’IHEAP à New-York. Il est co-fondateur du lieu d’expositions et d’ateliers Greylight Projects à Bruxelles. Son travail utilise divers médiums et voies de transmission qui privilégient le contact, le vécu de situations, les temporalités longues et des expériences hors du champ artistique ou en marge de celuici. Il travaille sur les processus et notamment l’apprentissage de ceux-ci comme acte artistique en soi, ainsi qu’à diverses résidences (Lugar à Dudas, Colombie – Fondazione Antonio Ratti, Italie).

Brognon Rollin

My Heart Still Good (Carlos), 2016

néon blanc – 270 x 60 cm

Autoportraits paradoxaux, ces oeuvres en néon présentent les lignes de coeur nichées au creux des mains de femmes ou d’hommes marié.e.s de force par leurs familles. Devenus souples et organiques, dévoyées de leur minimalisme habituel, les lignes brisées sont l’écriture nerveuse de parcours heurtés et parfois éprouvants. Que peuvent bien dire pour eux les mots « écouter son coeur » ? Offertes au regard comme des ex-voto, elles semblent aussi défier un destin tout tracé et tenter de conjurer le cours des choses.

David Brognon, né en 1978 à Messancy (Be), et Stéphanie Rollin, née en 1980 à Luxembourg (Lu), vivent et travaillent à Paris et Luxembourg. Lauréats en 2013 du Best Solo Show à Art Brussels et finalistes en 2015 du Prix Fondation Entreprise Ricard à Paris.

Brognon Rollin manipulent un matériau sociétal brut, souvent marginal, dont les motifs récurrents sont l’enfermement, l’attente et le temps.

Leurs travaux font partis de plusieurs collections publiques : MAC VAL, Musée d’Art Contemporain du Val de Marne, France / The Israel Museum – Jerusalem, Israël / Collection MUDAM, Luxembourg / Collection B.P.S22, Musée d’Art de la province du Hainaut, Belgique / Centre National des Arts Plastiques (CNAP), France / MAC’S – Grand-Hornu, Belgique / FRAC Alsace, FRAC Poitou- Charentes et FRAC Lorraine, France…

Claude Cattelain

Split Cabin, 2020
Installation in situ

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett

Chères Lola et Aurélie

Voici où j’en suis dans mon projet.

Je retiens votre envie d’organiser l’exposition autour de la construction de deux boîtes. Leur intérieur pour présenter des installations et l’extérieur comme cimaises. Ces deux boîtes elles-mêmes contenues dans cette grande boîte, posée sur le toit, qu’est l’espace d’exposition.

Dernièrement j’ai construit deux boîtes /cabanes pour une exposition à Bruxelles. Leurs dimensions étaient aux limites de l’espace d’exposition, créant des rétrécissements entre leurs parois et les murs de la galerie, obligeant les spectateurs à se faufiler dans les étroits passages pour accéder à l’intérieur des cabanes.

Plus récemment, j’ai recouvert la surface entière de mon atelier avec de l’argile humide, pour ensuite cuire cette étendue d’argile au chalumeau, telle une céramique étendue.

C’est de ces deux réalisations que je pars pour notre projet à Marseille :

Une nouvelle boîte/cabane, construite en planches de chantier, à des dimensions réduites pour au moins pouvoir s’y allonger ; s’y tenir debout ; y faire quelques pas en tournant en rond. Quelque chose qui pourrait ressembler à une cellule, mais sans plafond, à ciel ouvert. Cette cellule serait recouverte d’argile humide au sol et aux murs, avant que le chalumeau ne vienne durcir, cuire et figer l’ensemble.

Mais cette cellule ne resterait pas refermée sur elle-même.

J’aimerais la découper en 4 parties égales et que ces 4 morceaux se séparent dans les 4 directions, aux limites de l’espace que vous aurez défini.

Il y a quelques années j’ai réalisé une vidéo performance, « Radoub », où en équilibre à genoux sur un radeau de fortune, je tente de rassembler des épaves emportées par le courant. À revoir ces images aujourd’hui je me rends compte qu’il y avait 4 épaves, 4 bidons et tonneaux rouillés flottant sur l’eau vaseuse. À plusieurs reprises je rejoue l’action : monter sur le radeau, ramer vers les épaves éloignées les unes des autres, les rassembler difficilement pour ensuite les abandonner en les laissant dériver… à leur aise.

Bien à vous deux et à très bientôt,
Claude

« Claude Cattelain aime la sobriété. Il aime dépouiller les formes, les techniques, les matériaux et les délester de tout effet. Au modelage du sculpteur, à la ciselure du décorateur, à la taille du charpentier, Claude Cattelain a substitué la manipulation et l’utilisation de la matière brute et de l’objet ordinaire. Ses mains, sa tête, ses bras et ses pieds ont pétri, porté, planté, foulé, tenu, aspiré… »
Extrait de « Bis repetita placent » de Barbara Forest,
Conservatrice du Musée des Beaux-Arts de Calais.

Edith Dekyndt

One second of Silence (Part 1 – New York), 2008
Vidéo projection. Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine

Edith Dekyndt One second of Silence (Part 1 - New York), 2008 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Edith Dekyndt One second of Silence (Part 1 – New York), 2008 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

Le titre Une seconde de silence provient d’une réflexion sur la signification d’un drapeau, l’idée de commémoration, la notion de trajectoire du son dans l’air, et un hommage à John Cage (4’_33’’_) et Raymond Depardon (10 minutes de silence pour John Lennon).

Un moment de silence est l’expression d’une période de contemplation silencieuse, de prière, de réflexion ou de méditation. Semblable à un drapeau en berne, un moment de silence est souvent un geste de respect, en particulier en deuil pour ceux qui sont récemment décédés ou dans le cadre d’une cérémonie de commémoration d’un événement historique tragique.

Une minute est une durée commune pour la commémoration, bien que d’autres périodes de temps puissent être choisies, normalement liées d’une manière ou d’une autre à l’événement commémoré (il pourrait y avoir une minute donnée pour chaque décès commémoré, par exemple). Pendant le moment de silence, les participants peuvent généralement incliner la tête, retirer les chapeaux et s’abstenir de parler ou de bouger pendant des périodes. Une personne officiant ou présidant le rassemblement sera responsable de la déclaration et du moment de la période de silence.

Tout échange est ponctué de silence, un silence que personne n’entend et qui existe à distance de la conversation. Le son mettra une seconde à arriver chez un interlocuteur qui se trouve à 340 mètres. Une seconde de silence imperceptible qui rend possible la parole et l’écoute. Un silence qui traverse le son.

Edith Dekyndt est née en 1960 à Ypres en Belgique. Elle vit et travaille à Bruxelles et à Berlin.

Elle est représentée par la Galerie Greta Meert, Bruxelles, la Galerie Carl Freedman, Margate (Royaume-Uni), la Galerie Konrad Fischer, Berlin (Allemagne), la Galerie Karin Guenther, Hambourg (Allemagne)

Le travail d’Edith Dekyndt a été exposé dans des institutions et expositions internationales. Ses oeuvres sont présentes dans des collections publiques et privées telles que le Centre Pompidou (Paris), Moma (New York), Köln Skulptur Park, Crandford Collection (Londres), Albright-Knox Collection (New York), Centre national des arts plastiques (Paris), Buffalo Museum (Buffalo), …

En 2019, elle reçoit le Prix d’art Finkenwerder.

Benoît Jacquemin

Psycho’s Stairs, 2020
Installation, verre

Benoît Jacquemin - Psycho's Stairs, 2020 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Benoît Jacquemin – Psycho’s Stairs, 2020 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

Réalisant que certaines des photos qu’il produit sont inspirées par un souvenir cinématographique, Benoît Jacquemin a voulu approfondir cette piste.

Sa sculpture s’inspire du début de l’escalier de la propriété de Norman Bates, personnage iconique du film Psycho (1960) d’Alfred Hitchcock. Métaphoriquement l’escalier symbolise sa dégradation psychique et l’altération irréversible de son comportement. Au coeur de l’hôtel dont il est gérant, situé en contre-bas de l’imposante demeure et relié à celle-ci par un escalier, le personnage de Norman est intègre. Plus il se dirige vers la maison plus sa métamorphose s’opère. Les marches gravies, le seuil franchi, l’escalier monté, l’implacable travestissement est enclanché, Norman se mue en meurtrier.

Cette troublante transformation mentale se mesure à l’aune de ses déplacements physiques incessants et passages répétés par l’escalier.

Benoît Jacquemin part, sans s’y arrêter, d’un décor de cinéma dont il perçoit l’intérêt formel. En le manufacturant en trois dimensions, il l’incarne. Il entend donner au spectateur à voir et éprouver par une nouvelle lecture la force plastique de la sculpture ici présente. Le climax d’une situation fictionnelle se voit matérialisé.

Pour ce faire, l’usage du verre lui est apparu comme une absolue nécessité. En effet, cette réalisation sculpturale, par la transparence du verre, génère une présence latente et réelle. Elle tend à induire chez le spectateur l’idée qu’une partie de l’oeuvre présente lui échappe tout en laissant des traces… à la manière dont des images et souvenirs cinématographiques sont présents dans nos têtes.

Le verre n’est-il pas la fragilité même, comme l’état de Norman Bates… ?

Par la réalisation de cette sculpture, Benoît Jacquemin tend à questionner le rapport entre la réalité et la fiction, la présence et l’absence, problématique dans un monde où la dématérialisation est omniprésente.

Né en 1993. Après un baccalauréat et un master en Photographie, Benoît Jacquemin sort de La Cambre en 2019. Lauréat du prix des Amis de la Cambre (2019) et du prix Roger de Conynck (2019). En juin 2019, il expose dans le cadre de All in one à Kanal Pompidou à Bruxelles.

Lucie Lanzini

Succesion #1 et Succesion #3, 2019
Traversée et Oculus, 2020

Les œuvres de la série Succession sont constituées de tronçons de rampes gardecorps, se jouant du lien physique et symbolique entre éléments sculpturaux et architecturaux. Ces rampes, réalisées en verre transparent dans un atelier spécialisé, font intervenir différentes techniques et traitements permettant d’obtenir les formes et les détails du rendu. Par ce travail délicat, Lucie Lanzini s’approprie un objet paradoxal évoquant autant la sécurité que le passage, dont l’usage est ici détourné par l’emploi de cette matière fragile qui déjoue toute tentative physique de s’en accommoder.

L’installation composée des pièces Traversée et Oculus, créées spécifiquement pour l’exposition, se déploie dans toute la hauteur de l’espace du Panorama, suggérant l’idée d’un passage du visible à l’invisible, d’un intérieur à un extérieur… à moins que cela ne soit le contraire, d’un extérieur vers un intérieur, le passage d’un état à un autre, une introspection offerte à chacun, une mémoire des formes.

Lucie Lanzini, née en France en 1986, a étudié à l’Emily Carr Institute à Vancouver et à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Lyon dont elle est diplômée en 2009. Depuis lors, elle vit et travaille à Bruxelles.

Elle est lauréate du Prix Art Contest en 2010, du Prix Macors / Médiatine en 2018, et du stand de la Fédération Wallonie-Bruxelles à Art Brussels en 2019. Ses oeuvres sont présentes dans des collections privées belges, françaises et luxembourgeoises. Lucie Lanzini enseigne actuellement à l’Atelier Sculpture de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles et intervient régulièrement à ARTS, Ecole Supérieure des Arts de Mons.

Eva L’Hoest

Under Automata, 2016
Single-channel video – Full HD, 00:07:55

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Eva L'Hoest Under Automata, 2016
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Eva L’Hoest Under Automata, 2016

Au-dessus de l’Atlantique, des dormeurs sont scannés manuellement par l’artiste le long du couloir d’un avion long-courrier. «Under Automata» réalise le portrait d’une scène contemporaine au moyen d’une technologie issue de l’industrie du jeu vidéo. Outil anthropométrique, cette caméra utilise la même technologie que les systèmes de surveillance tels que le « Full Body Scan » des aéroports. Les corps, les objets ne sont que partiellement recomposés par le logiciel, ce qui donne lieu à un plan cinématographique autant qu’à la vision d’accidents de la substance-image.

Anne-Françoise Lesuisse, Curatrice,
Directrice de la Biennale internationale de Liège

Eva L’Hoest, née 1991, vit et travaille à Bruxelles. Son travail a été récemment présenté à l’exposition Là où les Eaux se mêlent à la Biennale de Lyon sous le curatoriat du Palais de Tokyo, à la Triennale Okayama Art Summit IF THE SNAKE sous la direction artistique de Pierre Huyghe, et dans les expositions Suspended time, extended space au Casino Luxembourg (Benelux), Fluo Noir (BIP2018, Liege, BE) et Now Belgium Now (LLS358, Antwerp, BE).

En 2018, ses films sont programmés aux Rencontres Internationales Paris-Berlin (Carreau du Temple à Paris, Haus der Kulturen der Welt à Berlin), le Visite Film Festival, l’exposition Paysages-Passages (Annecy, France) et au MACro de Rome.

Julien Maire

Composite, 2018-2020
Installation hybride qui mixe une technique de gravure traditionnelle à un procédé de captation vidéo. Production Le Fresnoy, Studio national des Arts contemporains, avec le soutien d’Imal (BXL)

Des tableaux écrans présentent des dessins de paysages naturels traversés par des lignes électriques ou ponctués par des antennes et des paraboles de réception. Cette présence technologique dans des paysages – pour la plupart désertiques – est tout aussi incongrue que la méthode de conception de ces images. Lorsque le spectateur s’approche, il entrevoit son image qui se superpose au paysage présenté sur l’écran.

Ces dessins ont, en réalité, été directement engravés sur le capteur image de la caméra qui est attaché et connecté à chacun de ces écrans tableaux.

Un graveur micrométrique présent dans l’espace d’exposition révèle le procédé minutieux de fabrication. À l’aide d’un stylet de quelques microns, le graveur numérique dessine directement sur la surface électronique de captation. Une fois le capteur remonté dans une caméra, celle-ci affichera définitivement l’image spectrale et immobile qui a été préalablement engravée.

Chacun des dessins révèle en arrière-plan les mouvements, les changements de luminosité et de couleurs, tout en restant cependant aussi immobile et définitif qu’une gravure classique. Par la même, le protocole procède du déplacement des frontières entre captation, contemplation et représentation.

Julien Maire travaille depuis le milieu des années 90 au croisement de plusieurs disciplines comme la performance, l’installation média et le cinéma, produisant des oeuvres-performances live et hybrides. Les enjeux de réactivation de techniques anciennes de projection au moyen de technologies contemporaines sont au coeur de sa recherche. Ses manipulations se basent sur les questionnements relatifs aux conventions et aux stratégies visuelles actuelles à l’ère digitale.

Ses oeuvres et performances ont été présentées à de multiples reprises aux Transmediale (Berlin), Ars Electronica (Au), Digital Art Festival, European Media Art Festival, Film Festival Rotterdam, Film Festival Oberhausen (Allemagne), Sonar (Barcelonne), ZKM (Allemagne), ICC Tokyo, Empact (NYC), Powerstation (Shangaï).

Julien Maire a été le lauréat de la Biennale Update_2 en 2008 et a été finaliste du World Technology Award de New York en 2009. Son travail s’est vu distinguer par trois mentions d’honneur au Prix Ars Electronica entre 2004 et 2008. Lauréat en 2004 d’une résidence à la Villa Kujoyama (JP). Artiste / Professeur invité au Fresnoy en 2018.

Auteur d’oeuvres impressionnantes présentées à l’international telles que Exploding Camera, Low Res Cinema, Demi-Pas, ses oeuvres sont également présentes dans des collections publiques et privées.

Armand Monrin

Les Oiseaux, 2019
Vidéo 4k – 10 min. 41 sec. Œuvre Produite avec le soutien de la DRAC Nouvelle Aquitaine et MEMENTO, Espace d’Art Contemporain de Auch.

Armand Morin - Les Oiseaux, 2019 - vidéo 4k - 10 min. 41 sec © Armand Morin
Armand Morin – Les Oiseaux, 2019 – vidéo 4k – 10 min. 41 sec © Armand Morin

« La vidéo Les Oiseaux a été créée suite à l’invitation à exposer dans un ancien monastère carmélite. Les religieuses y vivaient recluses et silencieuses, confinées dans leurs cellules exiguës. L’histoire du lieu m’a incité à interroger l’imaginaire spatial de ces personnes isolées, lié à leur vie d’avant ou leurs fantasmes. J’imagine un effritement de la mémoire des lieux qui perdent toujours plus de leurs détails. Ainsi la voix off, qui défile sous forme de texte comme une voix intérieure, commence par décrire ce monde silencieux. L’isolement comme une quête ou une punition. Les images de la recluse et de l’ermite se croisent pour assez vite amener au thème de la fuite. Fuite de l’humain face à ses responsabilités, fuite en avant dans le divertissement et l’usure des ressources jusqu’à finalement disparaître. Cette voix off, c’est celle d’une humanité couarde et avide qui raconte son histoire par bribes depuis une sorte d’au-delà ou d’après.

Les images (tournées en Grèce, France et Belgique) montrent des lieux d’exploitation des ressources naturelles et énergétiques, de production industrielle de nourriture, des infrastructures de mobilité et des moyens de transports plus ou moins opérants, ainsi que des sols nus et inhospitaliers. Il y a aussi quelques nids et objets trouvés dans les greniers du monastère, qui tournent sur un plateau comme des objets de télé-achat ou des maquettes d’architecture.

C’est un travail profondément pessimiste et mélancolique qui regrette l’effondrement à venir. Il traduit aussi un questionnement personnel mais partagé par beaucoup sur les moyens de s’organiser pour les années à venir et tenter de s’adapter, de prendre soin de soi, des autres et de ce qui reste.»
Armand Morin

Armand Morin, né en 1984 à Nevers, vit et travaille à Talence et Bruxelles. Il a étudié aux Beaux-Arts de Nantes où il a obtenu un post-diplôme en 2009, puis a suivi le cursus du Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains (2010-2012), avant de s’installer durablement à Bruxelles en 2012.

Mountaincutters

Objets incomplets (Anatomie d’un corps absent), 2020
Installations, techniques mixtes

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Mountaincutters - Objets incomplets (Anatomie d'un corps absent), 2020
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Mountaincutters – Objets incomplets (Anatomie d’un corps absent), 2020

Les Objets Incomplets présentés pour l’exposition SIGNAL_Espace(s) Réciproque(s) proviennent d’installations in situ démantelées. Ce qui résiste à la disparition des installations, ce sont des «sculpturesarchives » contenant une mémoire physique et matériologique de leur installation d’origine. Ces Objets Incomplets sont polymorphes. Ils peuvent être de simples extractions de sculptures autonomes prélevées au sein d’une installation, sans aucune modification apportée. Ponction de l’installation, la sculpture extraite contient alors en elle toute la part manquante de son origine.

Les Objets Incomplets peuvent également être reconjugués par ré-assemblage de matériaux et des structures présentes dans l’installation initiale. La «prothèse», forme de mobilier-outil-structure hybride sur roulettes en verre, supporte cette nouvelle proposition.

La non-fixité et l’incertitude constituent la force vitale et l’énergie motrice de leur pratique toujours en mutation.

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Mountaincutters - Objets incomplets (Anatomie d'un corps absent), 2020
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Mountaincutters – Objets incomplets (Anatomie d’un corps absent), 2020

mountaincutters, nés en 1990, vivent et travaillent à Bruxelles.

mountaincutters participent à de multiples expositions dans différents lieux en Belgique et en France.

En 2019, ils sont lauréats du Prix région Sud à Art-O-Rama à Marseille.

Anna Raimondo

How to make you day exciting #2, 2020
Marseille – HD, video – intervention sonore dans l’espace urbain

Après avoir réalisé une composition sonore constituée d’orgasmes d’acteurs porno, l’artiste tout en écoutant cet enregistrement au plus haut volume s’est engouffrée dans les transports en commun, avec lesquels elle se déplace quotidiennement à Marseille. Ce faisant, son écoute privée est ainsi devenue publique.

Avec le même matériel sonore, l’artiste a réalisé un kit mp3, doté d’un bouchon d’oreille et d’instructions destinées aux utilisateurs les invitant à effectuer son action, c’est-à-dire parcourir une trajectoire urbaine habituelle et contaminer l’environnement à partir de cette matière sonore intime.

Anna Raimondo utilise la voix et l’écoute comme des plateformes de rencontre, de collaboration et d’échange, des outils de diffraction des identités. En questionnant les limites entre le public et le privé ainsi qu’entre les genres et les connotations qui y sont associées, elle réactive ou déconstruit des imaginaires et des pratiques culturelles (de la figure de la sirène aux chansons pop, jusqu’aux encouragements et aux dictons) pour rejouer et fluidifier les notions d’identité et de subjectivité.

Anna Raimondo, née en Italie en 1981, vit et travaille à Bruxelles.

Diplômée du Master en Arts sonores (University of the Arts of London), Anna Raimondo poursuit actuellement ses recherches doctorales sur l’écoute et sa relation avec la discipline de la géographie urbaine, à partir d’une perspective féministe inter-sectionnelle. Cette thèse est réalisée en codirection entre l’Université Libre de Bruxelles et l’ARBA- ESA (Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles).

En qualité de commissaire, elle a travaillé à des projets d’arts sonores et radiophoniques dans différents espaces et événements, comme la Documenta 14 – Radio Program à la SAVVY Galery de Berlin ou le Friday Late au V&A Museum à Londres. Elle a été primée à plusieurs reprises : Prix Médiatine de la Ville de Bruxelles en 2018; Palma Ars Acustica pour la création radiophonique Me, my English and all the languages of my life en 2016 ; Prix d’art sonore PIARS pour le paysage sonore La vie en Bleu en 2014.

Emmanuel Van der Auwera

Videosculpture XIV (Shudder), 2017
HD Video LCD Screens black glass 206 x 117 x 3 cm. Collection Kanal – Centre Pompidou, Bruxelles

Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett - Emmanuel Van der Auwera - Videosculpture XIV (Shudder), 2017
Signal _ Espace(s) réciproque(s) © Jeanchristophe Lett – Emmanuel Van der Auwera – Videosculpture XIV (Shudder), 2017

VideoSculpture XIV (Shudder) est une installation vidéo où un film joué sur un écran apparemment blanc se reflète dans un morceau de verre laqué noir. La vidéo dure 7 minutes et est entièrement constituée de séquences d’archives. L’industrie du court métrage produit de courts clips sur n’importe quel sujet, qui peuvent être utilisés comme substitut de tournage et production de films. L’imagerie est destinée au plus large public possible et stylisée pour un copier-coller facile dans les films et les publicités. Ces images sont utilisées pour révéler un espace de l’autre côté du miroir, un monde de fantaisie sombre. Un soldat erre à travers différents cadres de réalités changeant rapidement.

Pris au piège dans une boucle au rythme lent, la narration erratique le plonge dans l’environnement d’un dur rêve où les traumatismes sont réactivés. Il reste immobile, le visage fermé, les yeux vides. Il court et tombe. Une voiture brûle. Il est assis dans un fauteuil roulant tandis que sa fille saute dans ses bras. Il y a un enterrement, un ciel bleu et un goût aigredoux.

Emmanuel Van der Auwera, né en 1982 en Belgique, vit et travaille à Bruxelles. Il est lauréat 2015 de l’Institut supérieur des Beaux-Arts (HISK) cours post- académique à Gand, lauréat du prix Langui 2015 du Young Belgian Art Prize, et est le premier lauréat du Goldwasserschenking décerné par le WIELS et les Musées royaux belges des Beaux-Arts.
Lauréat du Prix OTAZU ART PRIZE 2019.

Claire Williams

Zoryas, 2019
Verre – gaz nobles – son – électronique. 6 x 6 x 3 m. Production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains

Claire Williams Zoryas - Electromagnetic Activity of the Sun, 2019 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Claire Williams – Zoryas, 2019 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

Six formes reposent au centre d’un grand disque plat. L’une rappelle les morceaux de silice amorphe produits par l’impact de la foudre sur le sable, les autres semblent pareilles à des méduses, coraux ou algues qui peupleraient des fonds marins dont on ne sait rien. Chacune d’elles est emplie d’une matière- énergie de teinte et de structure à nulle autre égale. Les six formes sont toutes différentes mais elles appartiennent sans aucun doute à la même classe d’objet, la même catégorie de choses. Aux physiciens, elles rappellent les tubes utilisés par Heinrich Geissler pour expérimenter le comportement de certains gaz lorsqu’ils sont traversés par des courants électriques.

Claire Williams  - Zoryas, 2019 - Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai
Claire Williams – Zoryas, 2019 – Signal Espace(s) réciproque(s) à la Friche de La Belle de Mai

A ceux qui fréquentent les boutiques des musées de sciences, elles rappellent les globes luminescents qui réagissent au toucher. Aux explorateurs des hautes latitudes, elles rappellent les aurores boréales. Elles sont à la fois tout cela et rien de cela. Elles sont emplies des gaz qui composent le milieu interstellaire : argon, néon, krypton, xénon, nitrogène… Elles sont tissées de la même étoffe que le soleil : le plasma. Quatrième état de la matière, le plasma compose 99% de notre univers visible mais aucun des 100% de celui dans lequel nous évoluons. C’est ce qui rend étrange le fait d’entendre son activité comme venant de l’intérieur de notre corps, lorsque nous posons nos coudes sur l’anneau qui ceint le grand disque plat. Toute l’installation pulse au rythme de l’activité électromagnétique du soleil.

Collaborations: Stéphane LOUIS, TeslaCoilRu, Baptiste De La Gorce, Observatoire Royal de Belgique, E-Callisto Network

Claire Williams (1986), est une artiste installée à Bruxelles. Ses médiums principaux sont le son, le textile et l’électronique. Elle crée des installations autour de la captation de données invisibles ou inaudibles de notre spectre électromagnétique et leur matérialisation, des jeux entre langages numériques, sonores et textiles. Elle gravite notamment autour des pratiques open source et mêle savoir-faire artisanal et électronique. Elle a étudié à La Cambre le design textile et suit un post diplôme au Fresnoy, Studio national des arts contemporains.

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