Avoir 20 ans
Les 20 ans de la Collection Lambert à Avignon


Pour son 20ᵉ anniversaire, la Collection Lambert propose deux expositions construites à partir des œuvres du fonds permanent. « Avoir 20 ans » a d’offrir « de nouvelles manières de regarder les ensembles conservés à Avignon »…

Originellement programmé pour la fin du mois de mars, « Avoir 20 ans » débutera le 2 juin sous réserve de modifications liées à l’évolution de la situation sanitaire.

À travers les yeux d’Yvon Lambert, 20 ans après…

Cet accrochage conçu à travers les yeux d’Yvon Lambert se déroulera du 2 juin au 15 novembre 2020. Pour l’occasion, le collectionneur a choisi 13 artistes à chacun desquels il attribue une salle entière de l’Hôtel de Caumont, le bâtiment historique ouvert le 27 juin 2000…

« La place laissée à chacun permettra de réaffirmer la richesse du fonds conservé dans la cité papale et de proposer au public de pénétrer salle après salle, dans l’univers d’un artiste majeur de la collection. Cette nouvelle implication du collectionneur marquera le point de départ d’une série annuelle d’expositions organisées à travers son regard. »

On retrouvera par ordre de leur apparition dans les salles du musée :

Sol LeWitt • Donald Judd • Robert Barry • Christian Boltansk • Richard Tuttle • Cy Twombly • Claude Lévêque • Daniel Buren • Andres Serrano • Anselm Kiefer • Miquel Barceló • David Horwitz • Robert Combas • Jean-Charles Blais • Niele Toroni • Robert Ryman.

Pendant les semaines de confinement, la Collection Lambert a régulièrement publié sur les réseaux sociaux des « Récits d’Yvon Lambert », échos de ce projet qui sont reproduits ci-dessous.

Le commissariat d’exposition sera assuré conjointement par Yvon Lambert et Stéphane Ibars.

À cette occasion, un hommage particulier sera rendu à Robert Ryman avec la publication du deuxième Cahier de la Collection Lambert en coédition avec Actes Sud. Dédié à l’œuvre du peintre américain, cet ouvrage fera suite au premier volume qui était consacré à Sol LeWitt.

Robert Ryman - Vue d’exposition Un art de notre temps #2 à la Collection Lambert © Adagp, Paris, 2019 - photo Victor Picon
Robert Ryman – Vue d’exposition Un art de notre temps #2 à la Collection Lambert © Adagp, Paris, 2019 – photo Victor Picon

Jusqu’au printemps, dans le cadre de l’exposition « Un art de notre temps #2 », une salle exposait huit des œuvres de Ryman conservées à Avignon.

Chronique à suivre après une visite de « À travers les yeux d’Yvon Lambert, 20 ans après… »

Je refléterai ce que tu es
De Nan Goldin à Roni Horn : l’intime dans la Collection Lambert

Cette deuxième exposition du projet « Avoir 20 ans » à travers la présence de l’intime dans la collection du musée occupera les espaces de l’Hôtel de Montfaucon du 27 juin au 20 septembre 2020. Elle emprunte son titre à I’ll be your Mirror un des morceaux du premier album du Velvet Underground, écrit par Lou Reed pour Nico qui l’interprète…

Nan Goldin, Yvon at Notre-Dame de la Garde, Marseille, 1996
Nan Goldin, Yvon at Notre-Dame de la Garde, Marseille, 1996

Le commissariat sera assuré par Stéphane Ibars. On lira ci-dessous la note d’intention de « Je refléterai ce que tu es » extraite du dossier de presse.

On attend avec intérêt de découvrir l’accrochage de ce « corpus d’œuvres directement liées à une réflexion contemporaine sur ce qu’est l’intime en art, ce qu’il offre en termes de possibilités pour représenter nos rapports à l’espace et au temps, à la communauté des hommes et des femmes qui écrivent avec nous le récit collectif de nos vies ici et maintenant »…

Artistes annoncés : Alice Anderson Elina Brotherus • Stanley Brouwn • Stefan Brüggemann • Jason Dodge • Bernard Faucon • Nan Goldin • Douglas Gordon • Jenny Holzer • Roni Horn • Bethan Huws • On Kawara • Jo Lansley & Helen Bendon • Louise Lawler • Jill Magid • Bruce Nauman • Cady Noland • Roman Opałka • Julian Schnabel • Yann Serandour • Andres Serrano • Vibeke Tandberg • Cy Twombly

À l’occasion de cette exposition, le troisième Cahier de la Collection Lambert dédié à Nan Goldin sera publié.

Chronique et compte rendu d’exposition après la visite de « Je refléterai ce que tu es ».

Du 9 octobre 2020 au 5 janvier 2021, la Collection Lambert accueillera pour la deuxième année le festival ¡ Viva Villa ! avec la Casa de Velázquez, la Villa Kujoyama et l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, sous le commissariat de Cécile Debray.

À partir du 5 décembre 2020, « La Collection vue par ses artistes, même #1 » invitera un groupe d’artistes à sélectionner dans le fonds certaines des œuvres qui leur semblent être les plus représentatives de l’idée qu’ils se font de la collection d’Yvon Lambert.

À lire ci-dessous, les « Récits d’Yvon Lambert » publiés sur la page Facebook de la Collection Lambert et la note de présentation de « Je refléterai ce que tu es ».

En savoir plus :
Sur le site de la Collection Lambert
Suivre la Collection Lambert sur Facebook et Instagram

« Récits d’Yvon Lambert » publiés sur la page Facebook de la Collection Lambert

Cy Twombly, Pan, 1980

Cy Twombly, Pan, 1980
Cy Twombly, Pan, 1980

Polyptyque en 7 éléments
Huile, pastel gras, mine de plomb, gravure, affiche, papier et papier chiffon. 38,4 x 47,5 cm – 59 x 59 cm- 76 x 56,5 cm – 133 x 159 cm – 70 x 48,7 cm – 70 x 48,7 cm – 65,7 x 50,2 cm. Donation Yvon Lambert en 2012

  • Cy Twombly, Pan, 1980 Polyptyque en 7 éléments Huile, pastel gras, mine de plomb, gravure, affiche, papier et papier chiffon 38,4 x 47,5 cm - 59 x 59 cm- 76 x 56,5 cm - 133 x 159 cm - 70 x 48,7 cm - 70 x 48,7 cm - 65,7 x 50,2 cm Donation Yvon Lambert en 2012
  • Cy Twombly, Pan, 1980
  • Cy Twombly, Pan, 1980
  • Cy Twombly, Pan, 1980
  • Cy Twombly, Pan, 1980
  • Cy Twombly, Pan, 1980

« Cy Twombly a la même passion que moi pour la mythologie. Nous avons la même manière d’aborder ces histoires où le destin des humains est soumis aux seuls caprices des dieux et déesses, non pas en érudits mais avec une instinctive mise en relation entre toutes les époques de l’histoire de l’art. »

« Pour échapper aux assauts sexuels de Pan, la nymphe Syrinx s’enfuit près d’un fleuve et se métamorphosa en roseau. Pan en cueillit une poignée et en fit l’instrument de musique qui porte son nom. Est-ce alors l’idée des sept notes qui composent la gamme de la musique occidentale que Cy a réinterprétée en divisant cette œuvre sublime en sept morceaux unis par les débordements de son énergie créatrice ? »

Nan Goldin, Self-portrait (All by Myself), 1995

Nan Goldin, Self-portrait (All by Myself), 1995
Nan Goldin, Self-portrait (All by Myself), 1995

« Il me serait impossible de dire combien de fois j’ai vu le slideshow de Nan, All by Myself. Avec la très émouvante chanson d’Eartha Kitt Beautiful at Forty qui assume son âge en scrutant son passé sans nostalgie, Nan avait trouvé là le plus beau support musical pour faire dérouler le temps à travers les 95 images qui constituent son autoportrait presque testamentaire. (…) Comme tous ses slideshows, celui-ci est unique, le choix des diapositives et leur ordre fut conçu spécialement pour moi. »

Niele Toroni, Empreintes de pinceau n°50 à intervalles réguliers (30 cm), 1983

Niele Toroni, Empreintes de pinceau n°50 à intervalles réguliers (30 cm), 1983
Niele Toroni, Empreintes de pinceau n°50 à intervalles réguliers (30 cm), 1983

« Si je dois caractériser Niele Toroni, c’est sans hésiter sa fidélité qui me vient immédiatement à l’esprit. Fidèle en amitié car je partage son aventure artistique et son côté épicurien depuis plus de trente ans, fidèle dans son œuvre car je ne connais pas d’autres artistes qui ont suivi comme lui le même chemin sans jamais se détourner du but. »

« Ses empreintes sont devenues les blasons dont on paraît les armures des chevaliers pour qu’ils soient reconnaissables dans les batailles. A elles seules, elles signent un geste, un acte et identifient l’auteur. »

Miquel Barcelo, Biblioteca, 1984

Miquel Barcelo, Biblioteca, 1984
Miquel Barcelo, Biblioteca, 1984

« Certaines œuvres de Miquel Barcelo sont tellement associées à mes passions qu’elles semblent avoir été créées spécialement pour moi ou découler de nos discussions passionnées dans son atelier. (…) Les œuvres qui me touchent le plus sont liées à une thématique qu’il reprenait souvent à cette époque, celle d’un personnage dans sa bibliothèque qui me rappelle les piles de livres et de catalogues que j’entasse aux quatre coins de ma réserve et de mon appartement. »

Anselm Kiefer, Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, 1996 – Les reines de France, 2001 – Sol Invictus Hela – Gabal, 1974

« Je connaissais le travail d’Anselm à travers les expositions que je ne ratais jamais au cours de mes voyages. Une des premières fois où je l’aperçus, c’était à Berlin, au vernissage de sa très grande exposition à la National Gallery. Il me dit qu’il s’était enfermé un mois dans le musée pour préparer cette rétrospective, ce qui me marqua profondément. (…) Depuis ma rencontre avec Anselm, je constitue un petit ensemble d’œuvres fait d’acquisitions et de cadeaux personnels. Avec ses 5 mètres de long, Die Rheintöchter est la pièce la plus imposante de ma collection. Réalisée en plomb, avec de la craie et un élément photographique, elle représente tout ce que j’aime chez cet artiste. Les œuvres sur papier ont toutes pour moi une histoire que je partage avec Anselm comme la passion pour les grands mythes des origines, sa découverte de l’histoire de mon pays à travers l’arbre généalogique des Reines de France, son érudition pour l’opéra allemand, la littérature et la constitution de la langue française qu’il connaît parfaitement désormais. »

Né en Allemagne deux mois à peine avant la capitulation nazie, Anselm Kiefer entame dans les années 1970 une œuvre qu’il situe au cœur même des plaies ouvertes de l’histoire du XXème siècle. A travers peintures et installations monumentales, dessins et photographies, il s’empare des mythes fondateurs pris en otage par l’Allemagne Nazie pour les laver de l’outrage, en révéler à nouveau la force sensible et les remettre au centre de notre histoire commune.

(…) J’ai ainsi vu Anselm semer dans les champs des milliers de graines de tournesols, photographier les fleurs sous le soleil de septembre, les faire sécher dans l’atelier puis les utiliser comme matériaux bruts, constitutifs de l’œuvre. Tour à tour, les tournesols sont devenus arbres de vie dans les plus récents autoportraits ; en prenant directement racine dans le ventre de l’artiste, ils ont servi aussi à d’incroyables cosmogonies où chaque graine noire symbolise les étoiles d’un savant système solaire. »

De Velimir Khlebnikov à Paul Ceylan, de Wagner à Corneille, Kant et Friedrich aux Reines de Frances, Anselm Kiefer fouille l’héritage du passé dans un geste héroïque dont la force et l’érudition sont aussi admirables que dérangeantes. La violence y lutte contre la violence, la puissance destructrice contre la destruction, la mémoire contre l’oubli.

Marcel Broodthaers, Bouteille à la mer, 1970-1971

Marcel Broodthaers, Bouteille à la mer, 1970-1971
Marcel Broodthaers, Bouteille à la mer, 1970-1971

« Marcel Broodthaers aimait comme moi Baudelaire et Mallarmé, et parlait d’art avec une ironie que je n’ai jamais retrouvée par la suite chez d’autres artistes. Il abordait notamment le marché de l’art et l’argent avec une dérision incroyable, mais ce cynisme dénotait toujours une pertinence géniale quant à la manière d’analyser notre époque. »

Robert Ryman, Sans titre (Surface Veil), 1970

Robert Ryman, Sans titre (Surface Veil), 1970
Robert Ryman, Sans titre (Surface Veil), 1970

« Un tout petit Ryman, quatre bouts de scotch collés sur du papier calque. C’est une petite chose de rien, mais pour moi c’est le plus bel hommage qui soit rendu à la peinture dans sa simplicité. »

Louise Lawler, Drop Bush not Bombs, 2001 – War is Terror, 2003

Pourquoi la guerre dans les titres des photographies de Louise Lawler ?

Si vous lisez les titres de certaines photographies de l’artiste américaine Louise Lawler réalisées à la Collection Lambert, vous remarquerez qu’ils font références à la guerre : Drop Brush, not Bomb ou War is Terror. Aucune des images ne traite pourtant de faits violents. Il s’agit comme toujours pour Louise Lawler de prendre des photographies d’œuvres d’autres artistes dans leur contexte d’exposition. Ici nous découvrons un Wall drawing de Sol LeWitt dans l’hôtel de Caumont ou une photographie de Julia Margaret Cameron dans un intérieur privé près d’Avignon.

C’est en réalité l’actualité qui a amené l’artiste à mentionner la guerre dans ses titres. Nous sommes au lendemain du 11 septembre 2001. Les Twin Towers viennent de s’effondrer, percutées par deux avions détournés par des terroristes. L’artiste est bloquée à Paris, sans nouvelle de ses proches et sans possibilité de rentrer chez elle. Yvon Lambert l’invite à partir pour Avignon trouver le repos chez lui et dans le musée créé à peine un an plus tôt. Elle y produira une série de photographies qu’elle donnera plus tard au musée et dont certaines portent dans leur titre les blessures de l’histoire…

Donald Judd, Untitled, 1984 – Untitled, 1989

« Si je n’ai jamais réalisé d’expositions personnelles de Donald Judd, ses œuvres ont pourtant été présentées dans ma galerie et je possède un très bel ensemble composé de dessins et de sculptures. Quelques mois avant sa mort, je le croisais à New York, à deux pas de son studio de Spring Street. Nous bavardions ainsi plusieurs heures dans un café de Soho. « Pourquoi ne m’as-tu jamais exposé? » me demanda-t-il en souriant ? Nous riions ensemble, moi ne sachant pas quoi répondre à part « Cela ne s’est jamais présenté » (…) Nous avions nos cafés pour nos rendez-vous, nos lieux pour nous promener, comme cette librairie qui n’existe plus aujourd’hui, Jaap Reitman, où nous consultions et commentions les nouvelles parutions de livres d’art. Régulièrement, lors de ces rapides séjours, je lui achetais des pièces qu’il me montrait dans son atelier, comme cette série de dessins qu’il préparait et que je lui demandais de terminer avant mon retour pour Paris ».

Après avoir fréquenté l’Art Student League de New York où il apprend la peinture puis avoir étudié la philosophie à la Columbia University, Donald Judd entame un travail de redéfinition de l’art à travers une double pratique d’artiste et de critique. Il publie ainsi dès 1965 Specific Objects, texte fondateur qui pose les bases de l’art minimal, tout comme les célèbre Paragraphes sur l’art conceptuel de Sol LeWitt nourriront les réflexions sur l’art conceptuel.

Généralement constituées d’un ou plusieurs modules répétés et alignés verticalement ou horizontalement, parfois produites par des entreprises spécialisées, les œuvres de Donald Judd visent à révéler l’espace dans lequel elles s’intègrent à inviter le visiteur à ne plus contempler de manière passive mais à faire lui-même l’expérience physique et mentale des œuvres et des espaces qu’elles occupent.

Brice Marden, Mur chez Lambert, 1973

Brice Marden, Mur chez Lambert, 1973. © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon
Brice Marden, Mur chez Lambert, 1973. © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon

« Mur chez Lambert » est l’une des pièces majeures du musée. En 1973, l’artiste Brice Marden choisit un mur dans l’appartement de son galeriste, puis réalise l’œuvre aux dimensions du mur pendant un mois, directement sur place, pour le plus grand plaisir d’Yvon Lambert qui retrouve l’artiste chaque soir et s’imprègne des effluves de peinture et de cire, devenant le témoin privilégié de la création de l’oeuvre. Il s’agit d’un triptyque fait de panneaux peints à l’huile et à la cire, aux couleurs grises, brunes, vertes.

L’œuvre « porte la trace d’une quantité d’épaisseur de peinture et de cire, passées avec un couteau très souple, qui lui donnent sa sensualité » mais aussi une transparence et une matité inouïe.

Richard Serra, Equal Rectangles, 1986

Richard Serra, Equal Rectangles, 1986. © Collection Privée / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon

« En 1990, je réalisai enfin une exposition de Richard. Deux énormes toiles enduites de cette matière noire si lourde et si prégnante tombaient jusqu’au sol. C’était un spectacle d’une très grande force qui me rappelait ces images si vives dans ma mémoire de mes premières visites dans son atelier. La valeur du temps prenait alors toute une épaisseur qui se matérialisait à travers ces œuvres monumentales. »

Christian Boltanski, Les Images noires, 1995

Christian Boltanski, Les Images noires, 1995
Christian Boltanski, Les Images noires, 1995

« Cette œuvre fait à mon sens parfaitement le pont entre les œuvres minimales de ma collection et les préoccupations plus contemporaines de certains artistes d’aujourd’hui. En effet, le jeu très minimal réside dans cet ensemble de monochromes noirs, qui rappellent ceux de Brice Marden, de Allan McCollum ou plus loin dans le temps de Barnett Newman et d’Ad Reinhardt. Mais la disposition de ces cadres noirs évoque moins la mort de la peinture, prônée par les grands maîtres de l’Art américain dès la fin des années 1950, que la disparition des images comme autant d’éléments du souvenir qui s’évanouit. »

Richard Tuttle, Any Three Colors on My Mind, 1973

Richard Tuttle, Any Three Colors on my Mind, 1973. © Collection Privée / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon
Richard Tuttle, Any Three Colors on my Mind, 1973. © Collection Privée / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon

« Il m’est toujours difficile de parler de Richard Tuttle tant ma compréhension de son œuvre passe presque uniquement par la tendresse. J’aime tout son travail depuis trente ans et je ne peux rien dire de plus. En voyant sur mes murs ces œuvres faites de « bouts de ficelle », de quelques traits de crayons mêlés à des traces de pinceaux, je sais que tout cela repose sur le presque rien, je m’en moque. C’est ce presque rien si subtil qui m’émeut tant. »

Robert Barry, Sans titre, 1980

Robert Barry, Sans titre, 1980. © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon
Robert Barry, Sans titre, 1980. © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon

« Avec Robert Barry, il s’agit d’un travail tout en poésie, où les mots à peine inscrits au crayon sur le support pictural agissent comme des zones de sensibilité, s’intégrant parfois dans la composition de l’oeuvre, mais débordant aussi du cadre fixé par l’artiste. (…) Les mots sont là, ils débordent et peuvent s’étendre au-delà de l’oeuvre, dans l’imaginaire du spectateur comme sur des murs blancs. » (Regardez bien dans les coins)

Robert Combas, Enée descend aux enfers, 1988

Robert Combas, Enée descend aux enfers, 1988 © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon
Robert Combas, Enée descend aux enfers, 1988 © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon

« Alors que ma galerie était réputée pour ses prises de position très théoriques, pour des choix artistiques très radicaux et plutôt austères, Combas représentait la gaieté, l’innocence associées à la boulimie d’un travail non réfléchi, instinctif et impulsif. Aux œuvres plutôt monochromes et épurées de mes artistes habituels s’opposait la couleur dans toute sa splendeur. Je tiens ainsi Robert Combas pour l’un des plus grands coloristes de sa génération. »

Andres Serrano, Bodily Fluids : Semen & Blood II, 1990

Andres Serrano, Bodily Fluids : Semen & Blood II, 1990. © Collection Privée / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon
Andres Serrano, Bodily Fluids : Semen & Blood II, 1990. © Collection Privée / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon

« La série photographique des Nomads a été ma première rencontre avec l’œuvre d’Andres. C’était à la fin de l’année 80, dans une galerie new yorkaise, la Stux Gallery.

Immédiatement, je dis à l’ami avec qui je voyageais que je voulais exposer cet artiste dont je ne connaissais encore rien. Il y avait bien eu tous les scandales qui annonçaient la vague du politically correct, avec les foudres du National Endowment for the Arts, furieux de savoir que des aides à la création puissent être utilisées pour défendre des œuvres que les membres de la commission jugeaient obscènes. Mais j’avoue que je découvrais l’œuvre de Serrano, sans être au courant des problèmes que le Piss Christ avait pu susciter… tout simplement parce que, malgré mon ignorance quant à cet artiste, je me moquais surtout des réactions idiotes de ces ultra-conservateurs américains. Je pensais d’ailleurs à l’époque que cette tendance qui prône l’idée du correct comme règle d’éthique ne franchirait pas les frontières des États-Unis, alors que plusieurs exemples prouvent que nous ne sommes plus à l’abri en France de telles considérations stupides. »

Considéré comme sujet à polémiques, Andres Serrano est un cas à part dans le milieu de la photographie internationale. Si son œuvre dérange par sa force de représentation de notre monde actuel, elle est pourtant intimement associée à l’histoire de l’art, celle de la peinture baroque en particulier. C’est à travers ce double prisme qu’il est passionnant de décrypter ce travail, à travers l’inquiétant visage d’une Amérique qui se dévoile à l’aube du troisième millénaire au reste du monde, et avec les grands maîtres du passé dont Serrano ne retient que la part la plus sombre. On pense à Titien et Delacroix, Tintoret, Vélasquez et Goya, El Greco, Zurbaran, Géricault ou Courbet…

On Kawara, I Am Still Alive, 1972

On Kawara, I Am Still Alive, 1972. © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon
On Kawara, I Am Still Alive, 1972. © Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon

« La réception quotidienne de ses télégrammes était le point de départ d’une aventure avec lui qui a duré près de trente ans. Chaque jour, j’étais averti qu’un télégramme allait m’être livré et après passée la surprise du premier, j’attendais avec impatience les suivants. Pourtant tous étaient similaires, avec cette litanie à la fois si ironiques pour certains mais pour moi si émouvante « I am still alive » ? J’avais bien sûr conscience que cette série de messages constituait déjà une œuvre à part entière, mais ce qui me plaisait tant dans cet envoi, c’était d’un point de vue personnel l’encouragement si fort que ces télégrammes suscitaient en moi. »

Je refléterai ce que tu es
De Nan Goldin à Roni Horn : l’intime dans la Collection Lambert – Présentation

I’ll be your mirror
Reflect what you are, in case you don’t know
I’ll be the wind, the rain and the sunset
The light on your door to show that you’re home…

The Velvet Underground, I’ll be your Mirror


La collection d’Yvon Lambert s’est constituée à travers le regard personnel et singulier d’un homme embarqué dans l’amour et la défense de l’art et des artistes de son temps. Les relations nouées avec les artistes, les œuvres acquises (achats, cadeaux…) sont toutes le fruit d’une passion partagée, d’une intimité indéniable avec l’œuvre et son créateur, souvent d’une amitié profonde.

Certains portraits du marchand collectionneur en témoignent avec force de Cy Twombly à Julian Schnabel, Stanley Brouwn ou Nan Goldin pour ne citer qu’eux, où Yvon Lambert apparaît dans toute sa discrétion, son assurance et son élégance.

Surtout émerge de la collection un corpus d’œuvres directement liées à une réflexion contemporaine sur ce qu’est l’intime en art, ce qu’il offre en termes de possibilités pour représenter nos rapports à l’espace et au temps, à la communauté des hommes et des femmes qui écrivent avec nous le récit collectif de nos vies ici et maintenant.

Nan Goldin, dont la Collection Lambert conserve un ensemble exceptionnel d’une centaine d’œuvres, fait figure de pionnière en la matière, tant son œuvre se constitue, photographie après photographie, comme un interminable journal intime de ce qu’elle nomme ses Obsessions. Chaque photographie est une histoire et la somme de toutes ces images constitue une immense mémoire de ces vies croisées, partagées, dans sa tribu située « de l’autre côté » pour reprendre le titre de son ouvrage The other side dans lequel résonnent les mots de Lou Reed — Hey babe, take a walk on the wild side, I said hey joe, take a walk on the wild side

L’ensemble conservé à Avignon sera exposé dans sa quasi-totalité pour la première fois et constituera le point d’orgue de cette présentation d’une sélection d’œuvres du fonds permanent ainsi que le point de départ d’une publication du troisième Cahier de la Collection Lambert (après Sol LeWitt et Robert Ryman) dédié à l’artiste américaine.

Associées dans l’exposition aux œuvres de Jenny Holzer, Roni Horn, Vibeke Tandberg, Bethan Huws, On Kawara, Douglas Gordon, Roman Opałka, Cady Noland, Elina Brotherus et bien d’autres, les œuvres de Nan Goldin racontent comment l’artiste engagée dans la représentation de sa propre intimité, dans la confrontation de celle-ci avec le monde qui l’entoure, nous offre la possibilité d’un questionnement collectif ou universel sur une/des vie(s) partagée(s).

Si ce sont des fragments de mondes, des collections d’êtres singuliers qui nous sont présentés dans ces œuvres, ce n’est pas par refus de l’universel mais bien en réponse au monde tel qu’il apparaît depuis les années 1980, celui du repli, du retranchement et de l’atomisation des êtres et des différences. Si comme dans le célèbre slogan des années 1970, « ce qui est personnel est politique ! », ces récits de l’intimes constituent autant de possibles pour nous penser collectivement, les uns avec les autres, ici et maintenant.

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