Du 15 décembre 2020 au 20 février 2021, le Centre d’art Contemporain Les Pénitents Noirs à Aubagne présente « Souffle » une exposition réalisée grâce aux prêts du Musée Réattu d’Arles et du Centre National des Arts Plastiques (CNAP).
« Souffle » est construit comme une proposition « multi-sensorielle, immersive et expérimentale ». Elle réunit une vingtaine de photographies de Luca Gilli, Corinne Mercadier et Jacqueline Salmon et un nombre équivalent de dessins de Jacques Réattu dont une des grandes peintures en « grisaille » conservées au Musée Réattu.
L’accrochage s’organise autour d’une installation de Hanna Hartman et de la diffusion via un plancher équipé de haut-parleurs de trois pièces sonores de la compositrice suédoise (Acoustic Catacombs, Cratère et Longitude). Ce dispositif convoque le corps du visiteur, « qui se mue en une caisse de résonance vibrant au rythme des pulsations de la ville d’Arles »…
« Souffle » affirme ainsi l’ambition de montrer « la visible immatérialité de l’air au travers d’œuvres sonores, photographiques et des dessins ».
Ce projet illustre la richesse du fonds conservé par le musée arlésien et témoigne de son engagement auprès des artistes contemporains. Pionnier en 1965 avec la création de la première collection photographique dans un musée des beaux-arts en France, le Réattu montrer une nouvelle fois son caractère novateur avec l’ouverture du premier département d’Art Sonore, en 2007.
Le commissariat de « Souffle » est assuré par Daniel Rouvier, conservateur en chef et directeur du Musée Réattu, Andy Neyrotti, responsable conservation du Musée Réattu et Coralie Duponchel, directrice du centre d’art contemporain Les Pénitents Noirs.
Chronique éventuelle à suivre après un passage par Les Pénitents Noirs.
À lire, ci-dessous, quelques repères à propos des œuvres et des artistes exposés dans « Souffle ». Ces documents sont extraits du dossier de presse.
Jusqu’au 31 décembre, le Musée Réattu propose avec « La boîte de Pandore » et « Le grand cabinet photographique » deux expositions intelligentes, sensibles et remarquablement bien construites qu’il ne faut absolument pas manquer…
En savoir plus :
Sur le site de la Ville d’Aubagne
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Sur le site du Musée Réattu
« Souffle » : Les œuvres et artistes
Luca Gilli
Docteur en Sciences Naturelles, Luca Gilli a d’abord mené des activités de recherche pour l’Université de Parme dans le domaine de l’environnement, avant de se consacrer entièrement à la photographie et au graphisme au début des années 2000. Proche du « groupe de Reggio Emilia » qui réunit, autour de leur chef de file emblématique Vasco Ascolini, des photographes comme Cesare di Liborio, Marcello Grassi, Bruno Cattani et Valeria Montorsi, Luca Gilli fait du noir et blanc la matière première de ses images, dont le mystère n’est pas sans évoquer les peintures métaphysiques de Giorgio de Chirico.
Luca Gilli – Islanda (série), 2009. Tirages barytés d’après fichiers numériques, contrecollés sur aluminium. 58 × 87 cm. Collection Musée Réattu, Arles. Achats avec l’aide du Fonds Régional d’Acquisition des Musées, 2010
Dans la série Islanda, réalisée lors d’un voyage au caractère presque initiatique sur ces terres volcaniques, le photographe opte pour la première fois pour la couleur, qui ne le quitte plus depuis. Utilisant au maximum le potentiel de la photographie numérique, appliquant à ces paysages de légende des cadrages à la fois très rapprochés et sans limites, il parvient à s’abstraire du reportage pour suggérer un autre espace, dans lequel irréalité et immatérialité peuvent s’exprimer au-delà de la richesse inouïe des textures minérales, végétales et aqueuses. Ces images vibrantes fonctionnent alors à la manière d’un sismographe, témoignant du bouillonnement sous-jacent de cette nature toujours en train d’advenir et façonnée par la force des éléments rendus ici quasi-palpables.
Hanna Hartman
Hanna Hartman – Acoustic catacombs, 2010. installation sonore : fichier numérique, plancher bois et haut-parleurs. Commande du Centre national des Arts Plastiques, en dépôt au musée Réattu depuis 2010
Artiste sonore et compositrice suédoise, Hanna Hartman a étudié dans de nombreux domaines – littérature, histoire du théâtre, radio, musique électroacoustique – avant de se consacrer, au début des années 90, à la composition d’œuvres radiophoniques et de sculptures sonores, mises en scène au cours de performances. Elle reçoit régulièrement des commandes émanant de grandes radios publiques européennes et s’est vue décerner plusieurs récompenses, comme le Prix Europa en 1998 ou le Prix Phonurgia Nova en 2006.
Appartenant à une génération d’artistes comme Luc Martinez, Knud Viktor, Gilles Aubry ou Götze Naleppa qui ont décidé de déplacer les frontières de l’écoute en se focalisant sur les sons naturels, Hanna Hartman collecte son matériel de création à même le paysage. Composées par hybridation et tissage de sons réels, ses œuvres révèlent la beauté et la force hypnotique des environnements parcourus, qu’elle rend perceptibles avec une pureté et une acuité vertigineuse.
Le musée Réattu rencontre son œuvre pour la première fois en 2006, lors de la Nuit des Musées : une de ses pièces emblématiques, Cratère, occupait alors la cour du Grand Prieuré, avec des sons extraits des entrailles de l’Etna et au pied des geysers d’Islande. Son intérêt pour les forces naturelles en font ensuite une invitée privilégiée des lieux et, l’année suivante, le musée programme Longitude 013° 26’’E, une œuvre conçue à partir des sons de la mer Baltique.
C’est donc naturellement que le Centre national des Arts Plastiques, sur proposition du musée Réattu, lui a confié une commande publique dans le cadre du programme Diagonales, une manifestation rassemblant plusieurs lieux d’art contemporain en France autour de la problématique du son et de la musique dans la création, à travers une sélection d’œuvres appartenant au CNAP. Lors de sa résidence arlésienne, elle arpente les espaces les plus secrets du musée, les cryptoportiques du forum romain et d’autres lieux clos et souterrains susceptibles de révéler la part de mystère que recèlent ces univers chthoniens, typiques des villes antiques. Associant la partition sonore obtenue à un plancher équipé en sous-œuvre de haut-parleurs, Acoustic catacombs convoque tout le corps, qui se mue en une caisse de résonance vibrant au rythme des pulsations de la ville d’Arles.
Corinne Mercadier
C’est à Aix-en-Provence, où elle étudie l’Histoire de l’Art, que Corinne Mercadier réalise ses premières photographies, qui servent d’abord de modèles pour ses dessins avant de devenir un mode d’expression à part entière. Pris d’abord au Leica, ses clichés sont peu à peu re-photographiés au Polaroid SX70, dont l’optique modifie l’esthétique de l’image en la tirant vers l’abstraction. En superposant ainsi les filtres, les flous et les grains photographiques, l’artiste aboutit à des œuvres poétiques et mystérieuses, qu’elle organise le plus souvent en séries.
Corinne Mercadier – La Suite d’Arles (série). Cloître Saint-Trophime I, II et III Arles, 2003. Tirages sur papier baryté. 105 x 102,5 cm. Commande du Centre National des Arts Plastiques, en dépôt au Musée Réattu depuis 2003
La Suite d’Arles a été réalisée dans le cadre d’une commande publique de la délégation aux arts plastiques du ministère de la Culture, sur proposition du musée Réattu. Elle prend pour décor des monuments médiévaux de la ville – comme le déambulatoire supérieur du cloître de la primatiale Saint-Trophime ou le toit de l’église des Frères Prêcheurs – dont les architectures très minérales sont suspendues entre terre et ciel. Les personnages, mis en scène comme dans un théâtre d’ombres, rencontrent des objets – livres dorés, rubans, structures géométriques et abstraites, tous fabriqués par l’artiste elle-même – flottant dans l’air. Ces objets-sculptures fonctionnent comme des « images de la pensée en mouvement » et révèlent la présence du vent dans le paysage, autant que le souffle de la pensée créatrice qui traverse les images.
En 2005, Corinne Mercadier reprend le matériau engrangé pendant cette résidence pour produire un ensemble de trois photographies qu’elle baptise D’Arles, la Suite (Annonce 1 – Annonce II – Annonce III). On y retrouve la même confrontation entre l’architecture (ici un escalier à l’abbaye de Montmajour) et le ciel, le langage et le corps, et la même dédicace au thème de l’Annonciation, convoqué par la présence d’un phylactère semblant tout droit sorti d’un tableau de la Renaissance.
Jacques Réattu
Jacques Réattu – La Liberté combattant la tyrannie, les éléments et la rigueur des saisons, grisaille pour le temple de la Raison de Marseille, 1795. détrempe sur toile. 226 x 624 cm
Jacques Réattu, arelatensis, « l’arlésien »… C’est ainsi que Jacques Réattu, né en 1760 à Arles et décédé dans la même ville en 1833, signe alors qu’il est en Italie, plus précisément aux environs de Naples en 1793, alors que Grand Prix de Rome de l’Académie royale de Peinture et de sculpture en 1790, il est pensionnaire du roi, puis de la République.
Le peintre arlésien, appartient à ce groupe de peintres de la fin du XVIIIe siècle, marqués par le néoclassicisme qui émerge alors et frappé par l’un des événements majeur de l’histoire de France : la Révolution. Peintre « académique », son art incarne le passage de l’art classique de l’ancien régime à celui inspiré d’un art révolutionnaire.
Mais la carrière de Jacques Réattu, va bien au-delà de cette période somme toute assez courte puisqu’il peint jusqu’en 1830. Malgré cette longue carrière, son œuvre reste extrêmement méconnue, en grande partie parce que les grands projets auxquels il a pu collaborer ont soit été abandonnés soit parce que les œuvres ont disparu. Formé à Paris par Jean-Baptiste Regnault, le concurrent de David, Jacques Réattu suit le cursus classique des peintres de l’époque chez qui le dessin prime sur tout. Il est également un grand coloriste, capable d’envisager de grandes « machines allégoriques » au service d’un discours empreint d’humanisme.
Jacqueline Salmon
Après des études d’Histoire contemporaine, d’arts plastiques, de littérature et de danse, Jacqueline Salmon se consacre à la photographie en 1981. Elle développe une œuvre singulière, dont le principal sujet est l’étude des rapports entre philosophie, Histoire de l’Art et histoire des lieux. Elle collabore ainsi très régulièrement avec des philosophes, des écrivains et des historiens de l’art et de la photographie. Outre les commandes réalisées dans le cadre d’expositions ou de résidences, elle a aussi réalisé des installations photographiques permanentes pour la bibliothèque de Die, la Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes à Lyon, ou le Palais de Justice de Melun.
Jacqueline Salmon – La Raison de l’ombre et des nuages (série) Arles, 1997-1998. Tirages argentiques sur papier baryté. Collection Musée Réattu, Arles. Achats avec l’aide du Fonds Régional d’Acquisition des Musées, 1998
En 1997, elle reçoit une commande du musée Réattu qui donne naissance à la série La raison de l’ombre et des nuages, dont les vingt images relient deux espaces a priori antagonistes de la ville d’Arles : les cryptoportiques, galeries souterraines qui forment le socle du forum augustéen, profondément connectées aux origines de la ville antique, et des ciels mouvementés, saisis juste au-dessus de la courbe du Rhône qui coule sous les fenêtres du musée. Ancrées solidement dans le sol mais tournées vers le ciel, accrochées aux arêtes des piliers et aux perspectives rigoureuses du portique comme aux volutes mouvantes des nuages, les photographies de Jacqueline Salmon sont comme des images mobiles de l’infini et de l’éternité, qui révèlent comment la terre, le vent mais aussi l’eau – celle du Rhône, non représenté mais tellement présent dans l’esprit de la série – ont toujours façonné l’histoire, l’identité et la lumière d’Arles.