Chroniques 2020 – Éternité Part II : Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ? à la Friche – Marseille


Du 16 décembre 2020 au 17 janvier 2021, la Friche la Belle de Mai devait accueillir Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ? la deuxième partie d’Éternité, l’exposition centrale de Chroniques 2020, seconde édition de la Biennale des Imaginaires Numériques organisée par Seconde Nature et Zinc.

Les décisions gouvernementales interdisent pour le moment et probablement jusqu’à son finissage l’accès de cette exposition au public.
Pour faire exister ce projet, les organisateurs de Chroniques 2020 proposent une visite virtuelle d’Éternité Part II à la Friche réalisée par à partir de la plateforme Treedis – MSP et des outils de Matterport.

Chroniques 2020 – Éternité Part II : Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ? – Visite virtuelle

Malgré quelques réticences sur lesquelles la fin de cet article reviendra, il semble nécessaire de rendre compte de cette visite virtuelle à laquelle nous sommes probablement condamnés.

Dans un premier temps, la chronique qui suit porte un regard sur l’exposition, sur l’articulation de son discours, sur l’organisation de son parcours, sur sa scénographie, sur la présentation des œuvres et sur leur documentation avec les limites de qu’offre sa visite virtuelle.

Donatien Aubert - Les jardins cybernétiques, 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert
Donatien Aubert – Les jardins cybernétiques, 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert

Une brève analyse des outils 3D mis en œuvre, et la manière dont ils sont utilisés, évalue ensuite leur capacité à faire « vivre » l’exposition.

Enfin, un compte rendu de visite s’intéresse plus précisément aux œuvres exposées à partir des informations disponibles sur le site de la Biennale et sur ceux des artistes.

Éternité part 2 : Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ?
Regards sur l’exposition virtuelle

À lire les textes de présentation de la Biennale, Éternité Part II débute comme « une réflexion autour de l’effondrement » et affirme l’ambition de questionner « de nouvelles possibilités de vie dans l’interstice des ruines ».

Maintenant que le futur est un paradis perdu,
quel futur inédit allons-nous inventer ?

Le projet s’inscrit avec pertinence et cohérence dans l’ensemble de la programmation de Chroniques 2020. Dans une série de trois vidéos (L’éternité comme prospective, De la collapsologie à notre rapport au vivant et Le transhumanisme et ses fantômes numériques), Mathieu Vabre, commissaire général des expositions à Aix et à Marseille, résume avec limpidité les enjeux de la biennale Chroniques et la manière dont les diverses propositions s’organisent les unes avec les autres.

Le deuxième chapitre s’attarde plus particulièrement sur les œuvres présentées à la Friche et sur leur articulation dans Éternité Part II…

L’exposition se développe au quatrième plateau de la tour et occupe le vaste volume du Panorama. Le parcours est construit en quatre séquences :

Rigoureusement structurées, elles s’enchaînent avec fluidité. Si le discours est toujours très cohérent, le visiteur ne semble jamais contraint. Sa circulation dans l’espace d’exposition est guidée avec habileté. Elle lui laisse une réelle sensation de liberté, la possibilité de déambuler à sa guise, de prendre le temps de s’attarder et de revenir sur chaque œuvre sans que jamais le propos ne s’embrouille…

Éva Medin - Le monde après la pluie, 2020 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Éva Medin – Le monde après la pluie, 2020 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Sur le plateau du quatrième étage, comme au Panorama, les ouvertures vers l’extérieur sont judicieusement occultées. Les vidéos, comme les installations, les sculptures ou les œuvres en deux dimensions bénéficient d’une mise en lumière particulièrement soignée.

Des vidéoprojecteurs de dernière génération et un partenariat très efficace permettent une remarquable présentation des œuvres projetées et assure une expérience immersive exemplaire.

Dans la tour, un ensemble de cimaises construites pour l’exposition, souvent positionnées en oblique par rapport au plateau, architecture des volumes singuliers, adaptés à chaque proposition artistique. Ils jouent adroitement avec le regard du visiteur, concentrent son attention vers la pièce qui lui est montrée tout en lui offrant des perspectives multiples sur l’ensemble du parcours. Les teintes choisies (noir, gris, blanc, rouge carmin, jaune safran…) s’harmonisent avec justesse et personnalisent chaque espace en accord avec ce qui y est exposé.

Reprenant les éléments essentiels de la note d’intention, un texte de présentation à l’entrée du parcours résume à grands traits les quatre sections de l’exposition et pourquoi les œuvres présentées ont été sélectionnées.

Des cartels bilingues et enrichis accompagnent chaque proposition artistique. En regard d’une première colonne qui rappelle les enjeux de l’exposition auxquels répond l’œuvre choisie, un texte documente avec rigueur et précision la pièce exposée. Un QR Code permet d’accéder à des ressources en ligne.

À plusieurs occasions les outils de la visite virtuelle montrent leurs limites. C’est notamment la cas pour la présentation des œuvres vidéo, en VR et pour les installations sonores. Globalement, la circulation dans les deux espaces de l’exposition sont assez vite maîtrisés. Le mode «Tour controls » permet un survol global de l’exposition et le menu ou les « Inside view » offrent un accès direct à chaque œuvre. On aurait apprécié une meilleure définition des images mappées sur le modèle 3D et surtout la possibilité de lire les textes de salle et les cartels…

Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Si la visite virtuelle peut être un bon élément complémentaire, elle s’avère cependant terriblement frustrante comme outil de substitution. On espère vivement pouvoir remplacer ou compléter cette chronique après un passage à la Friche…

Commissariat : Mathieu Vabre
Commissaire associé : Wu Dar-Kuen
Scénographie : Emilie Fouilloux

Artistes exposés dans Éternité part 2 : Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ? :
Elise Morin – Fra – Spring Odyssey – Réalité Virtuelle • Su Hui-Yu – Twn – Future Shock – Installation vidéo • Ku Kuang-Yi – Twn – Millenium Ginseng Project – Installation vidéo • Chuang Chih-Wei – Twn – Infection Series – Installation Plastique • Paul Gong – Twn – The Appendix-Human – Installation plastique • Donatien Aubert – Fra – Les Jardins Cybernetiques– Installation plastique et vidéo • Rocio Berenguer – Esp – Lithosys – Projet transdisciplinaire • Future Baby Production – Fra/Twn – Unborn0x9 – Installation plastique et sonore • Eva Medin – Fra – Le Monde après la pluie – Installation vidéo • Boris Labbe – Fra – La Chute – Installation vidéo • Stefane Perraud – Fra- Sylvia – Installation sonore immersive • Quayola – Ita – Remains Series – Photographie

En savoir plus :
Sur le site de Chroniques
Visite virtuelle de l’exposition Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ?
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Éternité part 2 : Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ?
Parcours de l’exposition

Cycles

Boris Labbé – La Chute, 2018

Sur le palier du quatrième étage, le texte qui annonce l’organisation de l’exposition présente ainsi les problématiques de la fin probable de notre ère présentées :

L’image de la fin du monde, loin d’être nouvelle dans l’Histoire, a souvent inspiré les artistes et les courants esthétiques. Le symbole de la chute dans l’œuvre de Boris Labbé, la figure des ruines traitées par Éva Medin ou encore la futurologie évoquée par Su Hui-Yu nous rappelle que la fin des temps n’est pas récente dans l’histoire humaine. Nous arrivons certainement au bout d’un cycle où la place de l’homme dans le monde doit être repensée. L’histoire de la chute est celle de l’ordre hiérarchisé où l’homme occupait une place centrale.

Le court-métrage La Chute (2018) de Boris Labbé, projeté dans le vestibule qui surplombe la cour Jobin, introduit avec pertinence Cycles, la première séquence d’Éternité Part II.

Boris Labbé - La Chute, 2018 Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Boris Labbé – La Chute, 2018 Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Éva Medin – Le monde après la pluie, 2020

À l’entrée du plateau, une exceptionnelle installation immersive d’Éva MedinLe monde après la pluie (2020) accueille le visiteur dans la pénombre.

Éva Medin – Le monde après la pluie et Les jardins dilués, 2020 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Sur la droite, on découvre la projection d’une étrange chorégraphie interprété par Calixto Netto. Présentée comme une « fable vidéo », ce film et les sculptures qui l’accompagnent sont inspirés de L’Europe après la pluie, un livre de science-fiction de Philippe Curval et une peinture de Max Ernst. Au travers d’un montage qui multiplie les effets spéciaux, les illusions et les trucages, on suit les transformations, mutations et métamorphoses d’un être hybride entre figure humaine et cyborg où se métissent un monde minéral et végétal…

Éva Medin - Le monde après la pluie, 2020 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Éva Medin – Les jardins dilués, 2020 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Autour de cette inquiétante projection, et en écho avec elle, deux podiums rassemblent des sculptures réalisées en duo avec Antoine Proux lors de la résidence White Moutain College aux Beaux-Arts de Marseille à Luminy.

Éva Medin - Le monde après la pluie, 2020 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Éva Medin – Les jardins dilués, 2020 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Pour Éva Medin, il est question d’évoquer avec cette installation la possibilité d’une ère du symbioscène qui succéderait à l’anthropocène telle que la définit Glenn Albrecht. Plusieurs formes de vies hybrides y coexisteraient et permettraient d’appréhender positivement les changements écologiques et de penser autrement la relation avec la nature…

Éva Medin - Le monde après la pluie, 2020 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
© Gregoire Edouard

Su Hui-Yu – Future Shock, 2019

Le volume en entonnoir de cet espace sombre conduit naturellement le visiteur vers Future Shock, (2019), une triple projection de Su Hui-Yu. L’œuvre trouve sa source dans les théories exprimées dans l’ouvrage du même nom que le futurologue américain Alvin Toffler publie en 1970.

Su Hui-Yu - Future Shock, 2019 - - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Su Hui-Yu – Future Shock, 2018 – – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Sur trois écrans et en neuf chapitres, Su Hui-Yu nous propose une visite rétrofuturiste tournée dans la ville industrielle de Kaohsiung, au sud de Taiwan. L’artiste nous interpelle sur une société qui montre les stigmates du stress, la surabondance d’informations et des changements incessants où tout devient jetable…

Su Hui-Yu - Future Shock, 2019 - - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Rocio Berenguer – Lithosys, 2020

Dans le prolongement de la triple projection de Su Hui-Yu, Rocio Berenguer imagine avec Lithosys (2020) une étonnante et poétique réunion interespèces où l’humain, l’animal, le végétal, le minéral et la machine négocient les possibilités d’une coexistence, en utilisant le champ magnétique terrestre comme système et moyen de communication…

Rocio Berenguer – Lithosys, 2020 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Rocio Berenguer – Lithosys, 2020 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

À lire le texte d’introduction, l’œuvre de Rocio Berenguer se rattache à la troisième section Mutant Végétal. Cependant les préoccupations de l’artiste semblent très proches de celles d’Éva Medin et des potentialités d’une ère du symbioscène…

Un nouvel humain

Les espaces aménagés au fond et au centre du plateau rassemblement des œuvres de Donatien Aubert, Kuang-Yi Ku, Paul Gong et Future Baby Production autour de la deuxième thématique de l’exposition intitulée Un nouvel humain. Le texte d’introduction en présente ainsi les enjeux :

Conçue dans une esthétique de laboratoire fictionnel, les artistes nous éclairent sur les enjeux actuels de mutations, sur notre histoire, nos choix passés et qui finalement portent en eux une exigence de réforme de la raison humaine.
L’installation Les jardins cybernétiques de Donatien Aubert illustre le bouleversement, causé par la modernité technico-scientifique, des rapports entre l’espèce humaine, les autres formes de vies et les milieux dans lesquels elles s’insèrent. Les mythes du progrès aujourd’hui s’estompent et nous devons appréhender le changement nécessaire dans notre rapport à la Terre et au vivant.
Certains réfléchissent ou mettent en scène les manières par lesquelles il est envisagé de mettre les technosciences au service de la régulation environnementale, comme dans la fiction futuriste Millennium Ginseng Project de Kuang-Yi Ku ; d’autres les possibilités d’évolution de l’homme et de son corps avec l’aide des technologies (Paul Gong et le Future Baby Production).

Future Baby Production – Unborn 0x9, 2018

Au fond, sur la gauche, côté toit-terrasse, s’ouvre une salle quadrangulaire dont les murs blancs sont couverts de diagrammes et de schémas reliés entre eux. Au centre, sous une lumière qui rappelle celle des scialytiques, Unborn 0x9, un fœtus installé dans son utérus artificiel, nous observe…

Future Baby Production - Unborn 0x9, 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Future Baby Production – Unborn 0x9, 2018 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Cette troublante installation plastique et sonore est un projet du collectif Future Baby Production crée à l’initiative de Shu Lea Cheang et Ewen Chardronnet.

En collaboration avec le living lab echOpen qui développe un écho-stéthoscope à ultrasons open source pour smartphone, Unborn 0x9 a pour ambition de détourner le prototype et de pirater les ondes inaudibles de l’appareil pour produire une partition audiovisuelle interprétée par des performeurs et musiciens…

Future Baby Production - Unborn 0x9, 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Future Baby Production – Unborn 0x9, 2018 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

La visite virtuelle d’Éternité Part II rend difficilement compte de la réalité de l’œuvre. Plusieurs liens à partir d’une page de labomedia.org ( https://unborn0x9.labomedia.org/) permettent d’en savoir un peu plus. Une vidéo publiée par Shu Lea Cheang sur YouTube offre un rapide aperçu de Unborn 0x9…

Paul Gong – The Appendix-Human, 2018

De l’autre côté, au fond du plateau, le projet The Appendix-Human de Paul Gong pourrait apparaître, dans une certaine mesure, comme un écho à celui du collectif Future Baby Production autour du « transhumanisme et de ses fantômes numériques »…

Paul Gong - The Appendix-Human, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Paul Gong – The Appendix-Human, 2018 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Dans un espace qui évoque celui d’un laboratoire, Paul Gong s’intéresse au devenir technologique d’un organe archaïque de l’être humain, vestige de l’évolution, l’appendice…

Paul Gong - The Appendix-Human, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Paul Gong – The Appendix-Human, 2018 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Au centre de la salle, trône une impression 3D d’un cæcum, première partie du côlon auquel est appendue l’appendice, qui peut donner l’appendicite.

Paul Gong - The Appendix-Human, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Paul Gong – The Appendix-Human, 2018 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Deux tables exposent protocoles, schémas, modèles et un étrange menu accompagné de trois boîtes de pétri… Sur les murs, la double projection d’un film montre le dialogue deux personnes.

Paul Gong - The Appendix-Human, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Paul Gong – The Appendix-Human, 2018 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Plusieurs chercheurs pensent que l’appendice humain est fortement lié à la fonction immunitaire et aux bactéries intestinales bénéfiques qui aident à prévenir les infections.

Avec cette installation, Paul Gong s’interroge sur les potentialités futures entre l’appendice et l’homme, grâce aux technologies émergentes : Le nouvel appendice va-t-il influer sur notre alimentation ? Le nouvel appendice va-t-il enclencher des changements dans notre société ?

Paul Gong - The Appendix-Human, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
© Gregoire Edouard

Kuang-Yi Ku – Millennium Ginseng Project, 2018

Dans la salle contiguë, dont les murs jaune safran rappellent un fameux cocktail servi ici à l’été 2019, Kuang-Yi Ku expose plusieurs expériences à propos de la conception de plusieurs nouvelles espèces de ginseng de culture dont les effets sont plus puissants que l’espèce sauvage…

Kuang-Yi Ku - Millennium Ginseng Project - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Kuang-Yi Ku – Millennium Ginseng Project, 2018 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Millennium Ginseng Project a pour ambition d’apporter des solutions à la multiplication des récoltes illégales ginseng sauvage réputé, dans la pharmacopée traditionnelle, supérieur à celui qui est cultivé…

Kuang-Yi Ku présente ici trois expérimentations de son projet: Extreme Greenhouse, Moon Ginseng et Time Machine Farm

Au-delà des tout l’intérêt que présentent les propositions de Paul Gong et de Kuang-Yi Ku, on regrette leur mise en espace un peu trop rigide et didactique…

Donatien Aubert – Les jardins cybernétiques, 2020

L’installation Les jardins cybernétiques de Donatien Aubert est sans doute un des moments majeurs d’Éternité part 2 : Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ?

Elle se développe face à un court-métrage en images de synthèse qui tente de resituer les enjeux historiques de la transformation de nos représentations du vivant avec la dispersion des technologies numériques dans l’environnement.

Donatien Aubert - Les jardins cybernétiques, 2020 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Donatien Aubert – Les jardins cybernétiques – Stroll, 2020 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Plusieurs modules dont deux chrysalides de métal et de plexiglas, hébergeant des végétaux, diffusent des sons d’espaces naturels, perturbés en présence de visiteurs par une trame électronique.

Donatien Aubert - Les jardins cybernétiques, 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert
Donatien Aubert – Les jardins cybernétiques – Chrysalides, 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert

Une serre en forme de capsule spatiale abrite d’autres plantes. Des modèles – imprimés en 3D ou rendus en images de synthèse – montrent des végétaux disparus depuis les débuts de la révolution industrielle…

Donatien Aubert - Les jardins cybernétiques, 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert
Donatien Aubert – Les jardins cybernétiques – Eco-fuse, 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert

L’ensemble démontre avec évidence la richesse de la réflexion de l’artiste, la cohérence de son propos et la puissance de ses productions plastiques… et sa capacité à nourrit l’imaginaire du regardeur !

Donatien Aubert - Les jardins cybernétiques, 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert
Donatien Aubert – Les jardins cybernétiques – Étrennes, 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Donatien Aubert

Chuang Chih-WeiInfection Series : Commensalism, 2018

Face aux jardins fascinants et angoissants de Donatien Aubert, une cimaise coupe le plateau d’exposition en diagonale. Couverte d’un rouge sombre, entre grenat et passe-velours (la nuance exacte est selon le site de l’artiste un « Chinese Sensation »), elle présente une œuvre de Chuang Chih-Wei intitulée Infection Series : Commensalism.

Chuang Chih-Wei -Infection Series ; Commensalism, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Chuang Chih-Wei -Infection Series ; Commensalism, 2018 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Huit patates douces, sont enserrées par une ceinture métallique et fixées au mur. Traversées par un tube fluorescent, elles expriment leur « vitalité » par la pousse de racines et de quelques tiges feuillues…

Sans lire le cartel, la pièce reste assez énigmatique… Chuang Chih-Wei évoque « une relation belle et cruelle entre la lampe et la plante » et le concept de sa série renverrait au « fait que les amis et la famille sont infectés par la maladie les uns après les autres »… Le site de Chroniques reproduit une traduction du texte de Chuang Chih-Wei dont les intentions peuvent laisser le visiteur perplexe…

Chuang Chih-Wei -Infection Series ; Commensalism, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai
Chuang Chih-Wei -Infection Series ; Commensalism, 2019 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai

Oubliée du texte de présentation, on ne sait trop à quelle section les commissaires raccrochent Infection Series : Commensalism… peut-être a-t-elle sa place dans Mutant Végétal.

Chuang Chih-Wei -Infection Series ; Commensalism, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Chuang Chih-Wei
© Chuang Chih-Wei

Mutant Végétal

Peu de pièces dans cette section présentée ainsi par le texte d’introduction :

Comment allons-nous coexister entre vivant et non vivant ? La coexistence des espèces est une des solutions envisagées dans le système imaginaire de communication Lythosys de Rocio Berenguer.
Comment nous allons pouvoir vivre et nous adapter face à ces mutations ? Elise Morin met au cœur de son projet Spring Odyssey la radioactivité et questionne la mutation génétique des plantes au contact des radiations. Suivant les concepts de la Dark Ecology, il ne s’agit pas de nier la catastrophe écologique, mais de repenser le monde à partir de tous les organismes vivants, sources d’enseignement, qui coexistent aujourd’hui, qu’ils soient mutants ou pas, visibles ou non, sans hiérarchie.

On ne reviendra pas sur l’œuvre de Rocio Berenguer qui trouve assez logiquement sa place dans la séquence précédente.

Élise Morin – Spring Odyssey, 2018

La dernière proposition exposée dans le quatrième plateau de la tour est celle d’Élise Morin qui présente avec Spring Odyssey un espace entre le réel et le virtuel, une expérience mixte autour de l’invisibilité de la radioactivité.

Élise Morin - Spring Odyssey, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Pierre Gondard
Élise Morin – Spring Odyssey, 2019 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Pierre Gondard

Il est difficile de « rendre compte » ici de cette installation sans avoir fait l’expérience VR interactive qui en est au centre… Toutefois les quelques images et séquences qui en sont extraites, au cœur de la forêt rouge ukrainienne, à moins d’un kilomètre de Tchernobyl, laissent songeur. On espère avoir l’occasion d’expérimenter un jour cette visite virtuelle…

Élise Morin - Spring Odyssey, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Pierre Gondard
Élise Morin – Spring Odyssey, 2019 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Pierre Gondard

Paysages éternels ?

La dernière partie d’Éternité part 2 : Que voulons-nous faire pousser sur les ruines ? se développe dans le vaste volume du Panorama plongé dans la pénombre.

Quayola - Remains series - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Quayola – Remains series – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Le texte d’introduction sur le palier du quatrième étage semble avoir oublié l’étonnante installation photographique Remains de Quayola qui paraît être une des pièces maîtresses de l’exposition :

Alors que le présent semble incertain et chaotique, Sylvia de Sylvie Perraud nous plonge dans un récit d’anticipation du vivant en renouvelant la lecture du mythe de la fin des temps du 21e siècle tout en le mêlant aux théories d’anticipation, pour voir éclore un nouvel imaginaire. L’exposition se termine par cette fiction sonore qui nous plonge dans l’évolution d’une forêt du Jura jusqu’en 20 019 et libère l’imaginaire du spectateur pour construire son propre futur.

Quayola – Remains series, 2018

Tout laisse à penser que l’expérience d’un face à face avec les Remains series de Quayola est un moment mystérieux et fascinant… Si l’exposition reste inaccessible, ce sera sans doute un des grands regrets de ne pas avoir été confronté à ces « paysages naturels observés et analysés à l’aide d’appareils technologiques perfectionnés et remaniées grâce à de nouveaux modes de synthèse visuelle ».

Quayola - Remains series - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
© Gregoire Edouard

Stéfane Perraud & Gaspard Guilbert – Sylvia, 2019

Si les images des Remains series et les vues de l’exposition permettent d’apprécier ce que montre Éternité part 2, il est beaucoup plus difficile d’évaluer ce que peut être l’expérience proposée par Stéfane Perraud & Gaspard Guilbert avec Sylvia, l’installation sonore immersive qui occupe le Panorama côté toit-terrasse…

Stéfane Perraud & Gaspard Guilbert - Sylvia, 2019 - Biennale Chroniques 2020 - Éternité part 2 - Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard
Stéfane Perraud & Gaspard Guilbert – Sylvia, 2019 – Biennale Chroniques 2020 – Éternité part 2 – Friche la Belle de Mai © Gregoire Edouard

Cependant tout indique que le voyage fictionnel sur plus 20 000 ans, au cœur de ce massif forestier du Risoux dans le Parc naturel régional du Haut Jura, est probablement un moment curieux et édifiant…

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